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NÎTlE

LE PETIT NICOLAS

NOTRE MAISON

Je vous ai dit, je crois, que dans le quartier il y a un terrain vague terrible, où on va jouer avec les copains. Dans le terrain vague, il y a des tas de choses : une vieille voiture sans roues, des boîtes vides, des pierres, des chats ; c'est formidable et on s'y amuse bien.

Là, on avait décidé, avec les copains, de construire une maison. Une maison rien que pour nous, où on ne laisserait entrer personne d'autre, où on y mangerait des choses qu'on ferait cuire nous-mêmes - ça, c'était une idée d'Alceste -, où on pourrait aller même quand il pleut ; ça serait drôlement chouette !

- Bon, avait dit Geoffroy, on se retrouve sur le terrain cet après-midi. Que chacun apporte de quoi construire la maison.

Quand je suis arrivé dans le terrain vague, presque tous les copains y étaient déjà. Moi, j'avais apporté ma pelle et mon seau que j'avais à la plage, en vacances ; Eudes avait apporté un marteau et Maixent avait un tas de clous dans sa poche. Les clous étaient un peu rouillés et tordus, mais Maixent nous a expliqué que les bons clous étaient plantés dans les murs chez lui, et qu'il ne pouvait tout de même pas les arracher pour construire une autre maison. Joachim n'avait rien apporté, Clotaire non plus ; Alceste était venu avec deux croissants, mais ce n'était pas pour la maison, c'était pour lui. Et puis, Rufus est arrivé très content.

- Regardez ce que j'apporte, il a dit, et il nous a montré un bouton de porte.

- Et qu'est-ce que tu veux qu'on fasse avec ça ? a demandé Eudes.

- Ben quoi, a dit Rufus, c'est pour la maison. T'as déjà vu une maison sans bouton de porte ?

Il avait raison, Rufus, et puis Geoffroy est arrivé avec une planche sous le bras.

- Papa n'a pas voulu que j'en prenne d'autres, a dit Geoffroy ; pourtant, il y en a plein derrière le garage. Mais, ça ne fait rien, elle est chouette, cette planche.

- Elle n'est pas bien grande, a dit Clotaire.

- Ah oui ? a dit Geoffroy, et toi, qu'est-ce que tu as apporté pour la construire, la maison ? Hein ?

- C'est vrai, ça, a dit Rufus ; nous, on amène des choses drôlement utiles, et vous qui n'avez rien, vous êtes là à rouspéter !

- Bon, j'ai dit, on ne va perdre du temps à discuter, il faut la faire, notre maison !

Et avec ma pelle, j'ai commencé à creuser par terre.

- Et pourquoi est-ce que tu fais un trou ? m'a demandé Joachim.

- T'as jamais vu que pour construire une maison, on commence par faire un trou ? j'ai répondu.

- Possible, a dit Maixent, mais pourquoi tu le fais là, le trou ? On n'a pas encore décidé où on va la faire, la maison !

- On va la faire ici, j'ai dit, et j'ai continué à creuser le trou, et c'était pas facile à cause des pierres.

- Tu peux le creuser là, ton trou, a dit Maixent. Nous, la maison, on va la faire ailleurs.

- Tu veux un coup de pelle ? j'ai demandé ; mais Joachim a dit que c'était idiot de commencer à se battre, et qu'elle ne sera jamais finie, la maison, si on ne s'y mettait pas !

- T'as raison, a dit Maixent, alors la maison, on va la faire là-bas.

- Fais la maison là-bas si tu veux, moi je fais ma maison ici, j'ai dit. Et je me suis remis à creuser.

Maixent, ça ne lui a pas plu ce que j'avais dit. Alors, il est venu vers moi, et je lui ai crié :

- Sors de ma maison ! T'as qu'à aller dans la tienne !

- Ta maison, ta maison ! il a dit Maixent ; d'abord, c'est pas ta maison, c'est notre maison ; et puis j'y entrerai si je veux !

Alors il est entré et il m'a donné une gifle, et moi je lui ai donné un coup de pelle sur la tête. Il a été très étonné, Maixent, de recevoir un coup de pelle sur la tête. Et puis, nous nous sommes battus, mais Eudes a dit qu'on s'arrête et qu'on se mette au travail sérieusement.

- La maison, on la fait comment ? a demandé Eudes. Un ou deux étages ?

Clotaire s'est mis à rigoler.

- Tu me fais rigoler, il a dit. Si on fait une maison à deux étages, avec quoi on va faire l'escalier ?

Il avait raison, Clotaire ; un escalier, ça doit être difficile à faire, surtout à cause des marches. Mais il ne faut jamais dire à Eudes qu'il vous fait rigoler, parce que Eudes est très fort et il aime bien donner des coups de poing sur le nez des copains ; et quand vous lui dites qu'il vous fait rigoler, ça ne rate pas. Et Clotaire a eu de la veine, parce que Eudes n'a pas tapé avec le marteau.

Il avait raison, Clotaire ; un escalier, ça doit être difficile à faire, surtout à cause des marches. Mais il ne faut jamais dire à Eudes qu'il vous fait rigoler, parce que Eudes est très fort et il aime bien donner des coups de poing sur le nez des copains ; et quand vous lui dites qu'il vous fait rigoler, ça ne rate pas. Et Clotaire a eu de la veine, parce que Eudes n'a pas tapé avec le marteau.

Là, on a été un peu tranquilles, surtout avec Clotaire qui boudait et qui saignait du nez.

- La maison, a dit Joachim, il faudrait la faire avec deux pièces : une entrée et un salon. Pour le salon, j'essayerai d'apporter le fauteuil qui est dans ma chambre. Avant que le cuir soit crevé, il était dans le salon, chez nous, et il est encore très bien, le fauteuil. Et puis on pourrait mettre des tableaux sur les murs, et puis un tapis par terre, et puis des lampes avec des abat-jour...

- Et la cuisine ? a demandé Alceste. Il n'y aura pas de cuisine dans la maison ?

- Tu nous embêtes avec ta cuisine, a dit Joachim.

- C'est toi qui nous embêtes avec tes fauteuils crevés ! a répondu Alceste.

Et ils sont allés plus loin pour discuter, parce qu'Alceste aime mieux discuter que se battre, surtout quand il n'a pas encore fini de manger ses croissants.

- Dites, les gars ! a crié Geoffroy, on s'y met à la maison, ou on ne s'y met pas ? Il va se faire tard !

- T'as raison, a dit Rufus. Alors, voilà : la porte, on va la mettre de ce côté, ici.

- On s'en fiche de ta porte, a dit Geoffroy. Ce qu'il faut commencer, c'est les murs.

Et puis Geoffroy a mis sa planche par terre, à côté de mon trou.

- Et comment tu vas entrer dans la maison, si tu n'as pas de porte, je vous prie ? a demandé Rufus.

- Je n'ai pas dit qu'il n'y aurait pas de porte, imbécile, a répondu Geoffroy. Je dis qu'on ne commence pas une maison par la porte !

- Qui est un imbécile ? a demandé Rufus, et Geoffroy lui a donné une grosse claque.

Rufus, il s'est mis en colère, et il s'est battu avec Geoffroy en criant :

- Alors ? Dis-le maintenant si tu l'oses ! Dis-le ! Qui est un imbécile ?

Et Geoffroy lui répondait :

- Toi ! Toi ! Toi ! comme ça, tout le temps.

Nous, on s'est mis autour pour les regarder, parce que comme ils sont de force égale, c'est intéressant quand Geoffroy et Rufus se battent !

Et puis, ils se sont arrêtés et Rufus a dit :

- Puisque c'est comme ça, je m'en vais ! Et pour le bouton de la porte, vous repasserez.

- Ah oui ? a dit Geoffroy. Eh bien ! La planche, je l'emporte aussi !

Et ils sont partis tous les deux, fâchés, chacun de son côté.

Alors nous, nous nous sommes regardés, et puis nous sommes partis à notre tour.

Parce que c'est vrai : comment voulez-vous construire une maison sans matériaux ?

