22. Une salle bondée

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Je suis en train de mentalement répéter mes mensonges à propos de ma nuit au temple, quand je remarque que personne ne fait vraiment attention à moi. 

Les élèves chuchotent à droite à gauche, à voix plus ou moins basse. Seule Dayarun me remarque et m'adresse un sourire quand elle me reconnait, avant de me faire signe de vite rejoindre le rang. J'ai l'impression d'approcher d'une ruche bourdonnante. Les surveillantes appellent régulièrement au calme, en vain !

Je ne suis pas la seule à être très apprêtée aujourd'hui, tout le monde a mis sa plus belle tenue de cérémonie, aux dorures et couleurs chatoyantes. Voilà qui me rassure un peu, même s'il me semble que je reste trop bien habillée pour mon rang officiel.

Lorsque j'arrive au niveau de mes amies et les salue, Kumlei, surexcitée, m'attrape le bras en criant :

- Oh lala ! Suerei ! C'est pas croyable ! Si tu savais ! 

Mais sa voix est vite couverte par celle d'Erueng qui enchaîne :

- C'est tellement dommage que t'étais pas là ce matin ! T'as TOUT raté !

- Suirei, ma parole, tu ne devineras jamais..., souffle presque aussitôt Ishan en secouant la main.

- T'as vraiment pas de chance, ma pauvre ! commente Huismei, compatissante.

Qu'est-ce que j'ai bien pu rater ? Intriguée, je demande en allant de l'une à l'autre :

- Qu'est-ce qui s'est passé ?

- L'empereur est venu à l'école ! Ce matin !

-  Pour l'inauguration du salon de poésie, complète immédiatement Ishan.

- Oh...

Pourquoi est-ce qu'aussitôt je me renfrogne ? Parce que je découvre qu'au lieu de me laisser seule ce matin, l'empereur aurait pu discuter avec moi vu qu'il avait le temps de venir à l'école ? Ou est-ce parce qu'il a préféré aller aux Iris quand je n'y étais pas ?

Peu importe, ma réaction est idiote. C'est moi qui lui ai demandé d'inaugurer le salon au plus vite. Et quand j'y pense, c'est plutôt attentionné de sa part d'avoir fait ça un jour où j'étais absente : ça m'a évité de m'humilier devant les élèves des deux écoles réunies avec mon niveau déplorable en poésie !

Et puis, j'ai passé une partie de l'après-midi, de la soirée, et même toute la nuit avec lui, c'est suffisant, non ? Je reprends donc assez vite mes esprits et le sourire, m'exclamant :

- Ça alors ! Quelle chance !

- Oui, hein ?! Personne se doutait de rien, on avait presque oublié l'inauguration ! répond Erueng. Mais dès le réveil, les surveillantes nous ont inspectées comme jamais !

- Et elles n'ont pas arrêté de nous rappeler à l'ordre ! ajoute Huismei.

- Ensuite, on va pour se rendre en cours, poursuit Daireng, mais une surveillante est venue nous escorter vers le nouveau salon, et là ! On voit que toutes les classes y sont réunies !

- Et y a même les élèves des Pruniers !! l'interrompt Huismei.

- Et puis la directrice commence son petit discours et...

- Mais c'est pas le plus important ! l'interrompt Kumlei avec empressement.

- Mesdemoiselles, SILENCE ! tonne une surveillante, excédée.

Les filles se taisent un instant, mais ne tiennent pas longtemps avant de chuchoter à nouveau :

- Attends, laisse-moi finir, siffle Erueng à l'intention de Kumlei. Donc ! Ensuite, on nous a fait nous mettre en rangs sur les côtés...

- Et là ! On nous a tous fait nous incliner ! D'un coup ! Et...

- MESDEMOISELLES ! crie une surveillante.

À nouveau, mes amies s'interrompent, pinçant les lèvres avec agacement. Puis Ishan se rapproche pour murmurer plus bas :

- C'est là qu'on nous a annoncé l'empereur. Il est passé au milieu de nous, la directrice a fait un discours, il en a fait un aussi, puis on est tous rentrés dans le nouveau salon. Et au moment de faire les groupes...

- Il m'a choisie comme partenaire ! exulte Kumlei en me secouant les poignets avec engouement.

Oh ! Ce n'est donc pas un seul de mes souhaits que l'empereur a exaucé ce matin, mais deux.

- Tu te rends compte ?! ajoute Daireng en oubliant de baisser la voix.

- Mademoiselle Fadevran ! Votre carnet ! exige la surveillante avec mauvaise humeur en marchant vers nous.

