Chapitre 9

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    Il fait beau. Le soleil nous illumine encore de ses rayons chaleureux alors qu'on aperçoit la lune au loin, qui attend sagement son tour de briller. J'entends les oiseaux dans les arbres, qui nous accueillent alors qu'on entre dans la forêt. J'aime bien les soirs comme ça. Je me sens détendu.

La traversée de la ville n'a pas été facile. Le simple fait d'être dans la rue tétanisait mon esprit qui, comme un disque rayé, répétait les mêmes interrogations angoissantes. Bien sûr, ce qui m'obsédait, c'était la crainte d'être reconnu. Et ce serait mentir si je disais que cette peur a disparu au moment où nous sommes entrés dans la forêt.

Elle s'est tout de même apaisée, je le ressens presque comme une libération. Au milieu des arbres, j'arrive mieux à respirer, et j'ai l'impression que ma poitrine est libérée, comme si le monstre qui me compressait entre ses griffes perdait de sa force, alors que moi, je gagne en puissance.

— Je t'emmène dans mon endroit préféré. Je te préviens, il est magique.

Azelle me lance un clin d'œil complice et soudain, elle dévie du chemin qu'on suivait. L'idée de m'aventurer hors des routes tracées me tente bien, alors je la suis sans hésitation. Nous nous frayons un passage entre les fougères qui me paraissent gigantesques. Parfois, elles m'arrivent jusqu'aux épaules et je me dis que je vais perdre Azelle. Étrangement, ça ne me fait pas peur. J'ai un bon sens de l'orientation, je saurai rentrer tout seul.

La robe jaune d'Azelle ressort au milieu de tout le vert de la forêt qui se renouvelle après l'hiver. Ana aurait été jalouse : en forêt, maman ne voulait qu'on mette des vêtements qui risquaient d'être abîmés et ça énervait toujours Ana, qui préfère toujours bien s'habiller partout où elle va. Elle dit toujours « il faut s'habiller chaque jour comme si on allait rencontrer l'amour de sa vie, et il est hors de question que je sois moche à ce moment-là ». Ça faisait rire Lily, qui soutenait que l'amour n'avait rien à voir avec les vêtements. Lors de ces débats, j'étais avec Liam et je n'écoutais que d'une oreille distraite, alors que j'essayais de battre mon frère à Asphalt 8. Comme on n'avait pas d'internet en voiture, on commençait la même course en même temps, et celui qui arrivait le premier gagnait. À chaque fois c'était lui, le vainqueur. Moi, je passais plus de temps à créer des accidents avec les voitures des autres qu'à atteindre la vitesse maximale pour arriver premier.

— Tu as peur que ta famille soit à ta recherche, Tyler ?

Je m'immobilise. Azelle continue de marcher comme si elle n'avait rien dit, si bien que je me demande un instant si je n'ai pas rêvé. Puis, elle me jette un coup d'œil inquiet, ce même regard qu'elle me lance à chaque fois qu'elle quitte l'appartement le matin, où je lis sa peur de rentrer et de ne pas me retrouver. Je ne sais pas vraiment pourquoi elle se préoccupe autant de moi, je ne suis pas non plus un bébé et je ne lui apporte strictement rien. En tous cas, ce simple geste me prouve que je n'ai pas imaginé ces mots et qu'elle attend une réponse.

Est-ce que j'ai peur que ma famille me cherche ? Non, ils me croient mort. Après réflexion, je me dis même que j'aimerais bien qu'ils me cherchent, qu'ils veuillent me retrouver. Ce serait mieux que de pleurer un décès qui n'a pas eu lieu. Mais je ne peux pas revenir en arrière. Je dois avancer. Alors, je fais un nouveau pas en avant pour ne pas perdre de vue Azelle, qui a ralenti sa marche, si rapide il y a quelques secondes.

Je garde le silence. Azelle aussi. Elle commence à comprendre, je crois ; je suis sauvage et elle n'aura pas de réponses, pas comme elle l'espère. Je ne peux pas lui dire la vérité et je ne veux pas mentir. Rester muet est la meilleure manière de ne pas m'attirer d'ennuis, même si ça veut dire mettre de la distance entre Azelle et moi, alors qu'elle commençait tout juste à m'apprivoiser.

Sa question me prouve qu'elle a remarqué mon malaise dans la rue. Si je ne veux pas attirer l'attention, il me faudra être plus discret. C'est vrai que je devais avoir l'air d'un fugitif recherché, à la façon dont je me déplaçais. Il faut que je ressemble à n'importe quel adolescent de bientôt dix-sept ans.

La tension à l'intérieur de moi est revenue. Le monstre a reprit sa force et la puissance que j'ai ressenti toute à l'heure s'évanouit. Je ferme les yeux, le temps de m'habituer aux griffes glaciales qui m'emprisonnent.