LE PETIT NICOLAS

JE ME CIRE

Mme Moucheboume a téléphoné à maman pour l'inviter à prendre le thé cet après-midi. Mme Moucheboume a demandé à maman de m'amener avec elle, parce que je suis très chou. Moi, ça ne m'amuse pas trop d'aller prendre le thé chez Mme Moucheboume, parce qu'elle n'a pas d'enfants ni de télé chez elle, mais maman m'a dit que puisque Mme Moucheboume veut que j'aille prendre le thé chez elle, j'irai prendre le thé chez elle, et un point c'est tout. Mme Moucheboume, c'est la femme de M. Moucheboume, qui est le patron de mon papa.

Alors, maman m'a mis le costume bleu marine et les chaussettes blanches, et elle m'a peigné. Quand je suis habillé comme ça, j'ai l'air d'un vrai guignol. Et puis maman a regardé mes chaussures et elle a dit qu'elles ne brillaient pas assez, et qu'elle allait leur donner un coup de brosse, mais qu'il se faisait tard, et que d'abord elle allait commencer par s'habiller et se préparer. « Si tu es bien sage, m'a dit maman, ce soir, je ferai de la tarte aux pommes », et puis elle est partie. Moi, j'aime bien ma maman, et la tarte aux pommes, alors, j'ai décidé de ne pas faire de bêtises.

Et puis, je me suis dit que ce qui serait une bonne surprise pour maman, ce serait que je cire mes chaussures pendant qu'elle se prépare, comme ça, quand maman viendrait pour me donner un coup de brosse, elle verrait mes chaussures drôlement brillantes, et elle dirait : « Oh, mais mon Nicolas est un grand garçon, et il aide sa maman ! » Et puis, elle m'embrasserait, et ce soir, pour le coup, de la tarte aux pommes je pourrai m'en resservir deux fois, trois peut-être. Ça sera chouette !

Je suis allé dans la cuisine, où se trouve la petite valise dans laquelle il y a les choses pour cirer les chaussures. J'ai fait comme papa, j'ai donné d'abord un coup de brosse à mes souliers qui ont déjà commencé à briller, et puis j'ai pris la boîte de cirage noir, et j'ai cherché la petite brosse avec laquelle papa met le cirage sur ses chaussures. Mais comme je n'ai pas trouvé la petite brosse (maman dit que papa est très désordonné), j'ai mis le cirage avec les doigts, ça ne fait rien, parce qu'après je me laverai les mains. Le cirage s'étend drôlement bien comme ça, la seule chose, c'est qu'il rentre un peu sous les ongles. Après, j'ai pris la grande brosse et j'ai frotté, en sifflant, comme fait papa, mais c'est drôle, les chaussures brillaient moins qu'avant que je mette le cirage, alors, j'ai remis du cirage, une bonne couche, et puis au lieu de me servir de la brosse, j'ai pris un torchon que maman, de toute façon, allait sûrement mettre dans le panier à linge sale.

Les chaussures, elles brillaient pas trop, mais ça allait. Ce qui est embêtant, c'était les chaussettes. Je ne sais pas comment fait papa pour ne pas se salir les chaussettes quand il se cire, il faut dire qu'il ne met pas de chaussettes blanches ; les miennes, elles étaient noires jusqu'à la moitié de la jambe, mais c'est forcé, les chaussettes, c'est pas comme les manches, on ne peut pas les retrousser. Alors, j'ai pris le gros morceau de savon qui est sur l'évier, je l'ai mouillé au robinet qui éclabousse, et j'ai frotté mes chaussettes. Ça ne les a pas très bien nettoyées et ça m'a fait froid aux jambes, mais avec encore un coup de cirage sur les chaussures, j'ai pu enlever le savon qui était tombé dessus.

Ce que j'aurais dû faire, c'est retrousser les manches de ma chemise, parce que les poignets étaient mouillés presque jusqu'aux coudes, et il y avait quelques taches de cirage. Sur le blanc, le noir ça se voit beaucoup, maman dit toujours que c'est très salissant, et elle a raison. C'est plus salissant que le bleu marine, en tout cas, parce qu'il fallait regarder mon veston de très près pour voir les taches de cirage qui étaient dessus. D'ailleurs, j'ai gratté le cirage du veston avec le couteau dont papa se sert pour découper le gigot, quand il y en a, et tout s'est très bien arrangé. J'ai enlevé mon veston et je l'ai mis sur le dossier d'une chaise, mais c'est la chaise qui ne tient pas, et bing ! tout est tombé par terre : le veston, la chaise et la valise avec les choses pour cirer les chaussures, que j'avais mise sur la chaise. Ce n'était pas bien grave, sauf pour la boîte de cirage, qui est tombée par terre du côté du cirage, comme le font les tartines d'Alceste, quand on le bouscule dans la cour de la récré, mais là, ce n'est pas du cirage, mais du beurre, ou même de la confiture souvent.

Alors j'ai décidé de nettoyer la tache qui était sur le carrelage de la cuisine, j'avais pas envie de me faire gronder par maman, et j'ai pris un autre torchon, que maman allait sûrement mettre aussi dans le panier du linge sale. Mais avec le torchon, ça, je dois dire, ça n'a pas trop bien marché, parce que le cirage s'est étendu, sans partir. Alors, j'ai fait comme maman, j'ai pris le balai, pas celui qui a des pailles longues au bout, l'autre, j'ai mouillé le torchon au robinet qui éclabousse, et que j'avais bien fait de ne pas fermer, et j'ai mis le torchon au bout du balai. Et puis, j'ai commencé à frotter, mais, c'est drôle, le cirage ça l'a mouillé mais ça ne l'a pas enlevé.

Alors, j'ai pris le gros morceau de savon, j'ai gratté le noir qui était dessus, avec le couteau à découper le gigot, et puis je me suis mis à genoux par terre, et avec les deux mains, j'ai frotté le savon sur le cirage. L'ennui, c'est que ça n'a pas beaucoup nettoyé le cirage, mais que ça a drôlement sali le savon. Mais ce n'était pas grave, pas plus que la cravate, parce que c'était seulement le bout qui a traîné par terre, et quand je ferme le bouton du haut de mon veston, le bout de la cravate, on ne le voit pas. Non, ce qui était embêtant, c'était le pantalon à cause des genoux qui étaient pleins de cirage mouillé, et c'est drôle, mais même sur du bleu marine ça se voyait. J'aurais dû retrousser mon pantalon, parce que même sans le retrousser, mes genoux se sont salis. Je me suis dit que ce que j'avais de mieux à faire, c'était d'aller me changer, je rangerais la cuisine après. En me levant pour aller dans ma chambre, je me suis vu dans la petite glace de la cuisine, et alors là, j'ai rigolé. J'avais la figure pleine de cirage, surtout sur le nez. J'avais l'air d'un clown et je me suis amusé à faire des grimaces, et puis j'ai entendu un grand cri.

C'était maman qui était à la porte de la cuisine. Elle était pas contente, maman. Elle m'a pris par le bras, et elle m'a dit que je serais privé de dessert, et qu'on verrait ce que papa aurait à dire quand on lui raconterait ce qui s'est passé.

Et moi, je me suis mis à pleurer, parce que d'accord, j'avais fait quelques bêtises, mais ce qui n'est pas juste, mais pas juste du tout, c'est vrai quoi, à la fin, c'est que maman ne s'est même pas aperçue que j'avais ciré mes chaussures. Et tout seul, encore !

LE PETIT NICOLAS

MÉMÉ

Quand maman a dit que sa maman venait passer deux jours avec nous, moi, j'ai été très content, parce que j'aime beaucoup mémé. Elle est gentille mémé, elle me donne des tas de choses et tout ce que je dis la fait rire beaucoup et elle dit que je suis très intelligent et très drôle et que je ressemble beaucoup à ma maman quand elle avait mon âge.

Papa aussi a été content quand il a su que mémé venait : « Bravo ! il a dit, ah oui, bravo ! Pour une bonne nouvelle, c'est réussi ! Bravo ! » Je dois dire que ça m'a un peu étonné que papa soit si content, parce que lui et mémé, ils se disputent un peu quand ils se voient. Mais je crois que c'est comme quand M. Blédurt, notre voisin, taquine papa. C'est pour rire.