Daireng ravale un soupir, avant d'obéir. C'est exceptionnel que l'on écope de colles ou blâmes une après-midi du jour-des-ancêtres ! Les surveillantes sont généralement plus coulantes. Mais j'imagine qu'il ne faut pas non plus les pousser à bout.

La surveillante rend à Daireng son carnet que cette dernière s'empresse de parcourir, avant de sembler rassurée. Dès que la surveillante repart, elle marmonne :

- À la place de la collation demain, je dois rester une heure debout sur un tabouret. Ça va...

Eh bien ! Elle doit vraiment être de bonne humeur pour ne pas râler plus !

- On te racontera tout à l'heure, me souffle Kumlei, rougissante, tandis que nous entrons dans la salle de cérémonie.

Nous nous installons sur notre banc quand le son grave de la cloche habituelle annonce la venue de l'empereur. Aucune surveillante ne peut empêcher tous les élèves de frémir et chuchoter plus fort à nouveau, mais le calme se fait de lui-même une fois que l'empereur s'est assis.

Chaque cérémonie est différente, mais celle d'aujourd'hui plus particulièrement. Les prêtres et prêtresses sont plus nombreux, les chants plus longs et mélancoliques... Une multitude de bougies et lanternes sont allumées, les prêtresses dansent, parée de voiles dorés et orangés qui forment des spirales et des tourbillons tout autour d'elles.

Quand tout se termine enfin, curieuse, j'interroge Ishan qui m'explique qu'aujourd'hui est un jour particulier. Dans trois jours, c'est la Fête du Départ de l'Été. Même s'il n'y aura que le jour de la fête qui sera officiellement férié, la tradition veut que les célébrations commencent trois jours avant et se terminent trois jours après. La cérémonie d'aujourd'hui est donc la première officiellement en lien avec l'événement. C'est pour ça qu'elle est si différente.

La plupart des impériaux prennent à cette occasion des vacances qui leur permettent de pouvoir profiter pleinement de l'événement.

Dès que nous entrons dans la salle de réception, les filles me font un nouveau résumé de leur aventure de ce matin, mais détaillé cette fois-ci. Elles n'ont de cesse de répéter combien c'était exceptionnel de voir l'empereur de si près, combien il était impressionnant et surtout, combien il s'est montré avenant envers Kumlei, "sans pour autant être charmeur" précise Huismei.

- Évidemment, je ne suis encore qu'une enfant ! se défend Kumlei. Mais tu vas voir, dans quelques années, quand il va se rappeler de moi...

- S'il se rappelle de toi, oui ! fait Huismei.

- C'est vraiment pas de chance que t'aies dû rester au temple, me dit tristement Ishan dans une subtile manœuvre pour changer de sujet afin d'éviter que la tension monte entre Huismei et Kumlei. Qu'est-ce que tu as fait ?

Je leur raconte, gênée, que j'ai surtout aidé pour des prières et autres petits rituels, mais ça les intéresse aussi peu que moi. Tant mieux.

- C'est une nouvelle tenue que tes cousins t'ont offerte ? enchaîne alors Huismei en me détaillant des pieds à la tête, étonnée.

- Oui.

- Eh bah, ils ont mis le paquet ! Je pensais que pour aujourd'hui ils te feraient porter la rouge, mais celle-ci est encore plus belle !

- Ça te va bien, commente Ishan.

Kumlei m'ordonne d'un ton impérieux :

- Tourne-toi pour voir !

- Oh ! L'épingle est trop belle ! s'exclame alors Erueng.

- Dis-donc, ils t'ont gâtée !

- Hum...

L'air d'Ishan se fait si sérieux d'un coup que je m'inquiète :

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Je peux me tromper, mais je pense qu'ils visent bien mieux que Semkei.

- Hein ?

- Pour t'offrir une telle tenue, surtout aujourd'hui, c'est qu'ils veulent que tu attires le regard de quelqu'un de plus important.

- Comment ça surtout aujourd'hui ?

- Mais ! Regarde autour de nous ! Tu n'as pas remarqué ?  Il y a bien plus de nobles d'invités à la cérémonie que d'habitude !

En observant l'assemblée, je remarque alors seulement que la salle n'en finit pas de se remplir de courtisans dans leurs tenues brillantes. Il y en a même qui se retrouvent sur le balcon.

Dayarun est en pleine discussion avec un jeune homme, à la mise élégante, qui lui ressemble tant qu'il pourrait être son frère. Si je me souviens bien, elle s'était retrouvée seule car sa famille l'avait reniée. Peut-être que depuis qu'elle est aux Iris, elle a pu renouer avec ses proches ? Un jeune professeur des Pruniers les rejoint ensuite. Tous les trois semblent bien se connaître.

