Chapitre 2 - Solitaire

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Après ma journée de travail, je retrouve mon petit Noa qui s'accroche aussitôt à moi en me demandant d'aller voir les bateaux. J'ébouriffe ses cheveux en lui demandant de patienter et je discute un instant avec sa nourrice. Nous établissons le planning de la semaine prochaine et lui souhaite une bonne soirée. Noa me tire par la main pour prendre le train et nous retrouver sur le port près de chez nous. On pourrait penser que tout ça est ennuyant étant donné que nous faisons cela un jour sur deux, mais c'est loin d'être le cas.

L'équipage de chaque yacht s'active autour de leur bateau et cela impressionne Noa. Je lui raconte une histoire courte à chaque fois qu'il me le demande, comme d'habitude. Nous allons jusqu'au bout mais le voilier beige du petit prince n'est pas là ce soir. Son voisin le grand yacht noir, lui est toujours là.

— Il est où le petit bateau Amb ?

— Il est parti naviguer. Naviguer et rêver.

Il acquiesce en souriant et me tire par la main pour aller nous asseoir sur un banc, celui où était assis le vieil homme ce matin. Il me montre un petit chalutier, un peu mal en point et mal entretenu.

— Racontes-moi une histoire !

Je le prends sur mes genoux et l'enlace de mes bras. Je commence à lui raconter l'histoire de ce petit bateau et ses périples en mer. Il m'écoute attentivement et me dévisage de ses grands yeux bleus. Lorsque j'ai terminé, il me demande une glace et nous nous rendons au marchand de glace à quelques mètres avant de rentrer à la maison.

Après le dîner, je suis assise sur le ponton de bois derrière la maison à observer le coucher du soleil. Luis vient de m'appeler pour m'inviter à sortir demain soir, cependant je travaille à l'hôtel et je vais être fatigué de ma journée. Mais il ne m'a pas laissé le choix. Luis est un fêtard et j'aime beaucoup sortir avec lui, il me socialise un peu. Je suis trop enfermée dans ma bulle.

Je baisse les yeux sur mon carnet de dessins. Ce soir j'ai dessiné cet homme un peu plus loin sur la plage qui lit un livre à la lumière du crépuscule. Je mets les derniers coups de crayon sur le sable et referme mon carnet en appuyant ma tête contre la barrière de bois.

Ma bulle me plaît, ma bulle est hermétique, très peu de personne ont la chance d'y entrer. Je suis solitaire depuis toujours. Plus jeune, j'ai eu des cours à la maison, je n'ai jamais été à l'école ce n'était pas simple pour me faire des amis. Mon père me faisait des cours à domicile sur son bateau. Et puis je me suis toujours consacrée à ma famille et maintenant à Noa.

Je regarde l'heure, il est temps d'aller dormir. Je ferme mon carnet et retourne dans ma chambre, je le mets dans mon sac. Le vendredi j'ai une heure de pause et je la passe généralement dans un restaurant devant le port ou sur un banc, à dessiner. Ma vie est une vraie routine. Je n'ai aucune envie que ça change pour l'instant.

***

Je sors de chez Boss à midi. Luis est en repos aujourd'hui alors je pars déjeuner seule. Je m'installe dans notre petit bistro habituel face au Tage, commande mon plat et je regarde autour de moi. Il n'y a pas beaucoup de bateaux aujourd'hui, mais je remarque que le grand yacht noir est ici. Hier soir il était près de chez moi pourtant. Et cet homme est là également. Ses vêtements sont les mêmes, sa casquette sur la tête. J'ai du mal à croire que c'est lui le propriétaire, mais je n'ai vu personne d'autre ces derniers jours. Il retire sa casquette pour s'essuyer le front. Je remarque ses cheveux bruns un peu trop long, qui lui retombe sur le front. Il visse de nouveau sa casquette sur la tête et s'attelle à sa tâche. Je n'arrive pas à voir son visage d'où je suis. Je remercie la serveuse pour mon assiette et commence à déjeuner en dessinant les premiers traits de ce yacht et de son propriétaire.

J'ai déjeuné rapidement et je suis partie m'installer sur le banc face au bateau pour terminer mon dessin. Il me reste un peu moins d'une demi-heure. Je me concentre sur les détails de la coque du bateau.

— Vous avez du talent mademoiselle.

Je tourne la tête. Un vieil homme. Je lui réponds dans sa langue.

— Merci beaucoup monsieur.

— Vous dessinez l'inconnu ?

— Qui ça ? Lui ?

Je tourne ma tête vers l'homme sur le bateau.

— Personne ne le connait. Il ne parle à personne. C'est un solitaire. Tout le monde se méfie car il est arrivé comme par magie. Il erre entre ici et le port de Cascais.

— Certainement un touriste qui est venu passer quelques jours ici.

Il marmonne quelque chose que je n'arrive pas à comprendre puis s'appuie sur sa canne et ferme ses yeux. Je souris en secouant la tête, on s'entendrait lui et moi, à raconter des histoires.

