Chapitre 13

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Océane

— Est-ce qu'il vit dans un manoir ? Je suis sûre qu'il vit dans un manoir. Il a le regard d'un mec qui vit dans un manoir.

Sur le point de jeter ma dernière valise à vider sur le lit que j'occupe provisoirement, je m'arrête net dans mon mouvement. Mes mains, enroulées autour de la poignée, la relâchent et glissent le long de mes jambes. Je lance un regard interloqué en direction de mon téléphone, coincé entre deux oreillers. Je suis en plein face-time avec Malia. Tout en se maquillant joyeusement, la serveuse me noie de questions de toute sorte, sa curiosité jamais pleinement satisfaite malgré mes efforts pour la nourrir. Je me demande comment elle fait pour avoir autant d'énergie dès le matin. Alors que je suis encore à moitié-endormie, l'esprit dans les vapes et les paupières tombantes, elle, elle, croque la vie à pleine dents, toujours avec son fameux sourire qui lui ronge la quasi-totalité du visage.

Je m'installe sur le matelas, les cuisses encore douloureuses de la veille plaquées contre ma poitrine, et m'empare de mon téléphone.

— Est-ce que tu peux répéter ? plus lentement ? Mon cerveau ne veut pas coopérer ce matin.

Et je ne crois pas qu'il sera apte à coopérer plus tard non plus. Je me suis réveillée avec un horrible mal de crâne, du genre qui nous donne envie de mourir afin d'abréger nos souffrances. C'est comme si des dizaines de tambours résonnaient à l'intérieur, toujours plus fort, toujours plus douloureux. Mes tempes me lancent, je suis d'une humeur massacrante et ma tête pèse une tonne ; c'est à peine si je réussis à soutenir son poids. Pourtant, hier j'allais plutôt bien. Peut-être que la fatigue et le stress ont finalement eu raison de moi.

Sur l'écran, Malia lève les yeux aux ciel et applique une couche de mascara sur ses cils.

— Je t'ai demandée si Xavier vivait dans un manoir.

— Non. Dans un appartement.

J'attache mes cheveux à l'aide de l'élastique à mon poignet.

— Est-ce que son appartement est aussi miteux que le mien ?

Je baisse les bras.

— Il n'y a rien de plus miteux que ton appartement, Malia.

Je reprends mon portable et lui offre un sourire narquois, auquel elle répond par une grimace. La serveuse agite un doigt accusateur dans ma direction et commence à me lister tous les points positifs de sa modeste demeure, mais je ne l'écoute pas. Elle ne devient qu'un bruit de fond tandis que mon cerveau, arrivé au bout de ses capacités, se déconnecte complètement. Je me contente de l'observer, silencieuse. Moins de vingt-quatre heures se sont écoulées depuis notre séparation et, malgré tout, elle me manque. Beaucoup. Je ne regrette pas ma décision, cependant. Au fond, je sais que c'était la bonne chose à faire, que ça sera autant bénéfique pour Xavier que pour moi. Ainsi, je pourrais garder un œil sur lui, creuser un peu pour dissiper le mystère qu'il représente et, en contrepartie, il me permet de rester le plus loin possible de ma mère jusqu'à ce que je trouve une solution.

Il n'empêche qu'être éloignée de Malia, l'une de mes seules amies avec Lucie, me fait comme un pincement au cœur. J'ai la désagréable impression d'être incomplète, d'avoir perdu un fragment assez conséquent de mon âme. C'est une sensation étrange.

— Et puis, enchaîne Malia en finalisant son trait d'eye-liner, avec la petite taille du salon, il est beaucoup plus facile de voler de la nourriture à son voisin de canapé. Et ça, ma très chère lueur d'espoir, c'est un argument non-réfutable.

J'abandonne ces pensées moroses dans un coin de mon esprit pour me réintéresser à la blonde.

— Évidemment. Comme si la nourriture de Lucie étai... commencé-je avant de me taire brusquement.

Tel un animal à l'affut, je tourne la tête vers la droite, tous les sens en alerte. Quelqu'un vient de toquer à la porte. Non, pas quelqu'un, me dis-je en pinçant des lèvres. Xavier vient de toquer à la porte.

J'ai vingt-quatre ans et, pourtant, ça ne m'empêche pas de me comporter comme une vulgaire adolescente confrontée à sa toute première situation que l'on pourrait juger de délicate. Dans sa prison d'ivoire, c'est une danse endiablée qu'interprète mon cœur. Ma respiration accélère légèrement, la rendant saccadée.

