Chapitre 7 - La lettre

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POINT DE VUE INCONNU

Le jour se lève enfin. J'ai passé toute la nuit sur le banc devant chez elle. Comme un psychopathe, j'en ai conscience. Cependant, je ne veux m'assurer que d'une chose : qu'elle aille bien. Quel idiot j'ai été hier. Je me suis détesté au moment où elle m'a fuit. Elle a découvert ma vraie façade, alors que je ne voulais pas ça du tout. Elle n'avait pas à voir qui j'étais derrière tout ça. Je me déteste. Je ne connais que trop bien ce genre de sentiment, mais en voyant ses larmes c'était plus intense que d'habitude. Une véritable haine. Elle ne voudra jamais m'écouter et pourtant je m'obstine à rester là, à l'attendre.

Au bout de longues minutes, je remarque une silhouette à l'intérieur de la maison. C'est elle. Son père n'est pas encore rentré de la pêche. Que vais-je lui dire ? Comment vais-je me faire comprendre ? J'ai oublié mon carnet sur le bateau. Je tire sur les manches de ma chemise en patientant, longuement...

La porte finit par s'ouvrir. Je l'observe. Elle porte une robe blanche, cintrée à la taille. Ses cheveux sont noués en natte. Elle est tellement belle... Elle me fait penser à un ange. C'est certainement ce qu'elle est et ce n'est pas le démon que je suis qui va l'approcher davantage. Elle passe le portail et sursaute en me voyant. Je me lève alors qu'elle trace son chemin, comme si elle ne m'avait pas vue. Je la rattrape rapidement et prends son poignet pour l'attirer vers moi. Elle le retire subitement et arrange des mèches de cheveux retombés sur son visage. Je fronce les sourcils en apercevant des marques violacées autour de son poignet... Bon sang, est-ce moi qui ai fait ça ? Bien évidemment, qui d'autre ? La bile me monte à la gorge.

Je prends son bras, écarte le bracelet qu'elle a mis pour tenter de le cacher. Je l'observe. J'ai dû horriblement lui faire mal hier, je ne m'étais pas rendu compte de ma force. Je ne me sens pas très bien et regrette horriblement ce geste... Quel imbécile. Je passe le doigt dessus, sur sa peau douce. Je n'en reviens pas. Elle retire à nouveau son poignet et arrange son sac sur son épaule.

— Ce n'est rien. Au revoir.

Elle tente d'avancer et je lui barre de nouveau la route. Elle soupire en levant les yeux au ciel, ce qui me donne bizarrement envie de sourire, mais je ne le retiens. Je joins mes mains devant moi en signe d'excuses et tente de lui faire comprendre grâce à mon regard. J'aimerais tant lui dire de vive voix, lui expliquer mon comportement, mais cela m'est impossible.

— Ce n'est pas grave. Maintenant laissez-moi tranquille. Je ne veux plus vous voir.

Je fronce les sourcils à ses mots... Ne plus la voir ? C'est impossible, je l'observe depuis des semaines. La voir au petit matin, passer devant mon bateau, le midi au bistrot et le soir sur le retour... Je changeais même d'emplacement entre Lisbonne et Cascais, exprès. J'ai écouté les histoires qu'elle racontait au petit garçon. Je l'ai regardé dessiner pendant de longues minutes.

Elle me tourne le dos et me fuit, une nouvelle fois... Pourquoi je me sens ainsi ? Ça fait bien des années que je ne me suis plus autorisé à ressentir de la tristesse. C'est troublant.

Je retourne vers le port en mettant mes mains dans mes poches. Quel imbécile. À quoi bon avoir encore des remords ? J'en suis déjà rempli, je ne pensais pas pouvoir en avoir davantage. J'admire les bateaux tout en rejoignant le mien. Il y en a encore des nouveaux qui sont arrivés dans la nuit. Le yacht rouge me fait penser à l'histoire qu'Ambre avait raconté au petit blond. Je monte sur mon bateau et retire le pont immédiatement, avant qu'une autre personne se décide à venir m'emmerder de nouveau.

Je descends directement dans la cabine en retirant ma chemise, que je jette sur mon lit et je vais dans la salle de bain. J'ôte mes vêtements et me glisse sous l'eau froide. J'attrape le savon en fermant les yeux. J'en ressors quelques minutes plus tard et retourne dans la chambre pour m'habiller. J'enfile un jean ainsi qu'un pull fin à manches longues avant d'aller devant le miroir pour coiffer mes cheveux. Je fais tout pour éviter de regarder mon reflet dans les yeux.