Je range mon carnet dans mon sac et me lève pour reprendre le chemin du magasin. Je jette un dernier coup d'œil, mais il n'y a plus personne sur le pont.

***

Nous sommes dans une discothèque très hype de Lisbonne. Ce genre d'endroit n'est pas du tout mon truc, mais Luis a insisté. Je ne resterai pas très longtemps, ma soirée de travail m'a épuisée et j'ai du chemin pour rentrer. Je bois une Margarita, le seul verre que je boirais ce soir car la route du retour est sinueuse. Luis s'affale sur le sofa, à mes côtés en riant. Il est toujours de bonne humeur cet homme. Il m'attrape le bras et s'approche de mon visage pour me hurler dans l'oreille.

— Je sais avec qui je vais finir ma soirée, ma chérie !

Il rit de plus belle avant de m'indiquer du doigt un bel homme d'une trentaine d'années tout comme lui. Il est taillé comme un dieu, son métissage est à craquer et ses cheveux rasés lui donne des airs de mauvais garçon, tout ce que Luis aime.

— Et toi ma belle, lâche-toi ! Il y a tellement de beaux garçons !

— Je n'ai pas besoin d'un homme Luis !

— Je ne te parle pas d'un homme bella ! Je te parle de sexe ! Envoies-toi en l'air, ça fait du bien !

Je ne peux m'empêcher de rire en levant les yeux au ciel. J'ai recalé les deux hommes qui sont venus me faire du rentre-dedans. Je déteste ça.

Il descend encore un verre de je ne sais quel alcool et rejoint son apollon sur la piste. Luis me dit toujours de me lâcher, cependant je n'en ressens pas le besoin. Je ne suis pas asociale, mais plutôt solitaire.

Je regarde l'heure, il est déjà près de deux heures du matin. Je prends mon sac à main et demande à l'une des connaissances de Luis de lui dire que je suis partie. Je doute qu'il soit toujours là, par contre. Je passe prendre un verre d'eau au bar avant de me faufiler en dehors de la discothèque. J'inspire l'air frais et pur de l'extérieur. J'ai toujours cet impression d'étouffer dans ce genre de lieu.  Je prends le chemin au bord du Tage, le plus rapide pour rejoindre la gare. Marcher dans la nuit ne me fait pas peur, la ville est aussi animée que la journée.

J'arrive enfin chez moi, et passe instinctivement par le port. « Le Petit Prince » n'est pas là ce soir, encore une fois. Son propriétaire a dû l'emmener naviguer ces derniers jours. Le yacht noir est de retour par ici, étonnant. Une musique douce s'y échappe. Du classique ? Je remarque que le pont pour accéder au premier étage du bateau est sorti. La curiosité de ce bateau et de cet homme, au regard de tout ce que le vieillard m'a dit, me donne envie d'y monter. Je suis du genre très discrète, mais par contre très curieuse alors lorsque je veux savoir quelque chose, j'ai du mal à m'en dissuader. Cependant, c'est une propriété privée, je n'ai aucun droit de monter dessus. Qu'est-ce qui me prend ? Certainement la margarita qui me monte à la tête.

Je me tourne pour repartir et me cogne contre quelqu'un, ce qui me fait trébucher en arrière. Je me retiens contre le pont avant de relever la tête vers un homme. J'ai un léger sursaut en voyant sa carrure imposante. Il me dépasse d'une tête et je reconnais immédiatement sa casquette. L'inconnu du bateau. Il est tout en muscle. Son visage est plus jeune que je ne le pensais, mais ses sourcils froncés, sa barbe et sa bouche crispée le vieillissent. Et puis mon regard croise le sien. Seul un lampadaire nous éclaire et pourtant je remarque la noirceur de son regard. Ses iris sont noires, je n'ai jamais vu un regard ainsi. Il me fait peur autant qu'il m'hypnotise. Il doit surement être en colère de me voir ici, à l'entrée de son bateau.

Je bafouille des excuses, mi françaises, mi portugaises, n'étant pas sûre qu'il m'entende tellement je parle bas. Il ne détourne pas son regard du mien et je ne sais pas ce que je dois comprendre. Il pose sa main sur mon épaule puis me décale afin de libérer le passage. Il s'avance sur le pont et une fois en haut, le retire. Je lâche un soupire dont j'avais l'ignorance. Bon sang...

Je passe ma main sur mon visage et me dépêche de rentrer à la maison. L'alcool de la soirée a totalement quitté mon corps depuis notre face à face. Je me change rapidement et me couche, épuisée. Je regarde le plafond et ses yeux ne quittent pas mon esprit. Un frisson me parcourt, en réalité j'ai eu un petit peu peur de son regard...

