La finale partie 3

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De toute façon, vous savez que je suis incapable de respecter une date fixe. 

Alexia

Dès que j'ai vu Éric s'approcher de moi, j'ai su.

J'ai su que mon frère et lui étaient des vraies salopettes.

Debout dans la tente, les mains sur les hanches, j'inspecte chaque recoin, à la recherche d'une quelconque sortie. Je sais que je devrais me tourner vers Carl et lui parler, mais je ne suis pas capable. Si ses yeux croisent les miens, j'enfoncerais mes doigts dans ses globes oculaires. Je n'arrive tout simplement pas à le regarder; à chaque fois, j'ai envie de l'étriper. Quand Justin m'a confirmé que Carl était Todd, j'avais envie d'hurler. Ce n'est pas le fait qu'il soit Todd qui m'énerve, mais plutôt le fait qu'il m'ait mentit. Délibérément.

— Je crois qu'on est bloqués.

J'hausse un sourcil et mes mains me picotent. Au fond de moi, je n'ai qu'une seule envie : l'étrangler. Je n'arrive pas à croire qu'il m'ait mentit et qu'il n'ait aucun remord! C'était tout simplement affreux comme geste. J'avais cru m'être fait un ami, un confident. Mais non, en fait c'était juste le stupide garçon du dernier rang qui avait toujours le doigt levé, la réponse sur le bout des lèvres.

Oui, mais c'est aussi le garçon que j'aime.

Je secoue vivement la tête avant de me la prendre dans les mains. Suis-je réellement amoureuse de lui ou ce que je ressens au fond de moi n'est qu'illusion? En quelque sorte, c'est Todd qui m'a poussé dans les bras de Carl, organisant une rencontre et me donnant son Facebook. Le plus ironique dans cette histoire, c'est que Todd – le fameux garçon qui jouait l'entrepreneur- n'était nul autre Carl, celui qui se pointait aux rendez-vous. Savoir qu'il orchestrait tout ça dans l'ombre me révulse. C'est tout simplement répugnant, en fait.

— Alex?

Carl est tourné vers moi, ses magnifiques yeux posés sur ma silhouette. Je le jauge quelques instants, ne prenant pas la peine de répondre, et je tourne les talons, me dirigeant vers le fond de la tente. Je dois mettre de la distance entre lui et moi; je ne sais pas ce que je peux faire lorsque je suis en colère. Son regard effleure mes bras nus et s'arrête sur mes cicatrices. J'ai envie de lui dire de remonter les yeux, mais je suis incapable. Si je lui parle, ce serait soit pour l'insulter, soit pour le menacer.

Voyant que je ne suis pas apte à discuter avec lui, il s'affale sur le sol, étendant son blouson à ses côtés, comme une invitation. Il se met alors à pianoter sur son téléphone et, l'instant d'après, le mien se met à vibrer dans ma poche. Ma main tremble tandis que ma barrière s'abaisse. Tout mon être me crie de prendre mon téléphone et lire le fameux message. J'hésite quelques instants, les lèvres serrées.

Je n'ai rien à perdre de toute manière : si le message m'agace, je lui lancerais mon téléphone au visage.

Doucement, je sors mon cellulaire de mon sac à main, les mains tremblotes. Je peine à entrer le code – me trompant quelques fois. Bon dieu, je suis une pelote de stress! Lorsque le code est validé, je me dépêche d'aller sur mes messages, une boule dans le ventre.

De Todd :

Tu acceptes de me parler par messages?

De Moi :

Non, dégage.

De Todd :

Je suis coincé ici, je te signale.

Je le vois sourire et je lève les yeux au ciel, avec la furieuse envie de le frapper. Il semble réellement trouver la situation comique et ne réalise pas que sa présence m'insupporte.

De Moi :

Pourquoi tu m'as mentis?

Je me devais de poser cette question, elle était primordiale. Le mensonge est sûrement la cause de toute cette histoire. S'il avait été honnête, nous ne serions jamais coincés ici, à parler par message.

De Moi :

Avant de répondre, lance-moi ton fichu blouson, j'ai mal aux jambes et le sol est répugnant.

