D'un monde à l'autre

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Le Chapelier regarda l'heure sur l'immense horloge face à lui. L'aiguille des secondes, une centaine de mètres de long, tournait dans ce gigantesque cercle d'acier sur lequel il était debout. Elle passa à son niveau dans un bruit sourd de ferraille en raclant le bord du cadrant qui fit trembler la plateforme dans son entièreté. Il fit un pas sur le côté pour éviter une gerbe d'étincelles orangées qui retombèrent sur le sol gris et froid.

Il jeta un coup d'œil derrière lui et de l'autre côté, à l'intérieur du cadran pour remarquer que d'un côté comme de l'autre, il était encerclé d'un gouffre sans fond. Il fallait dire que le Temps ne faisait pas l'ordinaire. Tandis que certains avaient devant leur maison une gentille petite allée bordée d'herbe verte, lui avait mis en place un mécanisme complexe de plusieurs tonnes suspendu au-dessus des abysses au fin fond du Pays des Merveilles. Au loin, surplombant cette incroyable mécanique, se dressait le palais du Temps, s'élevant dans le ciel et perçant les nuages sombres de ses hautes et étroites tours obscures.

L'homme fit quelques pas vers sa destination, admirant l'étrange beauté de cet endroit dans lequel peu était autorisé à pénétrer. Le vent violent fouettait ses cheveux roux et manqua à plusieurs reprises de lui arracher son précieux chapeau de sa tête. Aussi loin qu'il pouvait regarder, l'obscurité l'entourait, et ce, que son regard porte au loin, dans le ciel ou sous ses pieds. Tout semblait hors du temps alors que c'était ici-même que celui-ci habitait.

L'aiguille des secondes repassa à toute vitesse et rejoint ses semblables au chiffre XII incrusté dans l'acier. Un gong assourdissant retentit alors dans l'immensité de ce lieu jusque-là plongé dans un silence de mort.

-"C'est l'heure." Le Chapelier se mit en route d'un pas déterminé jusqu'aux portes du château. Une fois là-bas, il traversa des dédales de couloirs aussi immenses que tous ce qui se trouvaient dans ce palais. L'intérieur était tout aussi sombre que l'extérieur, il ne faisait certainement jamais jour dans cet endroit. Enfaite l'homme n'aperçut aucun objet, aucune tapisserie, pas la moindre décoration. Il ne faisait que traverser des couloirs qui donnaient sur des vastes halls vides pour arriver à d'autres couloirs... Même les pierres qui constituaient les murs étaient d'une couleur cendrée, absorbant le peu de lumière qui réussissait à s'infiltrer par la porte d'entrée.

Mais le tout était magnifique. Chacun de ses pas sur le sol, chaque effleurement du bout des doigts sur une pierre, était accompagné d'une lueur de lumière bleutée. C'était comme de l'énergie phosphorescente qui courrait le long des infrastructures et des contours de chaque brique qui constituait cette demeure. Bientôt, l'invité pouvait sentir qu'il approchait de sa source. L'immense panache de couleurs lumineuses de tons bleutés et orangés se mélangeaient en parfaite harmonie sous forme de petits éclaires électriques qui rampaient sur les pièces d'aciers polis et les rouages de toutes tailles tournant sans jamais s'arrêter. Il était arrivé à l'entrée d'une incroyable salle semblable à une usine. Le Chapelier se pencha à la balustrade pour observer ce qui se passait en bas, il crut distinguer quelques curieuses petites machines mais n'eut pas le loisir d'en détailler d'avantage la nature.

En effet un robot, fait de pièces semblables à celles qui étaient en mouvement autour d'eux à la seule différence que celles-ci étaient de couleur vieux or, vint à sa rencontre. A lui seul, cet engin était un pur chef-d'œuvre.

