Chapitre II

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Je regarde tomber la pluie. Cela m'a toujours fasciné, de voir des gouttes d'eau tomber du ciel et couler le long de nos murs, de nos fenêtres, de nos corps. Cela m'apaise d'entendre toutes ces gouttes s'écraser sur la petite fenêtre de la salle de classe de physique-chimie. Le bruit d'eau roulant sur les grands stores métalliques rouillés avant de tomber sur le rebord de la fenêtre en pierre. 

Entendre mon souffle se couper, espérant l'espace d'une seconde que la goutte n'aille pas plus loin. Cela apaise le sentiment de solitude qui ronge mon esprit. Seule. Je suis seule. Seule dans ma chambre. Seule dans ce fichu cours d'histoire. 

Seule au lycée. Seule dans la vie. L'unique endroit où ma solitude s'arrête, c'est dans ma tête. Je n'ai pas d'amis imaginaire, ce qui, à presque dix-huit ans, serait ridicule. Mais sans que je sache pourquoi, j'entends toutes ces voix dans ma tête, je vois leurs souvenirs dans mes rêves, je distingue leurs ombres dans les couloirs vides à peine éclairés par les petites lampes murales lors de mes sorties nocturnes.

— Sacha, est-ce tu pourrais venir au tableau pour ta présentation ?, demande Monsieur Gregor, notre professeur.

Interrompue dans mes pensées, je regarde d'un œil morne le jeune garçon se lève et venir se planter devant le tableau. Il esquisse un petit sourire timide, tout en passant une main tremblante dans ses cheveux roux en bataille. 

Je me souviens de Sasha, nous sommes arrivés en même temps. C'était l'un des seuls élèves qui étaient venus vers moi spontanément. Mais forcément, quand ces rumeurs sur mon passé ont fait surface, il s'est effacé et fait désormais partie des élèves « neutres », qui ne me persécutent pas, mais qui n'agissent pas pour autant. 

Rien que d'y penser, mon cœur se serre et je détourne les yeux, incapable de respirer. J'ai l'impression d'avoir fait un cauchemar, en restant éveillée. Et comme après un cauchemar, j'ai envie de me lever et filer dans le couloir. Je passe beaucoup de temps dans les couloirs de mon aile, parce que rester dans ma chambre est trop pesant.

Quand je rentre chez Madame Henoch, pendant les vacances, je peux me balader dans le jardin car ma chambre donne directement dessus. Une requête que l'adorable grand-mère a de suite acceptée, sans que je lui en donne les raisons. Mais sans doute a-t-elle compris qu'il y avait un rapport avec mon passé.

— J'ai décidé de parler de l'histoire de ce château, avant que ça ne deviennent une Abbaye. Et pour commencer, j'aimerai dire que ce château n'a été découvert que quelques années avant sa transformation, donc personne n'en a entendu parler. Comme l'Abbaye aujourd'hui, il était construit autour d'un grand jardin central, avec quatre ailes différentes reliées par quatre tourelles où sont aujourd'hui nos escaliers..., commence Sasha avant que je ne perde le fil, peu intéressée par l'histoire de cet endroit que je trouve assez morbide.

Ma chambre se trouve dans l'aile ouest de l'Abbaye, qui est, selon certains élèves du pensionnat, hantée par des esprits malveillants et torturé qui y ont vécu avant moi. Et malgré ma réticence à les croire, cela influençait quand même mon sommeil. Chaque courant d'air me faisait frissonner, le moindre craquement de parquet me réveillait en sursaut, voir me poussait à hurler si fort que même les murs tremblaient. 

Et jamais personne ne m'a entendu hurler, ou pleurer. En même temps, je suis l'une des deux seules élèves à vivre dans cette aile. Et la distance entre chaque aile est trop grande pour que quiconque m'ait entendue. Je dors dans l'aile Ouest, tandis que les autres élèves sont dans l'aile Sud. Je sais que l'aile Nord est réservée aux professeurs, tandis que l'aile Est abrite les salles de cours et la cantine. 

Le Docteur Dubois se trouve dans une dépendance, à quelques mètres de l'Abbaye. Quand j'y repense, pendant ma première année, je criais presque tous les soirs, mais j'étais seule. Cette année, il y a une autre fille dans cette aile, alors je n'ose plus crier. 