Il opine du chef et, au lieu de me le lancer, il se lève et s'approche de moi, le fameux vêtement dans la main. Une lueur de détermination brille dans ses pupilles et dès qu'il arrive, je le frappe au tibia et lui arrache le bout de tissus. Il grogne de douleur et se frotte le tibia. Si je me souviens bien, j'ai frappé au même endroit que Justine, ce qui explique son visage déformé par la douleur.

J'étale le blouson sur les tapis puants et m'assis dignement dessus, faisant signe à Carl de dégager. Il se frotte une dernière fois le tibia avant de se laisser tomber à mes côtés. Lorsque je vois que ses cheveux lui tombent sur le visage, j'ai la furieuse envie de les écarter du bout des doigts.

De Moi :

D.É.G.A.G.E

Je sursaute quand j'entends le son de sa voix.

— Non, je préfère rester ici. On doit discuter, Alex, et de beaucoup de choses.

Inspire, expire.

— Je ne parle pas aux menteurs.

— Mais tu mens aussi, Alexia! explose-t-il en me faisant face. Tu as menti sur ton passé, sur Hugo, sur tout! Tes sourires sont faux, tes humeurs, mensongères.

Un feu de rage brille au tréfond de mon être. Il n'a pas le droit d'être fâché contre moi; je n'ai rien fait de mal! Certes, j'ai omis des détails sur mon existence, mais ça ne le regarde nullement. Mon passé ne  regarde que moi.

— Si je mens, c'est pour une bonne raison. Tu ne sais pas ce que ça fait de se faire juger et de se faire comparer à une bombe. Ce n'est pas toi qui as dû subir les messes basses de ta famille et supporter leurs regards réprobateurs. Tu n'as jamais connu le poids des remords et du deuil. Tu n'as jamais été responsable d'une mort!

Et ce que je ne voulais pas qui se produise se produit : j'éclate en sanglots. Mes joues sont désormais baignées de larmes et mes lèvres sont salés. Je porte mes mains à mon visage et tente d'étouffer mes pleurs du mieux que je peux. Quand je sens sa main sur mon épaule, je m'écarte rapidement et lui crie de ne pas me toucher. Je hais lorsqu'on me voit dans une position de faiblesse; je suis d'une vulnérabilité sans limite. Il pourrait tenter n'importe quoi sur moi, je ne serais pas apte à me défendre.

— Alex...commence-t-il doucement, je ne voulais pas t'ébranler, mais tu ne peux pas mettre la faute sur tout le monde. Tu as eu une vie plus compliquée que la plupart des gens et je suis ébahis de voir que tu arrives à gérer tout ça.

— J'ai l'air de gérer, là? craché-je.

Il secoue la tête :

— Je me suis mal exprimé, excuse-moi. Mais tu veux que je dise quoi? Je ne sais pas comment me comporter face à ce genre de situation, j'essaye du mieux que je peux. Tu dois t'ouvrir à moi, Alex.

— Et moi, je veux qu'on ouvre cette porte pour que je puisse partir.

J'écarte une mèche de cheveux blondes et le foudroie du regard.

— Tu es puéril, Alexia.

Je sais que je me comporte comme une enfant, mais il n'était pas obligé de le dire.

— Écoute, insiste-t-il, on est coincé ici, c'est peut-être le destin?

— Non. Ce sont nos pseudos-amis qui nous ont enfermés ici. Ce n'était écrit nulle part que nous allions être cloitrés ici.

— Arrête de casser mes délires, s'il te plait. Bon, si tu ne veux pas t'ouvrir à moi, aucun souci! Je vais te parler de mes problèmes à moi.

— Ta vie est parfaite, arrête de dire n'importe quoi.

Il hausse des épaules :

— Tu n'es pas la seule à avoir des problèmes. Arrête de croire que la terre tourne autour de toi.

Wow. Il semble réellement énervé, ses paroles sont si rudes. J'inspecte son visage et frémis lorsque je vois la froideur qui en ressort. Il semble enragé. Comme s'il en avait marre de mon comportement enfantin. Je devrais peut-être arrêter et essayer d'avoir une conversation sensée avec lui?

