chapitre unique

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À l'origine, j'ai écrit cette nouvelle pour un concours d'écriture (pje) mais malheureusement je n'ai pas été retenue donc retour sur wattpad. Et à l'origine de l'origine j'avais cette idée pour un os avec yoongi en héros principal donc vous en retrouverez sûrement des influences. Bonne lecture !


***

Le poisson filait dans l'eau, valsant à son rythme à travers les algues et rochers de l'aquarium. Des éclats dorés, créés par la lumière artificielle, se reflétaient ici et là sur ses écailles. Un jeune homme observait et suivait la créature avec son doigt posé contre la vitre. Au bout de plusieurs minutes, il se redressa, un mal de dos commençant à se faire sentir. Puis, sans se préoccuper de rien, il s'étira en baillant quand soudain, une voix le fit sursauter.

« Je ne pense pas vous payer pour que vous vous amusiez avec les poissons et pour que vous bailliez aux corneilles, Yung Shik, prononça d'un ton menaçant son supérieur.
- Ha patron, vous m'avez fait peur ! s'exclama Yung Shik avec un sourire gêné. Il n'y a pas beaucoup de clients à l'animalerie à cette heure-ci en même temps ... Surtout au rayon poissons, ajouta-t-il en murmurant.
- Ce n'est pas une raison ! » hurla le patron en lui tournant le dos.

Il partit à vive allure. Sûrement pour persécuter un autre employé pensa Yung Shik. Il soupira puis s'assit sur un malheureux tabouret abandonné à côté des aquariums.

Plongé dans ses pensées, il ne vit pas sa collègue et fut à nouveau surpris lorsque celle-ci lui sauta littéralement dessus. Elle ébouriffa ses cheveux bruns et, ne pouvant s'empêcher de le taquiner, lui dit d'un ton moqueur :

« Ce n'est pas très sérieux tout ça, mon petit Yung Shik... »

La jeune fille le regardait de ses grands yeux rieurs et avec un sourire lumineux qui révélait deux adorables fossettes.

« C'est ça, moque-toi Sasha, grommela Yung Shik, c'est sûr qu'il y a beaucoup plus de monde au rayon des chiots. Et puis, il faut bien que je m'occupe.
- En jouant avec un poisson ? »

Sasha haussa les sourcils. Elle regarda sa montre et voyant l'heure, elle interrompit son ami qui s'apprêtait à répliquer.

« Il va falloir que je retourne travailler, on a déjà beaucoup trop parlé toi et moi ! » lança-t-elle. Et sans qu'il puisse dire un mot, elle n'était déjà plus là.

Yung Shik ferma les yeux. Son amie l'épuisait, il ne comprenait pas comment elle pouvait avoir autant d'énergie. Cela faisait maintenant deux ans qu'ils se connaissaient. Ils s'étaient rencontrés à l'animalerie et malgré des situations parfois houleuses et leurs caractères diamétralement opposés, un lien solide s'était créé entre eux.

Le reste de la journée se déroula tranquillement, les clients ne se bousculaient pas. C'est avec un bonheur non dissimulé que Yung Shik, une fois son travail terminé, quitta le magasin. Le vent froid du dehors gifla alors ses joues sans aucune pitié. Le jeune homme resserra son écharpe en laine autour du cou. On ne voyait plus que ses yeux bridés. Il marcha rapidement dans les rues de la capitale, pensant déjà au confort et à la chaleur du radiateur de son appartement.

Il arriva dans l'immeuble où il habitait et vit une note spécifiant que l'ascenseur était en panne pour la énième fois. Et pour la énième fois, il monta les escaliers en grognant et en soufflant comme un bœuf enragé.

Une fois arrivé devant la porte, il s'empressa d'entrer et alla se jeter dans son canapé, entamant des retrouvailles dignes de ce nom. Il resta immobile pendant de longues minutes. Après quelques instants, son ventre se manifesta mais Yung Shik n'avait pas la force de se lever ou de se nourrir. Il finit par rouler paresseusement du haut du canapé. Un second gargouillement se fit entendre. Yung se dirigea vers la cuisine et prépara de quoi satisfaire son ventre impatient.