Mémé est arrivée le soir. Quand elle a sonné, j'ai couru à la porte avec maman, et mémé est entrée avec sa valise. « Ma chérie ! a dit mémé en embrassant maman, je suis si contente de te voir ! » et puis mémé m'a pris dans ses bras, elle m'a embrassé partout sur la figure, elle m'a dit que j'étais un grand garçon, un homme et son bébé à elle. Papa s'est approché son journal à la main et mémé lui a tendu une joue que papa a embrassée très vite, plic. « Bonjour, gendre », a dit mémé. « Bonjour, belle-mère », a dit papa. Moi, je sautais autour de mémé et je regardais sa grosse valise, parce que mémé, quand elle vient, elle m'apporte toujours de chouettes cadeaux dans sa valise. « Qu'est-ce que tu m'as apporté, mémé ? », j'ai demandé. Papa m'a fait les gros yeux. « Nicolas, il m'a dit, en voilà des manières ! Où as-tu donc été élevé ? »

- Laissez-le, a dit mémé, ce pauvre petit n'a pas une vie tellement gaie, il faut bien le gâter un peu.

- Ah ! Ca, a dit papa, c'est bien vrai. Après chacune de vos visites, Nicolas est complètement gâté !

Mémé a ouvert la valise et elle a sorti une grosse boîte. « Tiens, mon chéri, elle m'a dit, ouvre le paquet, je crois que ça va te plaire. » Ça m'a pris beaucoup de temps pour ouvrir le paquet, à cause des ficelles et des papiers et aussi parce que quand je suis impatient, je tremble et c'est drôlement dur pour défaire les nœuds, et, dans la boîte, vous ne devinerez jamais ce qu'il y avait dedans : un avion ! Un avion terrible ! Avec tout plein de moteurs sur les ailes et des hélices qui tournent. « Qu'est-ce qu'on dit ? » a demandé maman. « Il est drôlement gros, j'ai répondu, c'est le plus gros que je n'ai jamais eu ! » Mémé s'est mise à rire et elle a dit que j'étais très drôle et elle m'a embrassé.

Moi, j'ai commencé à jouer avec l'avion. Je faisais « rrrrr » et puis je courais dans le salon en lui faisant faire des tas d'acrobaties, à l'avion. Papa s'est assis de nouveau dans son fauteuil pour lire le journal, et il m'a dit : « Nicolas, range ce jouet ! Tu as des devoirs à faire pour l'école ! »

- Bah ! a dit mémé, laissez-le s'amuser un peu, ce n'est pas souvent qu'il a des jouets comme ça, le pauvre petit.

- Et quand le pauvre petit sera grand et que vous en aurez fait un ignorant, qu'est-ce qu'il deviendra ? a demandé papa.

- Il deviendra un gendre, probablement, a répondu mémé.

Maman est entrée dans le salon avec des tasses de thé sur un plateau. Maman, elle n'aime pas que mémé reste longtemps seule avec papa. Je crois que c'est à cause des disputes.

Avec le thé, maman a apporté un gâteau en tranches, ça ressemble à du pain d'épice, mais ça n'a pas du tout le même goût, c'est bon quand même. J'ai demandé à maman si je pouvais en avoir du gâteau et maman a dit non, que ça me couperait l'appétit. J'allais me mettre à jouer avec l'avion, quand mémé a dit :

« Oh ! laissez-le prendre une ou deux tranches, ça ne peut pas lui faire de mal ! » Papa a regardé mémé, il est devenu tout rouge, alors, maman, très vite, elle m'a donné une tranche de gâteau et elle m'a dit d'aller jouer dans ma chambre.

- Je ne vois pas souvent mon unique petit-fils, a dit mémé, je ne comprends pas pourquoi on l'envoie dans sa chambre dès que j'arrive.

- Mais enfin, maman, a dit maman.

- Laisse-la, a dit papa, tu vois bien qu'elle le fait exprès.

- Tu m'avais promis, a dit maman à papa.

- Oh, ça ne fait rien, a dit mémé, je ne suis qu'une pauvre vieille femme que personne n'aime, j'ai compris, je vais rentrer chez moi, et vous ne me verrez plus !

Maman et mémé se sont mises à pleurer, papa est monté dans sa chambre et moi, j'ai repris un morceau de gâteau.

Mémé et maman ont cessé de pleurer très vite. « Je vais aller voir où en est le rôti », a dit maman et elle est partie à la cuisine. Moi, je suis resté seul avec mémé, et elle m'a pris sur les genoux, et elle m'a fait poser l'avion sur la table, parce que je lui avais mis une hélice dans l'oreille et elle m'a demandé si je travaillais bien à l'école, si j'étais bien sage, ce que j'aimerais faire quand je serai plus grand, et si je voulais goûter les bonbons qu'elle avait dans son sac. Je lui ai répondu que je travaillais pas mal, que j'étais assez sage, que je voulais devenir aviateur et que si elle avait des bonbons, moi, j'en voulais bien.

Il y avait des tas de bonbons dans le sac de mémé, des en chocolat et des en caramel. Elle est vraiment très chouette, mémé. J'aime bien papa et maman, mais ils ne me donnent jamais autant de bonbons. C'est dommage que mémé ne vienne pas plus souvent à la maison.

Comme c'était l'heure du dîner, papa est redescendu dans le salon. Moi, j'avais fini les bonbons, et, c'est drôle, je n'avais plus tellement envie de jouer avec l'avion. J'avais la bouche toute sucrée et un petit peu mal au ventre.

- Le dîner est servi, a dit maman.

Nous nous sommes mis à table dans la salle à manger. Maman avait préparé un repas terrible avec des tas de hors-d'œuvre et de la mayonnaise, que j'aime beaucoup. Mais là, je ne sais pas pourquoi, je n'avais pas faim et je faisais des dessins dans mon assiette avec la mayonnaise et la fourchette.

- Allons, mange un petit peu pour faire plaisir à mémé, a dit mémé.

- Il ne faut pas le forcer, a dit papa, tous les docteurs disent...

- Les docteurs ! Les docteurs ! a crié mémé. Qu'est-ce qu'ils savent les docteurs ! Moi, j'ai élevé trois enfants et je n'ai jamais eu d'ennuis avec eux !

- Vous n'aviez peut-être pas de belle-mère, a répondu papa.

- J'apporte le rôti, a dit maman ; Nicolas, dépêche-toi, on t'attend ! - Et mâche bien, a ajouté mémé.

Quand le dîner s'est terminé, maman m'a envoyé coucher tout de suite, et j'ai été très malade. Très, très malade. Comme après le repas de communion de mon cousin Bertin, quand mon oncle Silvère a dit qu'on me laisse goûter au foie gras, que ça ne pouvait pas me faire de mal et ça a pu. Papa a dû se lever la nuit pour appeler le docteur, qui est venu et qui a dit que ce n'était rien, une indigestion et qu'on devrait me mettre à la diète pendant quelques jours.

Là où j'ai l'impression que papa n'était pas trop content, c'est quand mémé a dit qu'elle allait rester quelques jours de plus avec nous pour surveiller ma diète.

« Je me méfie de votre façon de nourrir ce pauvre petit », a dit mémé.

LE PETIT NICOLAS

CHEZ LE COIFFEUR

Maman a passé sa main sur mes cheveux et elle a dit : « Mon Dieu, quelle tignasse ! », et puis après, elle m'a dit : « Tu es un grand garçon, maintenant, n'est-ce pas Nicolas ? » Moi, je n'aime pas trop quand maman me dit que je suis un grand garçon, parce que, tout de suite après, j'ai de gros ennuis. Mais, je ne pouvais pas dire non, c'est vrai que je suis devenu très grand : pour manger, à table, je n'ai presque plus besoin de coussin, sauf pour manger les macaronis, parce que là, il faut voir ce qu'on fait.

- Eh bien, m'a dit maman, puisque tu es un grand garçon, tu vas aller chez le coiffeur, tout seul !

Moi, je n'aime pas aller chez le coiffeur, il est habillé en blanc, comme les dentistes et les docteurs et puis il a des ciseaux, des rasoirs et des machines à tondre qui font froid quand ça vous touche et ça peut vous couper. Et puis, on a des bouts de cheveux sur le nez et dans les yeux et on ne peut pas les enlever, à cause de la serviette et aussi parce qu'il ne faut pas bouger, sinon, couic, avec le rasoir. Et, quand on sort du coiffeur, on a l'air d'un guignol, avec pas de cheveux autour des oreilles, et ceux sur la tête tout collés.

- Maman, j'ai dit, je ne veux pas aller au coiffeur !