Le choix fait, j'essuis mes dernières larmes et croise mes mains sur mes cuisses. Je vais l'écouter et essayer d'être mature. Certes j'ai toujours envie de l'étriper, mais je vais adopter un air tranquille. Je suis bien plus mature que ça! Comment aurait réagis Hugo s'il me voyait? Il serait partit, disant que je ne méritais pas son attention.

Hugo...

J'ai une boule dans la gorge en pensant à lui. J'ai feuilleté une bonne dizaine de fois l'album photo et j'ai éclaté en sanglots une bonne centaine de fois. Même si j'essaye de le cacher, il me manque réellement. Je n'arrive pas à me défaire de lui; je me sens réellement coupable de sa mort. Si j'avais refusé de sortir, jamais il ne serait mort.

Jamais je n'aurais remarqué Carl.

En parlant de ce dernier, il est en train de lister ses problèmes, ne se doutant pas un seul instant que je ne l'écoute pas. N'empêche, je me force à entendre la suite, par simple politesse.

— Mon père ne me porte pas réellement dans son cœur, il préfère de loin Miranda. Elle lui ressemble plus et ils partagent tous deux les mêmes valeurs. Moi, je ressemble bien plus à ma mère. Et je crois que c'est pour ça qu'il ne m'aime pas trop : je lui rappelle la raison de son départ.

— Ton père est parti à cause de ta mère?

Il opine.

— Ça n'allait plus trop entre eux; ils se chicanaient pour un rien et mon père est partit, laissant ma mère avec une enfant de huit ans et un bébé.

Je plaque une main sur ma bouche : c'est effroyable. Je n'imagine pas leur vie après ce départ. Carl n'en garde peut-être que très peu de souvenirs, voire pas du tout, mais sa mère et Miranda doit en avoir des tonnes.

Venant d'une famille assez fortunée, je n'ai jamais connu la misère. Je devine assez facilement que Carl a vécu dans la pauvreté une grande partie de sa vie. Sa mère, travaillant en tant que serveuse, ne devait pas gagner énormément. Lorsque leur situation fut fiable, ils ont sûrement voulu déménager pour mettre de la distance entre le passé et le présent.

Et on dit que c'est moi qui fuis mes démons du passé? Carl prend une grande inspiration avant de continuer :

— Ensuite, quand j'ai appris que mon père attendait un fils, j'ai bloqué. Un nouveau Deschamps ne veut dire qu'une seule chose : mon père a réellement tourné la page et nous a rayé de sa vie. Il est prêt à tout recommencer à zéro avec une fille qui a presque le même âge que sa fille! (Il se passe une main dans les cheveux et quand je vois la détresse briller dans ses yeux, mon cœur se serre.) Je savais qu'il ne nous aimait pas réellement, il demandait que très rarement des nouvelles de ma mère et moi. Miranda, c'est quelque chose d'autre. Et s'il préférait son fils à moi? S'il m'oubliait complètement, plus que d'habitude? Je ne sais pas si je pourrais le supporter davantage. Et avec toi qui me tourne le dos.

Je le dévisage quelques instants avant de lui offrir un petit sourire :

— Je ne tourne pas le dos, moi.

— Alexia, n'essaye pas de me mentir. Depuis que tu sais de source sûre que je suis Todd, tu m'ignores complètement. Tu n'as répondu à aucun de mes messages, tu m'as même bloqué sur Facebook!

Il a peut-être raison, je lui aie tourné le dos. Mais comment lui dire que c'était par crainte et que j'avais peur de le confronter? Quand je l'ai vu arriver avec Justin, j'ai laissé la colère l'emporter sur la joie que j'ai eue en le voyant. Que se serait-il passé si je lui avais envoyé plein de messages haineux? C'est simple : il aurait arrêté de me parler.

Je sens la main de Carl effleurer la mienne et je recule de quelques centimètres. Je ne suis pas prête. Pas encore.

— J'ai parlé de mes problèmes, c'est à ton tour, m'annonce-t-il solennellement.

Hors de question.

— Je n'ai rien à dire.