Je vais dans le coin salon du bateau et m'installe sur la banquette. J'ouvre mon ordinateur et l'allume, une fois par mois comme d'habitude. Je consulte ma boîte mail. Je serre le poing en remarquant un nom que je n'aurai pas voulu voir là. J'ouvre le mail ainsi que la pièce jointe : une vidéo. J'inspire puis souffle doucement avant de cliquer sur play.

Son visage apparaît en plein écran et je pourrais y mettre mon poing, rien que pour casser sa gueule, au moins une fois.

— Alors Mathyas, tu ne réponds plus ni au téléphone ni au message à ce que je vois ? Tu ne parles toujours pas ?

Son rire me donne des envies de meurtres.

— Où t'es-tu réfugié maintenant ? Tu sais que je te retrouves toujours hein ? Tu n'en as pas fini avec moi, tu me dois encore beaucoup et je ne te lâcherai pas jusqu'à ce que tu payes pour tout ce que tu as fait ! J'ai bien l'impression que la côte portugaise serait une bonne escale pour moi. Rends-toi sale con avant que je ne te retrouves et t'obliges à me supplier pour ne pas te tuer. Je gagne toujours Mathyas. Toujours.

Je donne un coup de poing sur le clavier de mon ordinateur, ce qui coupe directement la vidéo et le ferme brusquement.

Bordel de merde.

Je passe mes mains sur ma tête en soupirant. Je dois partir d'ici. Je ne dois pas rester dans les parages une minute de plus. J'attrape du papier dans un tiroir ainsi que mon crayon dans ma poche et écris rapidement dessus. Je me lève ensuite, attrape ma casquette pour éviter d'être vu. Je descends rapidement par l'échelle de secours afin d'arriver sur le port. Je regarde l'enveloppe que je tiens dans la main et où j'ai écris son prénom. J'ai écris des mots d'adieu... Mon escale est terminée. Obligé de l'écourter à cause de l'autre taré. Mais ai-je le choix ? Continuer d'approcher Ambre serait la mettre en danger également.

Je l'accroche sur le poteau en bois devant ma place de bateau. Je sais qu'elle passera par là ce soir, c'est toujours le cas... À moins qu'elle redoute de tomber sur moi et ne passera pas, ce qui ne m'étonnerait pas.

Je détache mon bateau et remonte dessus. Ma casquette s'envole avec le vent et je n'arrive pas à la rattraper. Je regarde autour de moi. Eh merde ! Je rentre à l'intérieur et monte à la cabine, pour démarrer le bateau.

Je prends le large, sans regarder derrière... Comme d'habitude. Direction la pénombre. Le peu de lumière qu'elle a pu m'offrir m'a beaucoup trop ébloui. Je ne méritais rien de tout ça, et désormais c'est bel et bien terminé.

Une fois de plus, je fuis.

FIN POINT DE VUE INCONNU

Les journées inventaires sont celles que je déteste le plus. Mercredi c'est le début des soldes et d'une période plutôt difficile. Je ne peux pas prendre de jour de récupération sauf si vraiment nécessaire. Ce qui de toute manière arrive très rarement. Vivement que cette journée se termine, je vais retrouver mon petit Noa. J'ai tellement hâte. Il doit être tellement heureux d'avoir fait ça. Son premier voyage en mer. J'aurais toujours pensé que je serais la première à lui faire connaître ça.

Pendant ce temps, je ne cesse de penser à lui et à son regard désolé de ce matin. Je ne devrai même plus y penser et pourtant cet homme si mystérieux ne me sort plus des pensées depuis le début. Pourquoi je m'inflige ça ? Cet homme est violent. Et je ne veux certainement pas de ça dans ma vie. Je l'ai toujours vu dans son regard. Cette haine, cette colère si intense... Il avait un regard de tueur. Comme je le pensais depuis la première fois que j'ai croisé ses iris ébènes.