- CHEZ le coiffeur, m'a dit maman, et tu vas y aller tout de suite, si tu ne veux pas que je me fâche

Maman, elle n'avait pas l'air de rigoler. Je suis sorti de la maison pour aller CHEZ le coiffeur, comme dit maman. Elle m'avait donné des sous, maman, et elle m'avait dit qu'il fallait que je demande qu'on me dégage les oreilles et assez court devant. Dans la rue, j'ai rencontré Alceste, Rufus et Clotaire, trois copains de l'école, qui jouaient aux billes. « Où tu vas ? » m'a demandé Alceste. « Chez le coiffeur », j'ai répondu. Alors, Alceste, Rufus et Clotaire ont décidé de m'accompagner, ils en avaient assez de jouer et Alceste avait gagné toutes les billes.

Quand nous sommes arrivés chez le coiffeur, les deux fauteuils étaient pleins. Les coiffeurs nous ont regardés, ils ont ouvert des gros yeux et un a dit : « Non ! oh non ! », et l'autre lui a répondu : « Courage, Marcel ! »

Comme il fallait attendre, nous avons jeté un coup d'œil sur les revues qui étaient sur une table et qui avaient plein de cheveux dans les pages. Les revues n'étaient pas très intéressantes et Clotaire était en train de faire un avion avec une des pages qu'il avait arrachées, quand le coiffeur qui s'appelait Marcel, d'une voix toute tremblante, a dit : « Bon, je suis libre, qui est le premier d'entre vous ? » Moi, j'ai répondu que j'étais le premier, et non seulement que j'étais le premier, mais que j'étais le seul. M. Marcel a regardé mes trois copains et il a demandé : « Et eux ? »

- Nous, on vient pour rigoler, a répondu Alceste.

- Oui, a dit Clotaire, quand Nicolas sort de chez vous, il a l'air d'un guignol, on veut voir comment vous faites.

M. Marcel est devenu tout rouge.

- Voulez-vous partir d'ici tout de suite ! Ce n'est pas la cour de récréation, ici !

Moi je suis sorti, tout seul, mais M. Marcel m'a rattrapé sur le trottoir.

- Pas toi, il a dit M. Marcel, les autres !

Mais Rufus, Clotaire et Alceste ne voulaient pas partir de la boutique.

- Si vous nous faites sortir, a dit Rufus, je me plaindrai à mon papa qui est agent de police !

- Et moi, a dit Alceste, je le dirai à mon papa à moi, qui est un ami du papa de Rufus !

L'autre coiffeur s'est approché et il a dit :

- Du calme, du calme. Vous pouvez rester, les enfants, mais vous allez être sages, n'est-ce pas ?

- Ben oui, quoi, a dit Clotaire.

- Tu vois, Marcel, a dit le coiffeur, il faut du tact, du doigté et tout se passera très bien.

M. Marcel a poussé un gros soupir et il m'a regardé avec une espèce de sourire tout triste. M. Marcel a mis une petite planche entre les bras du fauteuil, il m'a pris dans ses bras à lui, il a fait « Youp-là ! » et il m'a assis sur la petite planche.

- Alors mon petit, il m'a demandé, tu aimes bien aller au coiffeur ?

- CHEZ le coiffeur, je lui ai répondu.

M. Marcel, il s'est mis à rire comme papa quand maman le gronde, il a dit que j'étais très intelligent et combien ça faisait deux fois deux. Je lui ai dit que ça faisait quatre et ça a paru lui faire plaisir, tellement plaisir que je lui ai dit que quatre fois trois ça faisait douze et sept fois cinq, trente-cinq. Je n'ai jamais vu quelqu'un qui ait l'air d'aimer les multiplications autant que M. Marcel. Rufus et Alceste ont voulu se montrer, eux aussi, et ils ont commencé à réciter leurs tables, Clotaire, il ne disait rien parce que c'est le dernier de la classe, surtout en calcul. « Bon, assez, ça va, silence ! » a dit M. Marcel. « Doigté, Marcel », a dit l'autre coiffeur qui s'occupait à raser un monsieur en lui mettant des tas de savon sur la figure. « On dirait un gâteau à la crème, votre client ! », a dit Alceste, qui aime manger.

Les morceaux de peau qu'on voyait de la figure du client, là où il n'y avait pas de savon, sont devenus tout rouges. « Dépêchez-vous, Louis raquo;, a dit le client et je crois qu'il avait avalé un peu de savon, parce que juste quand il parlait, le coiffeur lui passait le blaireau sous le nez.

- Comment il faut que je te les coupe, les cheveux ? m'a demandé M. Marcel.

- Très longs sur les joues, comme les cow-boys, a dit Rufus.

- Non, tout rasés, comme les catcheurs à la télé, a dit Clotaire.

- Taisez-vous ! a crié M. Marcel. Je ne vous ai rien demandé, à vous !

- Je n'ai rien dit ! a dit Alceste.

- Doigté, Marcel ! a dit M. Louis.

- Ah, tais-toi ! lui a répondu M. Marcel.

- Dégagez les oreilles et assez court devant, j'ai dit.

- Hein ? a dit M. Marcel, qui n'avait plus l'air de bien comprendre ce qui se passait.

M. Marcel a pris les ciseaux et il a commencé à faire clic-clic au-dessus de ma tête, mais il s'est arrêté parce qu'il a entendu clic-clic derrière lui. C'était Alceste qui avait pris des ciseaux et qui s'amusait à découper les revues avec Rufus et Clotaire.

- Qu'est-ce que vous faites ? a crié M. Marcel.

- Des avions, a répondu Alceste.

Mais M. Marcel n'avait pas l'air d'aimer les avions en papier, il a demandé à Alceste de lui rendre les ciseaux et de se tenir tranquille.

- Si on ne peut plus rigoler, a dit Rufus.

- Oui, parce qu'avec la tondeuse, pour couper le papier, ce n'est pas facile ! a dit Clotaire.

- Rends-moi ça ! a crié M. Marcel et il a pris la tondeuse à Clotaire.

- Cesse de t'agiter, a dit M. Louis, sinon je vais finir par couper une oreille à mon client.

- Mais, mais, mais, dites donc ! a crié le client qui avait encore, pourtant, toutes ses oreilles, mais qui avait l'air de se méfier.

- Vous me les coupez les cheveux ? j'ai demandé à M. Marcel : c'est vrai, il était là à rigoler avec mes copains et moi j'attendais.

M. Marcel a commencé à me couper les cheveux. Alceste, Rufus et Clotaire s'étaient mis derrière lui et regardaient.

- Tu ne trouves pas qu'il lui coupe courts ? a demandé Alceste.

- Non, ce qui est embêtant, c'est qu'il ne coupe pas pareil de tous les côtés, a répondu Clotaire.

- Silence ! a crié M. Marcel, et puis on a entendu « Ouille ! »

C'était le monsieur qu'on rasait, qui avait crié.

- Je m'excuse, Monsieur, a dit M. Louis, c'est mon collègue qui m'a fait sursauter.

Le monsieur n'a pas excusé du tout, il a demandé qu'on lui essuie le savon, qu'il voulait s'en aller tout de suite.

- Mais, Monsieur, a dit M. Louis, vous n'êtes rasé que d'un seul côté !

- C'est le côté qui saigne, a dit le monsieur, restons-en là.

Et le monsieur s'est essuyé la figure et il est parti.

- Vous avez des drôles de clients, a dit Rufus.

M. Louis a marché vers lui, mais M. Marcel a dit : « Doigté, Louis ! », et M. Louis s'est arrêté et j'ai cru qu'il allait marcher sur M. Marcel.

M. Marcel a fini de me couper les cheveux, pendant que Rufus s'amusait à mouiller Clotaire avec le vaporisateur et que M. Louis essayait de récupérer le talc qu'Alceste lui avait pris. Ils rigolaient tous drôlement.

Ils ne devaient pas s'amuser souvent, M. Louis et M. Marcel, parce que quand nous sommes partis, ils sont restés tout tristes, assis dans leurs fauteuils, en se regardant dans la glace, sans rien dire, les pauvres.

Il faudra que l'on revienne très vite, pour les consoler !

LE PETIT NICOLAS

LES INVITÉS

Moi, j'aime bien quand mon papa et ma maman ont des invités le soir après le dîner. D'abord, parce que comme ça, ils ne sortent pas de la maison, et puis aussi, parce que le lendemain matin, il reste des gâteaux, mais pas souvent ceux au chocolat.

