ANTON

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anton, mon cher anton,
c'est à toi que j'écris la lettre qui me tient le plus à cœur, celle qui, je le sais, a le plus d'importance. je t'écris comme j'ai écrit à tous les autres hommes qui ont fait partie de ma vie ; parce que je ne sais pas faire sans les mots. je suis incapable du silence, de leur silence, de mon propre silence. enfant, je ne savais pas me taire et sur mes bulletins on disait que j'étais trop bavard. personne n'a jamais compris ce besoin maladif qui est le mien, cette soif de l'écrit qui ne me quitte jamais. je crois qu'elle se couple à une peur de la mort, quelque chose de démesuré avec laquelle je ne sais vivre.

je ressens une impuissance terrorisante lorsque je suis loin des mots, lorsque le monde extérieur m'impose le silence — ou que je n'ai pas d'autres choix que de me l'imposer à moi-même. j'ai besoin des mots comme d'une cigarette ou d'une bière, c'est viscéral et ça vient de loin. je crois que c'est pour cela que je suis venu au confessionnal — que je suis venu te voir. il me faut quelqu'un pour me dire de parler, de m'écrire en continu, quelqu'un qui ne me laissera jamais tomber dans l'oubli ; quelqu'un qui lui résiste.

je sais que tu es ce quelqu'un, c'est écrit dans ce que je n'arrive pas à dire. car oui, anton, je ne sais pas tout dire, parfois je suis dans l'impuissance et l'insuffisance de moi, d'un langage qui me devient inconnu. les mots font de moi qui je suis, un pantin que je feins contrôler, que je dis connaître — j'ai toujours admiré les gens qui savent qu'ils se connaissent, qui en ont une certitude inébranlable.

au final, je crois que je parle beaucoup pour ne rien dire.

j'ai commencé à écrire dans l'adolescence, une évidence pour surmonter mes propres changements. je m'écrivais des lettres à moi-même, comme pour me reconnaître quelque part et devenir celui que je voulais être. c'est seulement des années plus tard que je me suis rendu compte que je ne voulais rien être du tout et que la connaissance de moi-même était vaine ; je ne m'aimais pas.

je n'ai jamais su m'aimer, personne ne me l'a jamais appris. je me suis toujours demandé si s'aimer c'est inné, fondamentalement ancré en nous ou bien s'il nécessite une construction de soi. a-t-on besoin de quelqu'un pour s'aimer ?

la réponse est oui, bien sûr qu'elle est un oui. j'ai côtoyé l'amour à travers des autres, je lui ai donné une forme qui était leurs corps, leurs visages et un nom qui étaient les leurs. alors, pendant longtemps dans ma vie, l'amour s'est appelé ernest, sosteneo, nael, darius et terence (surnommés E, S, N, D et T). l'amour, pour moi, n'a jamais eu le nom d'amour. il était les autres et non ce que je vivais avec eux.
aujourd'hui, pourtant, j'ai la certitude que l'amour m'est devenu connu et qu'il est ce que j'ai de plus cher.

l'amour anton, ce n'est pas toi. non, l'amour c'est grâce à toi et ça, ça change tout.

il y a quelque chose avec toi qui ne s'oublie pas ; un apaisement certain et intense qui brûle au fond de moi. je me sens plein et entier avec toi, dans cet abrutissement presque d'une vie passer à s'aimer. cette vie est nouvelle, renaissant d'un temps où nous étions absents, et pourtant si ancrée dans le présent. entre nous, il y a tout ce que je n'ai jamais connu avec les autres. te parler c'est comme me parler à moi-même et me perdre dans les tréfonds de ce que je pense être. être avec toi est comme un retour sur moi-même, se regarder dans miroir et voir son reflet sourire.

être avec toi, anton, ça veut tout dire. je devrais me taire parfois, pour ne pas abimer le silence qui danse dans notre amour.

je devrais simplement te laisser passer tes bras autour de ma taille, les corps qui se heurtent sans bruit, sans aucune souffrance. je ne veux plus d'agonie dans mes amours. tu mérites que je te laisse mon corps, que je te le donne, que je te l'abandonne même. l'amour avec toi se fait comme une lueur, en plein jour sur nous-mêmes et notre désir. tu es un fourre tout à plaisir, anton, un amas de ce que personne ne veut jamais dire. tu es l'indicible de l'amour parce que tu es bien trop grand, trop toi, pour être résumé en quelques mots.

alors, mon écriture en devient vaine.

je devrais me taire, cesser cette course folle avec l'impossible. mais je ne suis pas raisonnable et tu m'aimes pour ma démesure. alors je t'écrirai jusqu'à tout perdre, jusqu'à l'éventrement final et sûrement atroce de mes mots. je t'écrirai même quand le monde disparaîtra, quand nous ne connaîtrons plus le monde. je t'écrirai pour apprendre à me taire, même s'il est vrai que j'espère secrètement que ce jour n'arrivera pas. je plais à notre vie éternelle, un oubli qui ne te connaîtra pas et à une absence que tu ne sentiras jamais plus.
je suis sentimental.
je ne suis que sentiments.

anton, je ne veux jamais t'appeler A, sache le. je ne veux pas te prêter la haine de moi-même et t'en habiller pour maquiller ton absence. j'ai écrit toutes les précédentes lettres, à tous les autres amoureux, pour faire retour sur moi-même. parce que je ne veux pas répéter avec toi les erreurs que j'ai commises. je ne veux plus être capable du mal et de la détestation de ma personne ; je veux t'aimer comme si c'était la première fois.
je vais t'aimer comme si tu étais mon premier amour, le seul amour que le monde n'ait jamais connu. l'amour, c'est pour toi maintenant.

