La Pierre des miracles

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Milanne n'avait aucune envie de dormir. Absolument aucune. Elle n'était pas fatiguée, et pourtant, à peine le soleil couché, ses parents lui avaient dit d'aller au lit. Elle grommela avant de se retourner pour la énième fois dans ses couvertures, les yeux grands ouverts.

Un feu ronronnait dans la cheminée, projetant sur le parquet des lambeaux de lumière. La fillette de quatre ans se redressa pour le fixer, hypnotisée par les flammes. Dehors, le vent battait contre les carreaux enneigés. Aujourd'hui, c'était le Solstice d'hiver. Un jour funeste lui avait-on raconté, le jour pendant lequel la Déesse maudite régnait le plus longtemps dans le ciel. Pour chasser l'influence de Kya, chaque foyer plaçait des bougies à ses fenêtres. Celle de la fillette ne faisait pas exception à la règle. Mais les bougies s'étaient éteintes depuis longtemps. Elle frissonna.

Une autre lumière apparut subitement lorsqu'une femme ouvrit la porte de la chambre. Elle arqua un sourcil sévère en la voyant éveillée. Mais Milanne se jeta hors de son lit pour l'enlacer, humant avec délice l'odeur de jasmin qui l'apaisa aussitôt.

— Dis donc, commença sa mère avec un sourire amusé, tu ne devrais pas être en train de dormir, toi ?

— Je n'ai pas sommeil, se défendit-elle. Je voulais t'attendre avant de m'endormir.

Sa mère se baissa pour la prendre dans ses bras. Milanne renferma ses mains sur sa longue chevelure prune.

Sa mère était parfaitement apprêtée pour la cérémonie du Solstice. Ses lèvres peintes s'accordaient avec ses yeux rouge carmin. Elle portait une cape traditionnelle du Larinu : deux pans tombaient sur le devant, agrémentés de longues et fines lanières de cuir. La fillette ne put s'empêcher de jouer avec les perles de verre coloré qui y étaient enfilées.

— Je croyais que tu étais déjà partie.

— Non, la cérémonie commence à minuit.

Milanne aurait voulu aller avec ses parents au temple de Liha et écouter les chants de prière, mais on lui avait dit qu'elle était encore trop petite.

Sa mère la déposa sur son lit et la força à se glisser sous ses couvertures, avant de déposer un baiser sur son front. Milanne saisit sa main et la serra du plus fort qu'elle put.

— J'ai peur, avoua-t-elle. Mes bougies se sont éteintes. Est-ce que ça veut dire que Kya va venir me faire du mal ?

Sa mère laissa échapper un rire.

— Bien sûr que non, chérie. Ce n'est qu'une tradition. Les Déesses ont disparu depuis longtemps. Et même si elles venaient à réapparaître, jamais je ne laisserais quiconque te faire du mal.

Milanne hocha la tête. Elle ne lâcha pas la main de sa mère pour autant.

— Dis, tu me racontes une histoire ?

Elle ponctua sa demande d'un grand sourire innocent.

— Je suppose que j'ai le temps avant la cérémonie, s'attendrit sa mère.

Milanne laissa échapper un cri d'excitation et agita les mains. Sa mère retira ses bottes et s'installa à ses côtés.

— Voyons, quelle histoire ne t'a-t-on pas encore raconté ? réfléchit-elle.

— Grand-mère m'a promis hier de me raconter l'histoire du plat des miracles, mais on a pas eu le temps.

— Le plat des miracles ? s'étonna-t-elle avant d'arrondir ses lèvres. Oh, la pierre des miracles, tu veux dire ?

Milanne opina du chef, les yeux brillants.

— Très bien, sourit cette dernière. Va pour la pierre des miracles.

Sa fille se lova contre elle, la main toujours accrochée à la sienne.

— Il était une fois deux elfes qui partageaient un amour sincère. Mais ils ne pouvaient pas éprouver de tels sentiments, car une frontière les sépa...

— Oui, oui, je sais, la coupa Milanne avec un sautillement d'impatience. Je connais le début de l'histoire, Maman ! Thilste est dalrenien et Karis est askanienne du coup Kya va les tuer pour les punir.

