Chapitre 11 - Les cigognes

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Le monde se mit à tournoyer autour d'Emma. De plus en plus vite. Elle ne pouvait plus rien distinguer autour d'elle. Elle se sentait comme happée par une tornade. Puis, aussi soudainement, qu'elle avait commencé, cette implacable pirouette s'arrêta. Emma s'écrasa lourdement sur le sol, prise d'un violent haut-le-cœur. Elle ne se retint que de justesse de ne pas rendre l'intégralité de son petit déjeuner sur le carrelage. Elle se releva en titubant, contemplant incrédule la pièce inconnue dans laquelle elle venait d'être - brutalement - transportée comme par enchantement. Recouvrant finalement ces esprits, elle hurla :

"C'est un enlèvement ! Vous n'avez pas le droit ! Ramenez-moi chez moi sur le champ ! Cela ne va pas se passer comme ça ! Je peux me battre s'il le f..."

Elle s'interrompit. Personne ne l'écoutait. Ses deux ravisseurs semblaient inquiets et incrédules.

"Où sont les guérisseurs et la sage-sorcière ? fit celui avec les lunettes.

- Maman ! Tu es où ? demanda le roux.

- Dans la chambre !" répondit une voix qui venait de la gauche d'Emma.

Une petite femme replète d'une cinquantaine d'années avec des cheveux roux mi-long bouclés sortit de la pièce en question. Elle poursuivit :

"Visiblement c'est une mauvaise idée de donner naissance un jour de pleine lune quand une louve-garou est également enceinte. Je ne le savais pas mais apparemment ça déclenche chez elles l'accouchement. Les guérisseurs sont débordés et ne pourront pas venir tout de suite. J'ai donné à Ginny un peu de potion d'opium pour calmer les douleurs des contractions.

- Mais on est tout juste le matin, il ne fait pas encore nuit, tout ceci n'a aucun sens, s'indigna le roux.

- Apparemment, cela n'est pas nécessaire. Il faut seulement que ce soit une période de pleine lune et la pleine lune c'est cette nuit ! Même si, le phénomène se déclenche plus souvent à minuit. Mais là, la louve avait déjà failli donner naissance de manière prématurée donc le processus s'est déclenché très tôt..."

Le brun à lunette n'écoutait plus et s'était précité vers la chambre où de tout évidence, celle qui devait être sa femme, enceinte jusqu'au yeux, était sur le point d'accoucher.

"Pourquoi vous ne l'amenez pas tout simplement à l'hôpital ?" suggéra Emma.

La femme rousse sembla alors s'apercevoir de sa présence et roula des yeux écarquillés.

"Pas de panique, maman, il n'y a aucun problème, je t'expliquerai, intervint le roux. Miss Cure, les sorcières ne peuvent pas donner naissance dans les hôpitaux moldus. Il pourrait se passer des phénomènes difficiles à expliquer et qui risqueraient de trahir notre existence. Imaginez qu'un bébé se mette à léviter, qu'est-ce qu'un de vos collègues moldus penseraient ?

- Vos bébés volent après la naissance ?

- Cela arrive. Ou des objets qui explosent. Des cheveux qui poussent en quelques minutes. Enfin, pleins de choses sont possibles alors nous avons notre propre système de soins.

- Je comprends mais pourquoi vous ne la transférez pas dans un de vos hôpitaux à vous ?

- Une femme enceinte ne peut pas transplaner ou utiliser de la poudre de cheminette. Ce sont des moyens de transport trop violents. Et le balai ce n'est même pas la peine d'y penser.

- Poudre de chemine... Balai... Bon je suppose que je ne suis pas au bout de mes surprises. Transplaner ? C'est ce que nous avons fait pour venir ici ?"

Le sorcier roux confirma d'un hochement de tête.

"Effectivement, c'est un peu violent... Mais pourquoi vous ne l'emmenez pas simplement en voiture ?

- Les sorciers ne conduisent pas. Nous n'en avons pas besoin la plupart du temps."

Emma se dit alors que si elle avait la capacité de se téléporter - de transplaner - elle n'utiliserait certainement pas de voiture. Cela devait être sacrément pratique tout de même. Si on oubliait le fait qu'il valait mieux être à jeun.

A ce moment-là, sa conscience professionnelle reprit le dessus et elle déclara en se dirigeant vers la chambre :

"L'obstétrique n'est peut-être pas ma spécialité, mais je reste médecin. Je devrais pouvoir me rendre utile."

En entrant dans la pièce, elle découvrit le sorcier brun assit au bord d'un grand lit tenant la main à une jeune femme rousse haletante. Elle devait avoir environ 25 ans, très jolie, rousse avec une peau laiteuse. En constatant la présence d'Emma, celle-ci gronda :

"Qui êtes-vous ?

- Ginny, je te présente Emma Cure, l'informa son mari. C'est une jeune née-moldue que je dois ramener à Poudlard pour Gawain.

- Tu as ramené du travail à la maison ?

