- 6 - Les Fleurs du Mal

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Ce chapitre contiendra 2 illustrations. Mais une est déjà débloquée. Celle qui reste donc pourra être visible dès que 25 personnes auront cliqué sur l'étoile ^^



Le reste du trajet se fit dans le silence. Il faisait vraiment beau et la matinée était des plus calmes. Le soleil se réverbérait sur les vaguelettes de la plage, dont le léger ressac parvenait aux oreilles des garçons.

Ezarel angoissait secrètement. L'emprise que Nevra avait sur lui et le pouvoir que lui avait donné Miiko sur son avenir le terrorisait. C'était son ami. Il était tenté de se dire qu'il pouvait lui faire confiance, mais d'un autre coté, il le connaissait trop bien pour savoir qu'il n'aurait aucune pitié pour lui.

Après tout, c'était peut-être ce qu'il lui fallait. Quelqu'un qui n'aurait pas pitié de lui, qui l'obligerait à se comporter comme si cette phobie n'existait pas. Comme il était parvenu à s'en convaincre avant qu'Erika ne le touche un peu trop. Un frisson le parcourut lorsqu'il s'imagina se laisser approcher par des inconnus. C'était juste répugnant. Il tolérait Nevra, c'était vrai, mais il le connaissait depuis de nombreuses années à présent, et puis le Vampire avait cette audace et cette attitude provocatrice que d'autres n'osaient pas se permettre d'avoir avec lui.

Arrivés au bord de la falaise, face à la mer, Ezarel s'autorisa une pause pour humer l'embrun marin. L'air pur, loin de la cité, lui faisait le plus grand bien.

- Les épices qu'a commandé Karuto sont les pistils d'une petite fleur qui pousse ici, dans les roches de la falaise, expliqua-t-il à Nevra. Elle est blanche et ses pétales s'élèvent en forme d'hélice.

Les garçons se mirent donc sans plus tarder à la tâche. Nevra tenta bien de débuter une conversation, mais Ezarel le recentra à chaque fois, bien trop concentré pour discuter.

- Les pistils sont très fragiles, lui expliqua l'Elfe. Si tu ne les tire pas de la bonne façon, le goût est atténué et Karuto ne sera pas satisfait.

- Je ne pensais pas que tu te soucierais de sa satisfaction, remarqua Nevra.

- Si ça peut m'éviter de me prendre une soufflante, je peux me soucier de beaucoup de choses.

Sur quoi, l'Elfe préféra se murer dans le silence pour travailler. Après avoir rempli l'équivalent d'une bourse de la taille d'un poing, Nevra proposa de rentrer mais Ezarel ne semblait pas être du même avis.

- Pour qu'il me renvoie faire sa cueillette dans une semaine ? s'insurgea Ezarel. Certainement pas ! Je veux m'assurer qu'il en ait assez pour un moment.

Mais déjà, son ventre se mit à gargouiller et il regretta amèrement de ne pas avoir pris le temps de manger le matin. Pourtant il n'était pas tard. Le déjeuner ne serait que dans une ou deux heures, tout au plus. L'Elfe se frictionna l'estomac pour calmer les grognements et reprit là il s'était arrêté.

Cependant, les grincements organiques n'échappèrent pas à Nevra et il tenta une approche :

- Ça te ne ressemble pas de louper les repas.

- Rien de ce que je fais et ne fais pas dernièrement ne me ressemble, de toute façon, répondit amèrement l'Elfe en privant une jolie petite fleur de ses pistils.

- Quand bien même... tu m'inquiètes, avoua Nevra en braquant son regard anthracite sur son ami.

- Te fiche pas de moi, ce serait nouveau que tu t'en fasses pour moi.


Nevra ne rétorqua pas et se concentra de nouveau sur la mission qui leur avait été confiée. Il se mit en tête que s'il ramassait suffisamment de ce précieux nectar et assez vite, ils rentreraient plus tôt et Ezarel pourrait manger un bout.

Une longue heure de plus s'écoula et le soleil de plomb se faisait toujours plus pesant. Nevra gardait son compagnon à l'œil et s'assurait d'avoir une cueillette productive pour mettre fin à ce calvaire au plus vite.

- On devrait vraiment rentrer, proposa encore le Vampire, en voyant son ami se tenir le ventre en vacillant.

Ezarel avait la tête qui tournait. Le soleil et le manque d'énergie ne l'aidaient pas à garder les idées claires. Cependant, il refusa catégoriquement de partir. Ce ne fut que quelques instants plus tard, quand sa vue se troubla et que des nausées lui firent cramper l'estomac à cause de la faim qu'il s'autorisa une petite pause. L'Elfe posa un genou à terre et apposa son front sur son autre genou.

- Ça va aller ? s'enquit Nevra en effleurant l'épaule de son ami, pour lui faire savoir qu'il se tenait à son coté en cas de besoin.

