Tamara s'était sentie abominablement stressée alors qu'elle attendait Julien et sa grand-mère sur le quai de la gare. Heureusement, Annie était une femme charmante, souriante, qui fit son possible pour la mettre à l'aise. Tamara savait qu'elle serait scrutée et évaluée, mais elle se permit de croire qu'elle pourrait bénéficier d'une certaine bienveillance.

Julien lui parlait souvent de sa grand-mère, et toujours en commentaires élogieux. Parfois, il donnait des renseignements sur son père, mais Tamara ne l'avait jamais laissé trop en révéler. Elle n'avait pas tourné autour du pot : elle lui avait expliqué qu'elle ne pensait pas que François apprécierait et qu'elle préférait qu'il s'abstienne.

Si Tamara se sentait relativement à l'aise en fin d'après-midi, la nervosité revint dès l'arrivée de Cosima. Elle n'avait qu'une confiance limitée dans la capacité de sa sœur à taire son animosité pour François. D'un côté, elle pensait que la présence d'Annie pourrait la freiner, mais de l'autre, l'institutrice saisirait plus facilement les sous-entendus que son petit-fils, si Cosima voulait faire sa maligne.

Finalement, le dîner s'était bien passé. Il n'y avait eu qu'une seule alerte, quand Julien avait raconté une activité qu'il avait faite avec son père. Elle avait vu le sourcil de Cosima se hausser à l'évocation de François et, de manière préventive, avait envoyé un bon coup de pied dans le tibia de sa sœur. Cette dernière n'avait pas bronché — depuis leur enfance, elles avaient l'habitude de ne pas s'épargner — et avait ravalé les paroles qu'elle projetait de dire. Le reste du temps, elle avait été charmante, comme elle savait l'être quand elle voulait faire bonne impression.