La cuisine n'était pas grande. Son appartement non plus. Il avait aménagé dans un coin du salon un endroit où il composait et enregistrait de la musique. La musique avait toujours été sa passion. Devenir un compositeur célèbre, c'était ça son rêve. Tout le monde voudrait travailler avec lui et chanterait ses chansons. Il avait commencé à jouer du piano alors qu'il n'avait que cinq ans et très tôt, il avait composé des morceaux, écrit des textes. Quand il déplaçait ses doigts fins sur les touches, son esprit s'échappait, il était ivre de bonheur. Le piano était sa passion. Pourtant, vivre de cette passion était loin d'être évident. Alors, avant de pouvoir décrocher le contrat tant attendu qui lui permettrait de se faire connaître, Yung Shik se contentait de cette vie-là, à l'animalerie et dans son appartement. Il soupira à ses pensées. Il avait mal au cœur et désespérait de ne pouvoir jamais réaliser son rêve.

Le lendemain, il se rendit à son travail en traînant des pieds. Il n'était pas encore tout à fait réveillé. Il était très tôt. Il salua ses collègues, se mit au travail et sourit en observant les divers poissons nager dans l'eau. Cela avait le don de l'apaiser. Vers le milieu de la matinée, un client vint l'aborder. C'était un homme assez grand, d'une quarantaine d'années.

« Excusez-moi, dit-il d'une voix grave et tranquille. J'aimerais avoir des conseils sur les poissons rouges. Le mien, Bubulle, vient de décéder. Je voudrais en acheter un autre ou peut-être plusieurs mais j'ai peur qu'il finisse comme le mien. Je suppose que je ne m'en suis pas bien occupé... Pourriez-vous m'aider ? »

Yung Shik fut surpris. D'habitude, les gens qui demandaient des détails sur les poissons rouges étaient des parents exaspérés qui avaient céder à un des innombrables caprices de leur enfant. Quand il les conseillait, Yung Shik pensait au pauvre animal qui finirait dans un simple bocal, sans aucune plante, ou dans les cabinets.

« Monsieur ? » fit le client qui s'impatientait.
Yung Shik sortit de ses pensées. «Excusez-moi, oui bien sûr, répondit-il. Quelle variété aviez-vous? Un poisson rouge commun, un black moor ou peut-être un ryukin ? »

Le client avait l'air perdu et ne semblait pas s'y connaître ou pas autant que Yung Shik dont c'était après tout le métier. Ils discutèrent pendant plusieurs minutes. Yung Shik lui conseilla de prendre un des poissons combattants. Certes, ce n'était pas des poissons rouges mais ils étaient réputés pour être increvables. Le client eut l'air satisfait.

« Merci pour vos conseils, dit-il.
- De rien Monsieur, je ne fais que mon travail, » répondit Yung Shik.

L'homme lui sourit une dernière fois puis partit en direction de la caisse en marmonnant. Le jeune vendeur ne comprit pas de suite l'importance de ces paroles mais au bout de quelques minutes, il écarquilla les yeux et s'empressa de le rattraper. C'était sa chance !

« Attendez ! s'exclama-t-il. Je peux vous aider. Je suis pianiste et j'excelle dans l'art des requiem, donc si vous voulez que je vous en écrive un... pour votre poisson... »

L'homme fronça les sourcils. Il était gêné de voir que Yung Shik l'avait entendu mais en le voyant devant lui, pantelant et les yeux brillants d'espoir, il ne pouvait refuser. Après tout, il ne connaissait personne susceptible d'accepter une telle chose. Qui, en effet, voudrait composer un requiem pour la mort d'un poisson rouge ?

« Vous êtes compositeur ? demanda- t-il alors. Si je m'attendais à ça... Et bien, donnez-moi vos coordonnées pour que je puisse vous recontacter dans ce cas. Et merci encore j'imagine. »

Yung Shik hocha la tête en guise de réponse, lui donna ses coordonnées et le client partit cette fois-ci définitivement.

