Nouvelle n°2

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Inspirée du roman L'enfant Multiple, d'Andrée Chedid. La narratrice est une adulte.

     Je viens de rentrer chez moi, après avoir emmené mes enfants voir un spectacle de clown.En réalité ce spectacle s'est transformé en discours, qui m' a bouleversé. J'appelle mon mari. J'ai besoin de lui raconter ce qui s'est passé, ce que j'ai ressenti.

"- Paul ?

- Oui ?

- J'ai besoin de te parler, dis-je d'une toute petite voix.

- Que se passe-t-il ?

- Le spectacle de clown... Il s'est transformé en discours... Ça m'a bouleversée...

- Quoi ? Calme-toi et reprends du début, me répond-il posément.

- Eh bien, au début tout allait bien. Puis l'enfant qui faisait le clown s'est tu tout à coup. Il a ensuite arraché des rubans de sa jambe, et a exhibé un moignon. J'été inquiète pour les enfants : ils sont encore jeunes, et un moignon... Bref. Il a alors arraché un faux nez, s'est démaquillé avec un pan de chemise et a ôté ses déguisements. Son visage était très pâle, ses yeux très noirs. On aurait dit... un cadavre.
Et puis il parla. Il avait une voix très touchante, presque âpre. Sa voix recouvrait les autres voix, les murmures de surprise. Je dois moi-même avouer que j'ai été étonnée. Il a raconté sa vie. La différence entre Paris et son ancienne ville. Ici, il y a des arbres et des immeubles, certains très vieux, d'autres très modernes. Là-bas, ce ne sont que ruines et désolation. Les arbres sont déracinés, les murs sont criblés de balle. J'ai été très étonnée qu'il s'exprime comme ça, posément, en parlant de quelque chose d'aussi dur. J'ai été surprise qu'il s'exprime comme ça, aussi naturellement, sans hésiter, d'un sujet aussi touchant. Il s'est exprimé sans filtre. J'étais inquiète pour les enfants, ce sont plus des problèmes d'adultes, ce dont il a parlé, mais des problèmes d'adultes racontés par un enfant à des adultes qui n'ont pas vécu la moitié de ce qu'il a vécu.
Il a parlé encore. De son ancienne ville, en ruines, où les voitures éclatent, où les immeubles s'écroulent, où c'est la guerre. Où les gens meurent, contrairement à ici où on vit en paix. "

Je me rends compte que je pleure, mais je ne peux pas m'arrêter de parler : les mots sortent tout seuls, me larmes continuent de couler. Je suis bouleversée. Je sens la main de Paul sur mon épaule, mais cela ne me réconforte pas. Je me dis que lui, il est seul, que ses parents sont peut-être morts, qu'il n'a plus personne. Je me sens coupable, coupable d'être heureuse, coupable d'avoir un mari et mes enfants près de moi, coupable de vivre dans un pays libre, coupable d'avoir un toit et de quoi ne pas mourir de faim et de soif. Je suis vraiment bouleversée. Je me rends compte que cet enfant m'a ouvert les yeux sur le monde, m'a fait comprendre que celui-ci allait mal, m'a fait réaliser que des millions de gens souffraient.

Je repense au Manège, à cet enfant, debout, si frêle, si pâle, si jeune et pourtant si fort et si courageux. Il a vécu plus en une dizaine d'années que ce que je vivrais en cent ans. Il a failli mourir, mais il ne parlait pas que pour lui, et ses paroles flambaient, elles brûlaient, et il a parlé pour tous ceux qui souffrent, qui ont souffert et qui souffriront encore si on n'arrête pas ce massacre.

Cet enfant m'a secouée. Son image est gravée dans mon esprit, imprimée sur mes paupières. Ses mots enflamment mon cerveau, brûlent mon visage, et mes larmes sont de la lave brûlante qui coule en continu. Je suis un volcan en éruption.

Tout à coup, je me lève. J'entends Paul m'appeler, je le sens essayer de me retenir, mais je me dégage et sort en courant dans le jardin. L'air frais me fait du bien, éteint l'incendie de mes pensées, incendie provoquée par un enfant pyromane. La scène de cet après-midi est gravée à jamais dans ma mémoire.

Je décide que désormais, je reverserais chaque mois une partie de mon salaire à des associations qui luttent contre la guerre. Je décide que je vais m'engager comme bénévole dans une des ces associations. Je décide que dès que je le pourrais, je retournerai voir cet enfant multiple, que je le remercierai de m'avoir ouvert les yeux.

Forte de toutes ces résolutions, je rentre. Je pose mon manteau, me déshabille et m'allonge sur mon lit. Je sens Paul près de moi. Je terminerai de tout lui raconter demain.

Je m'endors, à la fois triste et heureuse, mais surtout épuisée, le son de sa voix vibrante résonnant encore dans ma tête.

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