Après cette nouvelle nuit d'insomnie, j'ai pris trois décisions.

La première, je vais aller m'acheter des somnifères aujourd'hui. Je n'ai jamais eu aucun mal à m'endormir normalement, mais là, ce n'est plus possible, ça fait quatre jours que je n'ai quasiment pas fermé les yeux de la nuit, je ne vais plus pouvoir tenir longtemps comme ça.

La deuxième, je vais appeler les avocats de mes parents, peut-être que leur regard nouveau sur la situation me permettra de m'en sortir. Et quand bien même, je suis convaincu qu'ils ont une suffisamment bonne expérience pour me préparer une défense imparable. Parce que j'en suis sûr, je ne vais pas pouvoir échapper au procès, il faut être réaliste, je suis le seul coupable et personne n'en cherche d'autres.

Et la dernière, la plus importante, je vais contacter un détective privé, le meilleur d'Australie s'il le faut, et je lui demanderai d'enquêter sur l'affaire, quel que soit le prix, l'argent n'est pas un problème, je veux des réponses. Mes parents risquent d'être en colère contre moi si je puise dans les comptes, mais je n'en ai rien à faire, ça n'a pas la moindre importance, tout ce qui compte, c'est Kamala. Et de toute manière, mes parents me doivent bien ça, après tout, c'est sûrement ma mère qui a encore plus aggravé mon cas et vu le peu que mes parents ont toujours fait pour moi, ça vaut bien les meilleurs avocats et le meilleur détective privé.

Mes décisions prises, il ne me reste plus qu'à affronter cette journée de cours en tâchant de ne pas m'endormir... Rien n'est garanti aujourd'hui. En tout cas, ce qui est sûr, c'est que la nuit n'a pas porté conseil aux personnes de mon lycée, elles sont toujours aussi idiotes... J'en viens même à me demander si j'arriverai à tenir jusqu'à la fin de l'année dans ce climat. Après, peut-être qu'ils finiront par se calmer au fil du temps, qui sait ? Tout est possible. Ou peut-être que plus réalistement, d'ici la fin de l'année, je serai en prison et je ne pourrai même pas valider mon bac... Tout dépendra de l'enquête.

Je ne sais même pas comment ça se passe dans ces cas-là, est-ce que l'on peut poursuivre ses études, même en prison ? Je ne supporterai pas de devoir abandonner les cours pour une durée indéterminée, vraiment, je ne m'en remettrai pas, surtout pour quelque-chose que je n'ai pas fait. Je n'ai jamais eu l'ambition de faire de longues études, mais je ne veux pas non plus m'arrêter avant le bac, je veux au moins passer une licence. Même si je commence à me demander si ce sera un jour possible... Je ne sais pas combien de temps de prison c'est pour meurtre, mais ça doit être long, alors si en plus, on m'accuse de la disparition de ma sœur et de son copain, ça sera encore plus long.

Jamais au grand jamais je n'ai autant regretté le départ d'Ophélie.

Le point positif, c'est que je n'ai jamais été capable de citer un moment où je me suis vraiment senti mal en cours, maintenant, je n'ai aucun problème pour en citer plusieurs. Suite à cette nouvelle journée atroce, je rentre en vélo chez moi, après avoir promis à Djalu et Alinta que je viendrai chez eux au moins pour manger ce soir. Je n'ai pas particulièrement envie de retourner chez moi, mais j'ai besoin de calme pour passer tous les appels que j'ai prévus, alors c'est le mieux à faire. Sans compter que les Snow s'inquiète déjà suffisamment pour moi, inutile de les paniquer en leur apprenant que j'ai besoin de somnifère, même si vu ma tête, ils doivent bien se douter que j'ai des problèmes de sommeils, ce qui, compte tenu de ma situation, semble parfaitement normal. Même si dans les faits, je ne devrais pas avoir d'hallucination, je ne compte d'ailleurs pas en parler à qui que ce soit, j'ai déjà assez peur de ma santé mentale comme ça.