Ce qui me plaît moins, c'est que quand il y a des invités, on me fait coucher de bonne heure, et ce soir, ça n'a pas raté.

- Au lit, m'a dit maman, et sois sage.

- Parce que sinon, a dit papa, tu auras affaire à moi.

Je ne sais pas ce qu'ils ont, papa et maman, moi je suis toujours très sage.

Quand je me suis couché, maman m'a embrassé et elle m'a dit de faire un gros dodo et de ne me lever sous aucun prétexte, alors moi, comme je fais toujours, j'ai demandé si je pouvais lire, et maman a dit bon, jusqu'à ce que les invités arrivent. J'ai pris le livre, celui-là où il y a des tas d'Indiens avec des haches, des plumes et qui vivent dans des tentes comme sur la plage en été, ça doit être drôlement chouette. Et puis, j'ai entendu qu'on a sonné à la porte, et en bas, tout le monde s'est mis à crier et à rigoler, et puis maman est entrée dans ma chambre et elle était avec Mme Laflamme. Mme Laflamme, c'est une grosse, avec elle, je crois que les gâteaux pour demain matin, c'est fichu, mais elle est drôlement gentille.

- Oh ! elle a dit, Mme Laflamme, comme si elle était tout étonnée de me trouver là, mais c'est Nicolas ! Comme il est mignon, on en mangerait !

Et Mme Laflamme s'est baissée sur moi et elle m'a embrassé des tas de fois, et moi j'aime pas trop ça.

- Et maintenant, a dit maman, Nicolas va faire un gros dodo, il ne va pas se lever ni faire du bruit, n'est-ce pas ?

Moi, j'ai dit que oui, alors Mme Laflamme m'a encore embrassé un coup, elle a dit que j'étais trop gentil, un vrai poulet, et puis elle est partie avec maman.

Ce qui est embêtant, c'est qu'avec la porte et la fenêtre fermées, il faisait drôlement chaud dans ma chambre. Alors, j'ai appelé : « Maman ! Maman ! Maman ! » Comme ça jusqu'à ce que maman vienne. Et maman est venue, pas trop contente et quand je lui ai demandé d'ouvrir la fenêtre, elle a fait les gros yeux et elle m'a demandé si je n'aurais pas pu l'ouvrir moi-même. J'ai dit que oui, mais qu'on m'avait défendu de me lever.

- Nicolas, m'a dit maman, si tu m'appelles encore une fois, c'est papa qui viendra, et il ne sera pas content ! Que je ne t'entende plus. Fais dodo !

Maman a ouvert la fenêtre, elle est sortie et j'ai eu soif.

Quand j'ai soif la nuit, c'est terrible et je pense à des tas de choses qui se boivent. En général, j'appelle papa, et il vient assez vite, sauf quand il dort. Maintenant, il est habitué et quand je l'appelle, il arrive déjà avec un verre d'eau à la main. Mais là, après ce que m'avait dit maman, j'ai pensé qu'il valait mieux ne pas appeler et aller à la cuisine moi-même, sans déranger personne.

J'ai descendu l'escalier, je suis passé dans le salon où ils étaient en train de jouer aux cartes et je suis allé dans la cuisine où j'ai trouvé maman. « Nicolas ! elle a crié maman, qu'est-ce que tu fais ici ? » Elle a crié tellement fort, maman, qu'elle m'a fait peur et je me suis mis à pleurer. «Et pieds nus par-dessus le marché ! a dit maman. Cet enfant va encore me faire une angine ! » Mme Laflamme est venue en courant. « Mais, c'est Nicolas !», elle a dit et elle m'a pris dans ses bras, elle m'a demandé si j'avais un gros gros chagrin, je lui ai dit que non, que j'avais soif et elle m'a embrassé. Maman m'a donné un verre d'eau et je l'ai bu en regardant les gâteaux qui étaient sur la glacière.

- Tu aimes les gâteaux, mon chou ? a demandé Mme Laflamme.

- Oh oui, madame, j'ai dit, surtout le gros, là, avec le chocolat et la crème.

Mme Laflamme s'est mise à rigoler, elle a dit que nous avions les mêmes goûts et elle a demandé à maman si je pouvais l'avoir, ce gâteau.

- Non, a dit maman, quand il mange à cette heure-ci, il a des cauchemars.

- Allons, ce soir ce sera différent, pas vrai Nicolas ? a dit Mme Laflamme.

Moi j'ai dit que bien sûr et maman allait dire quelque chose, mais papa a crié du salon : « Alors, qu'est-ce que vous faites ? On joue ou on ne joue pas »

- On arrive ! a crié maman qui m'a dit de prendre le gâteau et de monter me coucher.

Dans ma chambre, j'ai mangé mon gâteau, qui était très chouette, moi j'aime bien manger avant et après les repas, je suis allé me laver les mains, parce que j'avais du chocolat et de la crème partout, et puis je suis retourné me coucher ; mais, comme je ne me rappelais plus si j'avais bien fermé le robinet, je me suis levé de nouveau, j'ai vu que je l'avais bien fermé et en revenant, dans le couloir, j'ai rencontré M. Laflamme, qui est le mari de Mme Laflamme. « Mais, c'est Nicolas ! », il a fait. Youplà ! Il m'a pris dans ses bras et il m'a emmené dans le salon.

- Devinez ce que je vous amène ? a dit M. Laflamme.

Papa et maman se sont levés ensemble, d'un seul coup.

- Nicolas ! a dit papa, tout fâché, où l'avez-vous trouvé ?

- Mais, mais, euh, a dit M. Laflamme, là, dans la maison.

- Qu'il est chou, ce poussin, a dit Mme Laflamme, moi je sais ce qu'il veut, il veut encore un gâteau, pas vrai ?

Et elle m'a donné un gâteau rose avec de la crème dedans, très bon.

Papa m'a pris des bras de M. Laflamme. « Au lit ! », il a dit papa. Et il ne rigolait pas.

Les Indiens couraient après moi sur la plage et là ils voulaient me faire du mal avec leurs haches, surtout un gros plein de plumes qui me secouait et moi je pleurais et je criais et je me suis réveillé et j'ai vu papa qui était en pyjama. « Bien sûr, avec tous les gâteaux que tu as ingurgités, ça devait arriver », il a dit papa, et moi je lui ai demandé si je pouvais aller coucher avec lui et maman parce que j'avais peur des Indiens. Eh bien, vous savez, c'est bête, mais même dans le lit de papa et maman, j'ai encore eu peur, c'est seulement après que j'ai été malade que j'ai pu dormir.

Moi, je suis d'accord avec maman, quand elle dit que c'est tout un travail de recevoir chez soi. Le lendemain, à la maison, tous les trois, on était drôlement fatigués !

LE PETIT NICOLAS

JE FAIS DES COURSES

Maman m'a appelé et elle m'a dit : « Nicolas, sois gentil et va me chercher, chez l'épicier, deux boîtes de petits pois fins, comme je lui en ai acheté la semaine dernière, un paquet de café, il sait lequel, et deux livres de farine. »

Moi, j'étais content, parce que j'aime bien rendre service à ma maman et aussi, ça me plaît d'aller chez l'épicier, M. Compani, qui est très gentil et qui me donne toujours des biscuits, les cassés qui restent au fond des boîtes, mais qui sont rudement bons. Je suis donc parti, après que maman m'ait donné des sous et qu'elle m'ait dit de faire vite et de ne pas me tromper pour la commande.

Dans la rue, je me disais, pour ne pas oublier : « Deux boîtes de petits pois fins, comme maman en a acheté la semaine dernière, un paquet de farine, il sait laquelle, et deux livres de café... » Tout d'un coup, j'ai entendu qu'on m'appelait : « Nicolas ! Nicolas ! » Je me suis retourné et qui je vois ? Je vois Clotaire sur un vélo tout neuf. Clotaire est un de mes camarades de classe qui habite tout près de chez moi. Il est gentil, Clotaire, mais il n'a pas beaucoup de chance à l'école, il est toujours le dernier de la classe. C'est pour ça que j'ai été étonné qu'il ait un vélo. Surtout, quand il m'a dit que son papa lui avait fait cadeau du vélo pour sa composition d'arithmétique. Mais Clotaire m'a rappelé qu'il avait eu 3 à la composition, ce qui était beaucoup mieux que la dernière fois. C'est d'ailleurs la meilleure note qu'il ait jamais eue en composition d'arithmétique. Et, mieux encore, il n'était pas le dernier, mais l'avant-dernier. Le dernier, c'est un nouveau dans la classe qui a copié sur Clotaire.

