Chapitre 3

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Quelqu'un toque à la porte, mais ce ne sont pas les frappements délicats de la bonne. Pourtant personne d'autre ne m'a rendu visite depuis plusieurs jours. J'ai bien croisé Théo en allant dîner un soir, cette rencontre a entrainé une balade nocturne jusqu'aux champs car nous avions tous deux besoin de prendre l'air.

- Lahela, lancé-je en la découvrant sur le seuil.

- Comprends qu'il fallait que je... m'éloigne de tout ça, au moins quelques temps, se justifie-t-elle aussitôt.

- Je ne te blâme pas.

- Alors tu seras ravie d'apprendre que mes parents t'invitent. Ce soir.

- Non je...

- Si. L'atmosphère s'est détendue à la Cité, tout le monde semble avoir repris ses esprits. Figure-toi que si je ne suis pas venue au Palais pendant tout ce temps c'est parce que c'était au-dessus de mes forces, j'ai trop de mauvais souvenirs ancrés entre ces murs. A vrai dire on a tous été traumatisés. J'appréhendais tellement de tomber sur des débris de pierre ! Ma famille a perdu des dizaines d'amis ! Toi tu ne connaissais personne...

- Tu insinues que je ne fais pas de cauchemars ? Que je dors paisiblement ? Que je n'ai pas peur lorsque je me retrouve seule dans un couloir ? Tu crois que je n'ai rien perdu, moi ?

- Am on sait tous que tu abordes les choses d'un air détaché...

- Pardon ? la coupé-je. Lahela qu'est-ce qui te prend ?

- Ok je me suis peut-être mal exprimée, disons simplement que ça ne te touche pas de la même façon parce que tu es humaine et ce sont des anges que tu as vu périr.

- Waouh... je n'en reviens pas. T'aurais pas dû t'isoler, ça t'a rendu complètement timbrée.

- Viens ce soir, avec Théo, dit-elle en s'en allant.

Je recule lentement puis me laisse tomber sur mon lit, les yeux rivés sur le lustre scintillant.

En début de soirée c'est Théo qui vient toquer à ma porte. Il est vêtu d'un tee-shirt blanc et d'un jean, pourtant je le trouve très élégant. Peut-être est-ce dû à la chaine argentée qu'il porte autour du cou, elle appartenait à sa grand-mère. Pour se changer les idées il lit jours et nuits les documents qu'elle lui a légués et parle économie avec les députés. Parfois ils discutent vampires et guerre, mais c'est encore trop tôt pour Théo. Ces dernières semaines ont sans doute été pour lui les plus dures de son existence, ainsi chacun sait se montrer indulgent à son égard.

- Comment ça va ? demande-t-il.

- Bien... enfin non je m'ennuie un peu.

- T'as l'air penaude, ça s'lit sur ton visage.

- Au moins j'ai tout le temps de me reposer, c'est plutôt pas mal après avoir traversé le Paradis Perdu à pieds ! m'exclamé-je en tentant de rire.

- J'ai cru comprendre qu'un oiseau t'avait aidé...

- Oh tu doutes encore de mes capacités !

- Mais non ! réplique-t-il en me prenant amicalement par la taille. Tu sais bien que je t'estime à la hauteur de tes actes.

- On devrait y aller, on risque d'arriver en retard.

Sur ce nous nous mettons en route à travers le Palais, la Cité et enfin les champs. Théo est de bonne humeur ce soir et son sourire angélique mêlé à la sensibilité de son regard le rendent plus beau que jamais ; je ne peux m'empêcher de frémir quand sa peau chaude entre en contact avec la mienne, tiède en cette soirée plutôt fraiche.

- Si j'avais su j'aurais apporté une veste, dit-il.

- Tu as froid ?

- Non, mais toi si, répond-t-il en riant.

- Oh... Je te remercie de ton attention...

- Il fera chaud à l'intérieur ne t'inquiète pas.

- Je ne m'inquiète pas. Théo...

- Oui ?

- Qu'est-ce que ça te fait d'aller chez Lahela ? Je veux dire, de la revoir, d'aller diner avec ses parents après tout ce qui s'est passé ?

Son regard se perd au loin avant de se river vers la direction dans laquelle nous verrons bientôt apparaitre la nouvelle propriété des Hernandez.