Plus aussi fort en tout cas. Je sais que cela peut paraître étrange, de vivre seule dans une aile de l'internat, mais c'est tout simplement parce qu'il n'y avait plus de place pour moi dans l'autre aile. De plus en plus d'enfants venaient de loin pour entrer ici et en résultat, les gens comme moi, qui rentrent le week-end, ont les chambres restantes. Et puis vivre dans un ancien château, c'est toujours impressionnant.

Je suis arrivée au pensionnat de l'Abbaye de Sainte-Catherine l'an dernier, poussé par Madame Henoch, ma tutrice légale. Selon elle, c'était le meilleur moyen de traiter ma "démence" et je l'ai crue, pauvre imbécile que j'étais. Madame Henoch –où Danielle, de son vrai nom- est la dixième « famille » à me prendre sous son aile, en l'espace de dix-sept ans

Je me souviens encore de la grimace sur le visage sévère de Miss Grenchë, la responsable de l'Orphelinat de Lyon, quand elle a annoncé chiffre à cette pauvre Madame Henoch qui se décomposait au fur et à mesure de l'interview, tant et si bien que j'ai eu peur qu'elle ne fasse une syncope avant la fin, comme toutes les autres. 

J'ai beaucoup changé de familles, ce qui est inscrit aussi dans mon dossier. C'est aussi de là que viennent les rumeurs à mon sujet, comme quoi je suis quelqu'un de malveillant. En effet, quitter une famille d'accueil est souvent dû à un problème, venant de l'enfant ou des parents. Malheureusement pour moi, l'origine de mes renvois n'a jamais été indiquée, ce qui laisse fleurir les rumeurs. Mais Danielle m'a prise et ramenée chez elle, dans la petite ville de Vauquois. Une ville tranquille, calme et reposante. 

J'ai adoré être en pleine nature, proche des animaux et souvent dans un jardin ou un champ. Je trouve que les paysages développent l'imagination et j'ai même commencé à tenir un journal intime. Madame Henoch m'a donc adoptée malgré ce chiffre et après une longue année passée avec elle, j'ai finalement atterri à l'Abbaye de Sainte-Catherine, à Beausite. Établissement qui, d'après ce nom si pompeux, ne semble très qu'une école privée catholique avec des règles strictes à appliquer jour et nuit. 

Mais ce n'est pas que cela. Sainte-Catherine traite également des problèmes de folies mineures, ce qui fait que je passe mes journées avec des élèves de mon âge, ou plus jeune, qui sont ici pour être guéri. Chaque année, une petite dizaine d'enfants rentrent chez eux, annoncés « guéris » par nos professeurs. 

Et à chaque fois, j'imaginais mes parents biologiques venir me chercher, expliquant à tous que je n'étais pas folle du tout, juste légèrement différente. Mais très vite, j'avais dû me rendre à l'évidence : si mes parents biologiques ne m'avaient pas gardée quand j'étais bébé, ce n'était pas pour venir me chercher dix-sept ans plus tard. Alors j'étais restée seule, le nez dans les lectures, rêvant de choses qui n'arriveront jamais.

Pourquoi suis-je ici ? Parce qu'il y a déjà un an, je rentrais des cours après une journée mouvementée et une voiture m'est rentrée dedans. Ce qui est étrange, parce qu'on n'a jamais retrouvé le conducteur et que la voiture était à l'arrêt quand j'ai traversé. J'en suis certaine, même un an après cet accident. Il n'y avait pas de conducteur dans cette fichue voiture et le contact n'a jamais été allumé. 

Évidemment, pour bien contrer mes propos, les blessures que j'avais eues ressemblaient à celle que l'on se fait en perdant conscience en milieu de la chaussée. Sans parler du fait que la personne m'ayant retrouvé m'avait légèrement percuté avec sa voiture, me laissant juste un bleu sur le bras. Mais pour Madame Henoch, c'était une tentative de suicide de ma part à cause de mes nombreuses migraines et du fait que j'étais le souffre-douleur de ma classe. Ah ça, mes migraines... 

