Shoubi, la Nymphali, sortit du buisson en se tortillant un peu pour éviter que les épines ne s'enfoncent dans sa fourrure. Ses pattes graciles et délicates ne faisaient aucun bruit en foulant le sol tapissé de feuilles rouge et or, de la couleur de l'automne qui était plus qu'entamé.

La nuit n'allait pas tarder. La saison des neiges approchait lentement. Elle aurait bientôt plus de mal à trouver de la nourriture pour ses petits, et elle devrait s'éloigner encore plus loin de la tanière.

Shoubi portait dans sa gueule une poignée de feuilles comestibles, et elle tenait dans ses rubans quelques baies Oran flétries. Ce n'était pas grand-chose, mais ça restait un dîner suffisant pour elle et sa progéniture.

Elle arriva enfin en vue de l'arbre creux où elle avait élu domicile. Ses deux petits se bagarraient joyeusement dans les feuilles mortes en poussant de légers cris excités.

La fourrure de Shinka, la petite femelle, était de belle couleur brune et uniforme. Celle bien fournie autour de son cou était d'un beige très doux, délicat et velouté, comme de la crème.

À l'inverse, la toison de son frère, Kawaru, évoquait une rivière d'argent ou un ciel d'orage avec sa teinte grise. Les poils soyeux et touffus autour de son cou faisaient penser à un nuage.

Leurs muscles roulaient sous leurs fourrures brillantes, leurs petites dents étaient parfaitement développées, leurs oreilles étaient constamment en mouvements, leurs queues s'agitaient gaiement. Ses deux enfants, l'un normal et l'autre shiny. C'était seulement leur deuxième saison des feuilles mortes, mais ils étaient vifs, vigoureux et en bonne santé.

Ils arriveraient à passer la saison des neiges.

-Mes chéris ! lança Shoubi la gueule pleine. Je suis de retour !

-Mama ! s'exclamèrent les deux Evoli en arrêtant immédiatement leur jeu pour se frotter à leur mère en poussant des cris ravis.

Shoubi les poussa tendrement vers leur tanière avec ses rubans. Dès qu'elle s'allongea sur le flanc, ses petits se lovèrent contre son ventre en quête de chaleur et de sécurité.

La nuit était maintenant tombée. Shoubi partagea la nourriture en trois parts, en laissant bien sûr toujours un peu plus pour ses enfants. Puis, sitôt le repas achevé, elle entreprit de faire la toilette de ses Evoli.

-Mais, euh ! protesta Shinka en se débattant légèrement en sentant la langue râpeuse de sa mère sur ses oreilles. Je peux le faire toute seule !

-Je sais, Shinka, répliqua tranquillement la Nymphali. Je m'occupe juste des endroits que tu ne peux pas atteindre.

Kawaru se montra plus obéissant et sage que sa sœur, émettant quand même quelques grognements un peu agacés.

La toilette n'était qu'un moindre mal avant la partie qui plaisait le plus aux deux Evoli. En effet, quelques minutes plus tard, s'étant assurée que ses petits étaient propres, Shoubi les entoura de sa queue pour bien les serrer contre son ventre ; c'était son geste significatif avant d'entamer une histoire.

-Que voulez-vous que je vous raconte ce soir, mes chéris ?

Kawaru et Shinka se regardèrent d'un air entendu et lancèrent en même temps :

-LA LÉGENDE DE CRÉALI !!!!

-Encore ? fit mine de s'étonner leur mère. Vous l'avez entendue des dizaines de fois !

-Mais nous, on l'adore cette histoire ! s'entêta Kawaru en pétrissant le ventre de la Nymphali de ses petites pattes.

-Allez, Mama ! S'il te plait ! insista Shinka.

-Très bien, mes petits, pouffa la Nymphali avec un sourire doux. Je vais vous la raconter.

Les deux Evoli poussèrent un cri de joie et s'empressèrent de se blottir contre la fourrure de Shoubi qui sentait bon les feuilles, les baies et l'amour. Leur mère leva des yeux concentrés et sérieux vers la lune qui scintillait à l'extérieur et dont la lueur nacrée nimbait l'entrée de la tanière. D'une voix semblant provenir d'un monde mystique, elle commença à raconter.

