L'exil

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Sur la carte du Nil ci-dessus, trace une flèche au stylo bleu pour indiquer dans quel sens coule le fleuve.

Moussa essaye en vain de se remémorer sa leçon qu'il n'a pas vraiment pu apprendre. Il baisse les yeux vers la carte à la recherche d'une information, son regard accroche un mot, et il tressaille. Les souvenirs qu'il essaye depuis des mois de garder au plus profond de sa mémoire ressurgissent tout à coup.

Ce sont les sons qui reviennent en premier. Les cris de détresses résonnent contre les parois de son esprit, insupportables, hurlant le nom d'une mère ou d'un enfant. Quelques fois, Moussa les a entendu s'accompagner de prières adressées à un dieu auquel on se raccroche comme à un gilet de sauvetage,  pour oublier sans doute que les vrais gilets ne seront que peu utiles en cas de naufrage.

Par-dessus les hurlements de terreur des hommes, le bruit fracassant de la mer est là, menaçant de vous attirer en elle pour l'éternité. Lorsqu'il était plus petit, le jeune adolescent l'aimait bien, la mer. Il en rêvait, il ne l'avait jamais vu mais elle représentait pour l'enfant qu'il était une promesse d'aventure et de voyage. Après avoir entendu pendant ces terribles instants à quel point le son des vagues pouvait être terrifiant, plus jamais il ne parviendrait  à  porter ce regard innocent sur l'océan.

Alors que sa tête est déjà envahie par les bruits, arrivent les odeurs. La crasse pénètre de nouveau par ses narines, l'écœure, lui donne envie de vomir. Mais le pire ce n'est pas de sentir la puanteur émanant des autres. Le pire, c'est de savoir qu'on pue, qu'on pue comme on n'a jamais pué, qu'on est incapable de se laver et qu'on ne le sera surement pas avant plusieurs jours, le pire c'est de savoir tout cela mais de n'en avoir rien à faire. Car à quoi bon sentir la rose lorsqu'on risque de mourir demain ?

Et comme pour le son, le parfum de la mer vient recouvrir le tout. Quand Moussa y repense, elle n'était pas si mal, cette senteur-là, mais elle est tellement associée dans sa tête à la traversée qu'il se souviendra toujours des embruns salés avec un frisson d'horreur. 

Puis les images, comme des sangsues viennent se coller à son esprit, visions tout droit sorties de films d'épouvante, du bleu et beaucoup de noir, il ne sait pas pourquoi autant de noir, sûrement son cerveau qui a du tout reconstruire. Paniqué, il ferme les yeux ; rien n'y fait. Des bouts de ce que ses yeux ont vu flashent dans son esprit, la languette d'un gilet de sauvetage, la coque de l'embarcation, une main, un regard... Il voudrait crier, mais seulement un tout petit gémissement sort de ces lèvres, qui lui vaut un regard interrogateur de sa professeure auquel il  ne répond pas.

Enfin vient le toucher, le contact des corps des autres passagers qui frottent contre son fragile corps d'enfant, il sent encore le tissu gorgé d'eau salée lui coller à la peau, l'irriter, l'oppresser. Il a mal, il n'en peut plus, plus du tout, il va pleurer, mais il ne faut pas craquer. Il se sent enfermé, à l'étroit. Il n'arrive pas à se convaincre qu'il est dans une salle de classe et pas sur ce foutu bateau. Avec un ultime effort, il rouvre les yeux. Ceux-ci se portent de nouveau sur la consigne qui lui a fait perdre les pédales. Il ne connaît pas la réponse et il reste seulement quelques minutes de cours. Alors, d'une main tremblotante, il prend un stylo et trace une petite flèche perpendiculaire au fleuve,  pointant tout droit vers la fenêtre.

En espérant qu'un jour, enfin, il sera libre.

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