Étant donné que nous étions presque arrivés à notre territoire, j'avais intimé à tout le monde de reprendre forme humaine. Des sacs se trouvaient sur les branches hautes des arbres. Les hommes grimpèrent pour les prendre. Je passai un de mes vêtements à Lucy en essayant de ne pas regarder son corps, puis nous reprîmes la marche.

Luke essayait tant bien que mal de faire la conversation. Cela aurait pu être intéressant si elle répondait à ses questions. Mais elle restait muette, impassible aux remarques de mon Bêta. Mon pauvre ami baissa la tête et soupira en signe de désespoir avant de reprendre la parole.

« Nous allons vers la maison d'Adam. Vous y habiterez ensemble. Vous ne serez que tous les deux... enfin, en plus de quelques gardes qui resteront aux alentours de la maison, » expliqua distraitement Luke.

Posté derrière eux deux, je pus sentir la crispation chez mon âme-soeur. Elle ne voulait pas rester avec nous. Elle soupira doucement.

« Combien ? » demanda-t-elle à la surprise générale.

C'était la première fois qu'elle parlait depuis le départ de sa meute. Tout le monde s'était arrêté de marcher et s'était retourné vers elle.

« Qu-quoi ? bredouilla Luke.

– De gardes. Combien y aura-t-il de gardes ? répéta-t-elle tout en recommençant à marcher.

– Euh...Six, » répondit-il.

La révélation la bloqua. Elle resta figée, trop abasourdie pour se mouvoir. Etait-ce trop pour elle ? Elle était pourtant entourée de beaucoup d'hommes à son arrivée. Soudain, elle regarda le sol avec tristesse. Inquiet, je m'approchai d'elle sans qu'elle ne recule et caressai sa joue. La sensation était magnifique. Un doux bien-être.

Elle leva la tête et je me retrouvai prisonnier de deux magnifiques yeux verts. Soudain, elle m'attrapa le poignet pour éloigner ma main de son visage et demanda en colère et confuse : « Qu'est-ce que tu fais ?!

– Tu t'es arrêtée tout d'un coup, dis-je avec un visage devenu indéchiffrable. Quand je t'ai appelée, tu ne m'as pas répondu.

– Je parlais à ma louve, expliqua-t-elle tout en marchant de nouveau, pressée de s'éloigner.

– Tu communiques avec ta... louve ? s'interrogea Luke.

– Je suis très proche d'elle, dit-elle en guise de réponse, ce qui ne nous aida guère à comprendre.

– Tu peux parler à ta louve comme si tu parlais à une personne ? » reforma-t-il d'une voix sceptique.

C'était impossible. La moitié loup ne réagissait qu'après des réactions extrêmes comme la colère ou le désir. Sinon, le loup restait tranquille comme le mien en ce moment. C'était une créature, une bête qui partageait notre corps humain. C'était un animal, pas un être doué de pensées avec qui l'on pouvait parler.

« Ma louve est spéciale, » avoua-t-elle.

Luke poursuivit ses questions dans l'attente de réponses plus claires, mais elle se replongea dans son mutisme. Son monologue continua, emporté par le vent soufflant plus fort.

« Es-tu marié ? s'adressa-t-elle au bout d'un certain temps à Luke.

– Non.

– Une petite-amie alors ? continua-t-elle.

– Non, pourquoi ? demanda-t-il de plus en plus confus.

– Pour savoir, » dit-elle nonchalamment en haussant des épaules.

Luke était tellement perdu dans ses pensées qu'il ne parla même plus. M'étant rapprochée d'elle, je ne pus m'empêcher de sourire, fier de ce qu'elle avait réussi à faire à mon Bêta.

« Elle t'a bien eu, Luke ! »

Lucy détourna vite son regard du mien et laissa un rideau de cheveux noirs cacher son visage. Quant à Luke, il resta incrédule face à la situation en me demandant à plusieurs reprises pourquoi je lui avais dit ça. Je secouai la tête puis sourit, sentant que nous étions bientôt arrivés.

L'odeur familière de la forêt. Le bruit des animaux qui grimpaient, rampaient, grignotaient. Un calme et un sentiment de bien-être qui me soulageaient.

