Arès

- Salut, Arès.

Je me retourne et découvre Ève, les cheveux tressés et un sourire gêné sur le visage. J'essuie mes mains sur mon jean déjà couvert de peinture.

- Oh non, ne t'arrête pas. Je voulais encore te regarder peindre.

Je la dévisage en fronçant les sourcils, perplexe. Mais je trempe finalement mes doigts dans l'indigo et trace les courbes sur le papier. Ève s'approche, indéniablement curieuse. Du coin de l'oeil, je l'observe examiner les pinceaux séchés, les cartons usés dont je me sert pour faire des mélanges, l'eau désormais noires où je me rince les doigts.

- Véga m'a dit que tu n'es pas muet de naissance, que c'est quelque chose d'assez récent.

Je maudis intérieurement ma stupide soeur qui ne se gêne pas pour raconter à tout le monde que je suis muet. C'est la seule de la famille qui n'est pas consternée par mon mutisme. Au contraire, elle peut me balancer les pires crasses sans que je ne réagisse. Mais je crois qu'elle se lasse un peu, alors elle raconte mon histoire à qui veut bien l'entendre, sachant parfaitement que ça m'agace au plus haut point.
Ève frôle mon bras en se plaçant à côté de moi, plantant son regard dans mon dessin et murmurant des mots qui me percutèrent de plein fouet.

- Mais je sais que tu n'as jamais arrêté de parler Arès. Je t'entends.