Le jeune homme passa les heures suivantes, la tête dans les nuages. Le grand sourire qui s'était dessiné sur son visage quand le client prit ses coordonnées ne l'avait pas quitté. Alors qu'il rêvait de pianos et de poissons, Sasha lui sauta dessus, comme à son habitude.

« Coucou toi, dit-elle d'un ton amusé. Tu es dans la lune on dirait... Quelque chose ne va pas ?
- Non non, ça va bien, très bien au contraire ! J'ai aidé un client ce matin, dit Yung Shik enthousiaste.
- Et donc ? On aide des clients tous les jours, non ? »

La jeune fille ne voyait pas où Yung Shik voulait en venir. Aider un client oui, de là à se mettre dans tous ses états... Elle fut encore plus confuse lorsqu'elle vit ce large sourire, bien trop large pour être pris au sérieux, sur le visage du garçon. On le voyait rarement sourire et ce n'était pas faute de le lui avoir reproché.

«Je vais pouvoir composer pour quelqu'un ! s'écria-t-il. Tu te rends compte ? Monsieur Peisson !
- Monsieur Peisson ? dit Sasha qui ne comprenait pas l'excitation de Yung Shik.
- Oui, Monsieur Peisson, le client ! Il cherchait quelqu'un pour composer un requiem pour son poisson rouge mort et je me suis proposé !
- Un requiem pour un poisson rouge ? répéta-t-elle stupéfaite. Quelle idée ! »

Yung Shik ne répondit rien ; il était ravi et n'avait aucune envie de rentrer dans un débat. Cette affaire, c'était sa chance, il avait su la saisir et n'était pas prêt à l'abandonner !

Il passa la soirée à consulter sa boîte mail. Il espérait avoir un message de Monsieur Peisson. Il frétillait sur son canapé et ne cessait d'actualiser la page, scrutant l'écran avec des yeux grands ouverts. Une fois, deux fois, trois fois mais rien, toujours rien. Yung Shik ne perdait pas espoir et se pinçait les joues pour rester éveillé. Au bout de quatre heures, il s'endormit, la lumière de l'écran éclairant son visage.

Le lendemain matin, il se réveilla, grognon, et le corps ankylosé. Sans tarder, il alluma son ordinateur et actualisa la page, le cœur gonflé d'espoir. Il avait un message ! Sa gorge se serra. Il sourit. Monsieur Peisson l'avait recontacté et lui précisait la façon dont il voulait qu'il procède avant de le remercier à nouveau pour son aide.

Yung Shik se mit de suite à la tâche. Il travailla pendant une heure puis il fut temps de partir au travail. Arrivé à l'animalerie, il ne songeait plus qu'au requiem. Son patron, vous vous en doutez, le rappelait à l'ordre quand il voyait le jeune homme rêvassait.

Cependant, depuis que Monsieur Peisson lui avait confié cette mission, Yung Shik ne s'affalait plus sur le canapé. Le soir, en rentrant, il travaillait sans relâche, pianotant frénétiquement sur son clavier à la recherche de la mélodie parfaite et notant dans un carnet les idées qui lui plaisaient. Il aurait préféré jouer sur un vrai piano de vrai professionnel, un piano à queue, noir, mais il n'avait pas assez d'argent pour s'en acheter un. Il devait donc se contenter d'un clavier électrique.

Les jours de la semaine se succédaient ainsi quand le weekend arriva. Penché sur son bloc-notes, Yung Shik fronça les sourcils. Quelque chose n'allait pas. Il n'avait plus d'inspiration mais la date fixée par son client approchait rapidement. Il fut pris de panique. Il devait composer et cette obligation le paralysait. Il essaya diverses techniques pour se calmer et alla jusqu'à plonger son appartement dans le noir le plus total. D'après un site internet qu'il avait consulté, l'obscurité devait faciliter l'inspiration artistique et la musique viendrait toute seule ; elle « résonnerait » comme ils disaient. Mais rien n'y fit et toutes les fois où Yung regardait son clavier ou son carnet, l'angoisse redoublait. Après une journée plutôt intense, il s'endormit, épuisé.