Respire, Tyler. Tu oublies de respirer.

J'inspire difficilement et essaie de me concentrer de nouveau sur la forêt. C'est une des rares méthodes qui fonctionne pour calmer mes angoisses. Tout en suivant la robe jaune d'Azelle qui se bat contre le vent, je me laisse bercer par le chant des oiseaux et les murmures des arbres. La forêt semble silencieuse, mais ce n'est pas le même silence qui m'effraie d'habitude. Ici, c'est un silence plein de vie est d'espoir. Il n'amène pas la mort et la peur avec lui ; bien au contraire, il remplit tellement l'espace qu'il chasse tout le négatif. Azelle se trompe : ce n'est pas seulement son endroit préféré qui est magique, la forêt toute entière est enchantée.

Nous ne parlons pas pendant tout le trajet, et c'est sans doute mieux comme ça. Pour la première fois, j'ai l'impression de voir Azelle se refermer sur elle-même. Bien qu'elle garde la tête haute et le regard ouvert, son allure se fait plus tranquille, ses épaules s'abaissent légèrement et elle me semble soudain plus fragile. J'ai l'impression de voir la véritable Azelle. Peut-être qu'elle a oublié ma présence. En tous cas, elle agit comme si personne ne la regardait. Je me sens brusquement de trop et détourne le regard, pour la laisser forger sa bulle. De mon côté, je fabrique la mienne aussi, plus fébrilement. Elle me protégera des démons.

Chaque respiration me donne l'énergie suffisante pour renforcer la barrière invisible qui me protège. C'est l'énergie des plantes, des arbres, des feuilles, des animaux, de la terre qui se glisse autour de moi, me soutient, m'apporte la force nécessaire pour repousser mes démons. Pour la deuxième fois de la journée, pour la deuxième fois depuis que je suis mort, je me sens puissant, invincible, en sécurité.

Une boule se forme dans ma gorge. J'ai envie de pleurer de soulagement tellement l'effet de la forêt me libère. Enfin.

Je crois qu'Azelle l'aperçoit quand elle se retourne vers moi pour s'assurer que je la suis. Son regard s'illumine un instant et elle sourit, avant de se remettre à marcher. Je me dis qu'elle sait que ma bulle est extrêmement fragile : un seul regard suffit pour la faire voler en éclat.

Finalement, nous nous arrêtons tout en haut de ce qui me semble être une colline. Devant nous, la forêt s'étend et les arbres me semblent tout petits, bien loin de toucher le ciel. D'ailleurs, celui-ci nous attendait pour débuter son spectacle quotidien. Ou peut-être pas, je ne sais pas. En tous cas, à l'instant où nous nous arrêtons, la course du soleil s'accélère et les nuages se teintent d'un rouge pâle magnifique. Une lumière magnifique se glisse entre les branches, comme si elle cherchait à nous atteindre et nous illuminer nous aussi.

Je jette un regard à Azelle. Elle reste immobile, comme si le temps venait de s'arrêter, fascinée par le coucher de soleil. Le léger vent qui nous a accompagné jusqu'ici joue maintenant avec ses cheveux roux, avec une douceur qui me fait penser qu'ils doivent se connaitre depuis longtemps, tous les deux. Ça ne m'étonnerait pas, qu'Azelle soit amie avec le vent. Elle sait apprivoiser beaucoup de monde.

Mes iris glissent de nouveau vers le ciel. En quelques secondes, tout s'est déjà transformé. D'innombrables couleurs décorent l'horizon. Les oiseaux accompagnent toujours le spectacle de leurs chants enjoués et j'ai l'impression que la nature entière fait de son mieux pour être à la hauteur de ce qui se déroule sous nos yeux.

Pour la première fois depuis des mois, je me sens à ma place. Ici, on m'accepte avec bienveillance, on m'encourage, on me protège. Les larmes me montent aux yeux et, même si je ne souris pas, je rayonne. Une douce chaleur m'enveloppe, se loge dans mon ventre, réchauffe mes mains, calme mon souffle. Ici, mes démons n'ont pas accès et je suis libre.

Le soleil disparaît trop vite. Un instant, je me tends, craignant l'apparition de la nuit. J'ai peur de retomber, que tout ma force et ma joie disparaissent et m'abandonnent aux milieux d'ombres qui crient ma solitude. Et pourtant, rien de tout cela n'arrive. Au contraire, même : les lumières du crépuscule m'atteignent encore et mon cœur se nourrit de leur éclat.

Azelle se détache alors de se contemplation et me regarde, souriante. Elle aussi, elle rayonne, encore plus que d'habitude.

— Tu vois, elle souffle, je t'avais dit que c'était magique.

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