je me tromperai sûrement parfois (pardon pour le mauvais jeu de mots) parce que tout cet équilibre que fait naître l'amour est fragile, un coup de vent peut l'ébranler, l'envoyer valser. je ne veux pas que tu aies peur, peur de moi ou de ce que je pourrai te faire. je ne veux plus rien gâcher, fini les amours fanées et la haine en bouquet.

je m'excuse pour les choses horribles que j'ai faites, pour mon passé terrorisé et puis surtout, je suis désolé de ne pas savoir m'aimer. mais maintenant je ne suis plus seul face à la détestation de ma personne ; tu es près de moi et l'amour est de ces parfums qui ne s'oublie jamais. j'aime ta présence à mes côtés anton, c'est comme une promesse, une certitude — tu es inoubliable, mémorable. j'aime cette fragilité à laquelle tu aspires, cette douceur qui t'anime et puis la tendresse sur ton visage quand tu me regardes. tu as un voile de pureté dans les yeux, quelque chose qui virevolte dans les tempêtes et qui vibre dans l'amour. l'amour, avec toi, se fait comme s'il n'avait pas vraiment lieu. on se touche du bout des doigts, plus certains tout d'un coup que l'autre existe réellement. mais une fois les peaux tendues de désir et les corps qui n'en peuvent plus, qui réclament cette extase sans fin, il ne reste rien de notre candeur, de toute pudeur. quand je suis avec toi, je suis pleinement avec moi-même. tu me rends libre d'être qui je suis, que ce soit dans l'amour ou dans la vie.

tu es de ces êtres qui portent la vie en eux comme seule raison d'être.
je nous veux pour toujours, je veux notre chez nous, notre endroit. je veux qu'on vive ensemble pour l'éternité qu'il nous reste, une éternité d'une seconde ou bien d'un toujours. je nous veux d'une soif insatiable, meurtrière presque. je nous veux vivants et sans peur de l'être.

tu sais anton, je ne cesserai de me demander pourquoi et comment. je ne cesserai de repenser à cette première phrase, à ce premier regard, à ce premier baiser, ce premier amour qui n'en est pas vraiment un. il y a quelque chose d'incompréhensible là-dedans, quelque chose que je ne veux pas comprendre du moins. je veux laisser le doute et l'incertitude de notre rencontre planer au-dessus de nous ; nous méritons plus qu'une simple fatalité du destin. ce jour-là n'est pas une évidence mais plutôt un coup de chance, quelque chose qui n'aurait peut-être même pas dû ou pu se produire. c'est le hasard et la rencontre de deux êtres qui auraient pu vivre dans des dimensions parallèles. je crois que je parviens enfin à comprendre pourquoi et comment tu crois en dieu ; la croyance tient dans l'éphémère et dans la contingence des corps. la croyance c'est une histoire d'ici et de maintenant.
je me demande combien de temps dure l'éphémère avec toi — des milliers de vies je l'espère. je me demande si je serai assez stable pour cette relation, assez bon, assez bien ; assez. je me demande aussi si je ne serai pas trop ; j'ai peur d'être (de) trop.

j'ai peur de ne pas être comme il faut — pour toi.

ne te laisse pas devenir un chagrin d'amour anton, ne me laisse pas t'appeler A. je te l'implore, ne me laisse pas te faire du mal, ne me laisse pas. je ne veux pas perdre ton odeur de café noir et de lavande, les onze grains de beauté que tu as dans le dos, la vue de ton corps fraîchement nu dans les draps au réveil, tes petits mots dans mes affaires - et ton prénom suivi d'un soleil en guise de signature - la maladresse de tes mains, de ton corps partout et tout le temps, ta collection d'affiches et de flyers qui envahit ton appartement, tes gribouillages - comme tu les appelles - dans des livres, des carnets, sur des feuilles volantes, ta présence et la quiétude qu'elle appelle, à laquelle elle aspire. je ne veux rien perdre de tout ça, je ne veux pas te perdre, anton.

tu me diras qu'il n'y a aucune raison pour qu'une telle chose arrive - je t'imagine actuellement dire cela, la voix profondément délicate et tendre. tu as la voix de l'amour. tu as le corps de l'amoureux, de l'amant, de l'ami ; tu as le corps de ceux qui comptent, ceux qu'on ne peut pas oublier. je ne t'oublierai jamais anton. et cette absence de l'oubli sera encore plus immense que celle de toutes les autres amours que j'ai vécu : on ne s'abandonnera jamais à la séparation, toi et moi. alors, contrairement à ce qui reste des autres, je n'oublierai aucune de tes habitudes, aucuns de tes rituels ou de tes désirs. je serai toujours avec toi, conscient de l'infinité de ton être. je connaîtrai tout de toi et je n'aurai pas l'occasion de laisser l'oubli se nourrir de qui tu es. tu es mon inconnu anton, celui qui aura toujours en lui cette part d'existence que seul le hasard a bien voulu nous offrir.

l'inconnu ne s'oublie pas ; l'inconnu est l'amour et l'amour est un inconnu.

je te connais dans l'amour anton, dans l'amour naissant de moi-même, celui que tu aides à bâtir. je te connaîtrai anton, car l'amour n'a pas de disparition.
tendrement et avec amour (beaucoup d'amour),
L.

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