— T'es pas obligé de me raccompagner, tu sais ? rappelle Coline en voyant son meilleur ami marcher à ses côtés.

La rencontre avec Alice les a étrangement rapprochés. Isidore joue à lui faire des croche-pieds en montée et la rattrape s'il la fait vraiment tomber.

— Ouais, mais j'en ai envie, insiste-t-il les mains dans les poches.

Coline reconnaît la station de bus près de chez elle et ralentit sa marche pour laisser le blond avancer devant elle.

— Isidore ? lance-t-elle avec un brin de malice.

— Hum... ?

À force de ne rien faire avec ses jambes pendant des mois, en faire trop la fatigue.

— Porte-moi sur ton dos, j'ai mal aux pieds ! ordonne-t-elle.

Le blond se retourne, les sourcils haussés, amusé par son ordre.

— Je te rappelle que mon dos n'est pas invincible et ne supportera pas une fille d'un mètre soixante-dix.

De quoi se plaint-il ? Le gars a seize centimètres de plus qu'elle. Coline prend de l'élan :

— Attention....

Isidore marche à reculons pour protéger son dos.

— OK... OK... Je te porte, mais pas d'élan ! Surtout pas d'élan ! cède-t-il en s'accroupissant pour la laisser monter sur son dos.

La blonde est satisfaite et fait exprès d'étrangler Isi'. De toute façon, ils sont bientôt arrivés alors le calvaire ne sera pas de longue durée. Ils se chamaillent un peu avant de retrouver leur silence confortable préféré.

— T'en penses quoi d'Alice ? demande-t-il soudainement.

— Franchement ?

— Oui, franchement.

— Vraiment sympa. Je me demande comment elle a pu sortir avec toi aussi longtemps. Tu dois être tellement louche à avoir comme mec, putain. Je la plains. Mais maintenant, c'est réglé elle ne t'a plus sur son dos.

Le blond fait exprès de sprinter pour lui faire peur et Coline se met à crier dans son quartier à vingt-deux heures.

— Bah maintenant, je m'habitue à avoir toi sur mon dos. Super... s'enthousiasme-t-il avec ironie, jouant sur les sens propre et figuré de l'expression.

La pratique du sarcasme lui vaut un coup sur la tête. Pour qu'il ne la lâche pas, elle serre son étreinte.

— C'est pour ton bien, réplique-t-elle en repensant soudainement à cette jolie et délicate brune qui lançait tous les sujets de discussion au café.

Elle ne peut s'empêcher de poser la question :

— Ça te fait quoi de la voir presque seul à seul comme aujourd'hui ?

Isidore s'arrête et fait mine de réfléchir. Coline voit sa maison au bout du chemin et pose son menton sur l'épaule du blond, ses cheveux blonds chatouillant son visage. C'est très confortable, elle aime bien.

— Bah, on était pas vraiment seuls. Donc c'était bien moins gênant que d'habitude... Si on avait été seuls Alice et moi, je pense que ça serait pas vraiment passé comme ça.

— Développe, force-t-elle en le voyant reprendre sa marche.

Le blond se tait.

— Allez, accouche.

Il soupire en la déposant devant chez elle. Quand ses pieds touchent le sol, Coline regrette le dos confortable de son oreiller vivant.

— Bah, on aurait couché ensemble et elle aurait pleuré et moi je serais parti hyper déprimé. Fin comme toutes les autres fois où on s'est vu depuis la rupture.

Oh. Elle aimerait se boucher les oreilles. Imaginer Isidore avoir une vie sexuelle la dépasse.

— Ça remonte à quand la dernière fois ?

— La soirée du bad trip.

— Oh.

Coline essaye de lui faire changer les idées en lui donnant une petite bourrade chaleureuse. Mieux vaut changer de sujet. De toute façon, elle en sait déjà assez.

— Tu pars demain ? interroge-t-elle en se rappelant le programme des vacances d'Isi'.

— Ouaip, mais je reviens vendredi prochain.

Elle fait la moue, mais se penche pour lui faire la bise, avec un sourire.

— Merci de m'avoir raccompagnée.

— Je sais, je sais, je suis le meilleur.

La frappe qu'elle lui donne pour lui dire au revoir lui retourne le ventre. Elle l'adore. Comment a-t-elle pu passer toute son adolescence sans lui ? Mais lui avouer qu'il est vraiment « le meilleur » reviendrait à le flatter un peu trop. Alors, elle s'abstient et se contente ce soir de ne pas réfuter ses mots.