Il est chouette le vélo de Clotaire : il a un guidon de course et il est tout jaune. Clotaire m'a offert de faire un tour tout seul et puis, ensuite, moi je suis monté sur le guidon et puis lui, il a pédalé, après c'est moi qui ai pédalé et lui il était assis sur le porte-bagages. Je lui ai demandé à Clotaire comment ça se faisait qu'il y avait un porte-bagages sur son vélo de course et il m'a répondu que, justement, c'est pour ça que c'était un vélo de course ; le porte-bagages lui servait à faire des courses pour sa maman. Ça m'a rappelé alors que j'avais, moi aussi, des courses à faire et j'ai dit au revoir à Clotaire qui est reparti sur son vélo.

J'avais peur d'avoir oublié ce que j'avais à acheter, alors, je me suis répété tout bas : « Une boîte de petits pois fins, deux paquets de café, comme maman en a acheté la semaine dernière, et deux livres de farine, il sait laquelle. » C'est un bon truc de se répéter tout le temps des choses, pour ne pas les oublier.

Au coin de la rue, il y avait une auto arrêtée et un monsieur en train de changer une roue, parce que le pneu était crevé. J'ai regardé et j'ai demandé au monsieur si son pneu était crevé. Il m'a dit que oui, mais il n'avait pas l'air d'avoir tellement envie de parler. Je sais que papa, dans ces cas-là, n'aime pas beaucoup parler non plus. Alors, je me suis mis derrière le monsieur et j'ai regardé sans rien dire, pour ne pas le gêner. Je trouvais pourtant que le monsieur il ne le mettait pas bien, son cric, qu'il était de travers. Le monsieur ne s'en rendait pas compte, il se tournait vers moi, chaque fois, je me demande pourquoi. C'est fou ce que les gens sont curieux, comme dit maman. Et puis, tout d'un coup : boum ! le cric a glissé et la voiture est retombée, avec la roue de travers. Du coffre de l'auto, il y a un tas de bouteilles qui sont tombées dans le ruisseau et qui se sont cassées. Là, je me suis dit que quand même, il valait mieux prévenir le monsieur. « Faites attention, je lui ai dit, avec tout ce verre cassé, vous risquez de crever de nouveau ! »

Le monsieur, qui me regardait pourtant tout le temps quand je ne lui parlais pas, là, il m'a parlé sans me regarder. Je ne voyais que le dos de sa tête qui était devenu tout rouge. « Tu n'as rien d'autre à faire que de rester ici ? », il m'a demandé. Alors, je suis parti en courant, parce que je me suis rappelé que je devais acheter deux paquets de café comme maman en a acheté la semaine dernière et deux livres de petits pois fins, il sait lesquels. Deux et deux, c'est facile à se rappeler. Moi, je trouve toujours des systèmes comme ça pour ne pas oublier. J'allais traverser la rue, en faisant bien attention de ne pas me faire écraser, quand j'ai rencontré M. Blédurt, notre voisin. « Mais c'est le petit Nicolas, qu'il a dit, M. Blédurt, comment ça va, bonhomme ? » Et puis il m'a pris la main, en me disant que j'étais trop petit pour traverser tout seul et que mon papa et ma maman étaient bien imprudents de me laisser traverser les rues. Comme M. Blédurt me parlait en traversant, il n'a pas vu le gros camion qui a dû donner un coup de frein et se mettre en travers de la rue, pour nous éviter. M. Blédurt a fait un bond terrible et, comme il me tenait la main, il a fallu que je suive.

Le chauffeur du camion a sorti la tête par la portière et a demandé à M. Blédurt s'il n'était pas fou. M. Blédurt a répondu au chauffeur que quand on ne sait pas conduire, on fait de la dentelle, que c'était moins dangereux pour les autres. Alors, le chauffeur a dit qu'il était prêt à suivre ce conseil et qu'il allait commencer par faire de la dentelle avec les oreilles de M. Blédurt, ce qui m'a fait rigoler parce que c'est une drôle d'idée. Mais M. Blédurt, ça ne l'a pas fait rigoler. Il a dit au chauffeur de descendre s'il était un homme. Le chauffeur est descendu de son camion. M. Blédurt savait, bien sûr, que le chauffeur était un homme, mais je ne crois pas qu'il savait que c'était un homme aussi grand. Moi, en tout cas, j'ai été surpris. M. Blédurt a commencé à reculer à petits pas en disant « Ça va, ça va, ça va », et puis il a buté des talons contre les bords du trottoir et il est tombé assis. Le chauffeur l'a relevé par les revers de sa veste et il a dit à M. Blédurt que quand on a de la confiture dans les yeux, on ne traverse pas les rues. C'est ça qui m'a rappelé que j'avais encore des courses à faire. J'aurais voulu voir la fin de la discussion entre le chauffeur et M. Blédurt, mais je suis parti en courant pour aller chercher les deux boîtes de confiture, comme maman en a acheté la semaine dernière.

J'étais maintenant tout près de l'épicerie de M. Compani, ce n'était plus la peine de se presser, et ça tombait bien, parce que j'ai vu Alceste. Alceste, c'est mon ami, celui qui est gros et qui mange tout le temps. Alceste était à la fenêtre de sa maison. Il habite entre l'épicerie et la charcuterie, ce qui lui plaît beaucoup, et, en plus, derrière chez lui, il y a un restaurant, alors, quand le vent souffle du bon côté, il y a plein d'odeurs de cuisine. Au fond, c'est peut-être pour ça qu'Alceste a toujours faim.

Alceste m'a dit de monter chez lui, parce que sa maman avait acheté un livre formidable avec des images en couleur. Je suis donc entré chez Alceste, et là, j'ai été un peu déçu. Son fameux livre, c'était un livre de cuisine, mais comme Alceste avait l'air de l'aimer beaucoup, ce livre, je ne lui ai rien dit et j'ai même fait semblant de m'intéresser à toutes ces histoires de demi-poularde en deuil, de pommes soufflées et de brochet mousseline. Alceste, il me montrait du doigt les images et il avalait de la salive. Moi, je voulais partir, mais Alceste me montrait chaque fois autre chose. Heureusement, nous sommes arrivés à la fin du livre, là où on explique comment on fait le zabaglione qui est un dessert qui n'a pas l'air mal du tout. Mais le temps avait passé et je me suis dit que maman ne serait pas contente, alors, j'ai vite dit au revoir à Alceste qui ne m'a pas entendu, parce qu'il recommençait le livre à partir de la première page.

Je suis entré chez M. Compani, dans l'épicerie, où, heureusement, je n'ai pas eu à attendre, il n'y avait pas d'autres clients. Il faut dire qu'il était un peu tard.

Mais là, impossible de me rappeler ce que je devais demander à M. Compani. Je me souvenais seulement que c'était quelque chose comme maman en avait acheté la semaine dernière. Alceste m'avait embrouillé avec toutes ses histoires de cuisine.

Heureusement, M. Compani, qui a de la mémoire, s'est souvenu que maman lui avait acheté deux paquets de savon de lessive. Je suis parti en courant avec mes paquets et je ne me suis même pas arrêté pour regarder le monsieur qui changeait la roue de sa voiture. Ce n'était pas la même roue, d'ailleurs. Il avait dû crever sur les bouteilles cassées, comme je le lui avais dit.

Maman n'était pas contente, elle m'a grondé parce que j'étais très en retard, il faut dire que pour ça, elle avait raison. Mais là où je ne suis pas d'accord, c'est quand maman m'a dit qu'elle n'avait pas besoin des deux paquets de lessive.

Ce n'est tout de même pas de ma faute si elle a changé d'avis !

LE PETIT NICOLAS

J'AIDE DRÔLEMENT

Nous, c'est chouette, on va partir en vacances et toujours, avant de partir, maman dit qu'il faut ranger la maison, mettre des housses, enlever les tapis et les rideaux, mettre des tas de naphtaline, rouler les matelas et mettre des choses dans les placards et dans le grenier. Papa, il dit qu'il ne voit pas à quoi ça sert tout ça, puisqu'il faut tout remettre en place quand on revient, et maman lui répond que chez sa maman, on faisait toujours comme ça ; alors papa commence à parler de mémé, et puis maman elle dit que ce ne sont pas des choses à dire devant le petit et qu'elle va retourner chez sa pauvre mère, et papa dit bon, bon, qu'il va s'y mettre demain, mais il ne s'y met pas.

