Une légère touche de rose

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Un appel provenant de l'étage ramena la jolie brune au présent, la sortant brusquement de ses souvenirs d'enfance et brisant par la même occasion le sentiment de mélancolie qui l'avait assailli. Elle entendit le claquement sec des chaussures à talons de sa mère qui descendait à toute allure les marches du grand escalier de marbre blanc. Le bruit résonna dans toute la maison, se répercutant dans ses couloirs innombrables sombres et vides.

- « Marie-Laure ! » Cria à nouveau sa mère. Elle s'arrêta sur le pas de la porte de la grande salle et fixa sa fille d'un air indigné, bien droite, les poings sur les hanches.

- « Mère... » Soupira l'interpellée.

- « Ne soupirez pas comme ça ! Vous rendez-vous bien compte que dans quelques heures... - que dis-je, quelques minutes ! - vous êtes partie pour Londres ! »

En effet, elle allait quitter sa campagne écossaise pour découvrir l'Angleterre et les derniers moments hantés de vieux souvenirs qu'elle passait dans sa maison d'enfance étaient tourmentés par quelques dernières remontrances. L'auteure de celles-ci s'avança vers la jeune fille, déjà ennuyée, et malmena sa chevelure dans tous les sens.

- « Regardez-moi ça... Vous n'avez même pas pris la peine de vous coiffer ! » Dit-elle avec lassitude en secouant la tête. « De qui pouvez-vous bien tenir une telle crinière ? »

- « Je vous le demande... » Marmonna Marie-Laure. En toute réponse, elle reçut une petite tape sur le bras et un regard désapprobateur.

- « La ville est un endroit bien différent des prairies paisibles que vous avez l'habitude de voir par ici... Il en est de même pour les gens. Ne vous avisez jamais de répondre de la sorte, quel que soit l'individu en face de vous ou vous pourriez être mal considérée par la haute société ! »

- « Oui mère... » Bougonna la jeune femme sans grande conviction.

- « Et on ne marmonne pas ! » Renée de Dooremont s'éloigna et s'arrêta dans le hall principal. Les rayons du soleil qui se faufilaient par la porte d'entrée ouverte, dessinèrent des jeux de lumière dans les plis de sa longue robe bordeaux trainant de quelques centimètres sur le sol dû à sa petite taille. Elle se retourna vers sa fille, toujours debout au milieu de la salle de séjour plongée dans la pénombre. Ses yeux s'attendrirent et un fin sourire naquit sur ses lèvres. Pendant quelques secondes, Marie-Laure crut que sa mère se laisserait aller à une quelconque parole d'affection mais il n'en fut rien.

- « Vous devriez monter vous changer et arranger ces cheveux. A Londres, il ne sera pas seulement question de vous mais de toute la lignée des de Dooremont que vous représenterez. » Sur-ce elle s'éloigna et sortit dehors donner quelques dernières instructions aux domestiques qui s'occupaient des derniers préparatifs du voyage.

L'air s'était fait plus frais en début d'après-midi lorsque le martellement des sabots de chevaux se firent entendre au bout de l'allée menant au domaine des de Dooremont, soulevant un nuage de poussière à l'arrière de l'attelage. La voiturette s'immobilisa en face des quelques marches menant à la porte d'entrée, sur lesquelles se tenait Renée, un mouchoir de satin blanc devant son nez pour éviter de respirer la poussière qui finit par retomber au bout de quelques secondes. Le coché descendit de son perchoir, ouvrit la portière et aida sa passagère à descendre.

- « Alice ! Quelle joie de vous revoir ! Mais qu'elle jeune femme vous êtes devenue ! Vous êtes magnifique !» S'exclama la maitresse de maison. Elle s'avança précipitamment vers elle et lui prit le bras afin de la conduire à l'intérieur.

