R é a l i t é

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Aujourd'hui, Pacôme est venu seul, comme avant.
Parce que la seule fois où il avait changé ses habitudes, on le lui avait fait amèrement regretter. Il avait tiré une conclusion assez générale de cette mésaventure : toujours se méfier des hommes de loi, malgré leur air loyal et dévoué. C'était peut-être exagéré comme réaction, sûrement même, mais Pacôme était comme ça ; il n'y pouvait rien.

Armé de stylos et de son immuable carnet, Pacôme revâsse. Il a gardé précieusement sur lui le marron, que Coralz lui avait fait tomber dessus deux jours auparavant.

Soudain, l'idée d'écrire un texte à propos du fruit lui vient à l'esprit. Tout retourné, il s'empare du marron, toujours au fond de sa poche, et le tourne incessamment entre ses doigts où se forme une petite bosse d'écriture, sur le majeur droit. Signe qu'il se dévoue entièrement à cette merveilleuse passion qu'est l'écriture.

Coralz apparaît peu de temps après. Elle ne semble plus vouloir se cacher. Elle a dû comprendre que le jeune homme ne la lâcherait plus. Ses grands yeux couleur d'ébène se livrent à une intense observation du jeune homme, puis elle se met à gambader tout autour de Pacôme, insensible au regard charmé que lui porte celui-ci.

Le jeune homme examine les moindres faits et gestes de la fille, qui a décidé de s'éloigner un peu et de distribuer des marrons, comme à son habitude.

Il la regarde faire.
Elle passe devant un couple, lorgne leurs sacs, laisse glisser un ou deux fruits dans les poches d'un enfant innocent. Ces offrandes ne génèrent visiblement que l'indifférence. D'ailleurs, malgré le peu de discrétion dont fait preuve Coralz, aucune personne ne la prend la main dans le sac.

Et c'est à ce moment précis que Pacôme tique. Quelque chose ne va pas, non, quelque chose ne tourne pas rond. Hésitation.

Son camarade brun, hier, tous ces passants, le couple de vieillards...
Personne n'avait jamais attrapé la fille aux marrons.
Mais est-ce qu'au moins quelqu'un la voyait ? Quelqu'un parvenait-il à la remarquer ? Ou n'était-elle, depuis le début, que le simple fruit de son imagination débordante ? Pacôme voit trouble, et soudain il ne se sent plus très bien. Son imaginaire s'emballe.

《 - Coralz ! Pourquoi, dis-moi pourquoi est-ce que personne ne te voit ? 》

La jeune femme s'immobilise. Sa rivière de cheveux d'or brille de mille feux, sous le soleil matinal, et ses yeux de pierres fixent gravement le garçon.
Impénétrable, elle s'avance, à pas lents, jusqu'à Pacôme. Chaque pied mis devant l'autre est un véritable calvaire. Le talon se soulève lentement, puis vient retoucher le sol, la pointe décolle, retombe. Les immenses cuissardes de Coralz sont toutes usées. Calmement, la paisible âme se rapproche du torturé Pacôme. Le bruit de ses pas renforce la dimension silencieuse de leur environnement. Chaque frémissement a un écho, qui en entraîne un autre.
À chaque nouveau pas, un frémissement suit.
Et Coralz se retrouve soudainement assise sur le banc, tout près du jeune homme.

Silencieusement, elle retire son bijou grotesque, son collier de marrons, et le passe agilement au cou de Pacôme.
Toujours sans un mot, Coralz se saisit de tous les marrons lui restant dans les poches, et les fait dégringoler jusque dans celles du garçon, resté interdit.

La fille aux marrons embaume les fleurs. Les feuilles, le bois, les fruits. Un concentré de nature et de pureté dans un seul corps. Même son odeur attire terriblement le jeune homme.

Finalement, elle cesse tout mouvement, immobile comme une statue, assise si proche de Pacôme, sur ce banc de pierre, qu'il sent son souffle sur son visage. Elle rajuste le collier, le fait passer sous le t-shirt du jeune homme, effleure au passage sa peau blanche. Quelques frissons ignorés.
Puis une main glacée vient caresser une joue pâle, les regards se mélangent.
Un sentiment étrange parcourt les membres du garçon inoffensif, laissé comme soudainement mort.

Et alors qu'elle le regarde une dernière fois dans les yeux, son corps commence à perdre de sa couleur. L'éclat de ses cheveux, les ténèbres dans ses yeux...tout s'efface. Ses prunelles ne brillent plus.
Peu à peu, Coralz devient transparente, jusqu'à ce qu'elle disparaisse entièrement.

Désormais ne persistent que les souvenirs.

Pacôme, seul sur son banc, collier au cou, marrons plein les poches, la mort dans l'âme, ne réagit pas. Pétrifié, le coeur battant aux tempes, il passe une main tremblante sur la mince parcelle de sa peau dont le contact avec celle de Coralz, ne se souvient déjà plus.
Ses yeux ne quittent pas l'endroit où elle lui faisait face. Les mains du jeune homme tâtent le vide, ses bras enlacent le néant, et son coeur n'a plus rien à aimer.

Voilà qu'une seule et unique larme roule, sans qu'il ne puisse la retenir, sur ses joues blêmes.

La Fille aux Marrons n'est plus.

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