Ce fut la sonnerie de l'entrée qui le réveilla en sursaut le lendemain. On était dimanche matin. Désorienté, Yung Shik regarda autour de lui. La sonnerie retentit à nouveau. Il ouvrit la porte en se frottant les yeux.

« Yung Shik ! cria Sasha. Je nous ai pris des croissants, tu me laisses entrer ? »

Yung n'aimait pas la compagnie des gens le matin, il n'aimait pas la compagnie des gens tout court d'ailleurs mais l'enthousiasme de Sasha finissait toujours par avoir raison de lui. Il la laissa donc entrer.

« Sasha... Qu'est-ce que tu fais là ?
- Tu n'es pas content de me voir ?
- Si mais quand tu viens me voir, quand tu viens ici chez moi et surtout avec de quoi
manger, c'est que tu as quelque chose à me demander. Alors vas-y, je t'écoute...
- Ce n'est pas mon genre voyons ! dit-elle d'un air faussement choqué. »

Yung Shik leva les yeux au ciel. Il connaissait Sasha par cœur, elle le savait et il ne se lancerait pas dans un débat. Il alla s'asseoir sur le canapé. Sasha le suivit, la poche de croissants à la main. Une fois assise, elle reprit d'un ton grave :

« Plus sérieusement, si je suis venue, c'est parce que je te connais. Dès que tu travailles sur quelque chose qui te tient à cœur, tu ne sais pas t'arrêter. Puis tu paniques et plus rien ne vient. Alors voilà, je suis passée ce matin parce que je t'ai observé toute la semaine au travail et je m'inquiète... J'ai raison n'est-ce pas ? »

Il écarquilla les yeux puis les baissa rapidement : elle avait entièrement raison. Elle-aussi le connaissait par cœur. Il ne répondit rien et se contenta de hocher la tête.

« Yung Shik..., dit-elle doucement. Je ne t'en veux pas, je veux juste que tu fasses plus attention à toi. Tu ne vas quand même pas te rendre malade pour un requiem ! »

En entendant le mot « requiem », Yung Shik s'échauffa.

« Je ne peux pas m'en empêcher, Sasha, et puis tu ne comprends pas, ce requiem est ma chance ! C'est grâce à lui que je vais pouvoir réaliser mon rêve ! La musique est tout pour moi ! »

C'est à ce moment que Yung Shik raconta à son amie comment lui était venue cette passion. Sa mère avait toujours aimé le piano. Tous les soirs, elle jouait dans la pièce à côté du salon et Yung Shik la regardait avec des yeux émerveillés. Alors qu'il n'avait que cinq ans, elle mourut. La pièce fut alors associée à des souvenirs douloureux et le père de Yung Shik en interdit l'accès. Mais un jour, le garçon, n'y tenant plus, poussa la porte de ce lieu interdit. Il redécouvrit le piano de sa mère. Les touches jaunies par le temps semblaient l'appeler, le supplier presque de venir les toucher. Le garçon ne put résister et actionnant les touches, il brisa le silence morbide qui régnait dans la pièce depuis tant d'années.
Le piano était son amour, son ami, son confident, et surtout, son échappatoire. Il trouvait dans la musique un certain réconfort, presque maternel, qu'il ne trouvait pas ailleurs. La musique devint son langage. Il aimait transmettre ses émotions et les émotions des autres à travers des notes. Alors, même si ce n'était qu'un poisson rouge, Yung Shik était déterminé à écrire le plus beau des requiem.

Il confia tout cela à Sasha qui ne put cacher son émotion mais elle ne comprenait pas, pourquoi il ne lui en avait pas parlé avant. Yung Shik aimait avoir son jardin secret sans doute.

Pourtant, cette confession lui fit beaucoup de bien. Il fut de nouveau inspiré. Tous les jours, après le travail, lui et Sasha rentraient à l'appartement pour avancer dans l'écriture du requiem. Sasha l'aidait du mieux qu'elle pouvait : elle riait, faisait des blagues, improvisait parfois des pas de danse solennels. Elle n'entendait pas jouer Yung Shik sérieusement mais était certaine qu'il était doué au vu de la passion qui l'animait. Quant à Yung Shik, la bonne humeur de Sasha le rendait heureux et efficace. Le soir, ils improvisaient des dîners. La conversation qui était centrée sur le requiem finissait toujours par dévier sur des sujets plus légers. Ils se chamaillaient gentiment et se rapprochaient l'un de l'autre.