- « Merci beaucoup, je suis toute aussi ravie d'être ici. Le paysage est à couper le souffle ! » Répondit sincèrement la jeune femme, souriante. Elle avait tressé ses longs cheveux blond doré avec quelques rubans de couleur bleu ciel, violette et vert émeraude. Sa robe, dans les mêmes tons semblait provenir d'un pays lointain, les manches longues et amples tout comme le col se terminaient par une fine dentelle d'un blanc éclatant. Sa tenue, peu commune à la mode anglaise et écossaise, apportait une touche de couleur au manoir gris et presque sans vie.

- « Excusez mon mari, il est certainement encore dans son bureau. »

- « Ce n'est rien ! »

- « Alice ? »

Les deux femmes levèrent la tête vers le haut de l'escalier imposant.

- « Oh Alice, c'est bien toi ! » Marie-Laure dévala les marches en prenant à peine soin de lever les pans de sa robe gris clair pour ne pas tomber et se précipita à la rencontre de son amie d'enfance. Un simple regard sévère lancé par Renée la stoppa net. Elle baissa les yeux et se racla la gorge tout en replaçant une mèche rebelle derrière son oreille. Un peu mal à l'aise et tentant de se soustraire au regard insistant de sa mère, elle serra la main que son amie lui tendit avec un sourire triste.

- « Bonjour Alice. »

- « Je suis heureuse de te revoir. » Dit Alice en lui faisant un clin d'œil discret. Renée fixa leur poignée de main d'un air satisfait.

- « Très bien ! » Elle claqua dans ses mains. « Je dois vous abandonner un instant le temps de vérifier quelques dernières petites choses... Alice, mon enfant, montez aidez ma fille à se préparer vous voulez bien ? » Elle n'attendit aucune réponse et disparut par une des portes du hall d'entrée.

Sans un mot, les deux jeunes femmes montèrent jusqu'au premier étage. Marie-Laure ouvrit la marche et la guida jusqu'à sa chambre. Elle la laissa entrer et referma doucement la porte derrière elle. Elle soupira et se retourna vers la jolie blonde. Celle-ci c'était avancée jusqu'à la fenêtre, le regard se promenant sur les champs avoisinants. Cela faisait presque un an qu'elle ne l'avait plus vue et depuis, l'unique fille des Kingsleigh avait bien changé. Pas seulement physiquement mais aussi mentalement. Il y avait dans ses yeux une détermination rare chez les femmes, surtout aussi jeunes. Une détermination dont Marie-Laure aurait aimé connaitre la sensation.

- « Ma mère a raison. Tu es superbe. » Murmura-t-elle.

Alice se retourna et lui offrit un sourire semblable à celui de leur première rencontre.

- « Au diable, les bonnes manières de ta mère, tu m'as tellement manqué ! » Rit Alice. N'y tenant plus les deux amies se prirent dans les bras avec joie.

- « Tu n'imagines pas à quel point c'est ennuyeux ! » La brune se dégagea doucement et posa ses mains sur les épaules de son amie. « Je te remercie de m'accueillir chez toi quelques temps. Je te promets de me faire toute petite ! » Sourit Marie-Laure.

- « Tu n'en auras pas besoin, ce sera toi l'invitée ! Mais dis-moi... Qu'est-ce donc ceci ? » Alice désigna une robe posée sur le dossier d'une chaise dans le coin de la pièce.

- « Oh... ce n'est rien. »

Alice lui jeta un regard rempli de malice et s'approcha de l'habit. Elle le déplia et le brandit devant elle.

- « C'est donc la tenue que tu dois porter pour ton entrée en ville ? »

- « Non... »

- « Vraiment ? » Elle défit délicatement les lacets du corset et le lui tendit avec un regard entendu.

- « Tu as entendu ta mère. »

- « Malheureusement. » Marie-Laure lui ôta la robe des mains et alla se changer derrière un vieux paravent ocre en faisant la moue. Son amie partit d'un éclat de rire.

- « Ne traine pas de trop, nous sommes déjà en retard ! »

- « Combien de temps as-tu mis pour venir jusqu'ici ? Dans une de tes lettres, tu m'as affirmé que ton voyage durerait une dizaine de jours. Je n'en crois pas un mot !» Sa robe grise passa par-dessus les pans de bois et atterrit sur le sol froid. Alice s'approcha en secouant la tête avec un petit sourire et la ramassa pour la reposer sur le paravent.

