Jeffrey Dahmer et la glorification des tueurs en série

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"Monster: The Jeffrey Dahmer Story"


Bon, je vois cette série tourner depuis un moment et je ne pouvais pas m'empêcher de parler à ce sujet. 

Cette note est assez spontanée, mais je viens de voir un énième Tiktok qui me donne envie de m'arracher les cheveux, j'ai besoin de vider mon sac et je pense que ça peut vous être utile si vous ne voyez pas le problème avec ce nouveau phénomène Netflix.

Avant de commencer cette lecture, je vous conseille de lire le chapitre de ce Rantbook qui est juste avant celui-ci sur le "voyeurisme en littérature", parce que je vais parler de voyeurisme ici. Que ce soit en littérature ou en série, le voyeurisme reste le même.

Donc, cette série Netflix a un impact phénoménal. Elle raconte l'histoire de Jeffrey Dahmer, un tueur en série américain qui a fait 17 victimes entre 1978 et 1991. Je me suis efforcée de regarder la série mais j'avoue ne pas avoir réussi à la terminer. Je m'arrête à l'épisode 5, c'est devenu insoutenable pour moi.

Pourtant, j'aime les films d'horreur. J'adore ça. Alors pourquoi je n'aime pas cette série ? Tout simplement parce qu'elle a énormément de problèmes. Et je pèse mes mots.

Je vais immédiatement balayer tout argument comme "mais c'est une série criminelle parmi tant d'autres", justement, non, elle est bien différente des autres.

On parle de quelqu'un qui a existé. On parle de crimes qui sont réellement arrivés.

Il faut déjà définir cette idée d'aimer les films d'horreur ou les séries de crime : c'est comme la catharsis, ce terme qu'on utilise surtout pour le théâtre : "Purification de l'âme ou purgation des passions du spectateur par la terreur et la pitié qu'il éprouve devant le spectacle d'une destinée tragique. Plaisir éprouvé par le spectateur grâce à la dérivation causée par ces sentiments." (CNRTL). Pour vulgariser le propos, c'est comme aimer se faire peur devant un film d'horreur.

D'ailleurs, on a tendance à davantage apprécier une série ou un documentaire qui contient une histoire vraie qu'une fiction. Pourquoi ? Ça donne davantage de frissons. Rien que cette idée me dégoûte au plus haut point, mais ce n'est pas le sujet. (se procurer du plaisir sur la douleur des autres, même passée, même très lointaine, me répugne profondément).

Bref, revenons-en à Jeffrey Dahmer.

Le problème de cette série, pour commencer, c'est que les familles n'ont pas (toutes ? il y a beaucoup de versions) été prévenues. Donc imaginez. Votre enfant, que vous en ayez un ou non, se fait tuer cruellement. Et puis, un jour, une série tombe là-dessus. Cela réveille vos traumatismes avec une violence inouïe. Surtout quand les gens s'extasient littéralement sur cette série ("cette série est trop géniale" / "si tu veux une bonne série je te conseille celle de Jeffrey Dahmer sur Netflix" / "En plus c'est avec Evan Peters omg il est trop beau"). (sans parler des edits sur Tiktok et Instagram, avec Jeffrey Dahmer, joué par Evan Peters, rendu attirant par un diaporama de courtes vidéos sur fond de musique sexy).

Imaginez juste, mettez-vous à la place des familles concernées. Je n'imagine pas l'horreur du sentiment qu'ils doivent ressentir.

Je tire de cet argument le problème du divertissement. Cette série n'a pas pour but de vous informer sur qui était Jeffrey Dahmer (même si c'était le cas, c'est discutable, le devoir de mémoire pourquoi pas mais alors il faut se contenter, pour moi, de son Wikipédia), mais a pour but de vous divertir. De faire de la thune. De montrer un Evan Peters plus sexy que jamais torse nu, en train de faire du sport et de suer devant la caméra et devant ses fans.

Penser que la série a un but didactique est bien naïf. On se fait de l'argent sur le dos de jeunes hommes morts terrifiés, découpés, mangés par un cannibale.

Je ne compte pas le nombre de scènes où l'acteur est montré en train de s'astiquer devant les cadavres au lieu de montrer comment il les a découpés en rondelles. Je veux dire par là que si c'est ce choix d'images que le réalisateur a fait durant toute la série, c'est pour une raison. Et cette raison n'a aucun fichu but à part provoquer de l'intérêt malsain chez le spectateur. Voilà quelque chose qui aurait été moins choquant : montrer une seule fois le processus de Jeffrey Dahmer : qu'il touche ses victimes, puis les découpe, etc. Mais le montrer à chaque fois ? Et encore ! On ne voit rien de très gore, il y a beaucoup plus de sexe que de meurtre imagé. Non, ce n'était pas pour censurer, c'était pour susciter l'intérêt malsain, étrange, chez celui qui regarde. Une fois aurait suffi. Mais que la série ne sorte jamais aurait été mieux.

Je voudrais aussi parler de la manière dont Jeffrey Dahmer est rendu émouvant. Je le sais, parce que j'ai été émue aussi. Plusieurs fois, j'ai eu pitié de lui, et j'ai détesté ça. La série veut nous conduire à nous attacher au personnage comme si c'était de la fiction, c'est terrible. Ce mec a touché et tué plusieurs jeunes garçons dont un mineur, il a découpé leurs corps, a mangé leurs coeurs, a bu leur sang. Et soudain, une série sort dans laquelle on vous met une scène où il pleure devant son père en disant "je suis un minable" et évidemment, parce qu'on le suit depuis un moment, on essaie de le comprendre, on s'émeut un peu honteusement. Et c'est monstrueusement grave.