Luis me rejoint et m'aide à étiqueter les derniers articles. Il me raconte son week-end avec son copain du moment, toujours le même ces derniers jours. Luis n'est pas très stable niveau relation, mais il s'amuse. La pendule affiche dix-sept heures. Enfin. Je vais récupérer mes affaires et passe dire au revoir à mes collègues avant de sortir de la boutique. Je mets mes lunettes de soleil et marche tranquillement. Il fait chaud, c'est agréable. Je marcherai bien jusqu'à chez moi si ce n'était pas si loin, mais je dois supporter la chaleur du train.

Inconsciemment, je repasse par le port. Il y a pleins de nouveaux bateaux, Noa sera heureux d'en découvrir de nouveaux demain. Je réfléchis à toutes sortes d'histoires que je pourrais lui raconter. Mes yeux tombent sur l'emplacement vide de l'inconnu. Aucun de ses bateaux n'est amarrés. Accroché au rondin de bois de son emplacement, je vois mon nom écrit sur une enveloppe blanche. Est-ce moi ? Je reconnais son écriture, je ne peux pas me tromper.

Je la prends et remarque une casquette par terre, coincée plus bas. Je descends de l'autre côté et l'attrape. C'est la sienne, toute délavée. Je ne l'imagine pas vraiment sans sa casquette, je ne l'ai jamais vu sans. Je la tiens à la main et je vais m'asseoir sur le banc pour ouvrir l'enveloppe. C'est une lettre écrite à la main. Je la lis.

« Belle Ambre,

Je m'exprime mieux par écrit étant donné ma débilité et mon incapacité à exprimer certaines choses correctement. Je me répète à nouveau, mais mes excuses sont les plus sincères que je puisse faire. Je m'en veux horriblement, je n'arrive pas à croire que j'ai pu vous blesser, vous qui êtes si pure.

Je vous écris cette lettre pour vous dire au revoir. Je n'ai pas eu le temps de vous le dire personnellement, j'ai dû partir, vite. J'aurais aimé vous connaître davantage, car le peu que j'ai pu voir était un véritable plaisir. Vous êtes un joyau pur, Ambre. J'espère qu'un jour vous aurez la force de pardonner mon comportement...

Au revoir. »

Un petit M clôture la lettre. Le prénom de mon inconnu commence par un M... Il garde le mystère jusqu'au bout, il m'énerve tellement, mais c'est tellement excitant également. Cet inconnu m'attire inexorablement. Je n'ai jamais été comme ça. À quoi bon ? Il est parti, je ne sais où.

— Que vous a-t-il écrit ?

Je me tourne vers le vieil homme. Ça fait un moment que je ne l'avais pas vu. Je regarde la lettre et la mets contre moi.

— Qui ça ?

— Le solitaire. Il a disparu. Au milieu de la nuit. Il semblait en colère à ce que l'on m'a dit.

— Comment le savez-vous ?

— Je l'ai vu. Très étrange cet homme. Il mettait rarement un pied à terre. Avec cette chaleur monstrueuse, il n'a jamais montré ne serait-ce qu'un centimètre de bras ou de jambe. Vous ne trouvez pas cela étrange ?

Je regarde sa casquette que je tiens à la main. Je me suis déjà dis la même chose, mais je n'ai jamais poussé plus loin la réflexion. Il est un mystère tout entier et il le restera, malheureusement...

Je souhaite une bonne soirée au vieil homme sans poursuivre sa conversation. Je n'ai pas besoin d'y penser davantage. Je prends la route de la maison. Au loin, je remarque déjà le chalutier de mon père sur le sable. Je me dépêche de rentrer et je suis accueillie par Noa, qui se jette sur moi. Je lâche mon sac et le fait tourner dans les airs avant de le serrer dans mes bras. Il répète mon prénom plusieurs fois avant d'enchaîner sur le récit de ces quelques jours. Je ne comprends pas tout ce qu'il me dit, tellement il parle rapidement. Je regarde mon père qui vide le bateau dehors. Je le pose et il me montre ce qu'il a ramené de la pêche.

— Amb ! On va voir les bateaux ?

— Demain mon cœur.

Je souris et le laisse retourner jouer. Je reprends mes affaires et va dans ma chambre. Je pose la casquette de M. sur la chaise et relis une nouvelle fois sa lettre avant de la ranger dans un tiroir et je vais sous la douche pour me changer les idées.