- « Tu n'as pas reçu ma lettre ? Je te l'ai envoyée dès mon départ de Londres. »

- « Elle n'a pas dû encore me parvenir. Que disait-elle ? » Marie-Laure se montra à son amie et se plaça à la lumière du jour. « Alors ? » Elle tourna sur elle-même avec désinvolture mais son visage trahissait de l'incertitude.

- « Tu es... je ne trouve pas les mots... Cette robe te va à ravir ! » Elle accourut et s'empressa d'admirer son amie. Elle ajusta les manches, le corset ainsi que les pans de la robe. Étant faite pour être portée en hiver, les innombrables couches de tissus rendaient la tâche ardue.

- « Je ne parlais pas de moi. Qu'avais-tu donc écrit dans ta lettre ? » Elle soupira d'exaspération. « Comment veux-tu que j'arrive à marcher avec tout cela, c'est si... lourd ! » Se plaignit-elle, faisant rire Alice.

- « Ne raconte pas de bêtises, L'Écosse n'est pas plus chaude que l'Angleterre ! Tu as déjà porté des habits aussi chauds, ne dis pas le contraire. Et je suis d'avis qu'un peu de couleur ne te ferait pas de mal. N'as-tu pas l'impression qu'il fait plus beau ? Dorénavant, plus de gris, mais du rose !»

Le rose pâle de la robe rappelait celui qui teintait ses joues. Jamais elle n'avait été aussi belle et elle put le constater en se détaillant devant le lourd miroir à l'autre bout de sa chambre.

- « Merci... » Murmura-t-elle.

- « Non, merci à toi. Maintenant descendons, nous devons partir. Il est temps que tu découvres notre moyen de transport. » Alice lui déposa délicatement un baiser sur la joue et sortit de la chambre en vitesse.
- « De quoi parles-tu ? »

- « Tu l'aurais su si tu avais pu lire ma lettre ! » Lui cria-t-elle du couloir.

Quand Marie-Laure entra dans la voiture derrière Alice, elle eut un petit pincement au cœur. Était-ce dû au fait que sa mère l'avait soudainement prise dans ses bras avant qu'elle ne sorte de la maison en versant une larme après lui avoir dit qu'elle était ravissante ? C'était naturel car après tout, la famille avait toujours été importante pour la jeune femme et maintenant elle s'apprêtait à la quitter pour une durée indéfinie.

Une fois la porte fermée, elle parcourut une dernière fois du regard la ferme des voisins puis remonta jusqu'au deuxième et dernier étage du manoir de ses parents pour arriver à sa mère, debout sur le perron. Le foyer où elle avait grandi, le seul endroit qu'elle n'ait jamais connu. Les chevaux se mirent à trotter en hennissant. Alice observait son amie, pensive, et elle lui lança un sourire plein d'encouragement quand celle-ci croisa son regard. Marie-Laure lui fit un mince sourire de même en remerciement mais son esprit était peu à peu gagné par l'anxiété. Elle n'était que très rarement sortie des limites de ses terres et jamais elle n'avait voyagé jusqu'en ville, si ce n'est par le billet de ses rêves ou des livres. Elle jeta un tout dernier coup d'œil par la fenêtre, elle pouvait encore nettement distinguer sa mère au loin, toujours droite dans l'embrasure de la porte d'entrée. Elle ne put empêcher une larme de couler quand elle vit son père au côté de sa mère, tous deux la regardant s'en aller. Son paternel lui disait au revoir à sa manière, fidèle à sa sévérité à laquelle Marie-Laure s'était toujours heurtée.

L'attelage fit halte dans la soirée, permettant aux passagères et au cocher comme aux chevaux de profiter d'une courte nuit de repos. Il ne leur fallut pas longtemps pour atteindre la côte, qu'ils aperçurent dans la matinée.

- « Marie-Laure ! » Alice secoua doucement son épaule.

- « Qui a-t-il ? » Elle s'étira et frotta ses yeux encore endormis.

