Chapitre 29

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Océane

Gérer ses émotions.

Une phrase un peu bateau, que l'on me répétait souvent quand j'étais petite. Je devais les gérer, les dompter, les étouffer, les oublier afin d'éviter qu'elles ne débordent et causent un carnage. Sur le papier, cela semble plutôt simple. Il suffit de mettre une barrière entre soi et ses émotions, mais, en réalité, c'est sans doute la chose la plus compliquée que l'on ne m'ait jamais demandé de faire. Certains sont naturellement dotés d'un sang-froid hors norme : ils savent prendre sur eux, mettre en sourdine ce qu'ils ressentent quand cela menace d'exploser. Un peu comme s'ils n'avaient qu'à appuyer sur un bouton pour les faire taire le temps d'un instant. Ce n'est pas mon cas. Je n'ai jamais réussi, et ce n'est pas faute d'avoir essayé.

Je ressens trop. Trop fort, trop vite, trop sincèrement. Quand j'aime quelqu'un, je ne fais pas semblant. Je l'aime de toutes mes forces, avec chacune de mes cellules et sans discontinuer. Une partie de mon cœur se détache pour appartenir à la personne responsable de cette explosion d'émotions. C'est pour cette raison que j'ai pris autant de temps à me remettre de la mort de mon père. Je l'aimais beaucoup trop – mais existe-t-il seulement des limites à l'amour ? C'est aussi pour cette raison que je ne me suis jamais autorisée à tomber complètement amoureuse de quelqu'un. Je pouvais ressentir de loin, pas de proche.

Au fond, j'avais peur. Peur que mes sentiments ne soient pas partagés avec la même intensité, peur que la relation ne vivait que grâce à une seule personne. Aimer, c'est bien. Mais aimer pour rien ? Je n'en vois pas l'intérêt.

Ces sept dernières semaines passées aux côtés de Xavier m'ont ouvert les yeux sur pas mal de choses. Je le connaissais déjà avant, mais seulement au travers d'un écran. Puisque nous nous contentions d'échanger des messages, je ne me suis pas permis de ressentir quoi que ce soit pour lui, de craquer pour sa personnalité alors qu'elle me plaisait. Maintenant que nous nous côtoyons tous les jours, cela change la donne. Nous nous sommes donné une chance, et mon cœur a décidé de rattraper tout le temps perdu. Parce que, même si je n'ose pas le formuler à voix haute, je le sais dans le plus profond de moi-même : j'aime Xavier. Je suis amoureuse de chacune de ses facettes, ses défauts, ses qualités, sa maladresse, son grand cœur et, surtout, de sa peur de mal agir. J'ai été déçue d'apprendre qu'il m'avait caché la vérité à propos de Céleste, mais je ne lui en ai pas voulu et je ne lui en veux toujours pas. Il cherchait juste à me protéger, et cela ferait de moi une horrible personne si je le détestais pour ça.

Il voulait bien faire, mais il l'a mal fait. C'est tout lui.

Mes jambes tremblent à peine quand je m'extirpe à grande peine du bus. Je suis obligée de jouer des coudes pour me frayer un passage parmi la mer de passagers. Quand mes pieds touchent la terre ferme, un sourire m'échappe et je fais craquer mes cervicales. Je retire ensuite mes écouteurs, qui pendent autour de mon cou, et réajuste l'anse de mon sac qui commençait à glisser. Je lance des regards autour de moi pour m'assurer que je suis au bon endroit et que je ne me suis pas trompée d'arrêt. Quand je reconnais le nom d'une pâtisserie, je sais que je suis au bon endroit et je mets le cap vers l'immeuble d'Eden. Selon Google Maps, il n'est qu'à trois minutes de marche d'ici. Et, en effet, je repère la bâtisse deux rues plus loin. J'accélère le pas et, après avoir vérifié que les deux adresses concordent, écrase mon index sur la sonnette légèrement jaunie portant le numéro de son appartement.

Une poignée de secondes s'écoulent avant que la lourde porte n'émette un bruit strident, m'indiquant qu'elle est déverrouillée. Je coince une mèche de cheveux derrière mon oreille et la tire vers moi pour m'engouffrer dans l'immeuble silencieux.