***

Je prépare Noa après son petit-déjeuner. Ce matin sa nourrice m'a appelé pour me dire qu'elle ne pourrait pas le garder aujourd'hui car elle était malade. Mon père vient de refuser également car il part en mer avec Ana. Et ça retombe encore sur moi ! Je suis obligée de l'emmener avec moi au travail. Ma responsable n'est pas là aujourd'hui, heureusement. Et ce soir je vais être obligé de l'emmener à l'hôtel avec moi. La poisse. Je le presse un peu pour partir. Je l'installe dans sa poussette pour aller plus vite. Je sais qu'il aime marcher, mais je suis déjà en retard. Il pleure après être sorti de la maison. J'évite le port ce matin sinon nous n'arriverons jamais et j'ai déjà loupé le premier train. La journée va être longue pour lui comme pour moi...

J'arrive pour l'ouverture. Je vais dans notre pièce où l'on met nos affaires et cale la poussette contre le mur, il s'est endormi. Je ne vais pas le sortir de là, au risque de le réveiller. Je baisse délicatement le dossier de la poussette pour l'allonger et je mets mon badge avant d'aller ouvrir la caisse et vérifier que tout est en place, en gardant un œil sur lui. Luis me rejoint au bout d'une demi-heure. Il m'embrasse sur les joues et s'extasie sur son sex-friend du week-end. Je l'écoute en souriant et en préparant tout pour l'ouverture.

— Tu pourrais enfin te poser Luis, vivre avec quelqu'un.

— Quoi ? Ça va pas non, j'aime beaucoup trop m'amuser ! C'est le pied.

Je ris avec lui et lui fais signe de baisser d'un ton, lui expliquant la présence de Noa.

— Tu as de la chance que la boss ne soit pas là aujourd'hui. Comment tu vas faire pour ce soir ?

— Je n'ai pas le choix, mon père est parti en mer et ne rentrera que demain matin.

— Tu veux que je le garde quelques heures ?

— Je ne vais pas t'embêter...

— Je suis de fermeture donc jusqu'à vingt heures. Tu finis à dix heures comme d'habitude ?

— Oui c'est ça. Tu es sûr que ça ne te dérange pas ?

— Bien sûr que non.

— Oh merci beaucoup Luis.

Je le prends dans mes bras et il rit. Il me sauve la vie. Le responsable de l'hôtel n'aurait pas apprécié c'est certain. Je lui fais remarquer qu'il est l'heure d'ouvrir. Je jette un coup d'œil à Noa et range un rayon pendant qu'il finit d'ouvrir le rideau de fer.

La matinée s'est parfaitement déroulée. Je prends ma pause déjeuner à midi et je prends Noa par la main pour aller manger. Il sautille à mes côtés.

— On va voir les bateaux ?

— Oui on y va, mais on va manger aussi.

Comme d'habitude, je me rends au petit bistrot. Je dis bonjour au serveur qui m'installe.

— Comme d'habitude mademoiselle ? Et pour ce beau petit bonhomme ?

— Un menu enfant avec des frites sera parfait, merci Franck.

Il me sourit avant de s'éclipser. Luis n'arrête pas de dire qu'il me fait de l'œil, mais je n'ai rien remarqué. C'est un type tout à fait charmant et que je ne connais pas plus que ça. J'assois Noa dans une chaise pour enfant et m'installe à ses côtés. Il tapote mon bras en répétant mon prénom.

— Il est là ! Il est là !

Il me pointe du doigt au loin, m'indiquant le voilier « Le petit prince ». Je souris en le regardant. En effet il est là, mais mon regard se pose sur les yachts. Il est là, juste à côté. Son regard m'a hanté tout le week-end. Je dessinerai bien ce petit voilier, mais je n'ai pas pris mon carnet aujourd'hui étant donné qu'avec Noa dans les bras c'est impossible.

Je remercie Franck pour nos plats et coupe la viande de Noa. Il me demande de lui raconter une histoire tout en mangeant. Cette fois-ci il n'a pas choisi un bateau, il a choisi une moto arrêtée juste devant nous. Une sublime Harley-Davidson noire et dorée. Je lui raconte les périples de cette moto dans les routes sans fins. Lorsque nous avons terminé, je règle le déjeuner et le prends dans mes bras.

— Bonne journée Ambre.

Je me tourne vers Franck et lui adresse un sourire poli avant de lui souhaiter la même chose. Je passe près du yacht, et un mouvement attire mon regard. Il est là. Avec son éternelle casquette et il porte une chemise bucheron rouge et noire sur un jean usé. Il se tourne un instant et, pensant qu'il regarde dans ma direction, je lève la main en guise de signe. Cependant il détourne aussitôt la tête à l'opposé. Je me lie assez facilement avec les autres propriétaires, avec qui je discute et qui invite Noa sur leurs bateaux à l'occasion.

Mais lui il semble très renfermé. J'arriverai à lui parler quoi qu'il arrive. Je le sais. Je suis énervante quand je veux quelque chose, mais son regard m'a beaucoup trop troublée pour m'arrêter là.

Je découvrirai cet inconnu, comme le surnomme le vieillard du banc.

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