Chapitre 21

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J'ai chanté. Qui peut affirmer résister à Hakuna Matata et l'enthousiasme incroyable d'Azelle ? J'ai chanté tout bas, anxieux à l'idée qu'on m'entende, puis ma voix s'est perdue au milieu de celles des autres. Bien sûr, c'était Azelle qu'on entendait le plus, et je crois que ça nous a tous motivés à la suivre. Un peu plus tard, Antoine dansait dans la chambre avec Tim, et Azelle m'attaquait avec des chatouilles sur le lit. À la fin, on s'est touss retrouvés à sauter et crier dans tout l'appartement.

    Un voisin est même venu frapper à notre porte parce qu'apparemment, on faisait trop de bruit. J'ai reconnu celui avec la barbe qui m'avait bousculé pour rentrer dans l'immeuble, la dernière fois. Pas vraiment commode. Pourtant, Azelle lui a offert un grand sourire et s'est excusée gentiment, puis elle lui a proposé de nous rejoindre. En entendant ça, Antoine a manqué de tomber par terre tellement il riait.

    Il fallait voir la façon qu'avait Azelle de lui parler. Elle paraissait si sincère, si euphorique, puis en même temps, elle faisait plein de poses et d'expressions différentes. Je crois que je n'avais jamais ri autant depuis longtemps.

    Tim a eu droit à un nouveau verre de jus d'orange, qui a faillit se retrouver explosé par terre parce qu'Azelle avait voulu essayer de le transporter sur sa tête. Cette fois, il l'a but très vite, enfin aussi vite qu'il le pouvait, parce qu'Antoine arrêtait pas de mettre des vidéos marrantes sur l'ordinateur et à chaque fois Tim riait aux éclats.

    Puis, un peu plus tard que prévu, les deux frères sont partis, parce que sinon leurs parents allaient passer un savon à Antoine, et il pourrait plus emmener Tim dehors. On s'est promis de se revoir bientôt, le week-end par exemple, ou pendant une après-midi. Quand ils ont refermé la porte derrière eux, le silence s'est installé. Pas le même qui me fait peur, ni le même qui suit le départ d'Azelle, le matin. Un silence encore heureux, drapé de souvenirs et de rires, apaisant, calme. Je me suis blottit dedans et je crois qu'on est allé dormir sans même manger, parce qu'il était déjà tard et qu'on avait pas le courage de préparer quoi que ce soit. De toute manière, on s'était goinfré de n'importe quoi pendant le film.

    Ça m'a fait du bien, cette journée. Même si j'avais toujours le sentiment d'avoir été abandonné par Lazare. Même si j'étais vraiment mal à l'aise au départ. Même si je ne connaissais ni Antoine, ni Timaël. Même si je n'avais jamais vraiment aimé Le Roi Lion – Azelle me l'a fait regretté, d'ailleurs, elle est beaucoup trop douée pour chatouiller les autres. Ça m'a vraiment fait beaucoup de bien.

    À la maison, je m'amusais pas autant. Enfin, ce n'était plus le cas depuis un moment. Je ne voyais plus beaucoup Lily qui s'était installée dans un appartement semblable à celui d'Azelle, ou même peut-être plus petit ; Ana sortait presque tous les soirs avec ses amis ; Liam passait son temps à parler avec des gens sur internet. Moi, j'ai toujours été plus solitaire. Même les interactions virtuelles me stressent. Alors à la maison, je restais tout seul, comme à l'école. Il y avait bien quelques connaissances, mais ce n'était pas comparable avec des amis, juste des gens avec qui passer du temps parce qu'on avait peur de rester tous seuls, peur du regard des autres. C'était pas comparable avec Azelle, Lazare, Antoine et Tim.

    Pourtant, ce n'est pas comme si je les connaissais depuis longtemps. Une après-midi pour Antoine et Tim. Cinq jours pour Lazare. Presque deux semaines pour Azelle.

— Deux semaines, c'est énorme, je souffle pour moi-même.

    Vingt jours se sont écoulés depuis l'incendie. Pratiquement un mois que je suis mort et pourtant, je ne me suis jamais senti aussi vivant.

    Je me demande comment va ma famille. Est-ce qu'un mois, c'est suffisant pour se remettre de la mort d'un fils, d'un frère ?

    Mon regard est perdu dans le noir. Il fait nuit et seule la lueur de la lune à travers les rideaux éclaire la chambre. J'entends la respiration lente d'Azelle. Elle dort. Est-ce qu'elle a déjà perdu un proche, elle ? Est-ce que qu'elle serait si gentille si elle savait ce que j'ai fait ? Sûrement pas.

    Ma tante est morte quand j'avais sept ans. Cancer, je crois. Je n'étais pas très attaché à elle, je ne la connaissais pas vraiment, et puis je crois que je ne comprenais pas ce que c'était, la mort. Je ne sais même pas si maintenant, je comprends réellement. Je ne me souviens même plus de ma tante, de son visage, de son caractère, de ses goûts.

    Il fait nuit et je suis seul avec mes questions. Personne n'est là pour y répondre. Et puis, même s'il y avait quelqu'un, je ne pourrais pas partager mes pensées. Je ne peux pas risquer de partager mon secret. Même s'ils ne me livraient pas à la police, je n'ai pas le droit de faire porter un tel secret aux autres. Ce ne serait pas juste. Mes emmerdes, je les garde pour moi.

    Je pense que j'ai changé. Je ne sais pas quand, ni comment. Seulement, je dessine moins de monstres et aujourd'hui, j'ai ri jusqu'à ne plus avoir de souffle. Je suis fier de mes cheveux rouges et c'est la première chose que j'aime réellement chez moi. Je n'ai pas pleuré depuis plusieurs jours et j'ai moins peur du silence. J'arrive à regarder des films sans m'imaginer des trucs horribles et à mettre mes pensées de côté. Je vais plus vers les gens, enfin, je vais vers Lazare, je le cherche dans la forêt, je n'ai jamais autant eu envie de passer du temps avec quelqu'un. Je parle avec Azelle et on s'entend bien, elle me considère presque comme un petit frère, elle l'a dit.