« Nous y voilà ! » annonça Luke, heureux comme un enfant.

Les hommes, relaxés, avaient déjà traversé la barrière transparente. Je laissai Lucy marcher devant moi, savourant son entrée sur mon territoire, sous la barrière protectrice. Luke lui fit une révérence pour l'intimer d'avancer.

Les bras croisés, je la fixai sur le côté. Elle leva la tête comme si elle pouvait voir le dôme invisible qui nous protégeait. Et mes soupçons étaient justifiés quand elle resta plusieurs minutes à ne regarder que le ciel.

« Tu peux le voir, » murmurai-je.

Surprise dans sa contemplation, elle tourna vivement la tête vers moi. Après ma déclaration, les autres aussi la scrutèrent avec un mélange d'étonnement et d'incrédulité. Elle ne nia pas, ce qui me soulagea. Elle hocha doucement la tête en signe d'affirmation.

« Quoi ?! Même nous on ne peut pas le voir ! s'exclama Luke, suivi d'un silence encombrant.

– Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle en toute simplicité.

– C'est une barrière protectrice faite par des sorcières, » répondis-je calmement.

À ma réponse, elle fronça les sourcils, perplexe. C'était normal, les loups-garous et sorcières étaient ennemis depuis la nuit des temps. On s'était toujours détesté et c'était toujours le cas maintenant.

« Elle est ici depuis l'époque de mon grand-père qui avait sauvé quelques sorciers et sorcières lors des nombreuses chasses organisées par les humains. En remerciement, ils ont érigé cette barrière, expliquai-je tout en avançant. On peut savoir quel genre d'êtres sont entrés : humains, loups-garous, sorcières et sorciers, vampires... et on peut ainsi prévoir les attaques surprises, étant donné que les loups-garous ne peuvent théoriquement pas voir cette fameuse barrière. Les intrus qui la traversent sont vite repérés et mis hors d'état de nuire. Le seul défaut est qu'elle n'entoure que l'endroit où nous habitons et pas l'ensemble du territoire.

– Comment faîtes-vous pour sentir que quelqu'un a traversé la barrière ? questionna-t-elle, curieuse. Est-ce que c'est la même sensation que quand un intrus entre dans le territoire ?

– Oui, on peut le ressentir par le lien de meute. On m'a pris un peu de sang ainsi qu'à mes parents. Et avec le lien de la meute, les membres peuvent eux aussi savoir si une ou plusieurs personnes sont entrées. Maintenant à toi de répondre à mes questions, déclarai-je. Comment peux-tu voir la barrière ? »

Elle ouvrit la bouche pour répondre, mais la referma aussitôt. Elle semblait aussi perdue que nous.

« Bonne question, » chuchota-t-elle, toujours en train de cogiter.

Et étrangement, je la croyais quand elle faisait cette mimique dubitative. De toute façon, il n'y avait aucun intérêt à ce qu'elle mente.

Mes hommes détournèrent leurs regards. Ils ne la croyaient pas. Ils pensaient qu'elle mentait pour éviter de dire la vérité. Je ne pouvais pas leur dire qu'ils avaient tort, ils me penseraient que c'est parce qu'elle est mon âme-soeur que je pensais cela. Et ils auraient raison...

La sentant se morfondre dans sa solitude, je déposai une main dans son dos pour l'intimer d'avancer. Ensemble. Heureusement, elle marcha sans retirer ma main. J'étais satisfait de pouvoir la toucher. Mais mon loup voulait plus, toujours plus. Je le sentais tourner dans mon esprit comme un animal en cage, prêt à bondir une fois dehors. Je devais absolument me contrôler pour ne pas effrayer mon âme-sœur. Son passé la bloquait, je le savais, et je devais être prudent avec elle. Je ne pouvais pas la perdre alors que je venais à peine de la trouver.

Dans ses pensées, je la laissai respirer dans son esprit tandis que nous rejoignîmes le cœur de mon territoire.

Il faudra attendre quelque temps avant que je ne vous poste le chapitre suivant parce que plusieurs épreuves d'examens  arrivent et il faut absolument que je révise.

Merci encore pour tous vos votes et commentaires qui me donnent une motivation de fou ! <3