Il y eut un choc qui lui donna l'impression que tout son côté droit venait d'exploser, puis une longue glissade, et enfin une forte secousse qui l'arrêta brutalement. Tamara resta un moment étourdie, la vision noircie, les bruits autour d'elle lui arrivant comme étouffés.

Je suis vivante, pensa-t-elle.

Durant un instant, cela lui suffit.

Puis l'instinct la poussa à se redresser. La visière fendue de son casque ne lui permettait pas de voir où elle était et il fallait qu'elle vérifie qu'elle était en sécurité. Une fois assise, elle leva la main gauche pour remonter sa visière. Elle batailla un moment pour y parvenir.

Des pas précipités s'approchèrent et elle sentit qu'on touchait son casque et enfin la visière se releva. Elle vit un visage à la peau sombre et des yeux marron, la scruter avec inquiétude.

— Ne bougez pas, fit l'homme qui était intervenu. Nous sommes en train d'appeler les secours. Je reste près de vous.

Elle regarda autour d'elle. Elle avait réussi à glisser entre la roue arrière du camion et le bord de la route, par un espace qu'elle avait jugé trop étroit pour être franchi en moto. C'est le trottoir qui l'avait arrêtée.

Elle eut très chaud tout à coup et tenta de retirer son casque. Le samaritain l'aida, voyant qu'elle n'y arrivait pas avec son bras droit endolori. Elle demanda brusquement :

— Où est ma moto ?

— Sous le camion. S'il vous plaît, restez assise, laissez quelqu'un vous examiner avant de vous lever.

Elle fit bouger ses jambes et ses bras pour se rassurer, mais ne tenta pas de se redresser davantage. Une douleur diffuse envahissait son corps et elle se sentait épuisée. Elle remarqua un autre homme à proximité qui parlait dans un téléphone. En se concentrant, elle comprit qu'il était en contact avec les secours et qu'il tentait de décrire la situation et son état.

— Oui, elle est toujours consciente, elle s'est même assise, était-il en train de dire.

Soudain, une pensée frappa Tamara et elle sentit la peur la mordre. Repoussant celui qui était resté près d'elle et qui s'efforçait de la rassurer, elle ouvrit son blouson d'une main tremblante, remonta son pull et posa sa main gantée sur son ventre. Elle sentit le cuir froid sur sa peau chaude, sans autre douleur ni sensation spéciale dans cette région de son corps. Elle poussa un soupir de soulagement.

— Je crois qu'elle est enceinte ! se mit à crier celui qui était au téléphone d'une voix complètement paniquée. Venez vite ! C'est une femme enceinte !

L'homme qui était le plus près resta très calme.

— Tout va bien se passer, assura-t-il. On va attendre l'ambulance. Je vous ai vue arriver, vous avez super bien géré. Vous vous en tirez très bien.

Une sirène commença à se faire entendre au loin. Elle réalisa combien c'était passé près. Elle s'accrocha au regard chaleureux de son sauveur alors que la douleur montait en elle. La voix de l'homme était apaisante, et elle se concentra dessus pour garder contact avec la réalité. Puis brusquement, on l'écarta d'elle et elle fut prise en charge par le médecin des pompiers.