***

Près de deux semaines sont passées depuis qu'il m'a fait mal. Mon hématome a enfin disparu et je n'ai cessé de penser à lui. Je suis tellement ridicule de m'accrocher à rien. Je me rends compte de ma bêtise. Chaque fois que je passe sur le port, j'espère revoir son beau voilier. Même Noa a demandé après lui. Une nouvelle semaine débute et me voilà partie pour le travail. Je travaille six jours sur sept depuis que je n'ai plus le travail à l'hôtel. Je ne l'ai pas encore dit à mon père. Sa réaction va être excessive, je le sais.

J'embrasse Luis en arrivant chez Hugo Boss. Il me raconte son week-end, et moi je n'ai pas vraiment quelque chose à raconter. J'épingle mon badge et arrange mon chemisier tandis que Luis accueille la première cliente. Je rejoins Juliette la nouvelle, elle est en autonomie aujourd'hui. Je vérifie que tout soit en ordre, la responsable va arriver dans la matinée.

Je remplace Juliette lors de sa pause déjeuner. Je l'aurai bien pris en premier tellement j'ai faim, je suis sortie si vite de la maison ce matin. Heureusement Luis s'occupe des clients et moi je gère juste la caisse. Il me charrie depuis ce matin, car un des clients m'a dragué ouvertement. Et comme Luis n'attend que ça, commère comme il est. Je relève la tête lorsque la porte tinte et un homme des plus élégants entre dans la boutique. Il porte un sublime costume bleu foncé avec une chemise blanche. Ses cheveux sont coiffés, mais garde des ondulations naturelles sur le dessus. Sa barbe brune bien taillée lui donne un air horriblement sexy.

Luis me bouscule et me coupe dans ma contemplation de cet apollon.

— Ambre ! Tu vois le dieu vivant qui vient d'entrer ? Vas-y. Ça te fera oublier ton inconnu solitaire et étrange !

— Non mais... Qu'est-ce que je vais lui dire ? Tu sais que je suis nulle pour ça. Tu l'as vu tout à l'heure.

— Tu le conseilles sur ce qu'il veut et tu n'hésites pas à aller l'aider en cabine !

— Luis !

Il rit et me pousse pour me faire sortir de derrière le comptoir. J'arrange mes cheveux et rejoins cet homme qui regarde les cravates. J'arrive à sa hauteur.

— Je peux vous être utile, monsieur ?

Il se retourne pour me faire face. Mes yeux plongent immédiatement dans les siens, comme attirés... Je n'ai jamais vu d'aussi beaux yeux noirs...

Si. Une fois...

Les battements de mon cœur se sont considérablement accélérés et je sais parfaitement pourquoi... Je n'arrive pas à décrocher mon regard de ses yeux. Le temps est comme suspendu, comme s'il n'existait que nous.

Nous sommes toujours figés l'un et l'autre. Ou bien est-ce uniquement moi ? Je n'arrive plus à bouger d'un millimètre. Et pourtant mon corps brûle de le toucher, comme attiré par une force démesurée. Son odeur vient directement flatter mes récepteurs sensoriels. Il a mit un parfum qui lui correspond à la perfection.

Une légère bousculade me sort de mon état second et je trébuche sur le côté. Je reconnais ma responsable qui prend ma place face à cet homme et qui commence à lui parler mode. Elle balaye ses cheveux en arrière et lui fait les yeux doux. Quelle peau de vache. Je croise rapidement ses iris noirs et je m'éclipse de l'autre côté du magasin.

Cet homme si élégant et apprêté, ce ne peut pas être lui, mon inconnu, mon mystérieux M. Il était tellement négligé et ses vêtements toujours identiques et défraîchis. Et là il porterait un costard qui doit coûter un bras et se pointe dans une boutique de marque ? Je n'y crois pas. Ce n'est peut-être pas lui. Sans sa casquette c'est difficile. Et puis j'ai l'impression de le voir partout dernièrement.

Luis m'attrape le bras et me sort de mes pensées, encore.

— Ambre ! Qui est cet homme ? Tu le connais ?

— Je crois que c'est l'inconnu du bateau... Mais je ne suis pas sûre. Ce n'est pas du tout son style de vêtements.

— C'était quoi cette tension sexuelle de dingue alors ? Tu as déjà couché avec ?

— Quoi ? Non ! Luis arrête de ne penser qu'à ça. Et puis je ne le connais pas.

— Là n'est pas le problème.

— Bref. Il est parti ?