    Mon cœur se gonfle de joie. C'est peut-être un peu égoïste, toute cette histoire ; ça l'est sans doute, parce que j'ai abandonné ma famille de la pire des façons. Mais je suis heureux pour la première fois depuis longtemps. D'accord, je ne dors pas plus la nuit, je ne mange pas plus sainement et j'ai toujours plein de doutes, de peur et de tristesse en moi, mais je suis heureux.

    Et ce n'est pas ça qui compte, dans la vie ? Être heureux ? Ce n'est pas ça, ce que tout le monde cherche, ce pour quoi chacun essaye de donner le meilleur de lui-même et de gagner un maximum d'argent ?

    Je ne cache pas le sourire sur mes lèvres. De toute manière, seule l'ombre peut le voir. Je me demande ce qu'elle en pense, l'ombre de cette chambre, celle qui me voit toutes les nuits alors que je garde les yeux ouverts pour ne pas faire face aux souvenirs des flammes. Est-ce qu'elle est contente ? Qu'est-ce qu'elle en pense ? Est-ce qu'elle me regarde seulement, ou son regard est posé sur Azelle et ses cheveux étalés comme une auréole autour de son visage ? Je ne lui en voudrais pas. Azelle est fascinante. Elle est belle à regarder, la nuit, même si le noir enveloppe sa silhouette. Et puis elle est tellement pleine de vie et de joie. Quand Antoine et Tim sont partis, elle m'a regardée. Elle semblait exténuée, ce qui n'était pas étonnant vu toute l'énergie qu'elle a déployé. Mais elle m'a aussi parue heureuse, je le voyais dans ses yeux pétillants de la couleur des rochers, dans sa respiration encore rapide parce qu'il avait fallu courir pour attraper le dernier bus d'Antoine et Tim et qu'on avait insisté pour les accompagner, dans son sourire qui atteignait presque ses oreilles tellement il était grand. Je l'avais jamais vu aussi heureuse. En fait, souvent, quand elle revient le soir, elle est juste épuisée. Elle essaye de le cacher, mais maman avait les mêmes mimiques quand elle rentrait du travail, alors je vois bien ce qu'elle essaye de dissimuler derrière des sourires et des tons enjoués.

    Antoine aussi avait l'air content. Il nous a confié qu'il vivait chez ses parents, qui en fait avaient plus l'âge d'être des grands-parents, qu'il voulait partir faire des études mais qu'eux voulaient rien payer parce qu'ils voulaient qu'il reprenne l'élevage de chiens familial, qu'alors il faisait plein de petits boulots pour gagner de l'argent et pouvoir payer ce qu'il voulait tout seul. D'après Tim, le matin y'a toujours des aboiements qui les réveillent très tôt, et puis leur mère se met à crier pour qu'ils se taisent, mais ça fait juste encore plus de bruit dan la maison. Et apparemment, ils ont pas trop souvent le droit de sortir tous les deux. Les parents sont trop stressés à l'idée qu'il arrive un truc à Timaël. D'ailleurs, ils l'appellent toujours par son nom complet, jamais de surnom, ni rien. Quand il me disait « tout le monde m'appelle Tim » en fait, c'est tout le monde sauf ses parents et sa maîtresse à l'école. Ça me rend un peu triste, que des parents soient au même rang qu'une maîtresse.

    Mais aujourd'hui, ils avaient l'air content. Tim riait beaucoup et il était ravi d'avoir du jus d'orange. Apparemment, chez lui, il n'y en a pas. Antoine était content lui aussi, et je pense qu'Azelle avait une bonne part de responsabilité dans tout ça, mais il m'a aussi parlé et on a passé du temps ensemble. Il paraissait beaucoup moins méfiant que dans la forêt, et aussi plus gentil.

    Il fait nuit et tout le monde dort. En bas, la rue est silencieuse, même si on voit plusieurs lumières qui s'allument et s'éteignent de temps en temps. J'imagine tous ces gens entassés dans des appartements. Je me demande à quoi ressemble leur vie. On vit si près les uns des autres et pourtant, on sait rien de la vie de chacun. On s'effondre sans se remarquer, trop plongés dans nos univers pour se voir, trop préoccupés par notre existence pour essayer de se comprendre.

    Et moi, je suis mort, et il fait nuit, et les ombres m'entourent. Qu'est-ce que je change à tout ça, moi ? Qu'est-ce que je représente au milieu de toute cette foule de vie ? Comme une tache noire sur un tissu blanc, je suis mort parmi les vivants. C'est seulement maintenant que je réalise à quel point la vie est importante. À quel point ça vaut le coup, de continuer de vivre. Pour la première fois depuis l'incendie, je suis reconnaissant pour cette fenêtre qui s'est miraculeusement ouverte alors que j'allais me laisser mourir. Je suis reconnaissant d'être vivant, d'être ici. Je suis content que mourir m'ait permis de vivre.

    Je ferme les yeux et prend une grande inspiration. Mon sourire ne disparait pas, et je dois étouffer un rire dans mon oreiller pour ne pas réveiller Azelle. Dehors, j'entends des exclamations et le vacarme de plusieurs motos qui démarrent. Le klaxon d'une voiture retentit, suivit du crissement des pneus. D'autres cris résonnent, plus énervés cette fois, puis tout redevient calme.

    Et moi, je reste là, entouré par les ombres, dans la nuit, heureux d'être en vie.

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