C'est pour ça que, ce matin, après que papa est parti travailler, maman a mis un grand tablier, un mouchoir sur la tête, et elle m'a dit : « On va faire une surprise à papa : avant le déjeuner, nous allons ranger le salon et la salle à manger. » Moi j'ai dit chic, et que j'allais drôlement aider. Maman m'a embrassé, elle a dit que j'étais son grand garçon et que parfois elle se demandait si papa ne devrait pas prendre exemple sur moi. Elle m'a dit aussi de faire attention et d'essayer de ne pas faire de bêtises. J'ai promis que j'allais essayer.

Maman a pris la clef du grenier, et puis elle est allée chercher le sac de naphtaline. « Et moi, qu'est-ce que je fais ? Et moi, qu'est-ce que je fais ? », j'ai demandé. « Toi, tu gardes la clef du grenier », m'a dit maman, et puis elle m'a embrassé de nouveau. Nous sommes allés dans le salon et maman a commencé à mettre des boules de naphtaline sous les coussins du canapé et des fauteuils. « Comme ça, les vilaines mites ne viendront pas manger le salon », m'a expliqué maman. Il paraît que la naphtaline c'est terrible pour les mites, mais je ne sais pas très bien comment ça se passe. Alceste, un copain de l'école qui est très gros et qui mange tout le temps, m'a dit qu'à son avis, la naphtaline, ça leur faisait mal au ventre, aux mites. Lui, il a essayé une fois d'en manger, de la naphtaline, et il n'a pas pu l'avaler, il a fallu qu'il la recrache, et pour qu'Alceste recrache quelque chose, il faut que ce soit rudement mauvais. Pourtant, moi j'aime bien comment ça sent, la naphtaline, ça sent qu'on va partir en vacances. Papa, lui, il n'aime pas ça. Quand il commence à faire froid et qu'il sort son pardessus du placard, il se fâche parce qu'il dit que cette odeur tue peut-être les mites, mais qu'elle fait rigoler ses copains, et maman lui dit que ce serait plus grave si c'était le contraire.

Après le coup de la naphtaline, maman est allée chercher les housses pour couvrir les meubles. « Et moi, et moi, je peux aider ? », j'ai demandé. Maman m'a répondu qu'elle aurait bientôt besoin de moi, et elle a commencé à mettre les housses, et ça, ça a été un drôle de travail, parce qu'il paraît que les housses avaient rétréci au lavage, et c'était dur de les passer sur les fauteuils, c'est comme la chemise bleue de papa, mais maman dit que c'est papa qui a grossi, et papa se met à rigoler et il dit qu'il ne grossit jamais du cou.

Maman, qui est formidable, a réussi à passer les housses, mais elle avait l'air assez fatiguée. « Alors moi, qu'est-ce que je fais ? », j'ai demandé. « Tu vas me rendre la clef du grenier », m'a dit maman. Alors moi, je n'ai pas trouvé la clef et je me suis mis à pleurer et j'ai dit qu'elle était peut-être tombée sur un fauteuil quand je regardais maman mettre de la naphtaline. Maman a fait un gros soupir, elle m'a embrassé, elle m'a dit que ça ne fait rien, mon chéri, elle a enlevé les housses, et puis moi j'ai retrouvé la clef dans ma poche, sous les billes, le mouchoir et le bout de ficelle. Maman n'a pas paru tellement contente que je l'aie retrouvée, la clef, et elle a remis les housses en disant des choses tout bas, et que je n'ai pas pu entendre.

« Et maintenant, qu'est-ce que je fais ? », j'ai demandé. Maman m'a dit que je monte dans ma chambre pour jouer gentiment, alors moi, j'ai recommencé à pleurer et j'ai dit que ce n'était pas juste, que je voulais aider, mais que personne ne faisait attention à moi, et puisque c'était comme ça, eh bien, je quitterais la maison et tout le monde me regretterait bien. Maman m'a dit « Bon, bon, ça va », et elle m'a dit que j'allais l'aider à pousser les meubles pour pouvoir enlever les tapis. Ça, ça été un travail terrible, mais on s'en est bien tirés, même si j'ai cassé le vase bleu qui était sur le buffet, ce qui n'est pas grave parce qu'on a d'autres vases que je n'ai pas encore cassés. Les tapis, on les a roulés, et puis on les a mis dans l'entrée pour que papa puisse les ranger.

Maman est allée chercher l'escabeau pour décrocher les rideaux. « Et moi, et moi, qu'est-ce que je fais ? », j'ai demandé à maman. « Toi, m'a dit maman, tu vas tenir l'escabeau pour que je ne tombe pas », m'a répondu maman. Et puis, elle a regardé l'heure et elle est allée mettre le rôti dans le four pour qu'il soit prêt pour le déjeuner. Alors moi, j'ai décidé de faire une grosse surprise à maman, et je suis monté sur l'escabeau pour décrocher les rideaux. Mais comme je suis encore un peu petit, il a fallu que je mette deux dictionnaires sur l'escabeau. Après les dictionnaires, ça allait très bien, mais tout d'un coup, j'ai entendu maman crier : « Nicolas ! Veux-tu descendre de là tout de suite ! » Alors, ça m'a secoué, comme Clotaire quand la maîtresse le réveille en classe, et je suis tombé avec le rideau et la tringle. Je ne me suis pas fait très mal, mais je me suis mis à pleurer quand même, comme ça maman ne me gronde pas et elle me dit « Allons, allons, ce n'est qu'un tout petit bobo », et ça a bien marché, et maman m'a emmené dans la salle de bain, elle m'a mis de l'eau sur la tête, elle m'a embrassé et elle m'a dit que je l'avais assez aidée, mais moi, je voulais continuer.

Maman a fini d'enlever les rideaux, et puis je l'ai aidée à les mettre dans la grande malle du grenier, et tout s'est très bien passé, sauf le doigt que je me suis pincé avec le couvercle de la malle, et là, j'ai pleuré pour de vrai parce que ça faisait drôlement mal, et ce n'était pas un tout petit bobo, comme m'a dit maman, pendant qu'elle me mettait un bandage. C'est vrai, ça, à la fin !

- Bon, a dit maman, tout est prêt. Maintenant, jusqu'au départ, nous prendrons nos repas dans la cuisine.

Et puis, nous sommes sortis nous reposer dans le jardin et attendre papa. Maman avait l'air très fatiguée, c'est vraiment une chance que j'aie été là pour l'aider.

- C'est papa qui va être surpris quand il saura que nous avons tout rangé ! a dit maman.

Et puis on a vu arriver papa. Et la surprise, c'est papa qui nous l'a faite, parce que quand il est entré dans le jardin, il a dit : « Chérie, ce soir il faut mettre les petits plats dans les grands. Mon patron et sa femme viennent dîner ! »

Et quand j'ai dit à maman que j'allais l'aider à tout remettre en place, elle s'est mise à pleurer.

LE PETIT NICOLAS

LE MARIAGE DE MARTINE

Aujourd'hui samedi, je ne suis pas allé à l'école, parce que ma cousine Martine s'est mariée et toute la famille a été invitée.

Le matin, nous nous sommes levés tôt, à la maison, et puis maman m'a dit de faire ma toilette drôlement bien, sans oublier les oreilles, je vous prie, jeune homme, et puis elle m'a coupé les ongles, elle m'a peigné avec la raie au côté et des tas de brillantine à cause de mon épi ; elle m'a mis la chemise blanche qui brille, le nœud papillon rouge, le costume bleu marine, les chaussures noires qui brillent encore plus que la chemise, un mouchoir dans la poche de devant du veston, pas pour se moucher, mais pour faire joli, et j'étais bien content que les copains ne puissent pas me voir.

Papa avait mis son costume avec les rayures et il s'est un peu disputé avec maman, qui voulait qu'il mette la cravate qu'elle lui avait donnée. Mais papa a dit qu'elle était un peu gaie pour un mariage et il a mis une cravate grise.