Il se recule un peu pour regarder et un sourire s'affiche sur son visage.

— Non. Et il a un cul d'enfer dans ce costume bordel. Ça devrait être interdit bon sang.

Je soupire en levant les yeux au ciel. Je regarde la porte qui tinte et c'est Juliette qui revient. Elle s'arrête nette en voyant cet apollon dans notre boutique. Elle minaude un bonjour avant de nous rejoindre en agitant sa main devant son visage, signe qu'il lui donne chaud. Bien évidemment... Même Luis craque pour lui.

J'attrape mon sac à main et glisse à Luis que je pars déjeuner puis je m'éclipse le plus discrètement possible. Je marche rapidement quelques mètres jusqu'à ne plus avoir la boutique dans mon champs de vision puis je lâche un soupir. C'est lui... J'en suis certaine. Je ne réagirai pas de cette façon, mon corps ne réagirait pas ainsi. Plus de deux semaines que je ne l'ai pas vu, que j'ai espéré le croiser à nouveau, en vain. Suis-je folle ? Oui. Je n'ai jamais été attiré physiquement par quelqu'un, mais là c'est impossible de lutter. Et c'est tout le mystère qu'il est qui m'attire le plus, malgré la noirceur de son regard et la violence qu'il extériorise très mal...

Je pousse un cri lorsque l'on m'attrape le bras avant de m'en défaire rapidement. Je me tourne l'air accusateur vers la personne, prête à lui donner un coup de sac à main, mais je me ravise. Encore lui. Je prends mon courage à deux mains pour lui parler, mais lorsqu'il passe ses doigts fins dans ses cheveux, tout s'envole...

Je distingue de l'encre noir lorsque la manche de sa chemise se recule un peu. Est-ce un tatouage ? Je n'arrive pas du tout à distinguer ce que c'est car il baisse son bras trop rapidement. Je soupire.

— Qu'est-ce que vous faites là ? N'étiez-vous pas sensé disparaître ?

Il me fait des signes que je ne comprends pas une nouvelle fois, et je lâche un soupir d'exaspération sans le vouloir. Son regard passe de la surprise à la honte lorsqu'il baisse ses yeux. Quelle idiote... C'est plus difficile pour lui de ne pas parler que pour moi d'essayer de comprendre.

Il passe sa main sur sa barbe et me regarde à nouveau. Il pose son index au coin de son œil et me montre du doigt. Il m'a déjà fait ce signe et je comprends qu'il est venu me voir.

— Pourquoi ?

Il me regarde sans rien ajouter. Il ne sait même pas pourquoi il est là, j'en suis certaine.

— Et qu'est-ce que vous faites habillé comme ça ? Ce n'est pas du tout votre style.

Il hausse les épaules et sort une carte de l'intérieur de sa veste et me la tend. Je la regarde. C'est une carte de l'hôtel où j'ai travaillé, c'est un cinq étoiles, qu'est-ce qu'il fabrique là-bas ? Je me doutais qu'il avait un peu d'argent, mais peut-être pas à ce point vu l'état de ses vêtements.

Il me montre le numéro de la chambre indiquée dans un coin et avec ses doigts il me montre le chiffre six. Est-ce qu'il me demande de venir le voir à dix-huit heures ? Je crois.

— Pourquoi je viendrais vous voir ? Vous êtes méchant.

Il se recule légèrement, surpris par mes mots puis il acquiesce, comme désolé. Il regarde la carte que j'ai dans la main puis hausse les épaules et s'éloigne sans que je n'ai eu le temps de dire autre chose. Je regarde la carte. Il n'y a que l'adresse, pas de signe de son prénom. Je la mets dans ma poche et je vais déjeuner rapidement dans un café du coin afin de ne pas aller jusqu'à l'embarcadère du Tage, il a dû y amarrer son voilier. Je ne veux pas le voir.

***

Il est presque dix-huit heures. Je range mon rayon, je devrais déjà être partie à vrai dire, mais je n'en ai aucune envie. Je ne veux pas sortir d'ici et risquer de le croiser à l'improviste. Je ne veux pas non plus rentrer chez moi et avouer à mon père que je ne travaille plus à l'hôtel. Le dilemme est de taille. Luis vient me tapoter le dos.

— Hey, tu n'es pas de fermeture.

— Je sais, mais on a eu du monde aujourd'hui. J'ai préféré rester pour t'aider.