Hier, lors du trajet pour venir ici, Xavier et moi n'avons pas échangé le moindre mot, chacun plongé dans ses pensées les plus profondes, à ruminer dans son coin. Moi, je pensais à ma mère, lui devait réfléchir à ma phobie. Petit à petit, un malaise s'est installé entre nous, si étouffant que nous n'arrivions même plus à s'échanger ne serait-ce qu'une œillade sans détourner le regard dans la seconde qui suivait.

Maintenant, l'idée de le confronter m'effraie. Sans que je puisse expliquer pourquoi, une énorme boule d'angoisse vient me peser dans le creux du ventre. La nervosité, ce stupide sentiment d'appréhension, s'enroule autour de moi comme le ferait un python avec sa proie. D'un coup sec, il m'étouffe. Les garçons et moi, ça n'a jamais débouché à une jolie histoire, du genre qu'on raconte à nos enfants quand vient le temps d'aller au lit. Cœurs brisés, trahisons, tromperie, manipulation, perte de confiance envers le sexe opposé ; on est bien loin du conte de fées habituel. Et j'ai peur que Xavier ne déroge pas à la règle.

Il toque à nouveau à la porte.

Je tourne un visage complètement terrifié vers Malia et lui demande à mi-voix quoi faire.

— Arrête de paniquer, ce serait un bon début, glousse-t-elle en souriant légèrement. Maintenant, tu te bouges et tu vas ouvrir cette porte!

Son ton est beaucoup trop joyeux à mon goût.

— Ça fait huit plombes qu'il attend, raille mon amie en remarquant que je n'ai toujours pas bougé.

Je l'intime de se taire dans un souffle et m'approche de la porte, que j'ouvre avant d'y réfléchir. Xavier apparaît dans mon champ de vision. Quand nos regards se captent, un sourire vient étirer ses lèvres, et je sens les miennes l'imiter.

— Tu dormais ?

— Non, je dois être réveillée depuis deux bonnes heures.

— Cool.

Il hoche la tête et c'est ainsi que notre discussion s'achève. Avec qu'une vingtaine de mots au compteur, trois phrases, deux inspirations, une main passée dans les cheveux et des bras croisés sur le torse. C'est tout. Nous avons passé plus d'un an à se parler par le biais des messages, à s'échanger des textos à n'importe quelle heure de la journée, à se chicaner, à se rabibocher, à rire, à détester l'autre personne et, pourtant, maintenant que nous sommes face à face, la parole nous manque.

— Vous me faites de la peine.

La voix de Malia résonne dans ce silence pesant qui commençait progressivement à prendre ses marques. En fait, elle résonne avec tant de force qu'elle me ramène sur terre, stoppant ainsi mon remue-méninge. Je baisse la tête vers le téléphone au même moment que Xavier, lui avec un air plutôt amusé, moi avec un visage complètement mortifié. Elle était censée se montrer discrète...

— Salut Malia ! lui lance-t-il, un énorme sourire plaqué sur le visage.

— Si ce n'est pas mon client préféré ! roucoule-t-elle en se penchant vers nous. Comment vas-tu depuis la dernière fois ?

— Mieux.

Ils continuent à s'échanger quelques banalités, à converser joyeusement, ma présence complètement effacée de leur mémoire respective. Soudain, je me surprends à être envieuse de leur naturel. Ils parlent comme s'ils se connaissaient depuis des années alors qu'il n'en est rien. Xavier semble à l'aise avec Malia et vice-versa. Alors qu'avec moi, il est toujours un peu tendu, à prendre des précautions, sûrement de peur de me brusquer.

— Tu as intérêt à revenir au restaurant ! s'exclame alors Malia. Tes pourboires me manquent.

Légèrement, Xavier rigole et ce son me prend aux tripes. Il est encore capable de rire. Peut-être n'est-il pas aussi brisé que je le pensais. Parce que moi, à l'époque, je n'arrivais pas à rire. C'était trop dur.

— Ce n'est pas que je n'aime pas discuter avec toi, Malia, mais j'étais venu chercher Océane pour qu'elle vienne prendre le petit-déjeuner avant qu'il ne refroidisse. Enfin, si elle a faim.

Surprise d'entendre mon prénom, je relève le regard. Xavier me fixe, des questions plein les yeux.

— Euh, oui, bredouillé-je en sentant mes joues virer au cramoisie. J'ai faim.

Encore et toujours sur mon écran, Malia sourit bizarrement, son regard naviguant de Xavier à moi. Elle clappe finalement dans ses mains.

— De toute manière, je dois y aller. On va visiter de nouvelles maisons avec Lucie. Il semblerait que la mienne soit trop miteuse pour qu'on y vive. Au revoiiiir !