- Ils avaient besoin de faire leur deuil, de se retrouver en famille et ne plus penser à la Révolte. Certes elle nous a permis d'acquérir notre liberté mais à quel prix ! Chacun réagi à sa manière et on se doit de respecter les choix d'autrui. C'est tout. Je sais que ç'a été compliqué pour Lahela...

- Et toi ?

- Eh bien ce sera plus simple pour tout le monde si on se retrouve. Il faut qu'on reste unis, ensemble on est plus forts ; c'est ce que disait ma grand-mère. Je me rappelle de ses paroles, son regard, son visage... Je me demande si à un certain âge on cesse de rêver, qu'on ne songe plus à grand-chose car la mémoire se fait lente et approximative et qu'on ne se rend plus compte du temps qui passe. Et nos sentiments ? J'ignore d'où ils viennent mais tout en nous s'use au fil des décennies ; je suppose que l'intensité de nos émotions s'amoindrie. Au final la mort par vieillesse est progressive, on s'éteint à petit feu et lorsque notre corps quitte ce monde, en vérité nos âmes s'en sont allées depuis longtemps.

- Tu regrettes de ne pas avoir eu le temps de lui demander, c'est ça ? Si elle faisait des rêves ? Si elle se souvenait de ses chagrins d'amour ? S'il lui arrivait d'être profondément heureuse ? L'âge rend plus sage, plus calme et modéré. Ce sont des aspects humains. Nos âmes vieillissent avec nous, elles ne demeurent pas éternellement jeunes... c'est pour ça qu'à cet instant je dois avouer que l'hypothèse selon laquelle rien ne nous attend au bout du couloir, que nos âmes et nos corps sont inconditionnellement liés, pourrait bel et bien s'avérer être la bonne.

- Après sa blessure, elle a perdu presque tout ce qui lui restait de vitalité, pourtant elle avait encore tous ses esprits. Son corps se dégradait petit à petit or son âme avait gardé sa pureté. Finalement je pense que rien ne nous quitte réellement. Il n'y a que du changement et de l'évolution.

Je souris à Théo, qui parait soudainement convaincu.

- Elle était heureuse, elle se rappelait sûrement de ses vieilles amours et elle faisait encore des rêves, c'est certain.

- Et elle t'aimait profondément, affirmé-je. Cet amour-là était on ne peut plus réel.

Les Hernandez nous accueillent chaleureusement et nous invitent à nous asseoir à leur table déjà recouverte de mets appétissants. Des odeurs épissées s'en dégagent et viennent titiller mes narines. La salle à manger est agréablement décorée, je suis ravie de constater qu'elle leur est devenue aussi familière que s'ils vivaient là depuis toujours. Lahela se comporte poliment, néanmoins elle fait la moue dès que l'attention se détourne d'elle. Nous n'abordons pas le sujet de la Révolte ni du décès d'Evelyne, même si des condoléances sont rapidement présentées avant le repas. Je sens Théo très proche des parents de Lahela, comme s'il faisait partie de la famille, à vrai dire ils l'ont vu grandir et doivent être fiers de ce qu'il est devenu. La discussion tourne vite à une argumentation investie dans le but de faire revenir Lahela au Palais : « C'est ta vocation ma chérie », « Le Paradis a besoin de toi », « La jeunesse donne du rythme » et enfin « Après tout ce que tu as accompli tu ne vas certainement pas t'enterrer dans cette ferme ». A la fin du repas et aux vues de son sourire nous devinons tous qu'elle ne tardera pas à revenir s'installer dans ses appartements. Nous quittons les Hernandez vers onze heures du soir et ressortons dans l'air glacial de la nuit.

- Oh, j'ai déjà la chair de poule.

- J'aurais dû penser à prendre une veste...

- Tu l'as dit tout à l'heure. Mais je te remercie encore une fois.

- Tu crois que tu vas tenir jusqu'à ce qu'on arrive ?

- Quel instinct protecteur ! Il fait frais mais c'est supportable, j'ai vécu bien pire.

- Et tu n'es pas trop fatiguée pour le chemin du retour ?

- Dois-je juger bon de te rafraichir la mémoire ? J'ai marché des jours entiers, seule, dans des forêts que je croyais infestées de bêtes sauvages, au final je n'en ai rencontrées que quelques-unes...

- Il est vrai que j'ai tendance à oublier tout ça, ou du moins à vouloir te protéger, voire t'étouffer. Mais en vérité j'essayais simplement d'insinuer qu'on pourrait rentrer d'une autre manière.