- En quelque sorte oui, je n'avais pas le choix dans l'urgence. Emma est médecin chez les moldus. Je crois qu'elle veut t'aider.

- Mrs Potter, je suis le Dr Emma Cure, êtes-vous d'accord pour que je vous examine. Comme ça nous pourrons savoir où nous en sommes."

Ginny, encouragée par Harry, acquiesça un peu hésitante. Emma fit sortir Harry de la chambre avant de s'occuper sa patiente.

"Je vais mesurer votre col, expliqua Emma en enfilant des gants en latex qu'elle avait trouvé dans la salle de bain attenante, allons, voyons voir... Il est totalement effacé ! Ce n'est pas une fausse alerte. C'est pour maintenant. Je crains, Mrs Potter, que vous n'ayez pas le temps d'attendre vos guérisseurs." En voyant que Ginny commençait à paniquer, elle la rassura :

"Ne vous inquiétez pas. Je vais m'occuper de vous. La potion qu'on vous a donné à l'air très efficace sur les douleurs. Je vais vous guider pour la suite. Je reviens dans un instant. Je vais prévenir votre époux."

Elle quitta rapidement la pièce pour informer le sorcier brun à lunette de la situation. Un petit garçon de deux ans qui lui ressemblait comme deux gouttes d'eau et qu'Emma n'avait pas remarqué jusque-là, était assis sur ses genoux.

"Vous savez faire ça ? s'enquit-il.

- Nous sommes tous formés à gérer un accouchement en urgence. J'aurai besoin de serviettes propres par contre.

- Vous trouverez tout ce qu'il faut dans la salle de bain."

Emma fit demi-tour, traversa la chambre jusqu'à la salle de bain et saisit une pille de serviette. Le sorcier brun la suivit après avoir confié son fils au rouquin. Il s'assit à côté du lit et attrapa la main de sa femme pour l'encourager, tandis qu'Emma installait une serviette propre sous les jambes de Ginny.

"Maintenant, Mrs Potter, nous allons attendre la prochaine contraction et vous pousserez dès que vous la sentirait. En soufflant bien. C'est votre deuxième enfant ?" Ginny confirma. "Alors souvenez-vous comment vous faisiez la dernière fois pour contrôler les poussées et votre respiration. C'est la même chose, mais cette fois-ci ça devrait aller plus vite."

Intérieurement, Emma priait pour que tout se passe bien. Elle savait gérer un accouchement simple, mais pour ce qui était des complications, cela était au-delà de ses compétences. De toute façon, elle n'avait pas le matériel nécessaire à disposition pour une extraction instrumentale et encore moins pour une césarienne. Elle se rappela un de ses formateurs qui affirmait qu'un accouchement inopiné se déroulait toujours bien et que le plus important était de laisser les choses se faire naturellement.

Elle respira un grand coup et se concentra. Ginny venait de commencer sa première poussée. Emma sentit la tête descendre un peu sous ses doigts, puis Ginny relâcha. Après sept poussées, le bébé était encore haut et sa jeune patiente commençait à fatiguer. Emma serra les dents. A ce moment-là, la petite sorcière replète surgit dans la pièce et fit boire à la future maman, un liquide orangé avant de s'éclipser aussi furtivement qu'elle était rentrée. Sa jeune patiente reprit instantanément des couleurs et sembla avoir retrouvé sa pleine forme. Une nouvelle contraction arriva, Ginny poussa, et enfin Emma accueillit la tête du bébé dans ses main. Elle dégagea son épaule comme elle l'avait appris et accompagna doucement sa sortie. Le bébé cria à pleins poumons. Elle avait réussi ! La naissance s'était déroulée sans problème majeur et le bébé paraissait en pleine santé. Elle clampa le cordon et proposa au père de le couper. Le jeune sorcier à lunette prit les ciseaux avec émotions et une fois le lien rompu, Emma déposa le nouveau-né sur le ventre de sa mère en larmes. Ce dernier point était une constante. Toutes les mamans pleuraient lorsqu'elles donnaient naissance à leur enfant. Un délicat mélange d'émotion et de chute brutale d'hormones.

Emma se retira quelques instants pour les laisser profiter de ces premiers moments en famille. Après quelques minutes elle revint vers eux :

"Je laisse le Papa donner son premier bain au bébé, pendant qu'avec la Maman nous allons nous occuper du placenta".

La jeune rousse leva les yeux au ciel :

"J'avais oublié ce deuxième mini-accouchement. On vient à peine de pouvoir profiter de son enfant et alors qu'on est exténuée il faut recommencer, pendant que le papa, qui lui n'a rien fait, profite des meilleurs moments, c'est complètement injuste."

Emma ria à sa remarque. Elle n'avait pas tort. Cependant, elle ne pouvait pas aller contre la nature. La jeune maman prit son fils dans les bras, car oui, c'était un garçon, l'embrassa avant de le confier à son père :

"Va le présenter à Ron, Molly et James. Ils doivent être impatients de le rencontrer."

