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J'ai appris le lendemain matin qu'Andrew était resté dormir chez cette Brooke. Karen et Connor semblaient bien la connaître alors j'en ai déduis qu'elle et l'adolescent étaient proches. Je ne savais pas de quelle manière ni à quel point et ça me frustrait beaucoup. Je crois que le problème était que je voulais tout savoir. Le moindre détail sur lui, où il était, ce qu'il faisait, comment il réagirait à telle ou telle situation. Je m'ennuyais quand il n'était pas là. Je voulais qu'on soit amis, qu'il me dise des choses personnelles. En savoir toujours plus. Il attisait ma curiosité plus que quiconque et ça me rendait fou. Pourquoi lui ? Ne pouvais-je donc pas m'intéresser à Mary qui ne réclamait que mon attention à longueur de journée ? Andrew occupait littéralement tout l'espace de mon crâne. Je voulais qu'on parle de livres, ou même qu'il se taise lorsque je serais aux Beatles. Je voulais juste qu'il soit là, sentir sa présence et observer ses faits et gestes. Apprendre à le connaître sans mots. Juste lui. J'ai commencé à me poser des questions sur moi. Elles sont restées sans réponses, pour la plupart.

Lors du déjeuner, Karen m'a demandé si j'avais des nouvelles de mes parents et j'ai avalé de travers. Je me suis souvenu avoir raccroché au nez de ma mère, et ça faisait bientôt deux jours. Elle n'avait pas cherché à me rappeler, de son côté. Elle avait dû se donner une raison rationnelle pour se rassurer, et mon père avait sûrement ajouté de me laisser plus tranquille. Mais tout de même, il fallait que je lui parle. A mon père aussi. Son humour débile me manquait un peu.

— Je vais l'appeler après avoir fini de manger, ai-je répondu en devenant rouge.

A la fin du repas, j'ai donc composé le numéro de la maison. C'est ma petite sœur qui a décroché, et ça m'a étonnement fait plaisir.

— Léonard ! You speak English very good ? s'est-elle exclamée dans un accent atrocement français.

Son niveau d'anglais n'était pas mieux, ceci dit.

Je l'ai entendu rire au téléphone et pouffé à mon tour. Treize ans. Je comprenais pourquoi mes parents appelaient ça l'« âge bête ».

— Ferme-la, Laure. T'es ridicule, ai-je répondu en riant. Tout va bien, à la maison ? Il fait beau ?

— Oh ça va, monsieur le bilingue. Oui, ça va. Et non, il pleut. Et toi ?

J'aimais Laure et sa précision. Elle m'a fait penser à Andrew.

— Ça va, la famille est super gentille et je tiens à préciser que la petite de sept ans est plus gentille que toi ! Non je plaisante, ne pleure pas s'il te plaît. Et il pleut, surtout hier. J'étais trempé en allant me balader.

— Ah. Bon, je te passe maman ou papa ?

J'ai levé les yeux au ciel.

— Celui que tu préfères. Et je lui dirai.

Elle a râlé.

— Je te passe maman, elle est plus proche.

— Assure-toi que papa sera au courant !

— Mais non, je te passe maman parce qu'ELLE EST À CÔTÉ DE MOI, DÉBILE !

J'adorais décidément la faire rager. Même loin l'un de l'autre, nous arrivions à nous chamailler.

J'ai entendu le téléphone passer d'une main à l'autre puis la voix de ma mère m'est apparue.

— Léonard ! Comment vas-tu depuis que tu m'as raccroché au nez ?

— Désolé maman, on m'a appelé et je ne pouvais pas faire autrement, ai-je soufflé. J'aurais dû te rappeler.

L'image d'Andrew torse nu derrière la porte qui séparait ma chambre de la salle de bain s'est dessinée. Je l'ai chassée, elle m'effrayait un peu et je ne savais pas pourquoi.

— Je t'embête, mon garçon. Ce n'est pas si grave, le principal est que tu sois en vie. Alors, ça se passe toujours aussi bien ?

— Toujours. Hier, je suis allé à la librairie.

— Ah bon ? Et qu'as-tu acheté alors ? Encore un de ces romans policiers ?

J'ai hésité et souri. Ma mère me connaissait trop bien et je me doutais que je la surprendrais.

— Hum. Non. Roméo et Juliette, ai-je simplement lancé à l'appareil.

— Roméo et Juliette ? s'est-elle exclamée en riant. Léonard deviendrait-il romantique ?

J'ai soufflé.

— Il faut bien tester ce qu'on ne connaît pas, maman.

— Oui, bien sûr...

Nous nous sommes tus un instant avant qu'elle ne reprenne :

— C'est une histoire de filles, tu ne trouves pas ?

J'ai réfléchi. Andrew l'avait bien lu, et c'était un garçon. Je ne voyais pas le mal.

— Non, je ne trouve pas.

— Comme tu veux.

— Comme je veux, oui. Est-ce que je peux avoir papa, s'il te plaît  ?

Elle a soufflé.

— J'ai dit quelque chose qu'il ne fallait pas, mon Léo ? s'est-elle inquiétée.

— Non, non. J'aimerais juste parler à papa.

— D'accord, je t'embrasse.

— Moi aussi.

Elle m'a passé mon père.

— Me voici, me voilà, a-t-il chantonné joyeusement.

— Je suis content de t'avoir au téléphone ! J'ai l'impression que ça fait des mois.

— Je sais, je te manque trop fiston. En même temps, qui peux se passer de Mônsieur Salois, le plus beau et drôle homme de tous les temps ?

— N'en rajoute pas, ai-je ri.

Je l'ai imaginé faire plein de mouvements exagérés avec ses bras.

— Tu trouves que j'en rajoute ? Bon, si tu veux. Comment se passe le début de ton séjour, mon petit gars ?

— Comme je l'ai dit à Laure et maman, tout va pour le mieux ! Ils sont très gentils.

— Tant mieux, je suis content pour toi.

Il a marqué une pause.

— Et les filles ?

J'en étais sûr.

— Il n'y a qu'une petite de sept ans et un garçon, Andrew. Il a dix-neuf ans.

— Oh, et bien c'est parfait ! Demande-lui qu'il t'en présente.

Sûrement pas, non.

S'il savait à quel point je m'en fichais.

Et pourquoi ?

Je n'étais sans doute pas normal.

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