Une fois dans le silence de l'imposante maison dans laquelle je suis censé vivre, j'appelle les numéros qu'Ekala m'a passé, ceux des équipes d'avocats de mes parents. Je trouve d'ailleurs toujours ça assez étonnant qu'ils aient chacun sa team d'avocats au cas où pour leur travail, ils pourraient sûrement avoir la même pourtant, surtout que ce sont des avocats privés, mais apparemment, ils ont toujours préféré les dissociés, sans doute en cas de problèmes conjugaux. Comme s'ils pouvaient avoir le moindre problème en se croisant dix jours par an. En attendant, ça devrait jouer en ma faveur puisque je vais me retrouver avec deux fois plus de personnes pour me défendre. Je pense honnêtement qu'il faut au moins ça.

— Cabinet d'avocat Coldman, que puis-je faire pour vous ? m'interroge un homme qui a une petite voix trop délicate et innocente pour coller au métier d'avocat, au point que j'en conclus qu'il est soit en formation, soit secrétaire.

— Oui allô, je suis Pâris Wilson, le fils de... hésité-je en vérifiant que j'appelle bien le numéro associé aux avocats de mon père. ...Roselin Wilson. Je vous appelle pour prendre contact avec ses avocats, il m'a conseillé de vous téléphoner.

Ce n'est pas totalement vrai puisque c'est ma mère qui me l'a conseillé, mais je n'ai pas besoin de leur dire.

— Très bien, c'est pour quel type d'affaires ?

— Je ne connais pas bien les différents types, mais je suis le principal suspect dans la disparition de ma petite amie et je pense que l'on m'accuse également de meurtre.

— Sur la même victime ?

Je ne veux même pas savoir quel genre d'affaires les avocats voient passer tous les jours pour que le secrétaire pose ces questions-là.

— Évidement !

— Et vous êtes coupable ?

— Bien sûr que non ! Je ne lui ai absolument rien fait !

— Je ne fais que demander, remarque-t-il presque sur le ton d'un reproche. Vous a-t-on déjà communiqué une date pour un procès ?

— Non, l'enquête a seulement été ouverte dimanche.

— Alors pourquoi nous appelez-vous dans ce cas-là ?

Je pense que le sujet de l'appel est quand même plutôt clair, j'appelle parce que j'ai besoin d'avocat.

— Parce que j'ai déjà fait quarante-huit heures de garde à vu.

— Très bien. Je vais vous mettre en contacte avec maître Nguyen et maître Walker, ils ont déjà travaillé avec votre père et ils sont spécialisés en droit pénal, en fonction de la gravité de votre affaire, ils pourront vous mettre en contacte avec d'autres avocats afin de renforcer vos chances face à un possible procès.

Je ne veux même pas savoir pourquoi mon père a deux avocats qui peuvent être compétant face à une affaire de meurtre ou d'enlèvement. En appelant, je n'ai rien espéré de plus que d'avoir des contacts fiables avec des avocats compétents, je n'aurai pas pensé qu'il était possible que je me retrouve avec des avocats de mon père. En attendant, je note leurs coordonnées, ne doutant pas un instant qu'ils seront parfaitement compétents, mon père veut toujours le meilleur de tout et de tout le monde. Une fois mon appel fini, je contacte le numéro associé aux avocats de ma mère, après tout, ma mère a l'air très motivée pour que j'aie le plus d'avocats possible alors je vais suivre ses recommandations. À nouveau, j'ai le droit au même type de blabla, mais la secrétaire cette fois, ne semble pas vraiment croire en mon innocence, ce que je trouve honnêtement très moyen, je ne demande pourtant rien de plus d'être cru, je ne suis pas un tueur en série, j'ai juste subi plusieurs malheureux concours de circonstances qui n'était pas en ma faveur, mais je n'ai pas la moindre idée de ce qui a vraiment pu se passer, je payerai d'ailleurs très cher pour le savoir et enfin avoir des réponses, mais elle semble totalement inaccessible.