- J'en sais rien, admit Ezarel d'une voix embrumée. J'ai l'impression d'avoir été mis dans ma centrifugeuse.

- Ouais... t'es pas en forme. On devrait rentrer cette fois, insista Nevra.

Ezarel hocha de la tête, vaincu. Le creux dans son estomac laissait place à des spasmes abdominaux douloureux et le soleil lui tapait sur le crâne. La réverbération de ses rayons sur l'eau en contrebas avait dû accentuer l'insolation. Ezarel ignora la main tendue de Nevra pour se relever par ses propres moyens. Il n'était tout de même pas infirme !

Lorsqu'il se redressa, l'Elfe fut pris d'un violent vertige et sentit la terre tourner autour de lui. Il écarta les bras pour se stabiliser mais c'était comme si un petit malin s'amusait à secouer le plancher des Moogliz. Soudain, le ciel et les nuages descendirent vers le sol. Les jambes d'Ezarel lâchèrent sous son poids et en tentant de se rattraper, l'Elfe fit un pas de trop sur le coté. Le terrain s'effrita et il chuta du bord de la falaise.

Tout ce dont il se souvint avant que ses paupières ne se ferment, fut la main de Nevra qui se refermait solidement sur son bras. Il n'eut même pas le temps de penser au dégoût que pourrait provoquer un tel contact, qu'il était déjà dans les vapes.

Quand il fut en mesure de soulever une paupière, il fallut un instant à Ezarel pour comprendre que le tangage qu'il ressentait était le rythme de marche de Nevra. Il voulut se redresser mais n'en n'eut pas la force. Ses bras fourmillaient et il ne sentait déjà plus l'extrémité de ses membres.

Sa bouche était pâteuse, il avait le cœur au bord des lèvres et la tête coincée dans un étau. Vraiment, il ne se sentait pas bien. La diète couplée au soleil n'avait pas épargné l'Elfe déjà sur les nerfs.

Nevra sentit son compagnon se réveiller et s'empressa de le rassurer.

- Je t'ai rattrapé, Ez'. Ça va aller. Je t'emmène à l'infirmerie.

- ... laisse-moi descendre... articula difficilement Ezarel.

- Tu ne serais même pas capable d'aligner deux pas tout seul ! lui fit remarquer Nevra. Tu es sur mon dos, dis-toi que c'est toi qui me touches et pas l'inverse. Tiens le coup, mon vieux.

Contraint d'admettre qu'il n'avait pas la force de se débattre, Ezarel capitula. Ses bras ballants retombaient contre le torse de Nevra, lui permettant d'avoir une prise au cas où il glisserait. Honteux, Ezarel se laissa porter en espérant qu'il n'y aurait pas trop de monde sur le chemin jusqu'à l'infirmerie.

Qu'est-ce que les autres allaient dire de lui ? Et Nevra ? Qu'allait-il penser de lui ? Ezarel détestait se retrouver dans ce genre de situation, où il était obligé d'admettre sa faiblesse. Sa phobie était un réel handicap pour lui et les évènements de ces dernières semaines n'avaient rien fait pour l'aider. Il avait été mis à mal psychologiquement par sa rétrogradation et par l'incompréhension de Miiko à son égard. Et physiquement, il était épuisé. Il crapahutait toute la journée et en oubliait régulièrement de se nourrir. Cela pouvait se voir d'ailleurs à ses joues creuses et ses clavicules saillantes. L'Elfe dépérissait et cela ne passait pas inaperçu. Même si Nevra l'avait remarqué, il avait préféré ne rien dire. Souligner sa maigreur n'aurait fait qu'accentuer l'embarras de son ami et il ne souhaitait rien de plus que l'aider.

Noyé sous la honte, Ezarel apposa son front entre les omoplates de Nevra. Ainsi espérait-il se cacher aux yeux de tous. Il fut par ailleurs surpris de constater la chaleur que dégageait le Vampire. Il le pensait froid, mais il n'en était rien.

Même si le contact en lui-même n'était pas vraiment plaisant, cette chaleur lui était agréable. Il se garda bien de le dire à voix haute, par contre, déjà qu'il se culpabilisait de le penser. Sans s'en rendre compte, l'Elfe referma ses doigts sur l'écharpe de Nevra et enfouit son visage à la base de sa nuque. Les cheveux bruns du Vampire lui chatouillaient le nez mais il se sentit étrangement en sécurité, entouré ainsi de l'aura de Nevra.

L'angoisse de la situation se dilua peu à peu dans cette alcôve chaleureuse. Ezarel sentait presque le cœur du Vampire battre à travers son dos, à moins que ce ne soit les échos de leurs organes à tous les deux, battant à l'unisson.

Avant de s'en rendre compte, Ezarel s'endormit, son souffle saccadé effleurant l'échine du Vampire. A moins qu'il n'eut perdu connaissance, une fois de plus.

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