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Debout sur le quai, Selim réalise que, cette fois, Coline part de bon. Elle prévoit de revenir pour la Toussaint, mais rien n'est sûr. Il la regarde s'attacher ses cheveux avec un élastique bleu, stresser en regardant l'heure, vérifier qu'elle a bien tout pris.

C'est un jour de repos ordinaire pour Selim. Pourtant, il voit bien que se joue dans ce départ, un moment extraordinaire. Un instant anticipé mais décisif.

—   Bon bah... J'y vais ? annonce-t-elle avec un sourire triste.

Selim la prend dans ses bras, savourant une énième fois la chaleur de l'étreinte.

Ils se sont revus plusieurs fois depuis son retour d'Arcachon. À chaque fois, c'était chez Coline, tard le soir. Dans la pénombre, ça leur arrivait de se raconter des histoires. Souvent, Coline parlait de sa peur de l'inconnu, Selim de son père. Toutes leurs rencontres servaient à avancer dans leurs problèmes, à revenir à l'essentiel, se concentrer sur eux-mêmes. Parfois cela finissait en rapport charnel, mais ça leur arrivait aussi de sortir se promener dans la nuit noire.

Ces moments ont fait du bien au cœur de Selim, durant cette mi-août morose où tout le trouble et le perd.

—   Envoie un message quand t'arrives hein, rappelle-t-il en se décollant d'elle.

—   Des photos de mon appart' décoré surtout !

Coline lui sourit. Il lui montre ses fossettes.

Un silence s'installe doucement entre eux. Le type de silence précieux qui accompagne des yeux brillants, où on observe l'être en face de soi. Dans cette contemplation, on repère toute l'affection qui noue les deux êtres. En grand romantique, Selim se dit qu'il aurait pu tout donner pour elle, à cet instant précis. Mais une sincère tendresse plane et leur suffit. Avec ses doigts, Selim essuie les petites larmes qui perlent aux creux des yeux de Co'. Ce n'est qu'un au revoir mais tous deux le vivent comme un adieu. Ce sont des choses qui se sentent et ressentent : boucler un chapitre, en commencer un autre, s'émouvoir d'être à une page charnière de sa vie.

—   Merci de m'avoir accompagnée... Tous les autres sont en vacances et clairement, j'aurais pas eu le courage d'aller à la gare toute seule...

Coline fait un pas vers lui, l'encercle de nouveau dans ses bras. D'une voix tremblante, elle lance :

—   Je t'envoie du courage pour cette fin d'été, et... Merci, Selim. Je te fais une sorte de déclaration mais... t'es quelqu'un d'incroyable et... n'étouffe jamais ta sensibilité. Je t'adore alors ne me ghoste pas de nouveau ! T'as pas intérêt hein...

Le brun se contente en réponse de lui embrasser le front tout en chuchotant un vrai « Promis ».

Lorsque Coline part, Selim décide de rester sur le quai pour l'observer s'éloigner petit à petit. Il réalise alors toute la puissance de cette discussion, de son cœur endolori mais apaisé. Les mots de Co' l'ont touché : il a envie d'être courageux. Elle plonge dans l'inconnu, lui se sent prêt à essayer de communiquer avec son père.

Mais dans cette séparation, il y a quelque chose d'infiniment triste. Seulement le soulagement a pris le pas sur la douleur : dans un sens, il est heureux qu'elle vive ailleurs. Un mal pour un bien : Selim serait retombé fou amoureux, pas elle. Ils se seraient faits du mal sur le long terme. Plus rien n'aurait été facile ou authentique.

Le brun se souviendra longtemps de ce départ.

Dans ce moment indicible, Selim a ressenti toute la force d'un lien, de cette relation singulière impossible à décrire. Il respire : oui, c'est ça. Une relation, le temps d'un été ensoleillé, qui le marquera à vie.

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