Maintenant que j'y suis presque, j'ignore quels mots mettre sur ce que je ressens présentement tant que c'est flou. Je tapote les doigts sur ma cuisse et fais mine de réfléchir à la question en attendant l'ascenseur. Ce qui est sûr, c'est que je ne suis pas angoissée à l'idée de revoir Céleste pour la première fois depuis la nuit de l'accident, il y a un an. Les griffes acérées de la nervosité ne me lacèrent pas les bras et mes entrailles ne se tordent pas d'anxiété. Mes émotions sont un mélange d'excitation, d'impatience, mais surtout d'appréhension. Eden m'a informé que Céleste n'était pas au meilleur de sa forme sans pour autant me préciser à quel point elle allait mal. J'ai peur de ce que je pourrais découvrir. Est-elle simplement fissurée ou complètement fracassée ?

J'étais au courant pour sa paraplégie. Ce que je ne savais pas, c'était qu'elle rêvait d'être danseuse étoile et, qu'en plus, elle en avait le niveau.

Je me passe une main sur le visage et m'appuie contre la barre de la cabine après avoir pressé le bouton de l'étage cinq. Un certain temps s'écoule avant que l'ascenseur arrive à destination, et je m'extirpe de la boîte métallique. Je dois longer trois fois le couloir pour trouver l'appartement d'Eden, situé dans le fond. Les numéros sur sa porte ont presque été complètement effacés, seul le chiffre quatre est toujours parfaitement visible.

J'y suis.

Je lisse le devant de ma robe avant de lever la main pour donner quatre petits coups. Je croise ensuite les bras sur ma poitrine et patiente. La porte s'ouvre au bout de deux minutes. Mon regard vient à la rencontre de deux prunelles vertes appartenant à un homme qui n'est définitivement pas Eden. Grand – il doit frôler les un mètre quatre-vingt-dix, il a des cheveux si blonds qu'ils paraissent blancs et une mâchoire puissante et affutée. Ses lèvres d'un rouge ardent contrastent avec la pâleur presque fantomatique de sa peau. Ses sourcils sont froncés tandis qu'il m'examine de la tête aux pieds, la bouche retroussée en une grimace amère. Cet homme est beau, mais d'une beauté si dure et si froide qu'elle m'arrache un frisson.

— C'est pour quoi ? demande-t-il d'une voix rauque. Si t'es une de ces témoins de Jéhovah, perds pas ton temps, je crois juste en moi.

Je cligne lentement des yeux, abasourdie.

Pardon ?

Décroisant les bras, je recule d'un pas. Je jette des regards autour de moi avant de me réintéresser à lui.

— Je suis désolée. J'ai dû me tromper d'appartement et...

Il ne me laisse pas le temps de terminer ma phrase et me ferme la porte au nez. Les yeux écarquillés, je fixe le battant de bois avant de le traiter silencieusement d'idiot. Je secoue la tête et tourne les talons, agacée par son comportement d'enfoiré. Comment Eden peut-elle supporter un voisin pareil ? Réponse évidente : Eden peut supporter tout le monde.

J'arrête de pester pour m'intéresser aux autres portes. Je sors le papier où l'adresse d'Eden est inscrite et vérifie une nouvelle fois les chiffres de son appartement. Je ne comprends pas. Je suis au bon endroit. Étage cinq, appartement trois cent quatre. Aucune autre porte ne porte ce numéro. Je fais un tour sur moi-même, confuse, et une main s'enroule tout à coup autour de mon poignet. Instinctivement, je serre le poing au cas où c'est l'homme de tout à l'heure, mais le desserre à la seconde où mon regard vient trouver celui sombre d'Eden. Seulement vêtue d'un débardeur et d'un jogging, ses cheveux sont plus sombres que d'habitude, et je comprends qu'elle était sous la douche.

Je jette un regard par-dessus son épaule. La porte de l'appartement de tout à l'heure est ouverte.

Et là, je percute.

L'homme n'est pas son voisin, mais son copain. Elle est vraiment capable de supporter n'importe qui.

— Océane, salut ! me sourit-elle en retirant sa main. Je suis désolée, j'étais sous la douche et Samuel... Il n'était pas au courant que tu devais venir et, pour être honnête, je n'étais même pas au courant qu'il était là. Il n'aurait quand même pas dû te fermer la porte au nez.

En parlant, elle glisse un bras sous le mien et me tire vers son appartement. Je me laisse faire et arque un sourcil en passant devant Samuel, adossé contre le placard du vestibule. Il me fusille du regard, ce que je ne comprends pas. Après tout, c'est lui qui m'a claqué la porte. Pas moi.