Moi qui tentais d'être mature, on peut dire que c'est raté.

— Alexia...

Je passe une main dans mes longs cheveux blonds et attrape la mèche rouge. Je l'avais teinte pour me souvenir d'Hugo : c'était sa couleuse préférée et il avait comme projet de se teindre les cheveux. Comme il ne pourra jamais le faire, j'ai décidé d'honorer sa mémoire en le faisant. C'est une teinture permanente et je compte bien préserver sa couleur flamboyante.

Je ferme les paupières et expire bruyamment :

— Tu as gagné, c'est bon, lâché-je à brûle-le-point, mais tu dois me poser les bonnes questions. Sinon, je ne répondrais pas.

Il hoche doucement la tête, comme pour pas me brusquer et il tourne son corps vers moi.

— Comment as-tu su pour Todd ?

Prévisible comme question. Je frappe l'air avec ma main.

— Il y avait plusieurs indices, quelques incohérences, et la stupidité de Justin m'a aidé à relier les deux bouts. Tu savais qu'il parlait dans son sommeil? Question suivante? 

— D'accord, (Il hoche la tête et se frotte la mâchoire.) qui est Hugo?

Inconsciemment, j'effleure mes cicatrices et fixe la toile de la tente, absente. Qui était Hugo? C'était tout simplement la meilleure personne au monde.

— C'était une personne fantastique; il avait un cœur en or. Il était aussi doux qu'un nuage et aussi romantique qu'une boite de chocolat. Ce fut le centre de mon monde, je ne pouvais pas imaginer un monde sans lui. (Je rie jaune devant l'ironie de mes propos.) Il était tout simplement parfait et j'imaginais déjà mon futur avec lui. Mais il est mort. Et tout ça, c'est à cause de moi.

— Comment ça ?

La voix de Carl est aussi douce qu'une caresse.

— Il voulait aller se baigner avec moi et pour accéder au lac, il fallait sauter d'une falaise. Il l'a fait en premier et n'ai jamais remonté à la surface. Les médecins ont dit qu'il s'est cogné la tête sur un rocher camouflé et s'est noyé. J'aurais pu le sauver, Carl! J'aurais dû sauter aussi.

Encore une fois, mon corps est secoué de sanglots et, au lieu de cacher ma tête dans mes mains, je la cache dans le cou de Carl. D'abord surpris, il finit par me frotter le dos, comme pour me rassurer, et j'hume son odeur. Un peu trop d'eau de Cologne, mais ça reste acceptable. Un de ses bras vient s'enrouler autour de ma taille tandis que je déverse toutes les larmes de mon misérable corps. Je n'avais pas remarqué que mes bras étaient autour de sa nuque. Et que ma bouche était à côté de la sienne. 

Rouge, je recule un peu et me cache derrière un rideau de cheveux. Ça me rassure un peu de voir que Carl est dans le même était que moi : il est rouge pivoine. Tout simplement adorable.

— Désolée pour cet écart, murmuré-je.

— Pas de problème, ça ne m'a pas du tout dérangé !

Il semble analyser ses propos et pique à nouveau un fard. Il est vraiment mignon. Ensuite, il me propose de continuer et j'accepte : finalement, c'est bien de se vider le cœur. Je me sens plus légère, c'est hallucinant.

— Que veux tu savoir d'autre?

Il semble soudain mal à l'aise.

— C'est assez discret et très personnel, mais il faut que je sache : pourquoi est-tu passée à l'acte? Pourquoi vouloir mettre fin à ta vie? Pour un garçon? Alexia, c'est tout simplement insensé.

— Ce n'est pas que pour Hugo, riposté-je, rouge de colère.

Pourquoi tout le monde croit que mes problèmes se résument à sa mort? Il fut un élément déclencheur, certes, mais je n'allais pas très bien avant. Carl se penche vers moi et me demande d'une petite voix si je veux bien poursuivre. J'aimerais bien, vraiment, ça me permettra d'avancer davantage. Si je veux être avec Carl, il doit tout savoir. Il faut qu'il sache dans quoi il s'embarque et quel genre de fille détraquée je suis.