— Allez vas t'en.

J'acquiesce en allant récupérer mes affaires. Je retire mon badge et arrange mon chemisier en me regardant dans le miroir. J'ai un teint pâle, je devrais aller un peu plus à la plage vu le temps.

J'attrape mon sac et dis au revoir avant de sortir. Je marche vers la Place du Commerce en sortant sa carte de mon sac. Est-ce que je dois y aller ? Je tourne la tête et remarque un autre bateau à sa place habituelle lorsqu'il amarre ici. Ce n'est pas le sien c'est certain, ça ne lui ressemble pas du tout. Je regarde autour, mais je ne le vois pas... En même temps pourquoi serait-il à l'hôtel s'il avait son bateau ? À moins qu'il soit retourné sur le port de Cascais, ou ailleurs.

Je me retrouve devant l'hôtel Pestana quelques minutes plus tard. On me connaît là-dedans, pourquoi a-t-il choisi cet hôtel ? Je soupire et me regarde dans le reflet de la porte. Je ne me suis même pas changé. Je vais faire tâche dans cet hôtel. J'entre dans le hall somptueux et me dirige à l'ascenseur en regardant le numéro de sa chambre. Pourvu que l'on ne me reconnaisse pas. Il est au dernier étage. Je me souviens parfaitement de cette suite. C'est la plus somptueuse. Est-il riche ? Vue la classe de son bateau, je crois bien. Et avec sa tenue de ce matin, c'est davantage probable.

Je me dirige jusqu'à sa suite et y toque. J'inspire doucement et arrange mes cheveux avant de ranger sa carte. Je m'étais dis que je ne viendrais pas, une fois de plus j'ai cédé. Au bout de quelques secondes, personne ne vient, il ne doit pas être là en fait. Je tourne les talons et j'entends la porte s'ouvrir au même moment. Je me retourne vers lui et reste hypnotisée par sa beauté naturelle... Il ne porte plus sa veste de costume et sa chemise blanche me laisse deviner des muscles que je ne soupçonnais pas. Sous ses pulls et chemises un peu larges, je ne me doutais pas que ses pectoraux pouvaient être aussi bien dessinés. Ses biceps semblent vouloir exploser sa chemise. Bon sang de bonsoir.

Il s'écarte pour me laisser entrer et je pénètre dans sa suite somptueuse. Je regarde autour de moi, même si je connais très bien cette chambre. Je suis plutôt à la recherche d'un détail sur lui, mais rien. Mis à part des feuilles sur une table. Il m'indique le mini-bar, mais je refuse.

— Pourquoi m'avoir dit de venir ici ?

Il me regarde fixement avant de se diriger jusqu'à la table. Il se penche pour écrire et je ne peux m'empêcher de regarder ses fesses. Bon sang, j'ai les joues qui chauffent... Il se redresse et tourne une feuille de papier vers moi. Je lis à voix haute.

— « Acceptez-vous de me pardonner ? » Vous pardonnez ? Vous m'avez fais mal...

Il tourne la feuille.

— « Pourquoi êtes vous là alors ? » Parce que je suis curieuse et que vous m'intriguez plus que vous ne me faîtes peur.

Je soupire en levant les yeux au ciel. Il écrit rapidement.

— « Je ne suis pas méchant. » Ah parce que pour vous, ce que vous avez fait n'est pas méchant ?

Il secoue la tête avec ce même regard inquiet... Je ne sais pas si je dois avoir peur de lui ou si j'ai envie de lui. Mon rythme cardiaque s'est considérablement accéléré depuis qu'il a ouvert la porte. Je ne l'avais jamais observé de si près, et aussi bien apprêté comme ça...

Il s'avance vers moi et je recule instantanément, butant contre la porte. Son regard me coupe le souffle. J'ai l'impression qu'il peut lire en moi, ou qu'il me déshabille rien qu'en un clin d'œil. Et pourtant, en cet instant, je n'ai pas peur. J'ai mon cœur qui semble vouloir me sortir de la poitrine, mes mains sont moites et mon souffle court. J'aimerais qu'il ne voit pas l'effet qu'il a sur moi et pourtant je ne peux pas le cacher... Je veux le toucher, l'embrasser, glisser mes doigts dans ses cheveux.

Cependant la peur qu'il me repousse à nouveau est plus forte que l'envie...

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