jjj

Lëvana était très tendue, c'était son tout premier jour de travail, elle allait enfin être utile. Quinze longues années qu'elle attendait d'avoir l'âge nécessaire pour pouvoir aider. Elle replaça le petit pompon sur son chapeau jaune et le mit sur ses courts cheveux verts, elle enfila ses petites chaussures à clochettes et prit la direction de la sortie.

La petite Lëvana était une jeune elfe, mais pas n'importe quel elfe, un petit lutin du père Noël, et elle en était très fière. Elle faisait partie de la catégorie jaune, celle qui s'occupait de l'organisation. Les bleus, eux, s'attelaient à la confection des jouets et les rouges aidaient à la distribution le jour de la grande envolée.

Elle courut vers l'atelier, et attendit parmi sa famille qu'on l'assigne à une tâche. Quelques instants plus tard, elle courait joyeusement dans les allées à la recherche des listes. On lui avait donné la tâche la plus importante, réunir les cadeaux d'un enfant. Bien qu'elle fût loin de s'en occuper seule, elle était très heureuse qu'on lui fasse autant confiance pour son premier Noël, c'est vrai, elle aurait pu s'occuper du plan de vol, beaucoup plus ennuyeux et moins actif. Elle arriva dans la salle de la grande boite aux lettres où l'on distribuait les listes. Elle en reçut quatre, et elle se promit de finir en premier, pour leur prouver son utilité.

Les deux premiers furent très simples, un garçon et une fille qui demandaient des jouets très classiques, le troisième lui avait demandé un jouet pas encore fabriqué, alors elle dut se résigner à aller demander à un elfe jaune plus expérimenté, ce qu'elle devait faire. Sa réponse fut des plus logique et elle se maudit intérieurement de ne pas y avoir pensé plus tôt. Elle devait simplement demander à la direction des elfes bleus de lui fabriquer son jouet. Là-bas on lui dit que le jouet serait bientôt prêt, alors elle repartit en direction d'un endroit plus calme pour ouvrir sa dernière lettre.

Lëvana arriva dans la salle du sapin, et s'assit sur une petite chaise loin de l'agitation et commença à ouvrir sa lettre. Cependant, elle dut s'arrêter dans sa tâche lorsqu'un groupe de lutins rouges vinrent l'importuner, sous prétexte qu'elle était assise à leurs places. Ils se croyaient vraiment tout permis, car c'était eux qui sortaient de l'atelier et qui distribuaient les cadeaux avec le Père Noël. Mais ils oubliaient un détail, c'étaient les elfes bleus qui faisaient le plus gros du travail, et les jaunes qui organisaient tout pour que la tournée des cadeaux soit possible, et eux ils arrivaient comme un chou à la crème et s'attribuaient tous les mérites.

Le petit lutin voulu répondre mais cela ne servirait à rien, à part renforcer leurs égos, et lui faire perdre plus de temps qu'elle n'en avait déjà perdu. Lëvana se contenta de faire ce qu'elle faisait de mieux, leur préparer des cadeaux. Elle se dirigea vers un groupe de très jeunes elfes et leurs demanda de les prendre en chasse, pour jouer, ce qu'ils firent avec plaisir. Joyeux Noël mes amis.

Elle trouva enfin refuge dans un coin de l'atelier et s'attela enfin à l'ouverture de la lettre.

« Cher Père Noël,

Pour Noël, je voulais une poupée, mais maintenant je voudrais quelque chose de plus important. Mon papa est parti, maman m'a dit que c'était pour rejoindre les étoiles, mais qu'il sera toujours là pour moi. Sauf que maintenant maman est très triste, alors pour Noël je souhaite que maman soit heureuse.

Sarah, 6 ans. »

Lëvana se sentit mal tout d'un coup, cette petite fille était tellement innocente. La jeune elfe réfléchit, elle ne pouvait pas lui trouver ce cadeau, mais elle devait comme tous les enfants avoir le droit à un cadeau. C'était un cas de force majeur, Lëvana courut le plus vite possible à la salle de la grande boite aux lettres, pour demander de l'aide, tant pis pour sa promesse. Elle y arriva dans un temps record, et alla voir le doyen des elfes jaunes.

-Eulaly ! J'ai un cas de force majeure !

Il s'approcha de Lëvana et elle lui montra la lettre. Il la lut et fronça les sourcils.

-Il faut que tu ailles voir le Père Noël, ce n'est plus de notre ressort Lëvana.

L'elfe secoua la tête pour signifier qu'elle avait compris et s'enfuit vers l'extérieur de l'atelier. Elle arriva très vite dehors et se dirigea vers son chalet. Elle toqua à la porte, très intimidée et attendit qu'on lui ouvre. La porte s'ouvrit et se dressa devant elle, la très jolie mère noël.

-Mère Noël, je m'appelle Lëvana, je cherche le Père Noël, nous avons un cas de force majeure.

Elle essayait tant bien que mal de cacher son appréhension et de paraitre la plus sérieuse possible malgré son jeune âge, mais rien n'échappe à Mère Noël.

-Détends-toi ma petite, le Père Noël n'est pas là, il a dû aller voir ses rennes.

-je vais aller voir, merci Mère Noël.