Le jeune sorcier enveloppa son fils délicatement dans une des serviettes propres et quitta la pièce, un sourire radieux sur les lèvres. Emma l'entendit déclamer fièrement derrière la porte :

"Je vous présente Albus Severus Potter. James, regarde, c'est ton petit frère."

"Albus ? interrogea Emma, je n'avais jamais entendu ce prénom de ma vie.

- Les prénoms sont un peu différents chez les sorciers, lui expliqua la belle rousse. Albus Severus, ce sont les prénoms des deux derniers directeurs de Poudlard, l'école de sorcellerie, avant le Pr McGonagall. Ils ont été comme des pères de substitutions pour Harry, c'était très important pour lui.

- Je vois, approuva Emma. Bon Mrs Potter, a nous deux maintenant.

- Je t'en prie, appelle-moi Ginny, et cessons de nous vouvoyer. Après ce que nous avons vécu, je trouve ça bizarre. J'avoue que je n'ai rarement été aussi intime avec quelqu'un que je venais à peine de rencontrer, conclue-t-elle en riant.

- C'est sûr que la situation est un peu insolite, pouffa Emma. C'est d'accord... Ginny. Allez ! Attaquons nous à cette délivrance maintenant."

Au même moment, un raffut se fit entendre du salon. L'instant d'après, trois sorciers en uniformes vertes, deux hommes et une femme, surgirent dans la chambre :

"Je suis Mafalda Greeneyes, sage-sorcière à Saint-Mangouste, proclama la sorcière dont les cheveux étaient quelque peu ébouriffés, témoins du caractère agité du dernier accouchement auquel elle venait d'assister. Veuillez nous excuser pour le retard, nous allons prendre soin de vous à partir de maintenant. Mais qui êtes-vous Miss ? Écartez-vous tout de suite !"

Elle s'était adressée à Emma qui, le cordon ombilical dans la main droite, dirigeait précautionneusement la délivrance.

"Dr Emma Cure, je...

- Docteur !!!!!! s'indigna la sage-sorcière. Une médecin moldue ! Mais vous êtes fous ! Éloignez-vous immédiatement de ma patiente ! Bon, heureusement vous ne semblez pas avoir fait trop de dégâts."

Sur ces paroles, elle prit le cordon des mains d'Emma et la renvoya au fond de la pièce.

"Je vous en prie, Mrs Greeneyes, intervint Ginny, Emma n'a fait que m'aider et sans elle je ne sais pas ce que j'aurai fait. Tout s'est très bien passé et je lui suis très reconnaissante. Les moldus ont aussi des naissances tous les jours et ils gèrent ça très bien. Je pense que vous avez de faux a priori sur la médecine moldue."

La sage-sorcière fut forcée de constater que tout s'était déroulé en ordre :

"Je l'admets, vous avez fait du bon travail. Mais nous allons prendre la relève à partir de maintenant, si vous le voulez bien."

Un grand socle blanc rectangulaire apparu alors dans la chambre. Dessus était posé un lit avec à côté ce qui devait être une petite couveuse. D'un geste de baguette, sous les yeux ébahis d'Emma, la sage-sorcière fit léviter Ginny pour la transporter sur le nouveau lit. C'est avec Ginny sur cet étrange brancard qu'ils quittèrent de la pièce. Harry confia Albus, qui était désormais propre, à Ginny.

Ils sortirent de la maison tandis que les deux guérisseurs faisaient d'étranges mouvements avec leurs baguettes en direction des autres maisons.

"Ils lancent des sortilèges de confusion pour ne pas alerter les moldus, il ne faut pas qu'ils voient le cocon au sol", souffla Harry à l'oreille d'Emma en guise d'explication.

La sage-sorcière grimpa sur le socle au côté de Ginny. Elle fit un mouvement avec sa baguette, des parois apparurent de chaque côté du socle blanc, avant de se rejoindre au sommet en coupole, dissimulant ainsi les deux femmes et l'enfant aux regards. Désormais l'objet ressemblait effectivement à un cocon d'insecte géant. Deux ailes apparurent sur les côtés. Les deux guérisseurs se mirent à la tête du cocon. Ils enfourchèrent leurs balais, qu'ils avaient préalablement reliés au cocon, et tout ce petit monde décolla.

Quand ils furent haut dans le ciel, Emma trouva qu'ils faisaient penser à un grand oiseau blanc planant dans les nuages. On aurait aisément pu confondre les deux sorciers de têtes avec le long bec d'un volatile.

"Moi, ce fut à la naissance de James que j'ai compris, confia Harry en brisant le silence qui avait accompagné le départ de Ginny et Albus. La légende des cigognes qui livrent les bébés. Les moldus avaient remarqué que souvent après avoir observé un vol de cigognes, certains de leurs voisins accueillaient alors un bébé. Ces cocons existent chez les sorciers depuis des siècles. Ils permettent de transporter les jeunes mamans en douceurs."

Emma leva une nouvelle fois les yeux. Une cigogne qui livrait un bébé, oui, c'était exactement ça.

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