— Exactement. Mais mon histoire se passe avant leur mort. Le jour du Solstice d'hiver, pour être plus précise.

Milanne écarquilla les yeux devant la coïncidence. Sa mère laissa échapper un rire.

— Tu crois que Thilste devait laisser des bougies devant sa fenêtre aussi ?

— Tu veux que je raconte l'histoire ou pas ? répliqua-t-elle.

La fillette se redressa et approuva vivement, scellant ses lèvres.

— Bon, je reprends. Les deux amants avaient l'habitude de se retrouver en secret près de la frontière, à l'aube et au crépuscule. Mais un jour, alors que le soleil se couchait, Thilste ne vint pas à leur rendez-vous.

Milanne s'enfonça sous ses couvertures. Est-ce que la Déesse de la nuit l'avait tué à ce moment-là ? Non, pensa-t-elle. Lorsque Grand-mère lui avait raconté l'histoire de leur mort, c'était Karis qui était d'abord tuée par Kya. Et ensuite, Thilste avait tellement pleuré qu'une rivière avait creusé la frontière entre le Dalren et l'Askan.

— Folle d'inquiétude à l'idée qu'il lui soit arrivé malheur, Karis s'aventura dans le Dalren.

Milanne ne put s'empêcher de pousser un cri d'effroi.

— Comment elle a fait ? Elle a pas été arrêtée par les gardes d'oncle Dias ?

— Non, rit sa mère. Ton grand-oncle se fait vieux, mais pas à ce point-là, quand même ! On dit que les amants ont vécu il y a des centaines d'années. C'était beaucoup plus facile de traverser la frontière à cette époque-là.

— Oh, d'accord. Qu'est-ce qu'il se passe ensuite ?

— Karis arriva à la maison de Thilste, dans un petit village. Quand elle entra, elle le trouva allongé dans son lit, l'air souffrant.

— Il était malade, le pauvre ?

— Oui, d'un mal incurable et foudroyant. Il eut tout juste le temps de le dire à sa bien-aimée qu'il sombra dans l'inconscience. Mais Karis se jura de le sauver, quoi qu'il en coûte.

Milanne frissonna.

— Le lendemain, poursuivit sa mère d'un ton mystérieux, elle brava l'hiver askanien et ses tempêtes de neige pour prendre un bateau qui l'emmena loin, très loin, jusqu'aux Montagnes éternelles. On disait que là-bas se trouvait un portail qui menait à l'Iracyl...

— Elle est bête, fit Milanne en roulant des yeux. Pourquoi elle ne fait pas comme nous ? Ça serait plus rapide.

Sa mère eut un sourire attendri.

— Tout le monde n'est pas comme nous, chérie, lui murmura-t-elle en lui caressant le front.

Milanne se pinça les lèvres. Elle avait oublié. Pourtant, ses parents lui disaient bien de n'en parler à personne. Ni à Grand-mère, ni à oncle Dias, ni à personne. Elle ne comprenait pas pourquoi : ses rêves étaient si amusants ! Sa mère et elle passaient des heures à cueillir des fleurs étranges, ou à observer des animaux lumineux. Quand elle leur avait demandé pourquoi il fallait garder le silence, le regard de sa mère s'était assombri.

— Les elfes craignent ce qu'ils ne comprennent pas, lui avait-elle dit.

Une réponse qui n'avait pas du tout satisfait Milanne, mais elle avait dû s'en contenter.

— Karis voyagea dans les montagnes pendant des jours et des jours. Mais rien. Elle se résolut à son malheur, et passa une dernière nuit dans une caverne, prévoyant de partir le lendemain. Mais elle fut incapable de dormir, rongée par la tristesse.

— Ça veut dire qu'elle va pas sauver Thilste ?

— Soudain, l'ignora la conteuse avec un clin d'œil, elle vit une lumière resplendissante au cœur des ténèbres... Elle provenait du fond de la grotte. Karis s'y enfonça. Elle n'en crut pas ses yeux : devant elle se tenait le portail menant au monde des Déesses.