- « Nous sommes arrivés ! »

- « Quoi ? Je n'ai pas dormi aussi longtemps ! Si ? » Cette fois-ci elle se redressa brusquement et jeta un coup d'œil incrédule par la fenêtre. Elle se retourna vers son amie en proie à un fou rire.

- « Nous sommes simplement arrivés à l'endroit où nous pourront prendre notre moyen de transport. » Sourit Alice avec malice.

- « Ah oui... Ce dont tu m'as parlé dans ta fameuse lettre que je n'ai pas eu la chance de lire... » Répondit la jeune femme avec ironie. Elle descendit de la voiture, aidée par le vieux cocher tout aussi fatigué qu'elle. A peine avait-elle posé le pied sur le sol qu'elle fut frappée par un vent fort et glacial.

- « Sais-tu où nous sommes ? » Demanda Alice derrière elle.

- « La Mer du Nord, sans aucun doute ! L'air est presque salé. » Dit-elle en humant l'air avec un petit sourire. « Je suis déjà venue une fois, ici. C'était il y a tellement longtemps... Mais pourquoi être venues au port ? » Elle frissonna. La température avait chuté en une seule nuit de plusieurs degrés et le ciel était d'un blanc neigeux.

Tandis que deux hommes s'avancèrent pour décharger la voiture des bagages sous l'œil méfiant de leur propriétaire, Alice, après avoir remercié le cocher, la prit par le bras et l'emmena vers un groupe de personnes un peu plus loin. Tous se retournèrent et cessèrent de discuter. Certains observèrent Marie-Laure avec insistance, curiosité ou intérêt. Mal à l'aise, elle tritura un morceau de tissus de sa robe et détourna le regard vers son amie en espérant qu'elle lui dirait ce qu'elle était censée faire.

- « Je te présente l'équipage au grand complet du Wonder ! » S'exclama Alice avec un grand sourire. L'équipage, entièrement constituée d'hommes, souhaitèrent la bienvenue à la nouvelle passagère.

- « Alice... Je ne suis pas certaine de bien comprendre... » Chuchota la jeune femme un peu perdue.

- « Regarde. » Lui murmura Alice en désignant d'un mouvement de tête une forme non loin. Marie-Laure s'avança de quelques pas sur le pont en bois dans la direction indiquée par son amie en plissant les yeux. Le vent était toujours aussi violent et le fin brouillard qui tapissait l'eau se dissipa, laissant entrevoir l'immense silhouette noire d'un bateau. La jeune femme en resta bouche bée. Les voiles claquaient dans le vent comme les ailes d'un faucon. Le silence habitait le majestueux navire qui attendait patiemment de repartir vers d'autres horizons.

Plusieurs voix se firent entendre et bientôt tout l'équipage qu'Alice lui avait présenté passa à côté d'elle et commença à s'affairer à bord. Celle-ci posa sa main sur l'épaule de Marie-Laure, la faisant sursauter.

- « C'est l'effet qu'il me fait aussi. »

- « Quoi ? » Elle avait l'impression d'avoir été sortie d'un rêve.

- « Je sais ce que tu ressens. En un instant... Tu t'es retrouvée seule au monde avec en face de toi ce navire fantôme rempli de promesses et de voyages. » Expliqua Alice d'un air mélancolique. Son amie hocha la tête en signe d'accord. C'était exactement ça. N'ayant jamais voyagé, ce qu'elle avait en face d'elle ne pouvait que la faire rêver.

- « Il est magnifique... »

- « Évidemment ! C'est le Wonder... Et il m'appartient. » Répondit Alice avec fierté. Des étoiles brillaient dans ses yeux et devant l'air surpris de son amie, elle sourit de plus belle. Finalement, elle l'entraina à nouveau mais cette fois-ci en direction de la mer, vers l'horizon.

- « J'espère que tu n'as pas le mal de mer ? Enfin bon, nous le verrons bien vite si c'est le cas ! 10 jours presque. 10 jours sur l'eau, navigant vers l'Angleterre. Ton premier voyage par bateau si je ne m'abuse ? Fais-moi confiance, c'en est presque magique. »

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