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Nous sommes arrivés à l'aéroport aux alentours de sept heures et demie du matin. Mon père, qui travaillait en ce mois de juillet — il dirigeait une grosse maison d'édition française — m'avait pris dans sa Range Rover et comptait aller au bureau après m'avoir déposé. Avant de partir, j'avais embrassé maman qui en avait profité pour me rappeler de lui téléphoner au moins deux fois par semaine. Ce jour-là, mon cœur battait plus vite que d'habitude, et je n'arrêtais pas de sourire. Sûrement les effets du jour J.

—    Tu as pris ton inhalateur ? a demandé mon père.

Il avait beau faire tous les efforts du monde pour le cacher, je voyais à des milles qu'il était autant stressé que moi.

—    Oui, ne t'inquiète pas.

—    Tes caleçons ?

J'ai ri et ai remonté mes lunettes de soleil sur mon front pour lui lancer un regard désespéré.

—    Tu me prends pour qui, papa ?

—    Pour mon fils.

J'ai levé les yeux au ciel et descendu ma valise du coffre.

—    Très drôle.

Il a marqué une pause quelques secondes et a repris son faux-air sérieux. Il se prenait pour une star de cinéma en tenant sa pair de Ray-Ban dans une main, et s'appuyant sur le capot de la voiture avec l'autre. Ses cheveux grisonnants reflétaient le soleil.

—    A ce propos, parlons sérieusement, fiston.

—    De quoi veux-tu discuter ?

J'ai pris la même posture que lui pour m'en moquer.

—    Dix-huit ans. C'est largement l'âge pour draguer, tu sais ?

J'ai dégluti discrètement.

—    Ah bon ? ai-je répondu en feignant l'innocence.

Il a hoché la tête puis m'a pris par l'épaule.

—    Ne te prive pas : si tu vois une jolie fille, souviens-toi que c'est les vacances.

—    Pas sûr que maman soit du même avis.

—    On s'en fiche.

—    Je vais lui dire au téléphone, ce soir.

—    Ah non !

—    Si.

—    Tu n'as pas intérêt.

Il m'a donné une tape sur l'épaule et ri aux éclats. Je crois qu'il s'est forcé un peu pour détendre l'atmosphère.

*

J'étais dans l'avion et me sentais un peu seul. Tout le monde dormait à part moi, qui n'y parvenais pas sous l'emprise de l'excitation. Je serrais les accoudoirs avec poigne. Il ne restait que quelques minutes avant l'atterrissage. J'ai pris un chewing-gum pour le mal d'oreilles. A ce qu'on dit, ça fonctionne bien. Je n'y croyais pas trop mais le faisais tout de même pour garder bonne conscience.

« Mesdames et messieurs, nous allons nous poser d'ici peu. Nous vous prions de bien vouloir attacher vos ceintures de sécurité. Merci d'avoir choisi la compagnie... » ont lancé les hauts parleurs en grésillant.

Nous avons atterri dans les dix minutes qui ont suivies, et j'ai eu mal aux oreilles. Elles étaient encore bouchées lorsque je suis sorti de l'avion. Mais c'était loin d'être le plus important. Ce qui l'était, c'était de retrouver Karen Maxwell. Elle avait téléphoné à ma mère la veille pour prévenir que ce serait elle qui allait venir me chercher à l'arrivée. J'ai osé un sourire en y pensant ; j'avais du mal à imaginer ma mère parler anglais. Mais à quoi elle ressemblait, cette Karen ? Aucune idée. Seule elle avait reçu une fiche de présentation avec ma photo jointe. J'espérais au moins qu'elle ne la montre pas à tout le monde, j'étais immonde dessus. Comme toute photo d'identité, enfin bon.

J'ai suivi les autres passagers et ai débarqué sur un grand hall. Certains avaient des pancartes, mais mon prénom n'y était pas. J'ai senti mon estomac se tordre un peu plus. Et si je ne retrouvais personne ? Je suis resté planté au milieu, sac sur le dos et valise dans une main. Je tenais toujours mes lunettes de soleil dans l'autre. Je me suis senti crispé alors j'ai tenté de me relâcher comme ma grand-mère me l'avait appris quand elle tenait encore debout. Elle était autrefois sophrologue. Le haut du crâne, le cou, les épaules, le bassin, les genoux, les pieds, et les orteils. Un par un, j'ai essayé de les détendre. Je ne sais pas vraiment si ça a fonctionné.

Pourtant de nature sereine, je ne m'étais jamais senti aussi contracté. La boule dans ma gorge le confirmait.

J'ai encore parcouru du regard la masse de personnes en face de moi. Ça discutait joyeusement de tous les côtés, et les bruits des valises s'entremêlaient. J'ai serré un peu plus fort la poignée de mon propre bagage. Je crois que j'aurais pu me mettre à pleurer tant la tension était forte. Mais il n'en fût rien, et c'était mieux ainsi.

