*Xef*

- Toi ?!

- Toi...

Après avoir erré un peu dans un biome toundra, je croyais avoir froid. Ce qui était un peu naïf de ma part...

Là, entre deux femmes, la température se rapprochait dangereusement du zéro. Du zéro Kelvin.

De mon côté, Kim, droite comme un piquet, toisait avec une lueur de mépris forcé Pepper, de l'autre côté, qui s'était placée dans une posture défensive. Et puis il y avait Poupunou et moi, qui regardions tantôt l'une, tantôt l'autre, tout aussi désemparés.

- Perrine... commença-t-il.

- Kim, s'il te plaît...

Aucune ne détourna la tête, et Pepper gronda :

- J'ai quelques comptes à régler.

- Le Mal, ce n'était pas moi, siffla Kim.

- T'étais peut-être pas le Mal, mais un putain de cancer, ça oui...

- On en parle, de toi ? Une petite Sainte-Nitouche, l'amie de tout le monde, Miss Parfaite ? Te fous pas de moi, t'avais juste les pétoches de lever le petit doigt ! Tu t'es planquée derrière ta prétendue gentillesse et tout, mais au fond, t'es qu'une lâche.

- C'est pas pour rien que personne ne t'a suivi, pauvre tarée ! Te remettre en question, ça t'arrive ?

- Je te renvoie la question !

- Vous ne vous trouvez pas un peu ridicules, toutes les deux ?

Poupunou venait d'interrompre la conversation d'un ton ferme. Kim lui lança un regard noir, Pepper parut stupéfaite ; il poussa un grand soupir.

- Les torts sont partagés. Kim a trahi, Pepper a reculé, ça vous va comme ça ?

- Je n'ai pas trahi, protesta Kim, j'ai fait ce qui...

- Non mais c'est une blague ? la coupa Pepper. Tu n'as pas idée de ce que j'ai vécu, toi, tu étais déjà...

Elle s'interrompit, pâlit un peu. De son côté, je sentis aussi Kim faiblir ; elle me jeta un regard en coin dans lequel je lus un brin de culpabilité. Je crus que c'était mon tour de dire quelque chose, m'éclaircis la gorge et tentai :

- Et puis, tout ça, c'est fini, c'était il y a six mois... on a avancé depuis, non ? Vous ne pensez pas qu'il est temps de passer à autre chose ?

Instant de silence, uniquement troublé par le vent glacial de la toundra.

Pitié, faites que j'aie dit ce qu'il fallait, faites que j'aie dit ce qu'il fallait...

En voyant Pepper s'avancer vers Kim, je craignis le pire et m'apprêtai à défendre ma petite amie s'il le fallait... mais au final, Pepper lui tendit la main franchement.

- On efface l'ardoise.

Kim fronça les sourcils, parut sur le point de sortir une réplique bien sentie ; je lui décochai un petit coup de coude dans les côtes. Elle se tourna vers moi, choquée, et je ne pus que lui faire mon plus beau sourire contrit.

- Pfff... c'est bon, vous avez gagné.

Elle prit la main tendue de Pepper et conclut :

- On n'a qu'à dire que ce n'était qu'un jeu. Mais je te préviens : si tu essaies de me pourrir dans mon dos, je te rends la pareille.

- Je te renvoie l'avertissement.

Poupunou et moi échangeâmes un regard résigné, et j'entendis presque la même pensée que moi dans sa tête.

Les femmes...

Une heure plus tard, les querelles étaient complètement oubliées. Mais aucun de nous quatre n'y prêtait assez attention pour s'en réjouir.

Ça faisait une heure que nous déambulions dans une toundra qui nous paraissait interminable, et la faim commençait déjà à se faire sentir. Nous avions pu abattre quelques arbres pèlerins de sorte à nous faire des outils de pierre, et avions croisé des entrées de grottes à trois reprises, mais il nous manquait des réserves de nourriture pour s'y enfoncer.

Sauf qu'il y avait un truc avec la toundra : c'était froid. Genre, très froid. Et les animaux n'étaient pas très fans du froid.

- Je tuerais pour ne serait-ce qu'un seul lapin, grommela Pepper.

- Pareil, renchérit Kim. Sauf que moi, si je dis ça, je me fais engueuler.

Je sentis Poupu se préparer à intervenir en cas de dispute, mais Pepper haussa les épaules. Soudain, en tournant la tête, j'aperçus au-delà d'une colline enneigée quelque chose de vert ; n'osant pas y croire, je m'écartai silencieusement du groupe, allai explorer de ce côté... et m'écriai à l'attention des autres :

- Taïga ! Non, méga taïga, les amis !

Malgré leur estomac dans les talons, les trois coururent à mes côtés, et je vis leurs visages s'éclairer en constatant ce que j'avais découvert. Kim fut la première à s'arracher à la contemplation des pins ; elle partit devant, s'exclamant :

- Allez, on va pas rester plantés là ! La bouffe ne va pas se chasser toute seule !

- On est refaits, soupira Poupunou avec bonheur.

Je hochai la tête et partis à la suite de ma petite amie, suivi des deux autres. Nous convînmes de nous séparer pour aller récupérer de quoi manger chacun de notre côté ; ce que nous fîmes, fixant un point de rendez-vous vingt minutes plus tard.