Un peu plus loin, Tsadei se tient avec ses parents et son oncle qui scrute l'empereur avec prudence. À deux pas, monsieur Hakorem discute joyeusement avec toute une famille à la mise un peu plus humble que les autres.

La directrice est entourée de professeurs et de jeunes nobles, bavardant tout en conservant son éternel visage paisible et digne. Quant à mon professeur de lecture, il est encore avec la prêtresse d'hier soir. Décidément, elle a l'air de bien l'intéresser !

Je souffle donc :

- Oui, effectivement, il y a du monde.... C'est encore à cause de la Fête du Départ de l'Été ?

Je savais que cette fête était importante dans l'empire, mais je ne pensais pas qu'elle l'était à ce point.

- Bien sûr ! La plupart des nobles qui peuvent se le permettre préfèrent la fêter au palais, répond Huismei. C'est une des fêtes les plus importantes de l'année, avec le nouvel an et l'anniversaire de l'empereur. Il y a des nobles très influents, ou des familles très riches, qui sont venus de loin pour pouvoir y participer !

- Tes cousins espèrent sans doute que tu attires leurs regards. Lève la tête et souris ! Attention à tes épaules, ne les redresse pas trop ! m'ordonne Ishan en corrigeant ma façon de me tenir.

J'ai le sentiment d'être soudain comme du bétail lors d'une foire. La dernière fois que j'avais ressenti ça, c'était dans le nord quand l'empereur avait appelé mon nom. J'ai l'impression que c'était il y a une éternité. 

Se méprenant sur mon expression maussade, Ishan me rassure immédiatement en saisissant mes mains avec chaleur :

- Oh ! Mais si c'est Semkei que tu veux, tu n'as qu'à leur dire ! Je suis sûre qu'ils t'écouteront !

J'ai déjà plusieurs fois essayé de leur faire comprendre que je ne voulais personne en particulier, mais c'est quelque chose qu'elles n'arrivent pas encore à accepter tant on les a éduquées différemment.

On leur dit depuis toutes petites que leur but dans la vie est de se marier. Et on essaye de leur rendre ça attrayant en leur bourrant le crâne avec des histoires de grand amour, comme quoi ce serait la seule condition à leur bonheur.

Même s'il est impossible ici d'être dupes quant à la réalité peu alléchante d'un mariage impérial, elles continuent donc d'espérer atteindre un rêve peu probable. Elles sont persuadées que, pour elles, ça ira. Même si tout autour d'elle clame le contraire. Elles n'ont pas idée de chercher à changer leur destin et à créer elles-même leur bonheur. C'est sans doute parce que j'ai été élevée avec beaucoup plus de liberté que ça me paraît incompréhensible.

Je ne sais pas comment leur ouvrir les yeux, j'ai essayé plusieurs fois, en vain.

L'empereur fait son entrée dans la salle, nous offrant une distraction. Il est vêtu d'une tenue magnifique : noire, rouge et or, qui lui donne une allure à la fois majestueuse et autoritaire. Il n'a pas fait deux pas qu'il est aussitôt harangué par le père de Sejivan, lequel a frayé un chemin à sa fille dans sa superbe tenue rouge et or pour qu'elle puisse venir le saluer.

Elle se montre extrêmement détendue et à l'aise, comme si elle retrouvait un vieil ami. Kianshei lui-même arbore cette expression douce et espiègle qu'il nous réserve habituellement à Xemtei, Rinsheng et moi.

J'en ai un nouveau pincement au cœur et me décide à regarder ailleurs, à la recherche de Xemtei. Un grand brouhaha de surprise, qui se transforme vite en bruissement mécontent, se fait soudain entendre. Il accompagne l'arrivée d'un homme qui ne s'attire que des regards mauvais. 

C'est la première fois que je le vois. Il est particulièrement grand, même pour un impérial, et presque aussi beau que l'empereur, bien que dans un style très différent.

Son teint pâle est inhabituel ici, presque aussi blanc que la porcelaine. Ses traits fins sont plus doux que ceux de Kianshei, et ses yeux sont d'un bleu intense, glacé. Ses cheveux d'un noir presque bleuté sont relativement courts pour l'empire, même si ses mèches les plus longues descendent jusqu'à son cou. Coupés en dégradé, coiffés en bataille, ils lui donnent un air romantique.

Son caftan bleu sombre et argent, bien que luxueux, arbore une coupe simple. Il a quelque chose de triste, de bien moins flamboyant que la tenue de l'empereur. C'est un curieux choix de couleurs pour l'événement. Son expression est mélancolique, et ses yeux semblent se chercher un échappatoire dans cette foule qui le méprise.