Je m'apprête à parler, les mots sont déjà là, prêts à s'envoler, mais je bloque. Je sens mes yeux me piquer et les larmes menacent de couler.

— Je ne suis pas capable! crié-je en essuyant rageusement mes larmes. Je suis incapable de parler de tout ce qui m'est arrivé.

Je me redresse un peu et cherche à tâtons mon téléphone. Un éclair de génie m'est parvenu et l'idée m'a semblé assez bonne. Carl me regarde faire, perplexe. Son joli visage est rempli de questions et d'inquiétude; ses sourcils broussailleux sont levés, rendant son expression assez comique.

Je secoue la tête : ce n'est pas le temps de rire. Quand je tombe sur le ficher que je cherchais, je laisse échapper un cri de victoire. Là, devant mes yeux, se trouve mes lettres de suicide. Il y a peu, j'ai eu l'idée de les numériser, pour les avoir à porté de main. Qui sait si j'aurais rechuté? Au moins, elles auraient été là.

Silencieuse, je lui tends mon cellulaire et l'enjoint de tout lire. Il ne se fait pas prier et se met à absorber mes mots. Sur son visage, plusieurs émotions passent, allant de la pitié à l'épouvante. Quand il pousse un cri d'horreur, je devine qu'il est arrivé à la lettre dix. La dernière que j'ai écrite; celle qui stipulait que je n'étais plus du tout pure.

— Il se nommait Hector Rousseau, commencé-je doucement. Il avait quarante ans, une peau répugnante, des doigts immondes, des yeux effrayants. Ses cheveux étaient crasseux et son haleine sentait la mort. Il m'a suivi lorsque je suis sortit du restaurant et m'a attiré dans une ruelle. J'étais dans une impasse, aussi morte mentalement que physiquement. Je n'étais tout simplement pas apte à me défendre; je n'avais pas l'énergie. Il a donc fait son affaire et moi, j'étais paralysée. Quand je m'endors la nuit, je sens encore ses doigts sur moi et je sens encore son odeur. Il a été la raison principale pourquoi j'ai voulu mettre fin à mes jours.

Les larmes se mettent doucement à couler et je laisse Carl m'envelopper dans ses bras.

Machinalement, je pose ma main sur son épaule et mets à déverser silencieusement mes larmes. Je n'ai jamais avoué à quiconque comment je me sentais réellement après ça; même mes parents l'ignorent. Ils croient que j'ai passé au travers et que désormais, ce n'est qu'histoire ancienne. S'ils savaient que j'en fais encore des cauchemars!

Carl pose son menton sur ma tête et me murmure plusieurs mots pour me calmer. Je dois être hideuse, désormais! Mon maquillage a dû couler. Oh mon dieu... je dois être affreuse.

— Je suis moche, murmuré-je.

— Pas du tout. Tu es la personne la plus jolie que je n'ai jamais vu.

— Bah sors plus souvent.

Carl laisse échapper un petit rire et je fais pareil. Ce n'est peut-être pas le moment idéal, mais ça fait du bien. On a besoin de rigoler un peu.

— Tu sais, la première fois que je suis venu visiter ma maison, je t'ai vu? Tu étais assise sur la véranda et tu lisais un gros livre. Tu ne m'as pas remarqué et j'en était ravi : j'ai pu te détailler de la tête aux pieds. Tes cheveux étaient assez courts à cette époque, on avait dans les alentours de treize ans. Dans ce temps-là, j'était complètement gaga d'une fille dans mon école. Et tu sais quoi? Quand je t'ai vu, j'ai complètement oublié son nom.

— T'abuse pas un peu? Rigolé-je en levant la tête pour le regarder.

Ses yeux bruns pétillent de malice.

— Bon d'accord, je vais te dire la vérité. La première fois que je t'ai vu, je voulais te demander quels produits capillaires tu utilisais. Tes cheveux avaient l'air si soyeux! Ils le sont toujours, d'ailleurs.

J'éclate de rire et me love davantage contre lui. Il faut bien que je profite de cette situation, j'ai peur qu'elle ne se reproduise jamais.