-"Bonjour Chapelier ! Vous êtes à l'heure !" S'écria la petite machine sur roulette d'une voix aigüe. "Je me nomme Seconde. Suivez-moi !" Elle se mit en route à grande vitesse, filant à travers les différentes passerelles et revenant de temps à autre vers son invité pour vérifier sa progression.

-"Dit moi petite... créature, quels sont ces..." Il manqua de trébucher sur une infime machine qui s'enfuit à une vitesse folle derrière un pilier dans un bruit de mécanique surchauffant. Elle revint quelques secondes plus tard, accompagnée de toute une flopée de ses semblables et vint encercler l'homme qui semblait être un géant à côté d'elles.

-"Oh, ce sont les Dixièmes." Répondit Seconde sans y accorder un intérêt quelconque.

-"Les dixièmes de quoi ?" Demanda le Chapelier qui commençait à peiner dans sa progression tant les Dixièmes s'agglutinaient autour de ses pieds et bientôt ses jambes.

-"De secondes évidemment ! Mais elles ne servent pas à grand-chose, personne ne les regarde." Seconde se retourna et pétarda avec véhémence. Le bruit tel un rugissement de moteur fit fuir les petits parasites laissant le Chapelier tranquille. Ils arrivèrent enfin sur un grand balcon dont les dalles qui carrelaient cette vaste plateforme se teintaient d'un bleu nuit.

Le Chapelier retira son chapeau, ses cheveux de feu jurant avec l'harmonie de toutes ces teintes sombres et douces. Il fut bouche-bée quand ses yeux s'arrêtèrent sur le sublime monument qui se dressait de toute sa hauteur devant lui.

-"Fantastique !" S'exclama-t-il en applaudissant comme un enfant. Le regard toujours levé vers le haut, il ne remarqua pas l'homme en noir qui se tenait devant, dos à lui. Celui-ci se retourna en sursaut quand il entendit le bruit sec des applaudissements qui résonnèrent dans toute la salle. Son visage afficha un air profondément exaspéré qu'il ne chercha pas à cacher.

-"Vous voilà..." Lâcha-t-il. Le Temps se plaça aux côtés de son invité et regarda dans la même direction que lui. "Vous aimez ? Elle marche grâce à tout le mécanisme de cette salle que vous venez de voir." Expliqua-t-il. Le Chapelier ne répondit pas, seul un énorme sourire vint étirer ses lèvres.

-"Elle ne s'arrête jamais ?" Chuchota-il au bout d'un moment de silence.

-"Bien sûr que non !" S'indigna le Temps. "Cette horloge que vous voyez là, est l'Horloge même qui rythme le temps. Elle rythme mon propre cœur. Si elle venait à s'arrêter, je m'arrêterais de même."

Il se tut, plongé dans ses souvenirs lorsqu'Alice étaient venue le voir. Têtue et n'ayant pas peur de prendre des risques inconsidérés, tout s'était très vite enchainé. L'Horloge s'était arrêtée. Rapidement, les Secondes s'étaient rassemblées pour former les Minutes et à leur tour avaient formé l'Heure. Mais sa force n'avait pas suffi à remettre en mouvement de force les aiguilles pour remettre en route le Temps.

-"Ce n'était pas la faute d'Alice..." Dit Le Chapelier d'un air attristé.

-"Oui. C'est pour vous qu'elle avait remonté le temps n'est-ce pas ?" Sa question était teintée d'amertume mais sans but pour autant de le blesser. Ils jetèrent tous deux un dernier regard au cadrant d'un jaune lumineux et aux aiguilles noires bien en marche.

-"Donc ce voyage..." Commença le Chapelier. Le Temps lui intima le silence en levant la main.

-"Pourquoi... Pourquoi devrais-je vous laisser m'accompagner dans ce monde alors que je pourrais emmener ma très chère Reine... ?"

-"Parce qu'elle ne veut pas ?" Le Chapelier se gifla mentalement quand il vit le Temps se renfrogner et lever les yeux au ciel.