Eden m'invite à m'installer sur le canapé et, d'abord gênée, je m'exécute. Je pose un coussin sur mes genoux et croise mes bras dessus.

Même si je ne le vois pas, je sens que le regard de Samuel est toujours braqué sur moi. Il me brûle la peau.

— Je ne crois pas que ton copain m'apprécie, avoué-je à Eden en la regardant pousser la table basse sur le côté.

Elle se redresse pour me lancer un drôle de regard. Ses sourcils sont froncés, creusant un pli au plein milieu de son front.

Elle se frotte les mains :

— Samuel n'aime personne, ne le prends pas personnellement. Et ce n'est pas mon copain. Enfin... C'est compliqué. (Elle soupire.) Je suis désolée, ce n'est pas le sujet. Céleste est dans sa chambre, je vais aller la chercher et euh... fais comme chez toi. La cuisine est là-bas si tu as faim et on a des bouteilles d'eau dans le frigo. Mais tu peux rester dans le salon. C'est comme tu veux. Putain, je suis vraiment nulle. Est-ce que ça se voit que je suis en panique totale, là ?

Elle n'attend pas que je lui réponde et quitte le salon après m'avoir offert un sourire maladroit. Je la regarde disparaître, encore plus confuse que tout à l'heure. Je triture le coin du coussin en tapotant avec le bout de ma basket le sol. J'entends Eden s'adresser à quelqu'un et une voix féminine et douloureusement familière lui répond. Ma mâchoire se crispe.

Je bascule la tête vers l'arrière, mais la redresse presque immédiatement en sentant le canapé s'affaisser, signe qu'une deuxième personne vient de s'installer dessus. Je déglutis difficilement et coule une œillade en direction de Samuel. Une main posée derrière sa nuque, il m'observe comme un prédateur observe sa proie. Ses yeux qui m'examinent ont quelque chose de félin. C'est un chasseur et je suis sa cible.

Pourquoi ? Je n'en sais absolument rien.

La seule chose dont je suis sûre, c'est qu'il ne m'aime pas.

— J'aurais préféré que tu sois un témoin de Jéhovah, m'apprend-il en tournant la tête vers moi. Ou encore une militante pour une cause stupide comme le droit des ours dans un cirque ou une autre connerie du genre.

J'ouvre la bouche, mais la referme en me rendant compte que je ne sais pas quoi lui dire. Je ne suis pas venue ici pour me faire des ennemies, seulement pour renouer avec Céleste. J'ignore qui il est et, franchement, je n'ai aucune envie de faire sa connaissance. Peut-être que, grâce à Xavier, j'ai appris à un peu plus m'ouvrir aux autres, mais les habitudes ont la vie dure. Je ne vais pas me montrer gentille avec quelqu'un qui me fixe comme si j'étais un rat mort.

Mes prunelles glissent sur lui comme s'il n'existait pas et j'extirpe mon téléphone de la porte de ma veste pour avoir une certaine constance. J'ouvre une application au hasard et fais mine d'être occupée, mais mon portable me tombe des mains quand les doigts de Samuel viennent s'enrouler autour de mon poignet. Froide, sa peau contre la mienne m'arrache un frisson et je m'écarte brusquement, révulsée.

— Mais ça va pas ? m'écrié-je en le fixant dans le blanc des yeux.

Il ne cille pas. Au contraire, un sourire sardonique et un poil amusé fait frémir ses lèvres. Il s'enfonce dans le canapé et croise les chevilles.

— Je ne le dirais pas deux fois, alors écoute-moi, Océane (Dans sa bouche, mon prénom sonne comme une insulte). Tu n'as pas intérêt à lui faire du mal, car je te rendrais chaque coup au centuple. Et tu ne veux pas me confronter. Je suis assez... sanglant comme gars. (Il se lève.) J'espère que c'est clair.

Sur ce, il s'en va. La porte d'entrée claque derrière lui et je contemple l'endroit où il se trouvait quelques instants plus tôt, interloquée, choquée, écœurée. Sa menace me reste en tête plusieurs minutes. Faire du mal à qui ? Eden ? Je me pince l'arête du nez. Ça n'a aucun sens. Pourquoi la ferais-je souffrir ?

