L'été de mes dix-sept ans commence avec la peur de devenir sourd. Tonton Francis crie comme un singe que l'on étrangle. À être seul pendant deux mois, je me retrouve entre un oncle un peu pompette ( sûrement a cause de la bière et le ricard ) et une sœur qui a – je le pense – eu pitié de moi. À chaque fois qu'elle me fait un de ces coups, je sais que je vais prendre cher quand elle va me demander de lui rendre service. Je ne préfère même pas me souvenir du dernier en date. La seule chose à retenir est : Jeanne est la personne la plus vicieuse que je n'ai jamais connu en dix-sept ans d'existence. J'ai l'impression qu'elle a toujours un coup d'avance ou qu'elle fouille dans mes affaires pour qu'elle sache autant sur moi.

– Viens !

    En plus d'avoir signé pour une sœur à vie, j'ai le droit au supplément Renée. Une cousine de quinze piges qui se désespère de ne pas trouver son prince charmant ou de me voir en couple. Ce qui fait un complot Jeanne-Renée qui espère – pour le troisième été consécutif – me trouver quelqu'un et ça passe par tous les plans possibles. En l'occurrence, à cet instant, aller danser sur une chanson bretonne. Ce qui, théoriquement, ramène beaucoup plus de vieux qui t'écrabouillent les petits doigts ou des oncles complètement bourrés plutôt que des adolescents. Enfin, comme il faut si bien le dire : l'espoir fait vivre.

– Putain Gaspard grouille ! s'énerve Jeanne en me poussant par derrière.

– Déjà de 1) j'ai jamais dit que je voulais danser et de 2) je-

– Sens-toi honoré que l'on sauve ta vie sociale ! me coupe Renée

– Très drôle, commence un one-man-show j'suis sûr que tu vas faire un succès.

    Au vu de son regard, je peux affirmer que j'ai gagné la bataille. Pas la guerre, celle-là, c'est réussir à ne finir avec une entorse du doigt ou les pieds écrasés. Promis juré, en Bretagne, on ne rigole pas sur nos danses. Surtout si mamie Paulette, 70 ans, se trouve à côté de toi et connaît tellement bien les pas qu'elle arrive à t'embrouiller rien qu'avec les mouvements de bras.

Je vais créer une pétition pour que ces détails soient dans les romans pour adolescents. C'est comme Jeanne quand elle est maquillée ou pas, on passe de la qualité à un produit wish. Les touristes critiquent sans réellement connaître le fond.

– Regarde, elle est pas belle elle ?

    Comble du karma pourri que j'ai depuis le début de l'été, il y a des « jeunes » de notre âge qui ont eu la même idée stupide. Je crois que je peux déjà commencer à écrire mon testament.