Chapitre 10

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« Le sublime en tout genre est le don le plus rare ;

C'est là le vrai phénix ; et, sagement avare,

La nature a prévu qu'en nos faibles esprits

Le beau, s'il est commun, doit perdre de son prix. »



L'air est trop pur, trop fort, trop froid. Il me fait mal au nez. Je me réjouis de ma couche de maquillage, frontière entre ma peau tendre et fragile et le vent froid qui m'arrive de face. Je réalise que j'ignore le nom de l'individu que je vais rencontrer, qu'il s'est peut-être joué de moi ou que s'il vient c'est pour me tendre un piège. Vais-je tomber sur une armée de démons venu en masse pour me kidnapper ?

Soudain je sens une présence derrière moi. Je m'immobilise aussitôt, pourtant je n'ose pas me retourner.

- N'aies crainte. Regarde-moi.

Sa voix est assurée, joueuse et pénétrante. Je m'exécute en prenant soin d'arborer un air détaché.

- Je vous ai déjà vu quelque part, affirmé-je instantanément.

Le jeune homme parait décontenancé durant une fraction de seconde puis se ressaisit. Il est grand, musclé, brun et d'une beauté sauvage. Il a des airs espagnols ou du moins méditerranéen. Sa peau est mate, ses joues sont creuses et ses lèvres charnues. Son visage si lisse donne une envie irrésistible de le caresser. Je le dévisage ainsi pendant au moins une minute, ce qui lui donne le temps de reprendre de l'assurance.

- J'en doute. Tu ne me dis rien.

- Alors comme ça on se tutoie ?

- On doit avoir le même âge à quelques années près, alors oui.

- Est-ce que tu étais avec Yanis pour m'espionner, toi aussi ?

- Non, réplique-t-il en fronçant les sourcils.

- Alors, est-ce que...

- Je ne t'ai jamais vu, ok ? Tu dois me confondre avec quelqu'un d'autre.

Il coupe court à mes interrogations mais semble aussi troublé que moi, voire davantage.

- Je n'ai pas tout mon temps. Quelle est ta proposition ?

- Eh bien... que les anges et les démons s'allient.

- Oui ça j'ai bien compris, répond-t-il d'un ton empressé. Vous allez vous faire décimer par les vampires et vous avez besoin de notre aide. Mais qu'en est-il de votre offre ?

- Notre offre ?

Il m'observe un instant en plissant les yeux.

- Attends, tu ne croyais quand même pas que l'on accepterait de vous aider sans rien vous demander en échange ? Oh ! Quelle naïveté !

- Mais...

- Tu m'as fait venir pour rien, je vais me fâcher.

- En vérité tu ne m'impressionnes pas trop, riposté-je en lui décrochant un sourire.

- Je comprends... Je m'en suis posé des questions mais là je comprends enfin...

- De quoi tu parles ?

- De ce qui l'a fait craquer. Tu es littéralement morte de peur pourtant tu... Est-ce que tu sais où il est ?



Lucenzo foula le sol nuageux. La nuit venait de tomber et la lune s'élevait à sa gauche. Le Paradis lui avait manqué...



- Yanis...

- Son nom sonne bizarrement dans ta voix, comme si en le prononçant tu te remémorais tous les moments passés avec lui, les meilleurs comme les pires. Tu t'es retrouvée au Paradis alors je suppose qu'il n'a pas pu te suivre. Où l'as-tu vu pour la dernière fois ?

- Au Paradis, dis-je sans réfléchir.

- Ne te fiche pas de moi.

- Au Paradis, je maintiens.

- J'aimerais bien te croire mais...

- Mais je n'ai pas de preuves ?

Nous nous affrontons du regard durant plusieurs secondes puis il dit :

- Tu ne nous connais pas, en fait. Ni lui, ni moi, ni aucun autre démon. Tu ignores notre vraie nature. Sais-tu ce qui se passerait si tu n'étais qu'une fille comme les autres ? Il ferait nuit, je te suivrais dans une étroite ruelle où se dessineraient des ombres. La mienne, en particulier, que tu verrais se rapprocher dangereusement. Tu serais frigorifiée et moi je bouillonnerais de l'intérieur. Je t'attraperais la main et tu te retournerais brusquement. Je verrais tout d'abord la surprise sur ton visage ; elle disparaitrait bien assez vite pour laisser place à la terreur. Je me collerais à toi pour t'empêcher de fuir.