Voyant que je le fixe, Huismei me dit en plaisantant :

- Alors non ! Lui, tu l'oublies !

- Hein ? fais-je en me tournant vers elle.

- C'est Semjinkin Bralizem. Le frère de la fiancée de l'ancien empereur.

Je m'étonne :

- Son frère ?! Mais quel âge il a ?!

Il fait plutôt jeune, je lui aurais donné le même âge que Kianshei, voire moins !

- Vingt-six ans. Il a quinze ans de différence avec sa sœur, le patriarche l'a eu avec sa plus jeune maîtresse..., m'explique Ishan. C'est son seul fils. Alors oui, il est extrêmement riche, il est puissant dans l'ouest, et ses futures terres font bien la taille de quatre provinces réunies, mais ce n'est pas un ami de la couronne.

- On dit même qu'au début du règne de l'empereur, il a envoyé des assassins pour l'éliminer ! ajoute Erueng, les yeux brillants. Il est mauvais et dangereux. Je sais pas ce qu'il fiche ici, on le voit jamais d'habitude ! Il est détesté à la capitale !

- Oh.

Oui, j'ai entendu parler de ces assassins, même si Kianshei ne m'a pas dit qui les avait envoyés. Est-ce vraiment lui ? Sans doute pas, sinon il n'aurait pas été invité. Il n'a pas la tête que j'attendrais d'un homme cruel et machiavélique. Ses gestes sont mesurés et discrets, comme s'il craignait de prendre trop de place. Tout son visage semble s'excuser d'être là !

La plupart des nobles paraissent éviter de vouloir lui parler, feignant de ne pas le voir lorsqu'il se tourne dans leur direction. Mais cela vaut sans doute mieux que le regard empli de dégoût et de hargne que lui lance Kusrian. Semjinkin finit par s'installer dans un recoin plus sombre, comme un paria.

J'ai bien compris que c'était un ennemi, mais il me fait de la peine. À force de l'observer, et alors que lui-même essaye d'accrocher en vain un regard ici, nos yeux se croisent.

C'est lorsqu'il tapote l'épaule du bel homme venu le rejoindre, pour ensuite murmurer quelque chose à son oreille, que je comprends qu'il n'est pas aussi seul et abandonné que je le pensais. L'autre homme me toise. Son regard me fait immédiatement penser à celui d'un rapace qui vient de repérer sa proie.

Il arbore une tenue plus humble que Semjinkin, moins martiale. Ses traits sont plutôt ronds et harmonieux, bien moins effilés que ceux de Semjinkin. Mais ils partagent le même teint pâle, presque aussi nacré que le mien. Ses grands yeux en amande sont d'un gris très clair, et ses cheveux blonds lui tombent loin dans le dos. Il paraît plus mince et frêle que la plupart des impériaux ici.

S'il n'était pas aussi grand et élancé, si ses cheveux étaient d'une teinte moins foncée, il pourrait passer pour un kaeli de mon clan. J'en déduis qu'il doit venir de la région des montagnes, comme "Suirei". Ce qui est rare ici. Est-ce pour ça qu'ils m'observent tous les deux ?

Je ne sais pas ce qu'il répond à Semjinkin, mais cela le fait se désintéresser de moi pour reprendre ailleurs sa quête de regard amical, en provenance de quelqu'un d'importance, j'imagine ! Quoique. Un très bref moment, il me contemple à nouveau.

Gênée, je détourne aussitôt le regard. C'est alors seulement que je distingue Semkei, avec sa famille, qui sourit de toutes ses dents quand il me voit.

J'ai l'impression qu'il veut me dire quelque chose, mais pour qu'il ait le droit de venir me parler, il faudrait que nous soyons tout deux accompagnés par un adulte de notre famille respective. Même si nous sommes au temple, nous sommes toujours tenus aux règles de l'école. Nous ne pouvons donc pas nous mélanger selon notre bon vouloir.

C'est stupide quand on voit combien tout cela change dehors lors des jours de fête, mais bon, je n'en suis pas à ma première règle impériale absurde ! J'ai l'impression que les gens les suivent plus par convenance, et pour montrer leur bonne connaissance de l'étiquette, que parce qu'elles ont réellement du sens.

C'est finalement sa sœur qui les quitte, lui et leurs parents, pour venir sautiller jusqu'à moi. Mes amies s'écartent aussitôt, mais tendent tout de même l'oreille.

- Bonjour, Suirei !

