Comme à son habitude, Tamara était sortie dans la cour le temps que François termine de garer sa voiture. Il soupira d'aise quand elle vint dans ses bras, reprenant contact après cette journée de travail qui les avait séparés.

— Tout s'est bien passé ? demanda-t-elle après un long baiser.

— J'ai un peu avancé sur un dossier, répondit-il sans la lâcher. Et toi ?

— Ce matin, j'ai donné quelques coups de fil pour le boulot. Cet après-midi, j'ai presque terminé de décaper le parquet du salon.

— Ne t'épuise pas trop, s'inquiéta François. Tu n'es pas obligée de faire tous ces travaux.

— Ce n'est pas plus dur que mon boulot habituel, t'en fais pas. D'ailleurs, j'ai arrêté pour aujourd'hui, je suis en train de jouer avec Julien.

— Sur l'ordinateur ?

— Oui. Si ça ne t'ennuie pas, je vais remonter, on a un raid qui commence dans cinq minutes.

François ne dit rien et la laissa partir, mais il songea qu'il fallait qu'ils aient une petite conversation à ce sujet.

Le soir, quand ils se retrouvèrent dans leur chambre, il la questionna :

— Tu as demandé à Julien s'il avait terminé ses devoirs avant de commencer à jouer ?

— Je suppose qu'il était à jour, dit-elle lentement, se demandant manifestement où il voulait en venir.

— Vous vous êtes mis à jouer combien de temps après son retour ?

— Je ne sais pas. Où est le problème ?

— Tu es sa mère, tu dois, lui demander s'il a travaillé et vérifier qu'il l'a fait. Tu as vu ses notes ? Il doit apprendre ses leçons et faire ses exercices.

— Je... Écoute, les devoirs, c'est pas mon truc. Je n'étais pas très bonne à l'école. Je ne peux pas aider Julien.

— Tu n'as pas besoin d'être une flèche en maths pour lui dire de bosser. Si on ne surveille pas, il n'en rame pas une. Mais il est honnête, il ne te mentira pas si tu lui demandes des précisions. Enfin bref, s'il rentre qu'il joue avec toi jusqu'au dîner et qu'il ne s'y met qu'ensuite parce que je le lui demande, il ne va pas faire grand-chose, ou finir à l'arrache à minuit au lieu de dormir. Il doit travailler jusqu'au dîner et, seulement s'il a tout fait, il peut jouer jusqu'à onze heures.

— Ce n'est pas évident, on doit se coordonner avec les autres, tenta de justifier Tamara.

— Son copain Nathan qui est dans votre groupe de trolls est supposé faire les mêmes horaires que Julien. Les autres, qui qu'ils soient, doivent s'aligner dessus, point à la ligne.

— Désolée, je ne savais pas, dit Tamara d'un ton contrit.

— Et Julien, qui le sait très bien, s'est bien gardé de te le dire. S'il ment rarement quand on lui pose une question directe, il est très doué pour le mensonge par omission. Surtout quand il s'agit d'oublier une consigne. Il faut qu'on se coordonne entre nous, si on ne veut pas se faire avoir.

— Je ne voyais pas Julien comme ça, dit Tamara le front plissé.

— Il a un bon fond, mais c'est un ado, expliqua François. Assez âgé pour contourner les règles de manière créative, mais pas assez mûr pour trouver tout seul la motivation pour faire ce qui l'ennuie. Tu ajoutes le besoin de contredire les adultes pour se construire en dehors de nous, tu commences à avoir une idée précise de l'animal. Cela dit, on a de la chance, notre modèle est plutôt de bonne composition.

Il vit la mine décomposée de sa compagne et tenta de la réconforter :

— Tu t'en tires très bien avec lui, la rassura-t-il. Il t'adore et recherche ton approbation. Si tu lui donnes des limites, il les respectera sans doute mieux qu'avec moi. Il faut juste que tu te rappelles que c'est un adolescent et que son sens des responsabilités n'est que partiellement en place.

— D'accord, fit Tamara d'une toute petite voix.

— T'en fais pas, ça va venir petit à petit, lui assura François en l'attirant contre lui.