Chapitre 10

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Tentant le tout pour le tout, je pars en direction de l'hôpital, espérant sincèrement y trouver ma voiture. Mais avant d'avoir atteint le parc, je me vois au milieu de la salle à manger, chez moi... au côté de ma famille. Saisissant l'occasion dont je rêvais depuis plusieurs heures maintenant, je me concentre sur cette vision aussi fort que possible et la chance me sourit, je suis rentrée chez moi. Contrairement à ma vision, ma famille n'est pas au complet dans l'espace salle à manger, il n'y a que ma mère, en pleure, assise sur une chaise dos à moi... J'aimerais tellement pouvoir la réconforter. J'aimerai tellement tellement ça. Mes pauvres parents, j'aimerais les rassurer, leur dire que leur fille va bien, qu'elle n'a rien. Mais je ne peux pas... Même quand je pose ma main sur l'épaule de ma mère, elle ne réagit pas, elle ne me sent pas... Je suis impuissante... Je suis peut-être rentrée chez moi, mais je ne suis pas moins démunie et incapable d'accomplir quoi que ce soit.

J'en ai vraiment marre, j'aimerais tellement faire quelque chose pour quelqu'un, n'importe qui, ça n'a aucune importance, mais que je puisse influer volontairement sur la vie des autres, pas juste en disparaissant. Malgré ma faim, je ne reste pas dans la cuisine, ne supportant pas la présence de ma mère en deuil... Je préfère encore aller me coucher le ventre vide. Mais avant d'atteindre ce point, j'ai besoin de me laver, la nuit en prison ne m'a pas réussi, pas plus que la journée. Je monte donc les escaliers et je rejoins la salle de bain. Rapidement, je me déshabille et passe sous la douche. Une fois propre et sèche, j'enfile ma chemise de nuit, puis je redescends dans l'espoir de trouver la cuisine vide. Par chance, c'est le cas, ma mère a rejoint mon père dans le salon, l'ambiance n'a pas l'air d'être plus joyeuse, mais au moins je peux les ignorer, eux et leur peine, malgré toute la culpabilité que ça me crée, j'ai l'impression d'être une fille indigne.

Après avoir rapidement inspecté les restes du frigo, je me sors une part de tourte, avant de me sortir des couverts et de la vaisselle... À mon grand étonnement en ouvrant le placard, je découvre qu'il y a toujours mon verre de ranger, mon verre préféré, l'unique verre rouge de la maison, celui que j'ai cassé hier soir... Pour je ne sais trop quelle raison, il est toujours rangé à sa place, en parfaite état, comme s'il n'avait pas été exploser sur le sol et jeter à la poubelle. Honnêtement, je n'aurais pas vécu c'est quarante-huit dernières heures, je me serais cru totalement folle et je n'y aurais pas cru un seul instant, mais maintenant, plus rien ne m'étonne vraiment. Ça de plus, ça de moins. À un certain stade, je commence à me faire à l'idée que je n'ai aucune quelconque forme d'existence et d'influence sur le monde qui m'entoure.

Je n'aurai juste pas cru que ce soit à ce point, parce que là quand même, c'est du haut niveau. Parce que là, définitivement, ça signifie que je peux faire n'importe quoi sur le monde qui m'entoure, ça reviendra à sa juste place comme s'il ne s'était rien passé. Et pas seulement aux yeux des autres, aussi à mes propres yeux... C'est à la fois fascinent, hallucinant et effrayant, c'est impressionnant. J'en viens même à me demander si je peux commettre n'importe quel crime sans que quoi que ce soit ne se passe vraiment aux yeux de monde. Je me demande qu'est-ce qu'il se passerait si je cassai autre chose qu'un verre. Ou plus grave encore, si je commettais un vol. Ou pire, si je commettais un meurtre... Il faut que je me calme. Et que je dorme. Et que j'arrête d'écouter mon côté sadique, ce n'est plus possible. Je ne vais pas faire ça, c'est tout simplement exclu. Même commettre un vol d'ailleurs, c'est totalement hors de question. Je sais que j'ai peut-être déjà fait pire aux yeux de la loi en fouillant dans les pièces à convictions d'une enquête, mais le sujet n'est pas là.

Arrêtant de me poser des questions auxquelles il ne vaut mieux pas penser, je prends ce foutu verre et je m'installe à table avant de commencer à manger. Et dès que j'ai terminé, je mets tout dans le lave-vaisselle, même si je me doute bien que demain, tout aura rejoint le placard. Puis je vais enfin me coucher... Et je m'endors presque immédiatement après ces longues journées que j'ai vécues...

Je me réveille en sursaut, le cœur battant, couverte de transpiration après un cauchemar. Impossible de déterminer le sujet de ce dernier, c'était un mélange de prison, de fantôme, de meurtre, le tout se rapprochant d'un peu trop près de ma réalité à moins que je n'arrive pas à faire la différence entre les souvenirs de mon rêve et mes visions qui ont repris de plus belle à partir du moment où je me suis réveillée. J'essaye de respirer pour calmer mon rythme cardiaque, mais c'est quasiment impossible, j'ai encore trop d'adrénaline dans les veines à causes de mon rêve.