-"Je vais peut-être me montrer plus précis. Il y a quelques jours au palais de la Reine Banche, vous m'avez fait comprendre que vous étiez intéressé par ce voyage. Pourquoi vous aiderais-je en sachant que c'est un lieu où je ne peux aller qu'une fois par an ? C'est quelque chose qui me demande énormément d'énergie... C'est quelque chose d'important que je prépare depuis plusieurs jours. Là-bas, il a dû geler tellement j'ai dû puiser dans mes ressources, rallongeant un peu leur hiver." Le Temps le fixa de ses yeux bleu glacial, curieux de savoir pourquoi il tenait tant à aller dans un endroit dont il ne connaissait rien.

-"C'est... Alice." Souffla le Chapelier en faisant une moue mélancolique.

-"A-t-elle des ennuis ?" Demanda le Temps soudainement alarmé. Oui, Alice lui avait causé une suite d'ennuis innombrables mais tout c'était finalement bien terminé et il s'était pris d'affection pour la jeune femme.

-"Non ! Non mais... J'ai le sentiment que... Il faut que je la revoie." Le jeune homme remit son chapeau et s'appuya sur la barrière de fer forgé. Il observa en contre-bas les Secondes et Minutes courir dans tous les sens, passant d'un rouage à l'autre sans trop d'encombre. Comprenant que rien ne serait dit de plus, le Temps acquiesça et se tourna à nouveau vers la grande horloge.


-"Vous n'aurez qu'un mois. N'espérez pas pouvoir rester là-bas à jamais, les conséquences en seraient désastreuses... Et j'insiste sur cet aspect-là du "voyage"."

Le Chapelier se tourna vers lui, intéressé.

-"Je serai là mais j'aurai bien d'autre chose à faire... Un mois. Vous avez 30 jours et pas un seul de plus. Pour pouvoir repartir dans notre monde à nous, vous devrez revenir à l'endroit où nous serons apparus, est-ce compris ?" Le Temps se montra ferme et le plus clair possible. Si le Chapelier était aussi fou qu'on le disait...

-"C'est parfaitement compris..." Il n'eut pas le temps de finir sa phrase que des voix se firent entendre plus loin dans un couloir.

-"Seconde !" Cria le Temps. Seconde accourut à grande vitesse, affolé. "Que se passe-t-il ?"

-"L-la famille Mon-mon... Monsieur !" Bégaya le pauvre petit robot. Le Temps afficha un air d'incompréhension et s'apprêta à s'énerver encore plus quand le Chapelier poussa un cri d'exclamation.

-"Non ! Non, non, non ! Il faut que je parte, vite !" S'écria le Chapelier en attrapant le Temps par le col de son costume dans son agitation.

-"Mais qu'est-ce qui se passe !?" Tempêta le maitre des lieux, se dégageant de sa poigne.

-"Tarrant Hightopp !"Un groupe de personne arriva en trombe sur la plateforme à quelques mètres des deux hommes. Tous avaient une chevelure aussi rousse et des vêtements aussi colorés et extravagants que le Chapelier à la seule différence qu'ils n'affichaient pas un air de panique comme celui-ci mais un air d'indignement.

-"Oh misère..." Murmura le Temps en se passant une main sur le visage.

-"Mon fils, est-ce vrai que tu cherches un moyen de revoir Alice ? Tu ne pensais pas partir comme ça ?" S'exclama son père.

-"Ce n'est pas dangereux au moins ?" Renchérit sa mère.

-"Non !" S'exclama Tarrant d'une voix aigüe. Il leur tourna le dos en pivotant sur lui-même en entrainant le Temps avec lui.

-"Ils ne me laisseront pas partir." Dit-il sombrement.

-"Non, vraiment ?" Demanda l'homme en noir avec ironie.

-"Quelles sont ces messe-basses ?" Tonna la mère du Chapelier qui s'avança, les poings sur les hanches.
Les deux hommes firent volte-face. Le Temps jeta un regard au Chapelier qui hocha la tête d'un air déterminé.

