Chapitre 147

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PDV ALEXIA 

Assise au fond du bus, la tête collée sur la vitre, je regarde le paysage défilé en pensant à Carl. Ce sont ses yeux je visualise en premier, c'est le premier truc qui m'a marqué chez lui. Ensuite, ce sont ses cheveux – aussi doux que de la soie-. Et puis, son corps au complet. Je le vois partout : dans les arbres, les voitures, les nuages et même chez les insectes.

Il m'obsède.

Mais je ne peux pas faire le premier pas vers lui, je ne peux rien lui avouer parce que j'ai peur. Peur de m'engager dans une relation avec lui. Peur d'apprendre qu'il m'a mentit, qu'il me regardait toutes ses semaines sans m'avouer qu'il était le garçon à qui je racontais tous mes problèmes.

— Mamzelle, c'est le terminus, vous d'vez descendre, me lance le chauffeur de son siège.

Sans enthousiasme, je ramasse mes choses, prenant soin de ne rien oublier et enfonce mes écouteurs dans les oreilles avant de remercier d'un sourire le chauffeur. Il me répond d'un signe de la main et fait démarrer son bon vieil autobus.

Tout en descendant le trottoir, sous le ciel noir de la nuit, je me demande pourquoi je me dirige vers cette maison. Je dois être folle, voire stupide. Justin a dû me contaminer, je n'aurais pas dû finir son assiette, hier. En plus d'avoir essuyer ses hurlements, il m'a refilé sa stupidité.

Lorsque je tourne au coin de la rue, je m'arrête, soudain paralysée. Tout mon être me cri de partir en courant, que c'est une mauvaise idée. Mais une autre partie de moi, la nostalgie, veut que j'y aille et que j'affronte mes démons.

Je resserre mon gilet autour de moi et fait glisser mes doigts sur la rambarde, absorbant tous les souvenirs que cette sensation me procure.

Hugo qui me tient dans ses bras.

Hugo qui rie à une de mes blagues.

Hugo qui m'oblige à marcher dans une crotte, en soutenant que c'est marrant.

Doucement, je fais glisser le gilet sur mes épaules, jusqu'à l'enlever : si je me pointe ici, je ne veux pas que la vérité soit cachée. De mes bras, maintenant nues, je me hisse sur la véranda, ignorant les escaliers et me dirige vers la porte. Elle n'a pas changé, il y a encore mon nom gravé dans un cœur, celui d'Hugo à côté. Une bouffée de tristesse me monte à la gorge et je sens les larmes arriver. C'était une mauvaise idée de venir ici, je le savais. Trop de souvenirs reviennent, trop de tristesse. Je m'apprête à tourner les talons quand la porte s'ouvre, laissant la place à une petite dame ronde.

Son regard sonde mes yeux et les siens s'écarquillent quand elle me reconnait. Son regard descend plus bas – sur mes poignets- et elle laisse échapper un hoquet de surprise.

— C'était donc vrai...murmure-t-elle en mettant une main devant sa bouche. Oh Alexia...

Mes yeux se remplissent de larmes et lorsqu'elle ouvre grands ses bras, je n'hésite pas : je cours me réfugier.

— Il...il me...manque tellement, sangloté-je contre son épaule.

Elle me tapote le dos affectueusement :

— Je sais, ma jolie, je sais. (Elle s'écarte un peu et m'offre un petit sourire.) Tu veux rentrer?

Je hoche doucement la tête en effleurant du doigts mes cicatrices. Elles me paraissent presque réconfortantes, comme si elles me rattachaient au passé, donc à Hugo.

*

— Là, c'est quand il a eu sa première petite amie. Rien de sérieux entre eux, je te le dis.

La mère d'Hugo, une femme forte qui a réussi à surmonter la mort de son mari et de son fils unique, me pointe du doigt une photo d'un Hugo dont je ne connaissais rien. Sur la photo, ses cheveux- toujours décoiffés- étaient brossés vers l'arrière et enduis de gel. Ses vêtements étaient repassés et beaux. Rien à voir avec les t-shirts et les jeans troués qu'il portait lorsqu'il sortait avec moi.

Au fil des photos, mes larmes s'étaient taries et mon sourire était revenu. Josiane, la mère d'Hugo, pose l'album avant de se lever. Je la regarde se diriger vers la bibliothèque où elle en extirpe un petit album, tout rose.

Lorsqu'elle revient vers moi, ses yeux sont brillants de larmes. Elle se rassoit à mes côtés et dépose l'album sur mes genoux, non sans couler un regard sur mes poignets.

— Hugo avait préparé ça pour votre anniversaire des six mois... il était si impatient de voir ta réaction ! Tu aurais dû le voir, bouillant d'excitation à l'idée de te l'offrir. Et puis... il n'a jamais pu le faire.

Elle renifle :

— Je me suis dis que je ne pouvais pas le garder pour moi et que j'allais te le donner quand je te verrais. Alors voilà, ce jour est arrivé.

Je joue avec le joli morceau de soie rose qui dépasse de l'album en soupirant : je ne peux pas.