Décidant de prendre l'air, je vais jusqu'à ma fenêtre et l'ouvre avant de m'asseoir sur le rebord. J'ai l'impression de devenir complètement folle. Ce que je vis, c'est de la folie. Purement et simplement de la folie. Rien que de la folie. Je n'en dors plus la nuit, c'est hallucinant... Il n'est même pas encore minuit que je suis déjà réveillée... Je n'ai même pas dormis deux heures. Et pourtant, alors que je n'ai pas fermé l'œil la nuit d'avant, je ne sens même plus la fatigue à cause de mon rêve. C'est épuisant.

Et ces visions... Je vais finir pas les tuer à force, j'en ai juste marre. J'ai l'impression de ne pas pouvoir m'en débarrasser, elles suivent partout. Tout le temps. Et je ne comprends pas leur logique, leur fonctionnement, c'est trop flou, il y a des rapports, des liens que je n'arrive pas à faire. Et pourquoi les personnes n'arrêtent pas de penser à moi. Je veux juste que ça s'arrête. Je veux juste une pause, au moins le temps d'une nuit... Je vais vraiment finir pas haïr Pâris. Parce que une fois de plus, ça doit être lui le principal responsable. Et je l'accuse sans vergogne vu qu'il me faut un coupable. Après tout, ce n'est pas moi qui m'imagine en prison à ses côtés. Je ne vais pas refaire la même erreur qu'hier, mais honnêtement, j'ai très envie de le rejoindre et de passer mes nerfs contre lui jusqu'à ne plus avoir de voix. Ça n'aurait absolument aucun sens mais bon sang qu'est-ce que j'en ai envie. Il m'énerve tellement, tellement, ça me rend folle. Je veux qu'il me foute la paix. Rien de plus.

Mais malgré toute ma colère, dans ma grande contradiction, j'ai pitié de lui. Je ne sais pas depuis combien de temps il est enfermé dans cette foutue prison, mais pour avoir passé près de vingt-quatre heures à ses côtés, je n'envie absolument pas sa place maintenant que ma liberté m'a été rendu. Surtout maintenant que je suis convaincue de son innocence et que je connais l'erreur monstrueuse qu'est son emprisonnement. Mais malgré tout ce n'est pas une raison pour me rendre totalement folle. Et je n'irai pas le rejoindre dans sa solitude parce que cet idiot refuse de croire en ma présence. Alors qu'il se débrouille tout seul. De toute façon avec ou sans moi il se sentira seul. Alors je n'irai pas.

Et mon dieu je ne suis pas fatiguée, c'est une catastrophe. Je devrai pourtant être totalement épuisée, ce serait normal, mais je n'y suis absolument pas. Bien au contraire même, je suis prête à courir un marathon à tout moment actuellement. Il est minuit, j'ai dormi deux heures ces dernières quarante-huit heures et je suis prête à courir un marathon alors que je devrai juste vouloir dormir. Et mentalement, je veux dormir, c'est physiquement où j'en suis incapable.

Je ne me plains peut-être jamais autant la journée parce que je fais autre chose, mais j'en ai assez de ces visions, elles sont infectes quand on essaye de dormir, c'est juste pas possible. Bon actuellement, je suis assise sur un rebord de fenêtre, je n'essaye pas de dormir, mais c'est tout de même infect parce que j'aimerai être en train de dormir. Juste dormir, pas rêver, je ne veux pas rêver, c'est trop bizarre et perturbant. Mais dormir. C'est déjà un bon début. Un bon début que j'ai l'impression d'être incapable d'atteindre.

Décidant que ce n'est pas depuis ma fenêtre que je vais réussi à dormir, je me réinstalle dans mon lit malgré mon absence totale de fatigue. Et je soupire, agacée. Je déteste rester quelque part à ne rien faire, vraiment. Abandonnant d'avance de me rendormir aujourd'hui, j'allume ma lumière et je lis, heureuse une fois de plus de réussir l'exercice malgré ces foutues visions.

Au bout de près d'une heure, je ne sens toujours pas de minuscule once de fatigue et à force de voir Pâris enfermé dans sa cellule, je commence honnêtement à avoir pitié pour lui. Prenant sûrement une mauvaise décision, je vais tout de même récupérer une lampe torche avant de reprendre mon livre et d'attendre. Maintenant, il ne me reste plus qu'à attendre de revoir la prison et j'y irai, mais cette fois, je serai bien équipé pour rester seule à rien faire pendant un long moment. Et peut-être que sur un malentendu ou avec un peu de chance, pendant ce temps d'attente, Pâris daignera croire en mon existence et nous pourrons rentrer en communication. Je n'y crois même pas moi-même. Mais quoi qu'il en soit, je suis seule et ignorée en train de lire, alors autant l'être près de quelqu'un qui peut possiblement se rendre compte de ma présence. Et Pâris est actuellement la seule personne que je connaisse dont je suis sûre qu'il aimerait me voir et surtout qui est réveillé, ce qui à une heure du matin doit être plutôt rare.

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