Mes chéris, vous savez qu'Arceus est notre dieu à nous tous, les Pokémon. Il fédère toutes les espèces, du plus petit Statitik au plus grands des Onix. Mais façonner un univers entier, qui plus est aussi complexe que le nôtre, l'épuisait énormément. Il ne pouvait pas s'occuper de toutes ses créatures correctement. et recouvrer ses forces en même temps. Il lui fallait des divinités affectées à chaque tâche pour veiller au bon fonctionnement du cosmos.

Il en créa donc 4.

Dialga, maître du temps passé, présent et futur.

Palkia, seigneur de l'espace, des dimensions et de la galaxie.

Giratina, qui, en veillant sur le monde inversé, garantissait l'équilibre et l'harmonie.

Et enfin Créali, protectrice des Pokémon de tous horizons et de toutes espèces.

Il en créa d'autres, bien sûr, comme Groudon et Kyogre, pour dompter les forces de la nature. Mais ces quatre-là étaient sans conteste les plus puissants, siégeant au Panthéon aux côtés d'Arceus, et les plus honorés par les humains.

S'ils étaient tous respectés de la même manière, Créali était cependant la plus aimée par la race humaine. Elle veillait sur eux et sur les Pokémon qui leur servaient de compagnons comme elle l'aurait fait sur ses propres petits. Il n'était pas rare qu'elle descende sur terre sous la forme d'une louve blanche pour apporter son aide.

Certains disent qu'elle était nimbée de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, d'autres qu'elle avait le regard d'or, d'autres enfin qu'elle était élancée et svelte comme une chasseresse. Peu de mythes s'accordaient sur son apparence, mais tous étaient d'accord sur au moins un point : elle était altruiste, généreuse et d'une exceptionnelle beauté.

C'est cette grande beauté et cette légendaire bonté qui firent Arceus tomber amoureux d'elle et la prendre pour épouse. Il la consultait régulièrement pour prendre ses décisions concernant l'univers et s'émerveillait à chaque fois de sa sagesse. Il finit par lui accorder le don d'utiliser sa propre puissance au cours d'un combat si celui-ci s'avèrerait particulièrement violent.

Le temps passa. Les humains et les Pokémon finirent par oublier Créali. La terre se dessécha, les plantes moururent, les fleuves se tarirent et le ciel s'assombrit. Voyant que les races qu'elle chérissait tant étaient sur le point de s'éteindre et qu'elle n'était pas assez puissante pour y faire quelque chose, Créali supplia Arceus de leur confier quelques-unes de ses plaques créatrices, pour qu'ils puissent vivre. Son divin époux accepta, ayant toute confiance en elle et en la bonne foi des êtres humains, et créa ce que l'on appela bien plus tard  "Le Joyau de Vie".

Malheureusement, s'il servit au départ à rendre vie et espoir à la Terre, ce précieux sésame atterrit entre les mains de personnes cruelles et cupides qui refusèrent de le rendre à Arceus. Celui-ci, très en colère, ne manqua pas de les châtier durement, avant de reporter sa rage sur Créali en pensant qu'elle l'avait trahi en tentant de lui voler son joyau avec la complicité des humains. Il la déchut de son rang de divinité et la chassa du Panthéon.

Meurtrie, esseulée, Créali se tient cachée pendant des années, à pleurer parce qu'elle ne comprenait pas pourquoi elle avait été bannie de cette manière. Son départ avait plongé son divin époux dans une profonde langueur. Ses forces ne se reconstituaient plus comme avant, il était obligé de rester enfermé dans sa dimension guérisseuse en permanence au risque de perdre définitivement ses pouvoirs.

C'est durant cette triste et sombre période que Giratina, avide de pouvoir, se révolta, comptant renverser Arceus et prendre sa place au Panthéon. Les autres Légendaires mirent toutes leurs forces pour l'en empêcher, mais hélas ils n'étaient pas assez puissants pour cela. C'est Celebi, la divinité des forêts, qui courut avertir Créali de ses funestes desseins. Elle seule, malgré sa déchéance, pouvait encore arrêter Giratina. Vous pouvez bien qu'elle n'hésita pas une seule seconde à se battre pour protéger tout ce qui lui tenait à cœur, à commencer par son époux qu'elle n'avait jamais cessé d'aimer.

Le combat entre Giratina et Créali dura trois jours et trois nuits. Si le premier n'hésitait pas à recourir à des stratèges retors, la seconde refusa d'utiliser le merveilleux don qu'Arceus lui avait confié il y a si longtemps, consciente que cela amenuiserait considérablement les pouvoirs du mari qu'elle tenait à préserver. En dépit de sa retenue, elle parvint à enfermer Giratina dans le monde inversé où il demeura pour l'éternité.