— Je ne peux pas l'accepter, Hugo a confectionné ça pour l'Alexia qui l'aimait en retour. Et je ne suis plus cette fille. J'aime un autre garçon, je suis désolée...

Josiane pouffe de rire avant de me caresser la joue d'un geste maternelle.

— Par chance, tu ne l'aime plus! Il est normal que tu ne sois plus aussi amoureuse de lui que tu l'étais avant. Sans vouloir me montrer indiscrète, qui est l'heureux élu?

— Vous ne le connaissez pas, mais ce garçon est formidable. Il me connait par cœur.

Josiane un sourcil et s'apprête à parler quand un gros bruit se fait entendre dans la cuisine. Surprise, je pousse un hurlement et m'empare d'un coussin qui me servira d'arme. Josiane, elle, ne fait que pousser un soupir dépité.

— Ce chien, aussi stupide que ma plante verte. Il doit toujours sauter du comptoir, quel con...

Elle se dirige vers la cuisine et revient avec un joli labrador. Lorsqu'elle se rassoit sur le canapé, le chien se couche à ses pieds et se met à se mordiller les pattes.

Il est adorable.

— Je te présente Cosmos, le chien le plus stupide de la galaxie mais aussi le plus attachant. Je l'ai adopté quand Hugo est mort. (Elle lui caresse la tête avant de revenir vers moi.) Le garçon dont tu es amoureuse, il sait tout de ton passé?

Je secoue la tête : non, il ne sait rien.

— Compte tu le lui dire?

Nouveau secouement de tête.

— Compte tu le dire à quelqu'un? me demande-t-elle doucement en prenant mon poignet dans sa main pour effleurer les cicatrices.

— Personne ne veut m'écouter, personne n'est intéressé par mes stupides problèmes.

Cosmos aboi pour montrer sa désapprobation et il vient se coucher sur mes pieds.

— Ma chérie, tu peux tout me raconter à moi, m'apprend Josiane d'une voix douce.

Et c'est ce que je fais, je me vide. Je lui raconte mon traumatisme, les sentiments qui m'ont submergé quand Cindy m'a tourné le dos, la mort d'Hugo et les répercussions qu'il y a eu sur ma santé mentale.

Je lui raconte mon ressenti lorsque je suis allée à Harmony Vie, la peur qui m'a paralysé quand il a osé poser ses mains sur moi. Et c'est en pleurant à chaude larmes que je finis ma tirade en expliquant ma tentative de suicide.

Josiane, muette tout le long, me surprend en sifflant. Elle replace une mèche de cheveux et semble chercher ses mots. Finalement, elle se penche pour attraper une boite de mouchoir qu'elle me tend.

— Tu as un peu de morve là, m'explique-t-elle en désignant l'intégralité de mon visage.

— C'est tout ce que vous trouvez à dire? Me réclamé-je en me mouchant bruyamment.

— Non, bien sûr que non ! Mais toute cette morve me déconcentre, pardon ma belle. (Elle inspire et m'offre un timide sourire : ) Je ne crois pas être la bonne personne pour parler de tes problèmes, je ne suis pas ta mère. Seulement la vieille femme qui a perdu sa famille. Hugo m'a toujours dit que tu étais une fille bien et que tu lui avais ouvert les yeux. Il me disait que tu croquais la vie à pleine dents malgré ta timidité. Il ne m'a pas parlé d'une fille trouillarde qui croyais que cacher son passé réglerait les problèmes. Alexia, tu es une jolie fille, rayonnante, tu ne peux pas rester dans l'ombre : tu dois accepter ton passé et tourner la page.

Je détourne le regard : elle a tout juste, je suis incapable de tourner la page.

— Vous me conseillez quoi?

— De vendre ton âme au diable (je la regarde, les yeux écarquillés) je rigole ! Tu devrais conter ton récit à tes parents et éventuellement au garçon qui t'a volé ton cœur.

Je hoche la tête, elle a raison. Je lui souris avant de me lever d'un bond, faisant sursauter Cosmos.

— Pardon mon beau, je ne suis pas habituée à avoir un animal avec des émotions. Mon chat a un cœur de pierre.

J'apprends à Josiane que je ferais mieux d'y aller avant que mes parents s'inquiètent et appellent la police. Elle me dit qu'elle comprend et me raccompagne à la porte.

Je m'apprête à remettre mon gilet quand elle m'arrête.

— Tu dois accepter le passé et arrêter de le cacher.

Je fixe le gilet, hésitante. Je ne suis jamais allée dehors avec les bras nus, comment réagiront les gens quand ils verront mes bras? Je fixe mon gilet rose avant de prendre ma décision : je le jette par-dessus la véranda.

Adieu les mensonges.

— Hugo serait tellement fier de toi... sanglote Josiane.

Je me pince les lèvres avant de tourner les talons. Oui, Hugo serait sûrement fier de moi, il a toujours voulu le meilleur pour moi. On se retrouvera un jour, lui et moi.

Je l'espère.

Et c'est en visualisant son visage que je m'engouffre dans le bus sans m'attarder sur le fait que le chauffeur fixe mes cicatrices.



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