Lëvana repartit dans sa course vers l'écurie, le quartier général des lutins rouges. Elle fit quelques mètres à l'intérieur, mais il n'était pas là alors elle fit demi-tour espérant que personne ne l'avait vue. Le père noël n'était ni chez lui, ni dans son écurie et il était beaucoup trop tôt pour qu'il repasse dans l'atelier, il était donc parti faire un tour, conclut-elle, mais où ?

Le petit lutin s'avança dans la neige, les flocons l'empêchaient de bien voir ce qui l'entourait, mais elle n'avait pas le choix, elle devait trouver le père noël. Elle partit donc vers l'orée de la forêt, espérant discerner une masse rouge à travers les arbres.

Cela faisait maintenant bien une demi-heure que Lëvana courait dans la neige, transie de froid, elle avait passé au peigne fin les alentours de l'atelier, ne restait plus qu'à vérifier la plaine d'atterrissage du traineau. Elle s'y rendit en courant, et y distingua au loin le père noël, elle se maudissait une nouvelle fois de ne pas y avoir pensé en premier et se lança à sa rencontre.

En s'approchant elle se rendit compte que celui-ci n'était pas seul, il jouait dans une bataille de boules de neige effrénée contre un bonhomme de neige très coriace. Lëvana sourit au vu de la situation et héla le père noël. Mais il ne sembla pas l'entendre, énervé. L'elfe s'accroupit au sol et prépara des munitions, prête à leurs infliger une défaite dont ils se souviendraient toute leur vie.

Elle en réunit une dizaine et les lança sur eux. Ils s'arrêtèrent instantanément, surpris, et se retournèrent protégeant leurs visages. Lëvana n'avait pas tardé à les sermonner face à leur comportement réellement enfantin au vu de la situation. Une fois calmé, elle parla longuement avec le Père Noël au sujet de la petite Sarah. Il ne parvint cependant à lui apporter les réponses qu'elle espérait, c'était un cas de force majeure, certes, mais il lui fallait ruser pour que son cadeau ait le résultat voulu. Elle devait donc trouver, d'après lui, ce qui représentait l'espoir pour elle, ce qui est impossible.

Les jours passèrent à une vitesse folle, Lëvana était très heureuse, elle s'épanouissait chaque jour à l'atelier. On lui avait confié de nombreuses tâches plus ou moins importantes, mais la jeune elfe se sentait utile. Sa famille était très fière d'elle et de son intégration dans l'atelier. Elle n'oubliait cependant pas sa mission et chaque soir, avant d'aller se coucher, elle allumait une simple bougie, pour ne pas réveiller ses frères et sœurs, et réfléchissait à la façon de lui trouver de l'espoir. Mais la solution n'était pourtant pas si évidente. Et à chaque fois le sommeil l'emportait et elle sombrait doucement aux pays des rêves.

Lëvana faisait lentement le tour de l'atelier, à la recherche d'une stupide poupée. Elle était fatiguée, elle avait passé sa nuit à réfléchir au problème « Sarah », malgré sa bonne humeur et son envie de bien faire, le temps défilait rapidement et arrivait bientôt le jour de la grande envolée, sans qu'elle eût la moindre idée. Elle continua sa route, serpentant entre les différents étalages des elfes bleus. Lëvana se sentait doucement tituber, elle ferma les yeux une demi-seconde. Elle n'eut même pas le temps de réaliser qu'elle rentrait en plein dans une montagne de jouets fraîchement fabriqués. Elle se leva aidée de sa famille, tout en s'excusant le plus sincèrement possible pour le bazar qu'elle venait de créer. Bien sûr, Lëvana aida à ranger, c'était la moindre des choses, mais en soulevant un petit carton, elle tomba sur un jouet qui attira particulièrement son attention. Elle le regarda sous toutes ses formes et l'idée qu'elle cherchait inlassablement germa enfin dans son esprit.

Elle courut aussi vite que ses petites jambes pouvaient la porter et arriva chez les elfes bleus. Le petit lutin demanda un entretient avec eux pour la confection d'un cadeau unique. Elle savait exactement ce qu'elle voulait. Ils travaillèrent dessus pendant de longs jours pour atteindre la perfection absolue. Une fois fini, Lëvana était très fière de l'apporter personnellement au Père Noël. C'était exactement ce qu'il attendait d'elle, s'était parfait, ne manquait plus que de le déposer parmi ses cadeaux le jour de la grande envolée.

Le matin du 25 décembre, dès l'aube, une petite fille sauta hors de son lit, et se précipita sous le sapin. Elle chercha vivement ses cadeaux, l'un d'eux attira son attention. Il n'était pas comme les autres et l'attirait. Elle l'ouvrit délicatement et découvrit une petite boite à musique, mettant en scène ce qui semblait être le traineau du Père Noël s'envolant vers le ciel guidé par un petit lutin. Elle découvrit au fond du paquet une petite clef, accrochée à un collier, elle l'inséra dans une petite serrure dans la boite à musique juste en dessous d'une phrase gravée sur le côté, « la route vers les étoiles ». Elle la tourna quelques fois et une douce mélodie vient lui bercer les oreilles.

Sa mère arriva dans la pièce, alertée par le bruit, et s'assis à côté de sa fille en souriant. Et elles restèrent ainsi, assise l'une contre l'autre pendant de longues minutes, observant chaque détail de cette mystérieuse boite à musique.