C'est alors qu'une petite brune, légèrement ronde, s'est dirigée vers moi. Quarante ans, plus ou moins. Elle était essoufflée. Mes yeux ont dû s'illuminer lorsque je l'ai vue se dégager de la masse de personnes.

—    Léonard Salois ? a-t-elle lancé dans son accent anglais.

Karen Maxwell se tenait devant moi.

—    C'est moi !

J'avais confiance en mon anglais, et heureusement.
J'ai soufflé un bon coup et elle m'a souri chaleureusement.

—    Je suis vraiment désolée de t'avoir fait attendre comme ça. J'ai été un peu retardée à la maison.

—    C'est rien, je vous assure ! Ça ne fait même pas cinq minutes.

—    Oh, si tu avais vu comme tu étais blanc, jeune homme ! Je m'en veux de t'avoir fait peur.

J'ai ri timidement. A première vue, Karen était gentille et cela me rassurait. Je n'étais pas forcément à l'aise au début, et j'avais besoin de me sentir en confiance. A priori, elle en avait l'habitude et paraissait s'adapter facilement.

Il me semble m'être brûlé le bras avec la ceinture de sécurité de la voiture de Karen Maxwell. Malgré les rumeurs, Londres vivait en ce vingt-six juillet sous une chaleur de plomb. J'en étais ravi ; c'est toujours plus sympa avec le soleil. J'ai profité de la route pour me détendre un peu.

Il était environ dix heures là-bas, et ma mère d'accueil m'a proposé d'aller chercher une viennoiserie à la boulangerie lorsque nous roulions en direction du centre-ville. Je n'ai pas osé accepter. De toute façon, j'avais déjà l'estomac bien rempli et encore noué par l'angoisse. Je crois que ça m'aurait donné mal au ventre.

La voiture s'est finalement arrêtée quelques minutes plus tard, en face d'une jolie maison. Elle était semblable à toutes celles de la rue mais quelque chose lui donnait un charme appréciable. C'était peut-être grâce aux rideaux en dentelle blanche, derrière les hautes fenêtres aux rebords blancs, ou bien à l'allée entourée de fleurs diverses. En tout cas, elle me plaisait et je l'ai fait remarquer à Karen qui m'a remercié avec fierté. De toute évidence, elle était à l'origine de cet entretien.

Nous y sommes entrés, et la mère de famille a appelé ses enfants. Le père n'était pas là ; j'ai appris plus tard qu'il travaillait. J'ai posé mes affaires en attendant de les rencontrer. Je n'avais aucune idée de leur âge, ni de rien d'autre d'ailleurs à propos d'eux. J'ai rapidement jeté un œil à l'espace ; en face de l'entrée trônait un escalier en colimaçon, fait de bois blanc. Celui-ci clôturait le petit couloir qui desservait quatre pièces, de façon symétrique. Une odeur de bacon errait encore.

Mary est descendue la première. J'ai découvert une petite fille de sept ans — Karen me l'avait rapidement présentée — aux cheveux bruns attachés en deux petits couettes. Elle sautillait joyeusement, et m'a fait penser à une petite boule de feu. Elle m'a serré dans ses bras et je me souviens en avoir ri, étonné d'une marque d'affection immédiate. Ses yeux bleus brillaient plus que les étoiles.

—    Tu viendras jouer au loup avec moi ? m'a-t-elle imploré avec un air de chien battu.

Sa mère a ri aux éclats. Elle était visiblement de nature joyeuse et détendue. Et avait sûrement l'habitude de ce genre de scène.

—    Je..

Ma phrase ne s'est jamais terminée parce qu'Andrew est apparu. Il descendait l'escalier d'une délicatesse déconcertante. Chacun de ses pas semblaient compter. Il m'a paru timide, un peu hésitant. Il ne se tenait pas vraiment droit, un peu comme s'il avait un poids à porter. J'ai aimé ses vêtements parce qu'ils lui allaient bien. Le jeune homme —dix-neuf ans — arborait ce jour-là une chemise ample, à carreaux de différents verts. Elle était un peu délavée, j'ai pensé qu'il la portait souvent. Son bermuda beige lui allait au teint, pâle malgré le soleil. Ses cheveux m'ont fait penser à la couleur du miel. J'ai été capturé par ses yeux pers en amande ; j'en étais d'ailleurs jaloux. Son nez long et fin surplombait ses lèvres minces et légèrement rosées.

Andrew était beau.

—    Salut, m'a-t-il dit en tendant une main incertaine.

Je me suis demandé si on allait devenir amis et la lui ai serré.

—    Enchanté, je suis Léonard.

—    Oui on m'a dit, a-t-il répondu avant de tenter un sourire.

J'ai pensé ensuite qu'Andrew était trop timide.

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