12- Le chauffeur de taxi qui sentait un peu trop la moutarde

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Les mains dans les poches de mon gilet, les cheveux au vent, je mâche bruyamment ma gomme à mâcher, attendant le taxi. La nuit est noire, comme mes voisins. Le ciel est parsemé d'étoiles et les lampadaires éclairent faiblement la ruelle. Un silence de mort, aussi mort que mon père, pèse dans l'atmosphère, rendant le tout effrayant. 

C'est super ! 

Mes talons hauts de quinze centimètres commencent à me faire franchement mal, mais je résiste: il faut souffrir pour être aussi belle que moi. Je fais éclater ma bulle et jette un regard envieux à la maison des Deschamps, espérant que Philibert passe la porte et vienne me prendre dans ses bras, comme un sauveteur qui sauve la pauvre fille qui a bu huit litres d'eau. Mais cet instant ne vient jamais: la porte reste aussi immobile que mon père dans son cercueil. Je soupire: pourquoi Philibert se sort pas?! Je ne compte donc pas pour lui? 

Au loin, un bruit de voiture se fait entendre et, quelques instants plus tard, une voiture s'arrête à ma hauteur et la vitre coulisse. À l'intérieur, un homme à la moustache carré me regarde par-dessus ses lunettes, une main sur le volant. Son chandail blanc est maculé de rouge, sûrement du ketchup. 

— Hé mademoiselle, tu t'appellerais pas Google? Parce que je retrouve en toi tout ce que je recherche. 

Je souris et me penche pour bien voir son visage. 

— Non, je m'appelle Agathe Shilom, mais tout le monde m'appelle Star. Êtes-vous chauffeur de taxi? 

—  Chauffeur tout court, mamzelle. Allez, entre! 

Un déclic se fait entendre et il se penche pour m'ouvrir la portière. Pour le remercier, je lui souris avant de m'assoir sur le siège en cuir. Une odeur de moutarde et de rouille flotte dans l'air, me faisant retrousser le nez. C'est pas top comme service. Je serais dans l'obligation de lui donner une mauvaise note, c'est triste. 

À peine la portière fermée que l'homme fait vrombir son moteur. La voiture décampe aussitôt et je peine à attacher ma ceinture. Elle semble être coincée. Grommelant, je me demande ce que Rex, mon poisson rouge, ferait à ma place. Il essayerait de la décoincer! 

—  Qu'est-ce que tu fous avec ma bagnole? 

Je me redresse, le souffle court. 

—  Je découpe la ceinture de sécurité avec mes dents, je dis d'une toute petite voix. 

Pour confirmer mes propos, je recrache un bout de ceinture. Ça goûte pas bon ; un point de moins pour le service. Si ça continue comme ça, il aura un bon gros zéro. 

L'homme hausse un sourcil avant d'appuyer sur le champignon. Je pousse un petit cri qui se transforme en éclat de rire: c'est trop de la bombe! Après réflexion, il ne finira pas avec un zéro, il conduit trop bien ! 

—  Hé ! Vous avez dépassé ma maison, gloussé-je en collant mon visage sur la vitre noire de saletés. 

—  J'en ai rien à foutre. 

Il me jette un bref regard et sa moustache frémis. De mes yeux roses bonbons, je le jauge, essayant de comprendre ses propos. Il en a rien à foutre... Foutre rime avec loutre. 

—  VOUS ALLEZ M'ACHETER UNE LOUTRE? 

Alors là, c'est vraiment de la bombe. Un des plus beaux jours de ma vie. JE POURRAIS MANGER DE LA LOUTRE. Mon dieu, quand je le dirais à Rex! Il sera super content. On a toujours rêvé manger un animal avec un nom qui commence par "L". Surtout moi.

—  Ouais, j'vais t'acheter une loutre. Je la mettrais dans ta tombe. 

— Attendez: vous allez me payer mes funérailles? Vous êtes trop bon ; allez, je vous mets cinq étoiles! Pour le style et la gentillesse. 

Ses épaule se raidissent et il ne lâche pas la route des yeux. On est plus dans mon quartier. 

—  On va où? lui demandé-je d'une petite voix en m'emparant de sa boite de mouchoir : voilà qui sera parfait pour rembourrer ma poitrine. 

—  Chez moi: je te kidnappe, espèce de débile. 

Mes yeux pétillent. 

—  TROP DE LA BOMBE ! 






















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