-"Les Dixièmes !" Appela d'une voix puissante le Temps. Pas moins d'une centaine de Dixièmes de secondes déboulèrent de derrière toute la famille Hightopp dans le but de rejoindre leur maitre. Pour ce faire, elles grimpèrent sur les frères et sœurs puis sur les parents aux allures étranges, les empêchant d'avancer comme ils le voulaient vers Tarrant. Ils se débâtèrent pour repousser les assauts non pas agressifs mais gênants dans cette multitude de petites machines grouillant sur le sol tout autour d'eux. Dans cette agitation, les Secondes avaient accouru pour tenter de calmer le jeu, ne sachant pas comment s'y prendre, créant un vrai carnage, un entremêlement de voix et de cris de colère dans tous les sens.

Le Temps en profita pour filer vers l'Horloge. Il ouvrit sa veste et sa chemise et laissa voir son cœur. Une petite horloge semblable à celle immense, face à lui. Il retira de son centre une clé aussi fine qu'une aiguille dont le relief pourtant bien présent, était invisible à l'œil nu. Il l'introduisit dans la barre du chiffre VI et un déclic suivi après par de nombreux autres firent ouvrir une porte sur un trou noir dans le cadrant de l'Horloge.

-"Chapelier ! Ce monde est très différent du nôtre, rien n'est semblable. Vous aurez du mal à vous adapter, peut-être que vous ne vous y adapterai peut-être jamais et certainement pas en un mois. Vous changerez. Ce voyage vous laissera des marques." Expliqua le Temps en vitesse. Lorsque l'aiguille des secondes passa devant l'entrée de la porte ouverte, l'obscurité se changea en un voile bleuté qui ondula comme de fines vaguelettes.

-"Prenez cette montre à gousset. Chaque homme en possède une là-bas, ça passera inaperçu. Si vous avez besoin d'aide, ouvrez-là et réglez là sur 12 heures précise."

-"Pourquoi allez-vous là-bas ?" Demanda le Chapelier en se saisissant du précieux objet en argent qu'il glissa dans la poche de son long manteau bordeaux usé.

-"Je suis le Temps aussi bien pour le Pays des Merveilles que pour cet autre monde. Il va de soi que j'aille jeter un coup d'œil de temps à autre pour m'assurer que tout se passe bien..." Sourit le Temps. Il lui fit une tape amicale d'une main hésitante sur son épaule. "Vous retrouverez Alice, ne vous en faites pas."

-"Merci infiniment." Répondit ce dernier avec sincérité en resserrant sa main sur la montre à gousset dans sa poche. Ce bijou serait certainement le seul lien qui le rattachera encore à son monde et il devait s'avouer que malgré l'excitation due au fait de partir à l'aventure, la peur de l'inconnu prenait le dessus à grand pas. Le Temps allait lui faire une dernière recommandation quand il fut tiré vers l'arrière par le père du Chapelier.

-"Mon fils est chez lui ici, il ne partira pas !" S'écria-t-il. Les Dixièmes s'éparpillèrent enfin, épuisées, laissant la grande famille accourir vers le portail.

-"Chapelier, attendez !" Hurla presque le Temps quand il vit l'homme ajuster son chapeau et se rapprocher du voile.

-"Je n'ai pas le temps !" Répondit celui-ci avec un sourire espiègle. Et il sauta dans un tourbillon d'étincelles éblouissantes.

-"On ne me l'avait faite celle-là... Secondes, former les Minutes et reconduisez les Hightopp chez eux." Soupira le Temps avant de se dégager et sauter à son tour dans le portail avant qu'il ne se referme sous les protestations véhémentes de tous les membres de la famille, déconcertés.
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L'aventure peut commencer! 😄 Alors, vous avez hâte de voir le Chapelier débarquer dans le monde "réel" et rencontrer notre chère Marie-Laure? 😉

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