Chapitre 5

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- Tiens donc. Regardez donc qui voilà.

J'en soupire d'avance. C'est mon tout premier jour depuis ma prise de poste au sein de ce centre animalier. J'ai à peine fait un pas dans le bureau réservé aux reporters qu'un homme pointe le bout de son nez... et campe devant moi, l'expression glaciale. Il désigne une chaise en face de lui. Je m'exécute et m'installe. Il contourne son bureau et s'installe à son tour.

On pourrait entendre un ange passer tant le silence est pesant. Il fronce les sourcils en ne me quittant pas des yeux.

Oh merde, mon premier jour commence tellement bien. J'en viens à me demander s'il ne serait pas mieux que je prenne mes jambes à mon cou sans demander mon reste.

- C'est vous alors, le reporter prodige dont tout le monde parle ?

Il continue de m'observer, les bras croisés et enfoncé dans son fauteuil. Un gros dossier où est marqué "VINCENT BRISEBOIS DE FUSSAC" trône sur son bureau.

Je ne sais vraiment pas quoi faire. J'ai l'impression d'être en garde-à-vue et qu'on m'accuse d'un délit dont j'ignore la teneur. C'est franchement embarrassant.

Foutu pour foutu, je prends la décision de jouer le culot et lui décoche mon plus beau sourire.

- Je suis attendu tel le Messie, hein ?

Mon interlocuteur hausse un sourcil, ne goûtant pas du tout à ma plaisanterie. Ne cachant même pas son mépris envers moi, il hoche la tête et fait glisser le dossier vers lui avant de l'ouvrir en grand.

Un autre ange passe. Jamais, dans toute l'histoire de l'humanité, une blague n'a fait un tel flop. J'ai envie de rentrer dans le sol et de disparaître à tout jamais.

Tandis que mon interlocuteur fait son possible pour nier mon existence, je prends le temps de l'examiner sans vergogne. La peau noire, très grand, le regard dur, les cheveux crépus et volumineux. Et des lèvres charnues... tellement pleines que je ne me rends même pas compte que je les fixe sans vergogne.

- Eh oh. Mes yeux sont plus hauts.

Je sursaute, réalisant que je me suis carrément perdu dans ma contemplation de ce gros connard. Vraiment très mignon, cochant toutes les cases de ce que je recherche chez un homme, mais un gros connard tout de même.

- Pardon, dis-je d'une petite voix.

L'adorable connard, dont je ne connais pas le prénom, extrait mon C.V de mon dossier.

- Vos références sont excellentes, marmonne-t-il en parcourant mon C.V avec son long doigt fin. Vous avez voyagé dans les quatre coins du monde, vous avez l'expérience du terrain. Chine, Bali, Etats-Unis, Allemagne... tous les zoos où vous avez travaillé reconnaissent vos qualités et votre investissement personnel.

Je souris à nouveau, sans exagérer cette fois. Au moins il a le mérite d'être impartial et professionnel. C'est bon à savoir.

- Pourquoi avoir choisi le Zoo de Beauval ? interroge-t-il avec froideur sans prendre la peine de lever les yeux vers moi.

Je m'agite un peu dans mon siège. Dois-je dire la vérité ? Que j'ai fui le plus loin possible pour échapper à ma famille de gros richards ? Mentir en disant que j'ai accepté le poste pour changer d'air et de cadre de vie ? Ou carrément lui dire d'aller se faire foutre car ce n'est pas ses oignons ? 

Je n'opte pour aucune de ces possibilités et me contente de répondre :

- J'ai mes raisons.

Au moins je ne mens pas, je ne dis pas la vérité et je ne réduis pas à néant mes chances de me faire apprécier par ce BG en l'envoyant promener.

Mon interlocuteur reste silencieux et sans émotion. Il pourrait penser le pire de moi et planifier mon meurtre dans les bois que son visage ne laisserait rien paraître.

Suis-je en train de causer avec un sociopathe ?

- Notre entretien est purement informel car le directeur a déjà accepté votre candidature. Avez-vous déjà signé votre contrat ?

Je fais oui de la tête.

- Dans ce cas...

Il se lève en poussant le rugissement le plus sexy que j'ai jamais entendu et me tend sa large main.

- Soyez le bienvenu dans notre grande famille, Vincent. Je suis persuadé que vous vous plairez ici. Nous ferons tout pour.

Je me lève à mon tour et saisis sa main dans une poignée ferme.

- Appelez-moi Vince. C'est un honneur de travailler au célèbre Zoo de Beauval.

Pour la première fois, ce petit con sourit. Trop mignon. Nos mains sont toujours l'une dans l'autre. 

- Enchanté, Vince. Je m'appelle Jocelyn.

Jocelyn, Jocelyn, Jocelyn. Ce type beau à se damner a un prénom que je n'oublierai jamais.

****

Une secousse me réveille en sursaut. Je mets quelques instants à me situer dans le temps et l'espace.

Visite chez la matriarche.