Il joint le geste à la parole et me plaque contre le tronc âpre et épais d'un sapin. Son visage est si près du mien, son regard semble se plonger dans mes yeux, mon âme.

- Tu te mettrais à bredouiller quelques mots inutiles, reprend-t-il d'une voix douce et sensuelle. Prise de peur, de panique, tu ne serais qu'une énième victime de la nuit et de ceux qui s'y fondent. Pleins de scénarii longs et étranges se proposeraient à toi quant à l'issue de ce moment. De mon côté je profiterais de tout : ton souffle saccadé, ta respiration presque inaudible, ton regard fuyard... Une patience alimentée par un désir solennel émanerait de moi. Dans l'instant tu verrais un monstre, et moi la septième merveille du monde. La haine et le rejet éveilleraient alors en moi une frustration menant à une colère incontrôlable. Il me serait difficile de ne pas me résoudre à te tuer. Telle est ma nature alors autant m'y souscrire.

Il s'écarte enfin et j'ai l'impression de pouvoir à nouveau respirer librement, sans sentir son souffle sur mes joues et le bout de mon nez glacé.

- Alors maintenant tu vas me dire une chose. Pourquoi il ne t'a pas tué ? demande-t-il avec des remords dans une voix qu'il s'efforce de maitriser.

- J'avais foi en lui, lâché-je en repensant à ses aveux. Je lui ai promis de ne pas le laisser devenir un monstre. J'ai gardé espoir malgré tout ce qui s'est passé. Je croyais en la rédemption.

- Qu'est-ce qui lui est arrivé ? insiste-t-il. Ne me dis pas que...

- Non, le coupé-je aussitôt. Enfin je ne pense pas. Sinon je le sentirais. Il est quelque part, peut-être sur Terre, peut-être pas...

- Et tu es la lumière au bout du tunnel. La donneuse d'espoir, dit-il en reprenant des couleurs. Il reviendra pour toi, sois en sûre. Il le fera car il sait que tu es la seule personne capable de le sublimer.

J'ai du mal à saisir ce revirement de situation.

- Le sublimer ? demandé-je.

- Embellir son âme, dit le démon en balayant l'air de sa main. Dis-moi, Ambre, les vampires veulent prendre ton sang, c'est exact ?

- Oui.

- Ils pensent en extraire un pouvoir ? Une immortalité, d'après les dires ?

Je hoche la tête, ne sachant trop quelle vérité défendre.

- Mais comme tu le sais les démons ont lâché l'affaire, déclare-t-il. Nous sommes un peuple libre et il n'est pas dans nos habitudes de prendre en otage une jeune fille aussi pure. Il semblerait que tu aies choisi le camp des anges pourtant ta relation avec Yanis change la donne. Sois aux Enfers comme chez toi, nous t'accueillerons si tu le souhaites.

- Je te remercie, dis-je d'une voix hésitante. Mais je n'ai choisi aucun camp. Vos chamailleries ne me concernent pas. Je veux simplement rentrer chez moi, revoir mes parents et oublier tout ce qui s'est passé.

Dès l'instant où je prononce ces paroles mon cœur parait plus lourd.

- Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. En vérité j'ignore ce que je désire vraiment, mais pour l'heure nous devons chasser les vampires de mon village.

Le visage de Loana me revient en tête.

- Et surtout tuer Paolo Malatesta.

- C'est ce que Yanis aurait voulu ?

- Yanis voudrait que je sois heureuse.

Le démon semble approuver au fond de lui-même pourtant il s'abstient de toute réponse et me fixe en se mordant nerveusement la lèvre inférieur.

- Je ne t'ai pas demandé ton nom, constaté-je.

- Roland, dit-il simplement en se détendant un peu.

- Roland, si tu convaincs les autres démons de s'allier aux anges, vous aurez la reconnaissance éternelle du Paradis. 

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