Un soir, Sasha resta dormir. Soudain, un cri retentit dans l'appartement. Elle se réveilla en sursaut, le cœur battant à tout rompre.

« Yung Shik ? » murmura-t-elle, peu rassurée.

Il faisait noir. C'était difficile pour elle de distinguer la silhouette de Yung Shik.

« Yung Shik ? » reprit-elle.

Subitement, deux mains lui saisirent violemment les épaules.

« Sasha ! Je l'ai fini !
- Ah mais tu es fou ma parole ! hurla-t-elle.
- Je pensais que tu allais être contente ... Je l'ai fini !
- Bien sûr que je suis contente mais tu m'as fait une de ces peurs ! Quelle idée de crier comme ça en plein milieu de la nuit !
- Pour une fois que c'est moi qui te saute dessus...
- Ok, un point pour toi, dit-elle en faisant la moue. »

Il sourit, de ce sourire béat qu'il avait eu quand le client lui avait confié cette mission à l'animalerie.

« Tu l'as donc fini ? dit-elle enthousiaste. - Oui !
- Fini, fini ?
- Fini de chez fini ! »

La jeune fille poussa un cri de joie puis ils se prirent dans les bras. Yung Shik avait accompli la mission.

« Je n'y serais jamais arrivé sans toi Sasha », dit le jeune homme en regardant son amie droit dans les yeux.

Sasha rougit. Yung Shik, surpris par l'intensité du moment, rougit à son tour. Un ange passa. Ils ne reparlèrent jamais de ce qui se passa cette nuit-là.

Trois jours plus tard, Yung envoya le requiem à Monsieur Peisson après avoir fait quelques retouches. Il était ravi et lui proposa de venir le jouer lors de l'enterrement de Bubulle. Yung Shik, enchanté, accepta la proposition. La cérémonie promettait d'être drôle. Yung Shik entendait déjà le rire de Sasha quand il lui proposerait de l'accompagner à l'enterrement... d'un poisson !

Pourtant, depuis la fameuse nuit où elle était restée dormir chez lui, Sasha l'évitait et quand ils se croisaient à l'animalerie, elle avait toujours quelque chose à faire. Mais l'enterrement était dans deux jours et Yung Shik était bien décidé à y aller avec elle et à rompre le malaise.
Il alla voir Sasha qui était en pause. Il avait choisi ce moment car elle ne pourrait pas trouver d'excuse.

« Bonjour Sasha...», dit-il en s'approchant d'elle.

Elle l'observa pendant une seconde, soupira puis, le fuyant du regard, répondit :

« Yung Shik, ma pause est finie... Je dois y aller.
- Sasha, je sais que tu m'évites. Ça ne peut plus durer et même si c'est difficile à imaginer, tu me manques. J'aimerais que tu m'accompagnes à l'enterrement de Bubulle. C'est dans deux jours. »

Elle ne put s'empêcher de sourire et fit oui de la tête.

Le jour des funérailles arriva. Le jeune homme revêtit un sobre costume noir. Il passa prendre Sasha devant l'animalerie et ils se rendirent au 10 avenue du Havre.
Monsieur Peisson était le propriétaire d'un somptueux domaine. Yung Shik et Sasha s'émerveillèrent. Un homme leur ouvrit la porte et les conduisit dans le salon où toute la famille, réunie en ce jour qui semblait si important, les attendait. Seule Madame Peisson n'avait pas l'air affectée par la situation. Elle trouvait cela ridicule mais jouait le jeu par amour pour son mari. Elle salua Yung Shik tandis que les enfants s'approchaient déjà de Sasha. Quand il y avait des enfants à l'animalerie, ils allaient toujours vers elle. Sa bonne humeur et son sourire étaient contagieux et elle adorait faire le pitre. Monsieur Peisson, lui, était triste. En voyant arriver Yung Shik, il sourit poliment, remercia à nouveau son nouvel ami d'avoir composé le requiem, le serra dans les bras puis retourna à ses prières.