Je me passe une main sur le front en soupirant. Je ne m'attendais définitivement pas à ça en me pointant ici. Je suis venue pour Céleste et, à la place, j'ai fait la rencontre d'un véritable psychopathe. Eden est-elle au courant que son pseudo-copain lance des menaces à des parfaits inconnus ?

Je ramasse mon téléphone qui était tombé sur le sol, m'assure qu'il n'est pas cassé et, en me redressant, mon cœur tombe brutalement dans le creux de mon ventre. Le souffle me manque et, j'ai beau respirer, mes poumons refusent de se remplir d'air. Les lèvres entrouvertes, je dévisage le sosie d'Eden. Maintenant qu'elles sont côte à côte, leur ressemblance me frappe de plein fouet et je n'arrive pas à croire que je n'ai pas fait le lien plus tôt. Confinée dans un fauteuil roulant, Céleste m'observe comme si j'étais une hallucination. Ses yeux, autant écarquillés que les miens, me fixent avec intensité. Elle est aussi jolie que dans les quelques souvenirs qu'il me reste. Un visage de poupée, deux prunelles d'un noir saisissant qui rappellent une nuit sans étoile et des cheveux d'obsidienne qui lui arrivent aux épaules.

Je ne sais pas quoi dire, quoi penser, alors je sors la première chose qui me passe la tête et, sur le coup, je sonne exactement comme Xavier. Maladroite, hésitante, légèrement stupide :

— Ton jean est magnifique.

En fait, il est plutôt banal. D'un bleu profond, avec un trou au genou droit. J'entends Eden pouffer et elle s'excuse presque immédiatement, portant une main à sa bouche pour dissimuler le sourire qui lui ronge le visage. Elle semble émue. Elle secoue la tête, les yeux fixés sur sa petite sœur. Sa posture se veut nonchalante, mais je perçois la rigidité au niveau de ses épaules : elle reste sur le qui-vive, un peu comme si elle s'attendait à ce que Céleste fonde aux larmes d'un instant à l'autre.

Ce qui n'arrive pas. Céleste finit par détacher les yeux de ma silhouette pour les porter en direction de sa sœur, qui n'a pas bougé d'un millimètre.

— Est-ce que tu peux nous laisser, Eden ? lui demande-t-elle d'une voix douce.

Eden hoche vigoureusement la tête :

— Oui. Bien sûr. J'ai mon téléphone sur moi, appelle-moi s'il y a un problème. Toi aussi, Océane tu peux m'appeler, si tu veux. Je vais juste chercher Samuel et...

— Il est déjà parti, lui lancé-je, les bras serrés autour de ma taille.

Eden émet un petit « oh » avant de m'offrir un sourire gêné. Elle coince une mèche derrière son oreille et, après des aux revoirs maladroits, s'en va.

Je me tourne vers Céleste :

— Est-elle toujours comme ça ? Aussi... énergétique ?

Un pli est creusé au milieu des sourcils froncés de Céleste. Elle m'observe comme si elle n'en revenait pas que je sois bien là, devant elle. Réelle et tangible.

— Malheureusement. C'est un enfer au quotidien. Elle est tout le temps joyeuse et moi... (Elle ricane.) Et moi, je suis moi.

Sa voix, tantôt douce, devient amère, triste. Mon cœur se serre un peu à ces mots et je la suis des yeux tandis qu'elle dirige son fauteuil roulant afin que nous soyons face à face. Maintenant qu'elle se trouve devant moi, j'ignore quoi lui dire. J'avais un tas de questions à lui poser, j'avais même dressé une liste dans ma tête pendant le trajet, mais je ne me rappelle plus rien. La voir m'empêche de réfléchir convenablement. La réalité me frappe alors de plein fouet et, les entrailles nouées, je sens mes yeux brûler.

Il y a un quelque chose qui m'émeut dans cette scène. Elle et moi avons toutes les deux souffert de cet accident, mais pour deux raisons complètement différentes. J'ai fait le deuil de mon père et, elle, de son rêve. Alors que j'étais bloquée avec mes souvenirs et mon traumatisme, elle, elle était piégée dans son propre corps. J'ignore quelle situation est la pire.

— Tu t'attendais pas à ça, hein ? me demande-t-elle, attirant mon attention À ce que les mots nous manquent alors, que je suis sûre, nous avons toutes les deux tant à dire. Un an, c'est long. J'ai eu le temps de réfléchir, j'ai imaginé une centaine de fois cette scène, mais maintenant que ça se passe vraiment, je ne sais pas comment réagir.