C'est une autre histoire. J'ai l'impression d'avoir des voix qui me parlent sans arrêt dans ma tête, que je sois en cours ou dans ma chambre. Il n'y a que pendant mes lectures qu'elles se taisent, ce qui a renforcé mon désir de lire. Ces migraines, je les ai depuis que j'ai six ans. Mes familles précédentes ont tout essayé : les médicaments, les IRM, les séances de spiritisme même. Mais à chaque fois, ces fichues voix ont su se taire au bon moment. 

Du coup, j'étais restée coincé avec elles, le masquant aussi bien que possible pour ne plus subir aucun traitement. Mais finalement, j'ai atterri à Sainte-Catherine, école censée me guérir de mes migraines et censée faire de moi une élève normale. Résultat ? Mes migraines ont empiré et il en va de même pour mes relations aux autres.

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi ressemblait la vie d'une prisonnière juvénile ? Je parle des enfants dans les maisons de redressement. C'est un bien joli mot, maison de "redressement", comme si les gens pouvaient être dressés. Oui, comme des animaux. Alors certes, les mots charment les parents, qui entendent « salle de classe » à la place de « cage » et qui ne voient que l'espoir là où il n'y en a pas. 

Là-bas, les enfants luttent chaque jour contre la dépression, le désespoir et la colère. Certains en deviennent encore plus violents qu'à leur entrée dans cette maison. Dans un asile psychiatrique, c'est la même chose. Des parents y envoient leurs enfants, persuadés de les récupérer en meilleur état, comme si nous étions des jouets à réparer. 

Et neuf fois sur dix, cela échouait et les enfants devenaient les monstres que l'on espérait éviter. Je ne suis ni dans l'un, ni dans l'autre, mais cela ne m'empêche pas de voir des parallèles entre ces personnes et moi. Parce que dans mon cas, l'espoir n'a jamais eu sa place dans ma vie, sans être violemment écrasé par l'intermédiaire d'un coup ou d'une insulte. Je sors de mes pensées en sentant un stylo me frapper l'arrière du crâne. 

La présentation de Sasha est finie. Depuis combien de temps ? Certains élèves me fixent et je regarde mon professeur, qui continue sa leçon, imperturbable. Qu'ai-je manqué ? Sur le tableau, est dessiné un dessin du château, tel qu'il était possiblement avant la construction de l'Abbaye. Le Directeur n'a jamais laissé transparaître les plans des ruines, donc on ne le saura probablement jamais. Je pense que beaucoup d'archéologues lui en veulent toujours.

— Hé Jeanne d'Arc, tu parles parfois ? Ou il n'y a que tes petites voix qui ont une langue ?, m'apostrophe ironiquement le plus vieux de notre section, un grand gamin aux cheveux noir de jais, qui se croit supérieur parce qu'il est le plus ancien.

Les autres ricanent à sa blague, comme si elle était la plus drôle du monde. C'est ironique de voir à quel point un simple rire peut suffire à une personne pour qu'elle se sente supérieure aux autres, comme ce garçon-là. Je ne me souviens pas de son prénom et je n'en ai pas besoin, puisque je ne fais pas partie de sa bande de copains. Nous sommes des lycéens, mais j'ai l'impression de ne côtoyer que des collégiens. 

Je ne réponds rien, me contentant de faire rouler entre mes doigts la pièce de deux euros que je viens de ramasser sous ma table. La vie est comme cette pièce : pile, c'est la joie et le bonheur, tandis que face, c'est la douleur et la peine. Mon regard balaye les jeunes réunis dans cette petite pièce, tous chahutant et ricanant ensemble malgré les soupirs d'agacement de notre professeur, Monsieur Gregor. La plupart ne sortiront jamais d'ici. Nous sommes tous différents, et pourtant, nous sommes tous nés du côté face.

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Voilà le chapitre deux !
Je sais, pas mal de choses ont changés depuis la première version, j'espère que vous ne m'en voulez pas ! Je vais continuer à tout remettre bien à jour, avec la nouvelle version de cette histoire ! N'hésitez pas à me donner votre avis sur la version 2.0, j'espère qu'elle vous plaira plus ! Il y aura de nouvelles explications, normalement... 

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