De nouveau dans la maison qui l'avait vu grandir, Yaboku était penché sur son travail. Il fabriquait des bottes de pailles pour les humains. Après tout, l'hiver approchait à grands pas et tout le monde aurait bien besoin de bottes. À côté du jeune enfant, plusieurs autres créations faites de pailles traînaient là. Il les avait fait avec Hiiro. Ça représentait des chevaux. Soudain, de derrière le rideau, (toujours en paille, à croire que cette maison était toujours faite avec la même chose!) la voix de Hiiro retentit.

- Yaboku... Tu ne viens pas jouer avec moi, encore aujourd'hui?

- Non, je suis désolé, je dois finir ses bottes de pailles, lui répondit le dieu.

En réalité, c'était tout autre: Yaboku avait renoncé à tuer. Il est vrai qu'il voulait que Père soit content de lui, mais la dernière fois qu'il avait vu Sakura lui avait fait comprendre quelque chose. Le monde des Hommes était beau. Magnifique même. Pas du tout comme ce que lui avait dit Père. D'après lui, c'était un monde horrible. Un monde où les Ayakashi possédaient tant de personnes que des crimes et délits graves étaient commis tout le temps, et les humains vivaient dans la peur. Il avait aussi dit que les humains étaient des créatures aussi répugnantes que les Ayakashi. Pourtant, l'impression qu'avait eu Yaboku en jouant avec les enfants de son âge au marché avait été tellement différente... Désormais, il avait une drôle de pensée. Il voulait rendre les humains heureux. Bien sûr, qu'il ne l'avait pas dit aussi franchement devant Père et Hiiro... Sinon, il ne saurait sûrement plus de ce monde... Non. En réalité, il avait toujours eu peur de Père. L'aura qui se dégageait de lui était malfaisante, maléfique. Parfois, il réagissait tellement étrangement! Et pourquoi disparaissait t'il parfois avec Mizuchi? Ça lui faisait froid dans le dos...

Surtout que devant Père, il ne pouvait pas résister... Il était comme pétrifié lorsque Père tournait la tête vers lui ou lui faisait la moindre petite remarque. Comme l'autre jour...

- Alors, Yaboku, tu ne me ramène pas non plus de souvenirs de tes escapades, aujourd'hui? lui demandait Père. Son ton était étonnement froid. Dommage...
Yaboku se tourna vers lui, comme tétanisé. Dès que Père lui faisait une remarque, il réagissait toujours comme ça. Il se sentait si mal à l'aise... Il ne voulait plus tuer! Mais il ne voulait pas que Père soit déçu... Mais Sakura, elle va continuer à pleurer il faisait ça! L'enfant bafouilla un petit:
- Je... Je vais jouer. Viens, Hiiro...
Et en tenant la main à sa shinki, il sorti de la maison. Père, remarquant bien que le comportement de son "fils" avait changé, commençait à se poser des questions...

Pendant ce temps, au alentour d'un sanctuaire...

-Yaboku, ce que tu es lent, aujourd'hui! s'exclama Hiiro, transformée en épée longue.
L'enfant aux yeux bleus perçants avait assassiné plusieurs humains. Mais le regret et la peine le dévastait de l'intérieur. Hiiro, fidèle à son nom "Mizuchi" donné par Père, donna un double coup d'épée, comme une sorte de dédoublage, avec uniquement de l'eau. Les hommes qui tentaient de s'enfuir s'écroulèrent en hurlant. Yaboku se pencha sur un homme. Le pauvre humain le regardait dans la douleur, les yeux écarquillés. C'était ses derniers instants de vie... Le jeune dieu prit tout son temps pour le tuer. Non pas qu il y trouvait plaisir, mais plus qu'il souhaitait que les autres s'enfuient.

-Reviens, Hiiro. Je vais laver ce sang... murmura Yaboku, la tête baissée.

La shinki et nora partie étonnée, son maître semblait dépité. Cependant, elle ne dit rien. Pendant ce temps, le dieu se retourna en entendant comme des claquements de mains. De loin, il vit des humains s'incliner devant une petite maisonnette. Le sanctuaire de l'autre fois... Avec tristesse et envie, Yaboku les observa vénérer le dieu représenté dans le sanctuaire, le sang encore sur la joue...

Rien que de se rappeler de ce moment le faisait frémir. Normalement, il aurait pu tuer bien plus d'humains. Mais il n'en avait plus la volonté... Soudain, coupant court ses pensées, Hiiro reprit d'une petite voix cassée:

- Tu aides les gens, maintenant? Mais peu importe. Si oui, alors, viens à mon aide...
"Hein?..." Yaboku sentit d'avance que quelque chose n'allait pas.

Hiiro se trouvait là, se tenant le bras, des marques de souillures sur le corps, les yeux vides. En panique de la voir ainsi, le dieu des calamités fonça vers sa shinki, inquiet.

- Hii-Hiiro! Que c'est t'il passé? Tu es blessée!

- Père m'a châtié... Il a dit que j'étais vilaine... expliqua t'elle, le souffle court. D'après lui, l'autre fois, lorsqu'il t'as trouvé évanouit, c'était de ma faute...

Réalisant avec terreur que sa bêtise d'avoir tué un humain avait encore des répercutions, même sur ceux qui n'en avaient aucun rapport, Yaboku songea :"Père... Il est sérieux? Pourquoi avoir fait ça à Hiiro?! Il... Il me fait encore plus peur!''
- Co-Commençons par nous rendre à la source qui guérit les souillures! s'écria t'il.

***

- C'est froid !

- Eh bien, prends sur toi.

Yaboku et Hiiro étaient dans la source. Yaboku arrosait le dos de sa shinki. Il regarda avec attention son autre marque d'instrument divin : 蛟。(Chi, ou Mizuchi.) Ce que ça doit faire étrange d'être Nora! Ce nom, c'est à Père qu'elle le doit. Mais bon, le jeune dieu ne comprenait pas bien à quoi Mizuchi pouvait lui servir, mais il c'était toujours abstenu de demander, car il avait peur de la réaction de Père. Soudain, une voix que Yaboku connaissait bien se fit entendre.

- Messire Yato?

C'était Sakura. Plus tard, lorsque le "Yato" qu'on connaît eut comme but de devenir futur dieu du bonheur, celui ci repensa à ce jour. "Si j'avais su, je lui aurais crié de s'enfuir..."