Je retiens de justesse un gloussement et lui dis au revoir avant de me tourner avec Xavier.

— Est-ce que tu aurais aussi quelque chose pour les maux de tête ? Je vais exploser.

Je tente d'adopter le ton léger de mon amie, mais me rends rapidement compte que ça sonne complètement faux avec moi. Je ne suis pas aussi douce que Malia.

Xavier opine du chef.

— Je dois bien avoir un truc. Viens.

C'est ainsi que nous atterrissons dans sa cuisine – une sublime pièce toute en simplicité. Il m'invite à m'asseoir sur l'un des tabourets de l'îlot central tandis qu'il part trifouiller dans les tiroirs, à la recherche d'un comprimé à me donner.

— Si tu n'en as pas, ce n'est pas grave. Je crois pouvoir survivre, lui dis-je en me tournant vers lui.

Il sort la tête d'un placard qu'il met sens dessus dessous depuis au moins cinq minutes.

— J'étais sûr d'en avoir pourtant.

Il pince des lèvres et une expression de pure déception vient s'imprimer sur ses traits, comme s'il avait l'impression d'avoir failli quelque part. Il finit par hausser des épaules, me dit que me remplir l'estomac pourrait peut-être me guérir de mon mal de tête et me propose d'aller acheter des cachets plus tard si, vraiment, ça ne part pas. J'opine du chef, un peu attendrie par toutes ces attentions.

Mon colocataire dépose une assiette d'œufs brouillés devant moi et se serre un bol de céréales. À l'instar d'hier, nous restons silencieux, chacun plongé dans son propre univers. J'aimerais bien y mettre un terme, mais les mots me manquent. J'ignore quoi lui dire. Il y a une grande différence entre lui parler virtuellement qu'en réalité. Derrière mon écran, j'ai le temps de réfléchir. Là, tout est spontané. Je ne peux pas effacer mes paroles d'une simple touche.

— Tu connais Malia depuis longtemps ? me demande tout à coup Xavier, me faisant lever les yeux vers lui.

Je fronce les sourcils.

— Un an à tout casser. Je crois qu'elle t'a déjà raconté que je n'étais pas super sympa avec elle au début. J'ai passé plusieurs mois à l'ignorer avant de la laisser m'approcher. Je crois qu'elle et moi sommes amis depuis huit mois à peine. Vraiment, j'en ai aucune idée.

La bouche de Xavier forme une moue amusée.

— Je suis encore choqué quand j'entends quelqu'un dire que tu es sympa.

Ma bouche à moi se tord d'une grimace tandis que mes joues s'échauffent. Moi aussi, ça m'étonne encore, ai-je envie de lui avouer. J'ai l'impression que l'accident a fragmenté ma vie. Il y a un avant l'accident et un après l'accident. Avant l'accident, j'étais clairement une peste, la méchante dans les contes de fées, qui ne veulent que faire du mal sans penser aux répercussions, car elle n'en a rien à foutre. Après l'accident, il y a quelque chose qui a changé. J'ai compris que la vie ne tenait qu'à un fil et que, comme fleuraison d'un cerisier, elle était éphémère. Un faux pas et pouf, elle se terminait.

Dans les premiers mois qui ont suivi l'accident, je n'étais pas méchante, mais pas gentille pour autant. J'étais bloquée dans un entre deux, à me soigner de mes blessures, autant physiques qu'émotionnelles. J'ai préféré repousser les gens plutôt que les lancer entrer dans ma vie, de peur qu'ils s'en aillent par la suite. Malia m'a aidée à comprendre que ma méthode était tout sauf efficace. En essayant de me protéger, je me faisais du mal.

Je prends morceau d'œuf et le porte à ma bouche :

— Va falloir t'y faire, Xavier. Maintenant que nous sommes colocataires, tu verras à quel point je suis sympa.

— Sympa au point de faire ma lessive ?

Je lève les yeux au ciel.

— Pas à ce point, n'exagérons pas.

Il éclate de rire et je souris. Nous terminons de manger en échangeons quelques banalités et, pour la première fois depuis le merdier avec ma mère, je me sens bien. Je me lève pour laver mon assiette, mais Xavier m'intercepte à la dernière seconde. Il me la prend des mains et la range dans le lave-vaisselle après l'avoir rapidement rincée, y ajoutant ensuite son bol.

— Ton mal de tête est passé ou pas ? me demande-t-il en attrapant un linge pour se sécher les mains.

Une mèche brune lui tombe devant les yeux et j'enfonce mes poings dans les poches de mon jean pour éviter de la coincer derrière son oreille.

Je hausse des épaules pour répondre à sa question :

— Toujours aussi présent.