Milanne battit des mains, soulagée.

— Une fois passée de l'autre côté, elle rencontra des Dymons qui lui apprirent qu'il n'y avait qu'un seul remède pour son amant : une pierre des miracles.

— La fameuse ! s'écria-t-elle en bondissant.

— Tiens-toi tranquille, sinon je n'aurai pas le temps de te raconter la suite.

Penaude, Milanne se rassit et ne moufta plus. Sa mère dissimula mal un rire avant de reprendre.

— Le problème ? L'endroit où se trouvait les pierres était un jardin gardé par un puissant Dymon.

Une ombre apparut sur le seuil, mais aucune des deux n'y prêta attention.

— Le Dymon s'opposa farouchement à ce que Karis prenne une pierre des miracles. Elles ressemblaient à des fleurs figées, et elles étaient bien trop précieuses pour qu'une simple mortelle en fasse usage. Karis essaya de lui expliquer sa situation mais le Dymon fit la sourde oreille. Elle n'avait pas d'autre choix : le combat était inévitable.

— Elle est courageuse, laissa échapper la fillette avec des yeux ronds.

— Très, approuva sa mère. Le combat aurait été long et ardu, si Karis n'avait pas été très astucieuse : elle se cacha sous un buisson. Quand le Dymon s'approcha pour l'en déloger, elle laissa tomber une lourde pierre sur ses orteils. Le Dymon poussa un cri de douleur. L'elfe en profita pour cueillir deux pierres des miracles. Elle en cacha l'une dans les plis de ses vêtements et garda l'autre à la main. Quand le Dymon se tourna vers elle, elle jeta une des pierres dans la rivière qui coulait dans le jardin.

Milanne inclina la tête, intriguée.

— Désespéré à l'idée de perdre une de ces précieuses pierres, le Dymon plongea dans la rivière. Karis en profita pour détaler avec son précieux butin. Elle courut à travers les montagnes, si bien que le Dymon n'eut pas le temps de la retrouver.

— Oui ! exulta Milanne. Bien fait pour le méchant Dymon !

— Effectivement, il a eu ce qu'il méritait. Karis put ainsi embarquer à nouveau et remonter vers le Nord. Après des jours de voyage, elle retrouva Thilste. Il était cependant aux portes de la mort. Folle de désespoir, elle lui prépara aussitôt un remède à base de pierre des miracles.

Sa mère fit une pause dramatique, mais Milanne lui donna un coup de coude pour qu'elle continue.

— Heureusement, le remède écarta Thilste de tout danger. Il fut rétabli en peu de temps. Les deux amants purent ainsi reprendre leurs rendez-vous quotidiens à la frontière. Pendant un temps, ils furent heureux.

Milanne soupira d'aise, préférant oublier la fin tragique qui allait suivre. La silhouette près de la porte applaudit et un rire retentit.

— Si je m'y attendais, s'amusa une voix chaude, toi en train de raconter des histoires mièvres ! Tu m'avais caché tes talents de conteuse.

Les deux redressèrent la tête. Un homme à la peau cuivrée les observait avec attendrissement, vêtu lui aussi d'une cape traditionnelle.

— Je me débrouille toujours pour te surprendre, répliqua la femme.

Elle saisit un des oreillers sur le lit, et lui jeta à la figure. Milanne pouffa en voyant son père esquiver avec flegme le projectile. Son amusement fut remplacé par un serrement de cœur quand sa mère quitta le lit et remit ses bottes.

L'homme dut voir la déception passer dans ses yeux, car il se rapprocha pour l'enlacer.

— Ne t'inquiète pas, nous serons vite rentrés.

Elle hocha la tête.

— Et on ira voir toutes les deux les animaux de lumière après, Maman ? s'enquit-elle.

— Oui, confirma-t-elle. C'est promis.



Et voilou ! J'espère que cette petite surprise vous aura plu :33 Je me suis bien amusée à l'écrire en tout cas ! 

A la prochaine pour un nouveau chapitre de LRDL <33

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