Maman, elle, avait une robe terrible, avec des fleurs peintes dessus et un très grand chapeau, et ça m'a fait drôle de voir maman avec un chapeau, mais ça lui allait très bien.

Et quand nous sommes sortis, M. Blédurt, qui est un voisin, et qui était dans son jardin, nous a dit qu'on était très chouettes, tous les trois. Papa, je ne sais pas pourquoi, ça ne lui a pas plu ce qu'avait dit M. Blédurt, et il lui a répondu que la caravane passait et qu'il y avait des chiens qui aboyaient ! Mais moi, je ne comprends rien à ce qu'ils racontent, papa et M. Blédurt !

Quand nous sommes arrivés à la mairie, presque toute la famille était déjà là : il y avait mémé, tante Mathilde, oncle Sylvain, tante Dorothée et tonton Eugène, qui m'ont tous embrassé et qui m'ont dit que j'avais grandi. Il y avait aussi mes cousins Roch et Lambert, qui sont pareils parce qu'ils sont jumeaux ; Clarisse, leur sœur, et qui n'est pas pareille à eux parce qu'elle est plus grande, et qui avait une robe blanche toute dure avec des petits trous partout, et mon cousin Eloi, qui m'a fait rigoler avec ses cheveux aplatis et ses gants blancs. Et puis il y avait des gens que je ne connaissais pas : le fiancé de Martine, qui était tout rouge, avec un veston noir, très long derrière, comme dans un film que j'ai vu ; et puis il y avait une demoiselle qui était sa sœur et un monsieur qui disait à une dame de cesser de pleurer, que c'était ridicule.

Et puis une grande auto noire est arrivée, avec des fleurs partout, et tout le monde a crié, et de l'auto sont descendus Martine et ses parents. Et la maman de Martine avait les yeux tout rouges, et elle se mouchait tout le temps. Martine, qui est drôlement jolie, était chouette comme tout, habillée en blanc, avec un voile qui s'est pris dans la portière de l'auto et un petit bouquet dans les mains. Avec sa robe de mariée, on aurait dit qu'elle allait faire sa première communion.

Nous sommes tous entrés dans la mairie et on a dû attendre qu'un autre mariage sorte pour entrer à notre tour, et la maman de Martine et celle du fiancé de Martine ont continué à pleurer, et puis on nous a dit que c'était à nous de rentrer. Nous sommes entrés dans une salle chouette comme tout, avec des bancs rouges, et on se serait cru au guignol, mais au lieu de guignol il y avait une table, et un monsieur est entré avec une ceinture bleu blanc rouge - c'était le maire - et on s'est tous levés, comme à l'école quand le directeur entre en classe. Et puis on s'est assis et le maire nous a fait un discours où il a dit que Martine et son fiancé allaient partir sur un bateau, qu'il y aurait des tas de tempêtes, mais qu'il comptait sur eux pour éviter les écueils. Mais je n'ai pas entendu tout ce qu'il avait dit parce que j'étais assis juste derrière la maman de Martine, et elle faisait beaucoup de bruit en pleurant, et ça avait l'air de l'embêter beaucoup de savoir que Martine allait partir en voyage sur un bateau, avec toutes ces tempêtes.

Et puis Martine, son fiancé, tonton Eugène et la sœur du fiancé de Martine se sont levés pour aller signer dans un grand livre, et le maire a dit que Martine et son fiancé étaient mariés ; et on a dû partir vite, parce qu'il y avait un autre mariage qui attendait.

Nous sommes sortis de la mairie, et le monsieur qui avait déjà pris des photos nous a fait tous mettre en rang pour nous photographier de nouveau ; Martine et son mari au milieu, les autres autour et les petits devant. Tout le monde a fait de gros sourires, même la maman de Martine et celle du mari de Martine, qui se sont remises à pleurer après la photo. Après, on a pris les autos et nous sommes allés à l'église, et Martine et son mari se sont remariés et c'était très chouette ; il y avait de la musique et des fleurs, et à la sortie de l'église il y avait le monsieur des photos qui nous attendait et il nous a fait tous rentrer dans l'église et sortir de nouveau pour prendre ses photos. Et puis après, il nous a rangés sur les marches de l'église, comme devant la mairie, et il y avait des gens sur le trottoir qui nous regardaient en rigolant.

On a pris les autos de nouveau et nous sommes allés au restaurant. Papa m'a expliqué qu'on avait loué une salle rien que pour nous et qu'il fallait que je sois sage, que je ne me dispute pas avec mes cousins, et maman m'a dit de ne pas trop manger, pour ne pas être malade. Tonton Eugène, qui a un gros nez rouge et qui était dans l'auto avec nous, a dit qu'on me laisse tranquille, que ce n'était pas tous les jours qu'il y avait un mariage dans la famille, et papa lui a répondu que lui il pouvait parler, et qu'est-ce qu'il attendait pour se marier. Et tonton Eugène a répondu qu'il ne se marierait qu'avec maman, et maman a rigolé et elle a dit que tonton Eugène ne changerait jamais, et papa a dit que c'était dommage ! Et quand nous sommes arrivés au restaurant, le monsieur des photos nous attendait et il a pris encore des photos.

Dans le restaurant, il y avait des gens qui criaient : « Vive la mariée !», et nous sommes montés par un escalier et nous sommes arrivés dans une petite salle où il n'y avait personne, sauf une grande table qui était si belle qu'elle donnait faim, avec des tas de verres et de fleurs et le monsieur des photos, qui était monté très vite avant nous, pour nous photographier.

En attendant de nous asseoir à table, avec Roch, Lambert et Eloi, on a commencé à courir et à glisser sur le parquet, et Roch et Lambert sont tombés et tous les parents nous ont dit de nous tenir tranquilles, et tante Dorothée a dit que c'était normal qu'ils s'énervent ces enfants, qu'on n'avait pas idée de faire des cérémonies aussi longues, qu'elle était épuisée, qu'elle n'en pouvait plus, et elle s'est mise à pleurer, et tante Amélie l'a accompagnée dehors pour prendre l'air.

Et puis on s'est tous assis et on nous a mis, Roch, Lambert, Eloi et moi, à un bout de table ; Clarisse a voulu rester à côté de sa maman pour qu'elle lui coupe sa viande, mais ça c'est un prétexte, je sais que Clarisse a peur quand elle est loin de sa maman. Et puis les garçons sont arrivés en portant des poissons avec de la mayonnaise, et maman a dit : « Pas de vin pour les enfants ! » Roch, Lambert, Eloi, moi et mémé on a protesté, mais il n'y a rien eu à faire et on a eu de la limonade, qui est très chouette, avec le poisson.

Le déjeuner a été terrible et ça a duré longtemps, et je ne me sentais pas trop bien, et puis tonton Eugène s'est levé et il a commencé à faire un discours rigolo comme tout, mais papa lui a dit de se taire à cause des enfants. Alors, tonton Eugène a mis le chapeau de maman et il a fait chanter tout le monde qui rigolait, sauf la maman de Martine et celle du mari de Martine, qui pleuraient.

Et puis on a apporté un gâteau terrible, avec des tas d'étages et des bouteilles de champagne. Martine s'est levée, elle a fait semblant de couper le gâteau, le photographe a pris des photos et tout le monde a applaudi. Et puis le photographe a demandé au mari de Martine de se lever, de reboutonner son gilet et de faire semblant de couper le gâteau avec Martine. Et puis c'est tonton Eugène qui a coupé le gâteau pour de vrai et qui a fait la distribution, en disant que les deux plus grosses parts c'était pour les mariés ; tout le monde a rigolé et maman a dit : « Pas trop pour les enfants. » Nous et mémé on n'a pas été contents et mémé a dit qu'il fallait au moins nous donner du champagne pour trinquer. Alors, on nous en a donné un peu au fond du verre, et c'est drôlement bon. Et puis j'ai été malade et papa et maman m'ont ramené très vite à la maison.

Ça a été une chouette journée, et quand je serai grand, je me marierai, moi aussi. Comme ça j'aurai autan *.02LNK s c$d$r$t$u$v$}$$€$$‚$·*Ê*ý> ??ãѼѼ¦"¼ƒ¼{ѼѼh¦h¦Ñ¼ƒ¼S{(h¥>-hçK8CJ OJQJ^JaJ mH

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http://fr.tv.yahoo.com/humour/petit-nicolas/

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