Je réalisai vite cependant que nous étions loin, très loin d'avoir trouvé un paradis. L'ombre projetée par les conifères réduisait considérablement la distance à laquelle on y voyait clair, et je dus deux fois de suite prendre la fuite à cause de mouvements dans le noir qui ne me plaisaient pas vraiment. Le sol n'était pas d'herbe mais de podzol, et j'avais manqué tomber plusieurs fois à cause de la boue qui retenait mes chaussures - pire encore, je n'avais réussi à attraper que la moitié des lapins que j'avais trouvés et que j'avais tenté de chasser, l'autre moitié s'étant enfuie.

Vite dépité, je me résolus à abattre quelques arbres et faire la cueillette des champignons, jusqu'à l'heure où je devais retrouver les autres.

Arrivé au point de rencontre, je me rendis vite compte que les autres aussi en avaient bavé de cette maudite méga taïga. Pepper était couverte de boue, Kim avait des branchages dans les cheveux et ne ramenait que des champignons ; Poupu, quant à lui, revint en retard, l'inventaire plein de côtelettes de mouton mais une vilaine blessure à l'épaule. Dès qu'elle le vit, Pepper courut vers lui, alarmée.

- Qu'est-ce qui t'est arrivé ?!

- J'avais oublié que des monstres pouvaient spawn à l'ombre, ricana-t-il. Et un squelette m'a mis une flèche.

- Je suis pas passé loin de finir pareil, commentai-je.

Nous nous mîmes donc d'accord pour redoubler de vigilance ; Kim et moi restâmes postés en sentinelle, tandis que Pepper cuisait la viande et faisait les soupes, et que Poupunou s'enfonçait dans le sol pour essayer de trouver une grotte.

- Je me demande comment s'en sortent les autres équipes, fit Pepper en lançant une fournée.

- S'ils ont tous eu autant de chance que nous, je les plains, répondis-je.

- Pas moi, renchérit Kim.

La dernière remarque parut ne pas plaire à Pepper, qui se tourna vers ma chérie avec un regard noir.

Toi et ta vision des choses, Kim... tu vas relancer une dispute...

- Et pourquoi ? lâcha Pepper, dents serrées. Ça ne se fait pas d'être égoïste.

- Hé, Pepper. Si on gagne, qu'est-ce que tu demanderas comme récompense ?

L'interpellée parut s'agacer que sa question soit ignorée ; mais Kim se tourna vers elle, l'air le plus sérieux du monde, et sans la moindre animosité. Ça la prit au dépourvu.

- Je... je n'ai pas vraiment pensé à la récompense.

- Vraiment ? Alors pourquoi t'es-tu lancée là-dedans ?

- C'était...

Pepper baissa les yeux.

- Je crois que c'était comme une revanche. Les deux dernières fois, je n'ai rien pu faire de vraiment utile... et je ne voulais pas rester à penser que le jeu m'avait battue, à la fin de World is Mine.

- Tu n'as vraiment pas réfléchi à la récompense ?

- Tu me poses la question, mais y as-tu réfléchi toi-même ?

- Ouais. Si on gagne, je demande à tout oublier.

La brune tressauta un peu, surprise de la réponse. Elle s'abîma un moment dans ses réflexions, Kim n'ajoutant rien ; puis elle finit par dire :

- Non, pas moi. Je comprends pourquoi tu veux ça, mais moi, je ne voudrais pas ça. C'était difficile à vivre, mais quelque part... ça valait la peine d'être vécu. Non, moi, je pourrais demander à l'équipe qui gère ça d'arrêter ce genre de simulations. Définitivement.

- Ça ne m'étonne pas de toi, Miss Parfaite.

- Je sais, rit Pepper doucement.

Kim eut une ombre de sourire en écho, puis se retourna vers les profondeur de la forêt qu'elle surveillait.

- Tu sais pourquoi je t'ai posé la question ?

- Pas vraiment, avoua l'autre. Pour détourner la conversation ?

- Non. Pour essayer de te faire comprendre quelque chose. Peut-être que maintenant, après y avoir réfléchi, tu sais pourquoi tu te bats. Donc pourquoi je ne serais pas ravie que les autres équipes s'en sortent mieux, qu'elles se préparent plus efficacement. Je ne veux pas perdre.

Pepper resta coite un moment. Elle sortit les côtelettes encore fumantes du four, créa une dizaine de soupes sur la table de craft, avant de dire enfin :

- Je comprends. C'est... en fait, je t'ai mal jugée en début de jeu, je crois.

- Merci, répondit Kim tout simplement.

Elles n'ajoutèrent plus rien ; moi, je me sentais tout drôle. Ma copine m'avait déjà dit, dans les grandes lignes, pourquoi elle avait voulu recommencer un Mineworld, et je l'avais suivi sans trop de questions, sans trop saisir non plus. Moi, ces deux jeux m'avaient éprouvé mentalement et physiquement, mais pas tant que ça non plus. Donc voir deux personnes échanger d'un ton si sérieux sur le sujet, ça me pinçait le coeur.

Je me surpris à me questionner moi-même sur la récompense. En fait, je n'en avais pas la moindre idée.

Pour l'instant, je dirais presque qu'une nouvelle voiture, une console, ou un peu d'argent m'irait... et puis, est-ce que c'est vraiment nécessaire d'en vouloir plus ?

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Heya ! C'est le chapitre de l'impatience et de la faiblesse ! Non, j'ai pas réussi à résister à l'envie de publier, c'était trop tentant... ;3;

Rendez-vous lundi pour le suivant ! (attends, c'était pas tous les dimanches de base ?)