Après quelques minutes, on se dirigea dans la véranda. Des groupes s'étaient formés ici et là, attendant le début de la cérémonie. Notre musicien fut surpris de voir autant de monde. Il appréhendait. Ça y est, le moment tant attendu était arrivé. Il allait jouer et ce serait sans doute le début de sa carrière ; Jung Yung Shik, pianiste et compositeur !

Il serra nerveusement la main de Sasha dans sa main gauche et la pochette contenant les partitions dans sa main droite. Son amie lui passa la main dans le dos. La regarder dans sa ravissante robe noire suffisait à l'apaiser.

« Ça va aller Yung Shik, murmura-t-elle. Ils vont t'adorer ! Tu es un passionné, toi seul sait comment jouer ce morceau que tu as composé. Tu n'as pas fait tout ça pour rien quand même ! Allez, le piano n'attend que toi, montre ton talent à tout le monde ! »

Il lui rendit un sourire crispé. Il était si reconnaissant des efforts qu'elle avait faits et qu'elle faisait encore pour le réconforter.
Un bruit de micro retentit. Le silence se fit.

« Je vous remercie tous d'être venus pour rendre un dernier hommage à Bubulle. Feu Bubulle n'était qu'un poisson rouge mais ce n'était pas n'importe quel poisson rouge, il était plus que ça. C'était mon fidèle compagnon. Alors je m'adresse à toi, Bubulle, J'espère que tu trouveras ta place là-haut, dans le ciel, et même si tu n'es plus là, tu auras toujours une place spéciale dans mon cœur. Adieu Bubulle. »

Monsieur Peisson prononça ses paroles d'un ton solennel. Il tenait l'écrin en soie blanche dans lequel était Bubulle et il avait les joues baignées de larmes. Il s'essuya avec un mouchoir, lui-aussi en soie blanche, puis tout le monde applaudit.
Nous nous avançâmes sous la rotonde, dans le jardin. Tout avait été préparé. On avait dressé la table. Il y avait des petits fours, des gourmandises, des boissons, de quoi nourrir un régiment.

A côté, un mausolée avait été érigé en l'honneur du poisson. Monsieur Peisson s'avança vers le mausolée, déposa l'écrin dans le trou que l'on avait creusé et recouvrit le tout de terre avant que deux de ses proches, sans doute ses frères, ne vinssent apposer la plaque en marbre.

Plus loin, on distinguait entre deux feuillages, un magnifique piano à queue noir, un vrai piano pour un vrai artiste. Monsieur Peisson fit signe à Yung Shik de venir s'asseoir. C'était son tour.

Ses pas le menèrent lentement jusqu'au majestueux piano. Il sentit le regard encourageant de Sasha et prit confiance. Il s'assit, inspira profondément, et laissa ses mains en suspens au-dessus des touches pendant quelques instants.

La mélodie commença, délicate et triste, avant de s'accélérer. Sasha dévorait Yung Shik du regard. Malgré toutes ces heures passées ensemble, elle ne l'avait jamais vraiment entendu jouer le requiem, quelques notes tout au plus mais c'était tout. Elle sourit d'excitation. Au bout d'une minute, elle avait perdu son sourire. C'était une blague ? Hélas non. C'était bien Yung Shik qui jouait ainsi. Elle qui espérait entendre un requiem magnifique et émouvant, fut déconcertée. Après l'avoir écouté débattre pendant des heures sur sa passion pour cet instrument, elle s'attendait à tout mais pas à ça.

Les notes qui résonnaient étaient fausses et pour Sasha, comme pour les autres membres de l'auditoire, c'était un véritable supplice.

Il était sans doute difficile de trouver plus passionné que Yung Shik mais la vérité était qu'il ne savait pas jouer du piano convenablement. Yung Shik était un pianiste ou plutôt, pensait en être un.

Et tandis que Sasha se livrait à ces réflexions, elle imagina le pauvre Bubulle se retourner dans sa tombe.

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