Nous restons ainsi une bonne quinzaine de minutes, silencieux et profitant du moment présent. Aucun de nous d'eux n'a l'envie de briser cette magie ; c'est tout simplement impensable.

— Où est ce Hector, maintenant?

La magie finit toujours par disparaître, comme on dit. J'ai presque envie de gifler Carl, mais il a été assez maltraité comme ça.

— Il est encore en prison, en train de purger sa peine. Mais tôt ou tard, il sortira et qui sait ce qu'il pourra faire.

L'idée qu'Hector puisse recommencer me fait grincer des dents et mon cœur se compresse. Je souhaite de tout cœur que personne ne vive la même chose que moi. Personne ne mérite cet abominable sort.
Je pose ma tête sur les cuisses de Carl et fixe le plafond de la tente, songeuse. Ce dernier joue avec mes cheveux, les yeux dans le vide. N'empêche, je sens qu'un poids a quitté ses épaules et que son sourire est plus réel.

Est-ce grâce à moi? Non, sûrement pas.

— J'ai un message de Justin.

— Insulte le pour moi, s'il te plait, chuchoté-je sans lâcher le haut de la tente des yeux.

Je sens le sourire de Carl.

— Il nous demande si on veut sortir.

— Et moi, je te demande de l'insulter.

— Alex...

Je grogne et me redresse.

— C'est bon ! Oui, on veut sortir. Enfin, moi je veux sortir. Toi, je ne sais pas. Je t'aime peut-être, mais il est hors de question que je pionce ici.

Il écarquille des yeux et je repasse en boucle mes propos. Bordel. J'ai dit que je l'aimais.

— Qu'est-ce que tu as dit? 

Sapristi. 

— Il fait chaud ici, tu ne trouve pas? On devrait y aller et aller s'acheter des churros. Je paye!

Il me retient par le bras quand j'essaye de me lever. Et merde. J'aurais dû tourner ma langue sept fois avant de parler.

— Tu as dit que tu m'aimais?

— Non, je parlais de churros. Nettoie tes oreilles, Carl !

À nouveau, je tente de me relever, en vain. Sous son corps banal, il cache une énorme force! Ou sinon je suis tout simplement faible.

— Alexia, je suis sérieux, me prévient-il sans me lâcher le bras.

Ses yeux sont remplis d'espoir, comme s'il avait espéré que je lâche ses mots. Sous son air calme, on peut deviner qu'il est terrifié. Il a peur que je revienne sur mes propos. Ses bras tremblent tandis que le dévisage de mes yeux verts, notant chaque détails. Je n'avais jamais remarqué qu'il avait un début de barbe. Ni que son œil droit est plus pâle que celui de gauche.

— Alexia? me presse-t-il en parcourant mon bras à l'aide de ses doigts.

— Oui?

— Qu'as-tu dit?

Je pourrais prendre sa question à la rigolade et dire que j'ai dis oui. Mais il semble réellement attendre une réponse. Une vraie réponse.

J'inspire alors :

— J'ai dit que je t'aimais.

Il souffle et retire sa main de mon bras. Des frissons me parcoures et je me frictionne les mains, le rouge aux joues. Je n'ai jamais dis à quelqu'un d'autre qu'Hugo que je l'aimais. Pour moi, ces trois mots ont une puissance brute et ne peuvent être dit aussi facilement. Il faut que la personne à qui on veut les dédier soit importante. Ce ne sont guère des mots à prendre à la légère.

Quand je relève les yeux vers Carl, il peine à camoufler son sourire. Il rayonne littéralement! Ses yeux pétillent de bonheur et son sourire s'étend jusqu'à ses oreilles. J'ai déjà dit qu'il était mignon?

Rapidement, il se lève d'un bon, époussète son jean, et me tends sa main. Je la regarde quelques instants, hésitantes. Voyant que je ne suis pas certaine, il murmure cette phrase qui fait bondir mon cœur de joie :

— Allons construire notre futur.

J'hausse un sourcil : je m'attendais à d'autres mots.

— Et je t'aime aussi, ricane-t-il en agitant sa main.

Cette fois je la prends.


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