- Bonjour Jihanei, tu vas bien ?

- Très bien, merci, et toi ?

- Je vais bien, merci.

Elle rit avant de m'adresser un clin d'œil complice :

- J'en suis pas convaincue ! Je devine que tu aurais préférée être à l'école ce matin, pour une fois que ça valait le coup ! Tu as manqué à Semkei. Malgré ton niveau désastreux en poésie il voulait que tu sois sa partenaire ! C'est dire !

- Ah ? Je croyais qu'il voulait d'abord attendre que je progresse...

- Hein ?! C'est ce qu'il t'a dit ? s'offusque-t-elle en écarquillant les yeux.

- Bah, oui...

- Oh lala, quel gros nul..., soupire-t-elle. Il est vraiment pas doué ! Bon. Il me fait te dire que tu es, je cite, "la plus belle fille de cette salle".

- Ah. Euh. Merci à lui. C'est gentil de sa part.

- Oui, hein ? Sympa pour moi ! commente-t-elle ensuite en riant. Enfin ! Il compte passer du temps avec toi pour la Fête du Départ de l'Été, tu es d'accord ?

Même si elle n'a pas les mêmes enjeux que la Fête de la Montagne, il est courant que les couples de jeunes nobles qui se sont formés durant cette dernière assistent ensemble à celle du Départ de l'Été. Mais aussi que d'autres couple s'y fassent...

Les jours de fête au palais sont les rares moments où les élèves des deux écoles impériales peuvent se mélanger, puisqu'on refuse qu'ils étudient ensemble... ce qui serait pourtant plus pratique pour qu'ils fassent connaissance. Cet empire n'a vraiment aucune logique ! Pourquoi empêcher les élèves des deux sexes de se rapprocher, si au final on veut qu'ils se rapprochent ?!

Enfin, heureusement pour moi, j'apprécie Semkei et je préfère passer du temps avec lui que me faire aborder par je ne sais quel autre prétendant que je devrai tout autant éconduire plus tard. Obligeamment, je réponds donc :

- Oui, bien sûr. Il peut compter sur moi.

- Super ! Je vais lui dire !

Elle repart immédiatement, tout aussi gaiement.

- Je savais que tu aimais bien Semkei, sifflote Ishan avec malice.

Je n'ai pas le temps de la contredire, la salle est de nouveau agitée : l'empereur a fini par aller saluer Semjinkin. Ce dernier semble soulagé. Kianshei ne paraît pas du tout le considérer comme un ennemi. Il lui sourit amicalement, rit de son beau sourire tendre. Mais à la cour, bien sûr, les apparences sont trompeuses. 

Une fois que l'empereur a porté son attention sur l'héritier Bralizem, certaines femmes nobles semblent enfin s'autoriser à lui adresser de gracieux sourires, tandis que des hommes s'empressent de le saluer. Ils ne le font pas forcément par dépit, j'ai l'impression qu'ils attendaient ce signal pour pouvoir retourner leur veste et le courtiser.

Quel changement ! Et quelle hypocrisie... d'ailleurs, je me demande combien ici ne font qu'uniquement semblant de prêter allégeance à Kianshei, pour en réalité soutenir son ennemi ?

Je serre les lèvres, dégoûtée par ces jeux de manipulation et de pouvoir. Je suis bien loin de mon pays et de son sens de l'honnêteté et de l'honneur. Le cœur serré, me sentant soudain plus perdue que d'habitude, je me remets à chercher Xemtei des yeux, acharnée. Ce faisant, je surprends une nouvelle fois ceux de Semjinkin, pourtant en grande discussion avec une noble. Dès que nos regards se croisent, il reporte son attention sur son interlocutrice.

Est-ce que je me fais des idées ? J'espère qu'il ne sait pas réellement qui je suis, car je suis sûre que s'il a des assassins à sa solde, je suis sur leur liste !

Kumlei commence à en avoir marre que l'empereur ne s'intéresse pas du tout à elle. Il est trop loin et lui tourne à présent le dos. Les filles et elles décident donc de s'avancer un peu plus dans sa direction, juste au cas où...

Je ne peux m'empêcher de loucher une nouvelle fois vers Semjinkin, et à nouveau nos yeux se rencontrent. Sauf que cette fois-ci, il soutient mon regard.

- Mais c'est fini oui, de faire du charme à tout le monde sauf à moi ! s'exclame alors une voix outrée dans mon dos.

Je reconnaîtrais ce ton mi-moqueur, mi-fanfaron, entre tous ! Je pivote, radieuse,  et m'écrie enfin, soulagée :

- Grand frère !

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