11. Charlotte

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Eben l'observait en silence. C'était ce que la regarder lui apportait : le silence. Plus jeune, Eben en avait peur. Le silence représentait l'absence et c'était effrayant. Le vide, le silence, l'absence... pour Eben, ils n'étaient que signes de danger. Dans la forêt, il fallait s'inquiéter quand les oiseaux ne chantaient pas. N'importe où, être seul signifiait être vulnérable. Et quand l'absence d'un être résonnait dans son cœur, alors cela signalait le début d'une nouvelle phase dépressive et elle retrouvait à nouveau les sables mouvants de son lit et les couvertures qui l'étouffaient, l'envie de disparaitre dans les abysses gluantes de ses rêves.

Mais quand elle la regardait, ce n'était pas ce silence là que Eben ressentait. Au contraire, c'était un calme apaisant, comme si les pensées sombres de son esprit s'éclairaient et, sans s'effacer, se transformaient. Charlotte lui disait sans mot que ses pensées n'étaient pas graves, qu'on pouvait les prendre et en faire quelque chose de plus beau. C'était rassurant.

Eben l'observait et apprivoisait ce silence étranger. Au crayon, elle griffonnait des dessins de la jeune fille, écrivait son nom, puis effaçait tout avant qu'un professeur ne s'en aperçoive. Elle souriait à l'idée de ce secret qui n'était connu que d'elle-même. Elle souriait à l'idée de pouvoir encore être amoureuse. Puis, son regard déviait à nouveau en direction de la blonde. Il parcourait ses traits, son visage concentré sur ce que lui expliquait la prof de maths. Elle se rongeait les ongles et Eben se demandait si c'était parce qu'elle était nerveuse de ne pas réussir un exercice, puis elle se disait que c'était ridicule : elle était trop intelligente pour rater quoique ce soit.

Ses pensée déviaient lentement vers son propre exercice et le crayon dans sa main. Elle finissait toujours par hausser les épaules et abandonner. Regarder les autres était toujours mieux. La regarder, elle, était encore un niveau au-dessus. Alors, elle l'observait encore et décryptait les mouvements de sa main quand elle notait un autre calcul sur son cahier, se cachait vite quand elle relevait la tête pour chercher la solution, risquait un dernier regard pour la voir manger ses joues quand elle écrivait sa réponse.

Et voilà qu'ils étaient de retour dans la salle commune et Eben lisait un livre. Les lettres se mélangeaient sous ses yeux. Elle marmonnait quelques injures contre sa dyslexie. Puis elle arrivait, faisait quelques pas, l'air un peu perdue, comme si ses intentions venaient de s'envoler. « Qu'est-ce que je voulais faire, déjà ? » Eben souriait mais arrêtait rapidement, de peur d'être trahie, prise sur le fait. « Ah oui, c'est ça, Le Petit Prince ». Elle cherchait dans la bibliothèque et Eben pouvait observer ses mains frôler les couvertures des ouvrages. Ses doigts s'arrêtaient sur l'œuvre recherchée. Ensuite, elle s'en allait en serrant le livre contre sa poitrine. Eben pensait que ça aurait été bien, d'être un livre, juste pour pouvoir être serrée comme ça contre quelqu'un.

La nuit, Eben pensait à elle. À ses lèvres, ses sourires, ses joues, ses yeux. Tout était doux.

Ils étaient au parc et le prof de sport leur expliquait l'activité de jour. Eben n'écoutait pas ; elle ne le faisait jamais. C'était une technique : comme ça, elle pouvait aller la voir ensuite. « Qu'est-ce qu'il faut faire ? J'ai pas écouté. » Elle s'en voulait d'être si directe. De ne pas réussir à sourire ou à croiser son regard. Elle paraissait brusque. Elle avait l'impression de lui faire peur, d'être repoussante. La honte capturait son cœur.

Mais elle lui répondait avec ses mots gentils et sa voix chaude. Eben disait un truc débile et ça la faisait rire un peu, doucement, parce qu'elle ne voulait pas se moquer. Eben s'en fichait : elle n'allait pas se vexer quand elle voyait son sourire éclairer son visage, effacer les petites cicatrices en croissants de lune sur ses joues. Le soleil s'y mettait à son tour. Eben se rappelait que dans un texte étudié en cours, on disait que de l'astre qu'il était jaloux, mais elle n'y croyait pas : s'il l'était, il ne mettrait pas autant Charlotte en valeur. Ses rayons se glissaient dans ses cheveux qui devenaient des fils d'or. Eben devait se faire violence pour ne pas tendre la main, pour ne pas se demander ce que ça faisait de les toucher. Finalement, elle préférait détourner le regard et prier pour que la chaleur sur ses joues ne se remarque pas. Elle cédait, une dernière fois, juste assez pour permettre à une flamme de s'allumer dans son ventre. Quand le groupe se dispersait, elle partait aussi et allait se cacher derrière un arbre, le temps que l'exercice soit terminé. Elle attendait.

Elle se morfondait d'être une créature de la nuit et d'être tombée amoureuse du soleil.

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