Je fais oui de la tête.

— Tu lis dans mes pensées. J'avais un tas de questions à te poser, mais là, dans ma tête, c'est le néant.

Céleste ricane et se passe une main dans les cheveux pour dégager son visage.

— Peut-être qu'on ne devrait pas se poser des questions, souffle-t-elle en enchevêtrant son regard au mien. Je veux dire... On n'est pas obligées d'en parler, si ? Tu as l'air d'aller bien et moi, je me porte. Nous sommes vivantes, et ça devrait être la seule chose qui compte. C'est ce que je me répète tous les jours. Parce que, si on oublie mes jambes, je m'en suis plutôt bien sortie. Aucun réel traumatisme, très peu de souvenirs et aucune personne à enterrer. (Elle écarquille des yeux à l'instant où les mots traversent ses lèvres.) Merde, je suis désolée, ce n'est pas ce que je voulais dire.

Je lève une main pour la rassurer :

— Pas de problème. J'ai fait mon deuil, je ne risque pas de pleurer.

— Mais si ça arrive, on a des mouchoirs dans le tiroir du meuble de la télévision.

— C'est bon à savoir, souris-je en en plissant du nez.

Céleste m'offre un piteux sourire, que je lui rends. Je m'enfonce ensuite dans le canapé et réfléchis à ce qu'elle vient de dire. Elle n'a pas tort. Cette rencontre ne doit pas forcément tourner autour de l'accident. Céleste et moi ne sommes pas définis par cette nuit. J'ai envie de la connaître, d'en apprendre davantage sur elle. Je ne me rappelle plus très bien la soirée où nous nous sommes rencontrées, mais elle m'avait tapée dans l'œil. Différente des autres, elle dégageait une aura intéressante. Nous pouvons être amies, et je crois justement que c'est ce qu'elle recherche. Une personne sur qui elle peut s'appuyer et sur qui elle peut compter.

— Très bien, dis-je en levant le visage pour la regarder. Parlons d'un autre truc. Tu pourras peut-être m'expliquer pourquoi ce Samuel semble vouloir me voir dans un cercueil alors que je ne le connais absolument pas.

— Il ne t'aime pas parce qu'il sait que tu étais là le soir de l'accident et il pense que c'est ta faute. (Céleste secoue la tête.) Et, comme je suis l'une des seules personnes sur cette planète à qui il tient, il t'en veut pour ça.

J'opine de la tête, songeuse. Céleste se gratte l'arrière de la nuque et me demande si je voudrais écouter un film. J'accepte et elle allume Netflix. Nous passons dix minutes à examiner les choix disponibles avant de jeter notre dévolu sur The Greatest Showman. Je dois admettre que je ne m'attendais pas à ça en venant ici, mais ce n'est pas plus mal. L'atmosphère est légère, nous parlons peu, et nous accueillons le silence à bras ouverts.

À environ la moitié du film, j'entends un reniflement. Je jette un regard à Céleste et mon cœur cesse de battre le temps d'un instant quand je vois des larmes silencieuses couler le long de ses joues, les humidifiant. Elle tente de les essayer du revers de la main, mais elle n'y arrive pas. Dès qu'elle sèche une perle salée, elle se fait immédiatement remplacer par une autre.

— Je suis désolée, glousse-t-elle nerveusement. Ce film m'émeut à chaque fois.

Je redirige mon attention à l'écran juste à temps pour voir Anne Wheeler performer. Elle se mouve dans les airs, ses mouvements étant gracieux et calculés et sa prestation, sublime. Trapéziste, elle ressemble sur le coup à une ballerine.

Ma mâchoire se crispe.

Ah...

Je me reconcentre sur Céleste, mais aucun mot ne me traverse l'esprit pour la réconforter. Même si elle clame le contraire, elle ne va pas bien. Je comprends l'inquiétude d'Eden. Sa sœur ne s'est toujours pas remise du fait qu'elle ne pourra plus jamais danser. Je me mords l'intérieur de la joue et lève le bras pour lui attraper la main, que je serre. Ma paume vient se caller dans la sienne, ses doigts s'entrelacent aux miens.

Nous restons dans cette position jusqu'à la fin du film, cramponnées l'une à l'autre.  

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