Autorisation d'utiliser un jet privé.

Irruption inopinée de cet imbécile de Franck.

Tout le sang-froid dont j'ai dû faire preuve pour céder à son chantage sans lui casser la gueule avant.

Je ne m'étais pas rendu compte qu'il faisait déjà presque nuit. Je jette un coup d'œil à ma montre. 21h34. Nous avons décollé six heures auparavant. Nous sommes presque arrivés.

J'observe d'un œil morne tout le spectacle aérien qui se dessine devant moi. Des nuages, des nuages et encore des nuages. Le soleil sur le point de se dissimuler complètement.

Un spectacle de merde, quoi. Même la beauté des nuages n'arrive pas à me sortir de ma torpeur. 

Sans m'en rendre vraiment compte, je mets ma bague autour de mon annulaire et l'embrasse du bout des lèvres.

J'ai hâte d'être présent aux funérailles de Jocelyn, même si je sais ce que ça implique. Le voir dans son cercueil, le visage serein, ne ressentant plus la moindre douleur... tout ça me fera prendre conscience que ma vie s'est transformée en un cauchemar infini dont je ne suis pas sûr de ressortir indemne un jour. La réalité s'impose peu à peu en moi mais elle a encore beaucoup de chemin à parcourir avant qu'elle ne se mette d'accord avec mon côté rationnel et cartésien.

Jocelyn est mort.

Tu te rends au Congo pour l'accompagner dans son ultime voyage.

Sois fort. Ne t'effondre pas à genoux devant sa famille déjà suffisamment endeuillée.

Je te promets de faire preuve de courage et de ne pas pleurer, Jocelyn. Je te promets d'être digne de toi.

- Hé, petit con.

Je tourne vivement la tête vers Franck. Je ne sais pas si c'est à cause de la nuit mais je trouve qu'il a l'air encore plus crétin que d'habitude.

- On est arrivés à bon port, marmonne-t-il. Aéroport de Maya-Maya.

Je plaque mon nez contre le hublot et réalise qu'il a raison. Je regarde plus attentivement et remarque, au loin, plusieurs taxis sagement garés les uns derrière les autres.

Je ne perds pas une seconde, m'empare de mes quelques affaires et sors en trombe du jet privé.

Enfin. Enfin je suis là, mon amour. Attends-moi encore un peu. J'arrive pour te retrouver.

Le monde entier pourrait être frappé par une épidémie foudroyante ou par une météorite que rien ne m'empêchera d'aller au domicile familial de Jocelyn. Je suis si près du but..

Je sens alors la main de Franck m'empoigner le bras avec force. 

- Où tu crois aller, comme ça ? demande-t-il en serrant ses dents.

- Va te faire foutre, répliqué-je avec force. Tu as rempli ta tâche que la matriarche t'a confiée, tel le gentil toutou que tu es. Maintenant...

Je m'extirpe de la prise de Franck en balançant violemment mon bras en arrière.

- Maintenant, rentre en France et fous-moi la paix !

Mais Franck ne l'entend pas de cette oreille. Je regarde vers le coin des taxis et m'aperçois avec horreur qu'il n'en reste plus que trois... dont un qui se fait prendre d'assaut par une famille nombreuse avec des enfants braillards.

Il n'en reste plus que deux.

Si près et à la fois si loin...

- Je vais rester ici, dit Franck avec mépris. Question de sécurité. Il ne faudrait pas que tu nous échappes et que tu ne respectes pas tes engagements.

- Fais comme tu veux ! m'exclamé-je.

Je commence d'ores et déjà à m'éloigner de cet imbécile. Je cours de toutes mes forces en direction du (dernier) taxi. Comme un signe du destin. Comme si ma vie en dépendait. Comme si Jocelyn me l'avait envoyé.

Je vois qu'un homme s'approche de mon taxi et accélère ma course. Hors de question que je le rate alors que je suis si près du but ! Il n'en est absolument hors de question ! Que quelqu'un me coupe les jambes si je loupe ce putain de taxi !

Alors que l'homme ouvre la portière pour s'engouffrer dans le véhicule, je le bouscule sans ménagement et me faufile sur la banquette arrière.

- Une question de vie ou de mort, désolé !

L'homme commence à rouspéter tandis que je donne l'adresse de ma destination au chauffeur de taxi. Le malheureux client tente d'ouvrir la portière mais j'ai bien pris soin de la verrouiller de l'intérieur. Je suis navré d'en arriver là mais... mais... l'heure n'était ni à la courtoisie ni à la décence.

Ma vie en dépend !

J'abaisse la vitre et l'homme me hurle dessus, au point qu'il donne l'impression qu'il va exploser. Je sors donc mon portefeuille et, sans réfléchir, lui donne l'intégralité du contenu, soit environ deux cents euros. L'homme écarquille les yeux. Le temps qu'il recouvre ses esprits, je suis déjà loin.

Loin de lui, mais près de mon cœur réduit en miettes.


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