- Ah oui ? Laquelle ? demandé-je intriguée. Il n'y a pas de voitures... à cheval ? Oh ce serait tellement bien !

- Non ! Tu en as des idées... Je pensais à quelque chose de plus simple, de plus naturel. Je pourrais voler, suggère-t-il.

Je reste muette un instant. Voler. Théo m'avait portée sur son dos lors de ma première venue au Paradis, mais ensuite ça avait toujours été Yanis. Et avec lui ces moments avaient été si intenses que je ne suis pas sûre de vouloir les vivre avec un autre. Mais comment refuser ? Théo vient d'apprendre qu'il est l'héritier du trône et sa grand-mère est morte, elle-même qui m'a demandé de prendre soin de son petit-fils. Il ne fait rien de mal, il me propose juste de me ramener plus rapidement car il fait tard et froid.

- C'est d'accord. Mais pas trop vite. Il fait nuit on n'a pas trop de visibilité...

Il rigole et ôte alors son tee-shirt immaculé.

- Celui-ci est neuf, je ne veux pas le trouer, se justifie-t-il tandis que je ne peux m'empêcher d'admirer son corps parfait.

Théo déploie ses ailes blanches comme les nuages, somptueuses, aux longues plumes impeccablement rangées. Je m'accroche à son cou et nous décollons du sol avec grâce, une grâce singulière aux anges et particulièrement à lui, qui a suivi une formation au Palais auprès des meilleurs professeurs jusqu'à quelques semaines en arrière. Nous survolons la Cité, invisibles de tous dans cette nuit opaque telle un écran de verre noir ; et je vois les lumières, en contre-bas, qui éclairent les petits mondes de chacun. L'air rafraichit ma peau tandis que celle de l'héritier du trône se réchauffe et me sert de refuge dans ce ciel immense.

Lorsque nous nous posons sur le balcon avec délicatesse, ma seule envie est de voler encore. J'en oublie presque mon démon, son regard provocateur et son sourire espiègle. Pourtant il est toujours là, dans un coin de ma tête, et quand je repense à lui tout disparait autour de moi et je suis comme enveloppée dans une bulle de fumée où je suffoque en le voyant s'éloigner chaque seconde un peu plus.

- Alors ? Tu regrettes de t'être laissée tentée ? m'interroge Théo en remettant son tee-shirt.

Je cherche pendant quelques instants ce à quoi il fait allusion avant de me souvenir que j'ai hésité à ce qu'on prenne un « raccourci ».

- Non, c'était plutôt agréable...

- On recommencera si tu veux, on pourrait même aller dans le Paradis Perdu, quand j'aurai le temps.

Mais c'est là-bas que j'ai perdu Yanis. C'était notre monde à nous.

- C'est toi qui vois, rajoute-t-il en observant mes traits soucieux.

- A quoi te font penser les étoiles Théo ? demandé-je brusquement.

Yanis avait tenu à ce que je réponde, en vain. L'inspiration n'était étrangement pas venue.

Dès le moment où Théo rive les yeux vers le ciel je devine qu'il a une réponse.

- A toi, évidemment.

Je le regarde, incrédule. Jamais je ne me serais attendu à ça. Yanis avait parlé de boules de Noël, de briquets qui nous guident...

- Pourquoi ? dis-je à demie-voix.

- Pourquoi quoi ? Cette réponse ? Parce qu'elles sont toutes magnifiques et pourtant uniques en leur genre, qu'elles sont scintillantes et font briller mes yeux. Quand on les relie entre elles on trouve des formes surprenantes et elles sont loin, très loin, inaccessibles...

- Tu me vois comme ça ? Inaccessible ?

- J'essaye de comprendre ce que tu ressens mais je n'y arrive pas. On dirait qu'il y a un mur de glace entre toi et les autres, que quoi qu'il se passe, quoi que tu fasses, malgré tous nos efforts... on ne comblera jamais la distance qui nous sépare. Je crois que je suis incapable de briser ce mur, car je ne suis pas à la hauteur et toi tu lutterais pour qu'il reste en place. Ça doit venir des deux côtés or nous ne sommes pas complémentaires. Voilà pourquoi tu me sembles si inaccessible. A vrai dire ça ne te rend que plus belle, pour la même raison que celle pour laquelle on admire les étoiles. 

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