Xavier fronce du nez et marmonne quelque chose à propos d'une pharmacie dans un centre commercial pas trop loin d'ici. Il jette le morceau de tissu par-dessus son épaule et s'empare de ma main. Je sursaute, surprise par ce contact fortuit. Il me traîne jusqu'à son salon et m'oblige à m'installer dans son canapé. Je ne discute pas et obtempère, les sourcils froncés.

— Qu'est-ce que tu fais ? lui demandé-je en l'observant sourire comme s'il s'apprêtait à faire un mauvais coup.

On dirait vraiment un enfant.

Un enfant de vingt-deux ans.

Je me frotte les mains sur mes cuisses sans le lâcher des yeux. Face à mon air perplexe, il m'explique que, comme hier je m'étais endormie comme une masse, je n'avais pas eu le temps de rencontrer mes autres colocataires. Je suis persuadée que mon visage vient de se décomposer à l'instant où ces mots ont franchi ses lèvres. Comment ça, d'autres colocataires ?

— Tu ne m'as pas dit que tu vivais avec d'autres personnes, soufflé-je, mon ventre se nouant d'appréhension.

— Tu vas les apprécier, j'en suis certain.

Je retiens de justesse un rire jaune. Ça me surprendrait.

Je ne suis pas douée avec les contacts humains. Mon nombre d'amis peut se compter sur les doigts d'une main. Bon sang, je n'ai même pas réussi à sauver ma relation avec ma propre mère. Et il s'attend à ce que je cohabite avec des personnes que je ne connais ni d'Ève ni d'Adam ?

Je me mords nerveusement l'intérieur de la joue et coince mon bras sous mon genou, attirant ma cuisse vers ma poitrine. Xavier m'abandonne quelques secondes, se dirigeant vers le fond du salon. Je le suis des yeux et mon cœur cogne un peu plus fort quand je le vois s'agenouiller pour se mettre à la hauteur d'une cage que je n'avais pas remarqué jusqu'à maintenant. Il en sort une petite bête blanche qui me fait chavirer.

— Je te présente Barbie, lance Xavier en s'approchant de moi, son furet s'agitant dans ses mains. Je voudrais bien te montrer Ken aussi, mais il a essayé de me dévorer le pouce, du coup on attendra.

J'entrouvre les lèvres tandis que mon cœur se transforme en guimauve. Certains sont des amoureux des chats, d'autres des chiens. Moi, ce sont les furets. Pourquoi ? Je n'en ai aucune idée. J'ignore d'où me vient cet amour pour ces bêtes, la seule chose que je sais, c'est que j'en suis complètement gaga et ce, depuis que je suis gamine.

Barbie darde son regard dans ma direction, elle doit se demander qui je suis. J'approche mes doigts d'elle, mais les retire presque immédiatement quand elle ouvre la gueule pour les mordre. Comme elle ne peut pas mordiller les miens maintenant qu'ils sont hors de portée, elle s'attache à ceux de Xavier. Le jeune homme ne bronche pas, il semble habité. Il la dépose sur le canapé, à proximité de ma cuisse.

Elle me grimpe dessus.

Se couche.

Et ferme les yeux.

— Elle vient de s'endormir, là ? interrogé-je Xavier quand, une minute plus tard, Barbie n'a toujours pas bougé.

— Il semblerait. (Il plonge son regard dans le mien.) Elle t'aime déjà.

— Elle aime ma cuisse, plutôt, soupiré-je en observant Barbie roupiller.

Les yeux plissés, Xavier secoue la tête et pose ses coudes sur le dos du canapé. Il se penche dans ma direction. Nos visages ne se trouvent qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Je me détourne.

Xavier soupire.

— Non. Je crois que c'est bien toi qu'elle aime. Barbie et moi avons les mêmes goûts.

La surprise est telle que j'en oublie presque Barbie qui dort toujours sur ma cuisse. Je tourne vivement la tête vers lui pour voir dans son regard s'il est sérieux ou non, mais il n'est plus là. Je le cherche des yeux et finit par le trouver un peu plus loin, son téléphone en main. Il est en train d'enfiler un sweat noir par-dessus son t-shirt.

— Je vais aller t'acheter des cachets pour ta migraine, me lance-t-il en glissant son portable dans la poche centrale de son vêtement.

J'ouvre la bouche pour lui demander ce qu'il voulait dire en affirmant que Barbie et lui avaient les mêmes goûts, mais il s'échappe avant que les mots ne trouvent le courage d'escalader ma gorge jusqu'à ma bouche. La porte claque derrière lui, emportant toutes mes questions. 

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