En attendant, malgré une certaine impolitesse chez cette secrétaire, je parviens à obtenir trois autres numéros... Je vais finir par être occupé pour un bon bout de temps. Avant de devenir totalement exaspéré par ma situation, je prends la peine d'appeler chacun des avocats afin de leur exposer ma situation en détail, j'ai l'impression de répéter cinq fois exactement les mêmes informations : ce qu'il s'est passé, les circonstances, ma garde à vu, les rares preuves de mon innocence, les nombreuses preuves incriminantes, absolument tout y passe, rien ne m'est épargné.

Le pire, c'est la conclusion sans appel de chacun des avocats, si l'enquête continue de se concentrer sur moi, plusieurs avocats ne seront absolument pas de trop, en plus aucun encore n'a été confronté à ce genre de disparition inexpliquée, de quoi empirer encore plus ma situation.

Réjouissant.

Je finis par les mettre tous en contact, leur annonçant que tous les moyens leur seront alloués s'ils remportent l'affaire, l'un d'entre eux me communique également les coordonnées d'un de ses bons amis avocats habitant à Hobart en cas de possible nouvelle garde à vue...

Jamais encore je n'avais passé d'appel qui m'avaient autant mis un coup au moral, c'est génial.

Afin de tenter de terminer sur une note plus joyeuse – si tant est que ce soit possible –, je termine ma joyeuse petite série en téléphonant au meilleur détective privé d'Hobart. Je sais que de base, j'étais parti sur le meilleur d'Australie, mais en songeant à l'hébergement, j'ai pensé que même si mes parents ont une situation financière confortable, ils ne seront pas éternellement conciliants avec moi, surtout que je n'arrête pas de faire des transactions avec leurs sous et que je ne les ai toujours pas prévenus. Tout à l'heure, si j'ai encore un peu de temps et de motivation, je les appellerai eux aussi, juste par principe.

— Détective privé Kelly, que puis-je faire pour vous ?

— Oui allô ? Je vous appelle afin de vous demander si vous étiez disponible pour enquêter sur la disparition de quelqu'un.

— Bien évidemment. C'est quel type de disparition ? Fugue ? Disparition volontaire ? Disparition inquiétante ?

— Une disparition inquiétante, je soupçonne un kidnapping.

— Avez-vous déjà prévenu la police ?

— Oui, mais je pense être leur principal suspect.

— Quand la disparition a-t-elle eu lieu ?

— Dimanche.

— Le douze juin ?

— Oui.

— La victime était mineure ?

— C'était le jour de ses dix-huit ans.

— Êtes-vous certain que ce n'est pas une disparition volontaire ?

— Absolument, elle ne serait jamais partie.

— Très bien, il va donc me falloir plus de détails pour pouvoir ouvrir l'enquête, puis-je fixer un rendez-vous avec vous à mon bureau afin que nous en discutions plus en détail ? vérifie-t-il en semblant étrangement motivé et heureux, comme si je venais de lui refaire sa journée, ce qui est sûrement le cas.

— Sans problème.

— Quand seriez-vous disponible ? m'interroge-t-il.

— N'importe quand, je m'arrange.

— Tout de suite ? insiste-t-il voulant apparemment ouvrir l'enquête au plus vite.

— Il me faut le temps de faire le trajet, mais oui.

— Combien de temps ?

— Quinze minutes à peu près.

— Parfait, je vous retrouve donc dans un quart d'heure dans mon bureau, plus vite la procédure sera lancée, mieux ce sera.

Il est vraiment impatient, aucun doute là-dessus. Personnellement, ça ne me pose pas le moindre problème, au contraire même, c'est tant mieux pour moi et pour Kamala, mais à l'entendre, ça semble être un fanatique, c'est impressionnant.

— Je serai là, promis-je.