Malheureusement, toute victoire a un lourd tribut. À bout de forces, épuisée, blessée mortellement, Créali s'effondra sur le sol. Arceus apparut à cet instant, en panique et désespéré. Il avait quitté sa dimension guérisseuse avant d'avoir recouvré tous ses pouvoirs, alerté par la faible lueur de sa vie mourante. Il avait senti les efforts de sa bien-aimée pour triompher du mal tout en le maintenant en vie, et maintenant il comprenait que sa valeureuse et loyale guerrière ne l'avait jamais trahit.

Il la supplia de rester avec lui, lui disant qu'il lui redonnerait vie, qu'il l'aimait plus que n'importe quoi. Créali esquissa un sourire doux et lécha tendrement la joue de son époux tout en lui demandant une dernière faveur.

"Tout ce que tu voudras ! lui répondit-il. Demande-le moi, je te l'accorde !"

"J'aimerais que ce merveilleux pouvoir que tu m'as donné ne disparaisse pas avec moi. J'aimerais qu'il soit réparti en huit parcelles qui veilleront, génération après génération, sur ce monde unique si cher à mes yeux. J'aimerais qu'une race de Pokémon se rappelle de mon nom et protège de toutes ses forces ma mémoire afin que je ne sombre pas dans l'oubli."

Ainsi demanda Créali, et Arceus, le cœur serré, le lui accorda. Le corps de sa bien-aimée se divisa en un flash de lumière aveuglante. Huit nouveaux Pokémon venaient de voir le jour.

Aquali, extralucide et profond, comme un lac miroitant.

Pyroli, passionné comme le plus ardent des volcans.

Givrali, nonchalant et distingué, semblable aux neiges éternelles.

Phyllali, discret mais indispensable tel les plantes.

Noctali, tout de noir vêtu, pareil à la nuit la plus sombre.

Mentali, solaire et clairvoyant, comme une journée d'été.

Voltali, énergique et rapide, comparable à un coup de tonnerre.

Et enfin Nymphali, sincère et attentionné comme une mère avec ses enfants.

À peine nés, les huit disparurent chacun de leur côté dans la nature, apportant aide et soutien à ceux qui en avait besoin. Ils eurent de multiples descendants, que l'on appela bientôt des "Evoli" grâce la faculté d'évoluer en fonction de leurs prédispositions et de leurs préférences.

Les générations se suivirent, mais aucun Evoli ou une de ses évolution n'oublia jamais Créali. Qu'est-elle devenue ? Personne ne le sait. Certains affirment avoir vu une louve blanche lui ressemblant fortement courir dans le ciel et jouer avec les étoiles, ou dans les forêts à la nuit tombée.

Se pourrait-il que son esprit vive encore ? Cela ne serait pas impossible, puisqu'elle était immortelle et avait juré de veiller sur l'humanité et les Pokémon.

Shinka et Kawaru poussèrent un large bâillement. C'était la fin du conte, et ils étaient prêts à aller dormir.

-C'était une chouette histoire, murmura Shinka en se frottant contre sa maman pour trouver une position confortable.

-Oui, même si elle est triste, renchérit Kawaru en fermant ses paupières.

-Bonne nuit, mes chers petits, susurra Shoubi. Faîtes de beaux rêves.

La petite famille s'endormit bientôt dans leur tanière, bercée par le bruit du vent dans les arbres alentours.

Plus loin, très haut, dans le ciel, une louve blanche pourchassait une étoile filante, soulevant de la poussière stellaire à chacun de ses pas.

(Coucou, c'est Leafy ! Alors, vous avez pensé quoi de ce one-shot ? J'en suis assez fière, quand je pense au temps que j'y ai consacré !

Il me trottait dans la tête depuis un moment, et comme je ne pouvais pas le mettre dans mon livre "Lycée St Arceus", je lui ai carrément dédié un livre !

Merci à tous ceux et toutes celles qui laisseront un vote et/ou un commentaire, vous ne savez pas à quel point ça m'encourage à vous offrir de beaux récits, du moins j'espère !

Au plaisir de vous revoir dans une prochaine histoire !

Royalement vôtre, Leafy 💎🍃)