Tout cela participe à la glorification (qui existait déjà avant) des serial killer. C'est un truc très américain d'admirer les meurtriers, mais ça se répand en France depuis un moment.

C'est comme en journalisme : saviez-vous qu'il y a ce qu'on appelle la règle du "mort-kilomètre" ? Plus le meurtre est proche de chez nous, plus l'article sur ce dernier dans le journal du matin va nous fasciner. Ce comportement est donc, je le conçois, humain (d'où l'existence de la fête d'Halloween si on veut aller plus loin), mais on peut le modérer, le contrôler, et ne pas le nourrir avec ce genre de série.

Je n'arrive pas à croire qu'il soit vu comme normal de regarder une série sur la vie d'un serial killer, jusqu'à montrer son enfance. J'ai vu des arguments comme "c'est pour nous montrer son mode de fonctionnement, c'est intéressant", oui mais qu'est-ce qui est intéressant exactement, là-dedans ? Que ferez-vous de ces informations ? Non, ce n'est que du voyeurisme et c'est de la participation décomplexée à la glorification des tueurs en série. Ça devrait s'arrêter à la fiction. Il ne faut pas se voiler la face, "on" (je ne m'inclue pas) aime ça parce qu'on a davantage froid dans le dos que si c'était de la fiction. On adore admirer la souffrance des autres en se disant "quelle chance que ça ne soit pas moi... C'est horrible !" *avale une chips devant sa télévision*

Parce que croyez-moi, si un jour votre mère se fait assassiner pour un nouveau Jeffrey Dahmer, plus jamais vous ne verrez les séries/documentaires sur les tueurs en série du même œil. C'est donc de l'égoïsme pur : je repense à une chroniqueuse de "Touche pas à mon poste !" qui applaudissait Roman Polanski pour J'accuse. On lui a demandé : "mais et si Roman Polanski avait violé votre fille au lieu d'une inconnue, vous seriez quand même allée voir son film ?" elle a bégayé en répétant que cette question était traîtresse. Eh non, ce n'est pas traître, c'est être exposé face à son propre égoïsme.

Cette série, c'est la même chose. Pour continuer de l'apprécier sans se sentir coupable, les spectateurs vont sortir toutes sortes d'excuses afin de continuer à la regarder sans scrupule. Mais si Jeffrey Dahmer avait tué quelqu'un qu'ils connaissaient, ils auraient également tapé dessus. E-g-o-ï-s-m-e.

Si cette série est née, c'est parce que le réalisateur savait très bien que parler d'un réel tueur marche davantage que parler d'une fiction. Pensez à cela. Même si ça relève de la psychologie humaine, même si on n'y peut rien de préférer une histoire vraie que fausse, on peut s'interroger et s'empêcher de donner du crédit à la glorification d'un serial killer par respect pour les familles et surtout, surtout, les victimes.

Imaginez si les victimes voyaient cela. Imaginez seulement. Des gens s'extasier/adorer ou simplement "s'intéresser" à Jeffrey Dahmer au point d'en regarder une série avec des chips dans les mains.

Cette note ne vise pas forcément à vous faire culpabiliser, mais à vous faire réfléchir. Vous n'avez pas besoin de ça pour kiffer un film d'horreur ou une série sur un serial killer. Vous n'avez pas besoin que ce soit une histoire vraie. Vous pouvez totalement vous passer de l'aspect réel de la chose.

Je sais bien que c'est un problème très compliqué, que dans ce cas je devrais m'en vouloir d'aimer Conjuring qui est apparemment une histoire vraie. Mais dans Conjuring, on parle de paranormal. Dans la série sur Jeffrey Dahmer, on parle de véritables meurtres sanglants dont les familles vivent encore et ont pu voir la naissance de cette série très cruelle.

Et encore, je n'ai pas insisté sur l'idée qu'Evan Peters a été peut-être choisi pour ses talents dans American Horror Story mais également pour sa musculature et sa belle gueule. Si vous regardez la série, j'espère que vous aurez autant la nausée que moi devant des scènes comme l'acteur en train de faire de la musculation et de dégouliner de sueur avec un angle de caméra de bas en haut pour accentuer ses jolis biceps et ses abdominaux. Je vous assure que l'intention derrière est flagrante, c'est vraiment choquant.

N'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. Sachez que même si je suis très virulente dans cette note, je reste ouverte à des avis qui sont différents du mien. Je vous lirai avec plaisir mais je préviens qu'il sera cependant impossible de me faire changer d'avis.

Avec tout mon respect envers les familles des victimes ainsi qu'aux victimes elles-mêmes à qui je souhaite de reposer en paix.

Ci-joint, un article qui appuie mes propos et qui reprend ce que certaines familles des victimes ont dit à propos de cette série : https://www.midilibre.fr/2022/09/29/dahmer-la-serie-netflix-sur-le-tueur-en-serie-jeffrey-dahmer-fait-polemique-chez-les-familles-de-victimes-10700251.php ]


Merci pour votre lecture !


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