Chapitre 34

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Xavier

Il n'y a rien de plus difficile que dénicher des orchidées rouges. Vraiment, j'ai l'impression de chercher une aiguille dans une botte de foin. Il n'y en a nulle part.

J'ai dû faire au moins dix fleuristes avant de mettre la main sur ces satanées fleurs – seul souci, elles sont roses. Même si ce n'est pas la couleur que je voulais, je ne fais pas la fine bouche et en achète une dizaine, que je dépose précautionneusement sur la banquette arrière de ma voiture. Il ne manquerait plus qu'elles perdent des pétales. Je surprends le regard curieux et un poil perplexe d'Océane, auquel je réponds par un petit sourire innocent. En levant les yeux au ciel, elle se reconcentre sur son téléphone. Elle doit être en train de parler avec Lucie et Malia, ses amies. Je crois qu'elles étaient censées s'appeler aujourd'hui, mais j'ai kidnappé ma copine. Elle ne sait absolument pas ce qu'elle fait ici. Ce matin, je lui ai seulement lancé qu'on sortait, et je suis resté évasif lorsqu'elle m'a demandé plus de détails. Si au début elle était plutôt réticente à l'idée de prendre la route, elle s'est déridée assez rapidement.

Et maintenant, nous voilà. Dans ma voiture, en direction d'un cimetière – mais ça, elle ne le sait pas encore.

Je roule lentement, mais quand Océane me fait la remarque que je conduis comme une grand-mère, j'éclate de rire en accélérant. L'une de mes mains quitte le volant pour attraper la sienne. J'entrelace nos doigts sa peau contre la mienne me faisant toujours aussi bizarre. Je n'arrive toujours pas à croire qu'elle et moi formons un nous. Sa paume tremble un peu dans la mienne, mais le sourire qu'elle affiche me rassure sur le fait qu'elle n'est pas sur le point de tourner de l'œil. Il ne manquerait plus qu'elle ne tombe dans les pommes et que je doive rebrousser chemin alors que j'ai passé l'entièreté de ma matinée et une partie de mon après-midi à chercher des stupides orchidées.

Le trajet jusqu'au cimetière dure une trentaine de minutes et quand nous arrivons à destination, l'air d'abord perplexe d'Océane se teinte de confusion. Elle range son téléphone dans la poche de son blouson en cuir, puis se tourne vers moi.

— Tu m'as ramené dans un cimetière ?

Je détache ma ceinture et tends le bras pour attraper le bouquet de fleurs sur la banquette arrière :

— Je conçois qu'il existe des endroits plus romantiques, mais tu pourrais quand même noter l'originalité.

Elle fronce des sourcils, un pli se creuse sur son front. Sans attendre une réponse de sa part, je m'extirpe du véhicule. Océane m'imite et nous quittons le parking pour nous rendre dans le cimetière. Une légère brise de vent fait trembler les feuilles de arbres qui ne devront plus tarder à prendre des teintes orangées. Je traîne Océane derrière moi. Un tas de questions se bousculent dans le fond de ses prunelles bleues et, même si elle ne le montre pas, je sais qu'elle est inconfortable. Cet endroit doit lui rappeler son père.

— Tu sais, j'ai lu des histoires de mecs qui entraînent leur copine dans des endroits glauques pour les assassiner, m'apprend Océane d'une voix égales. J'aimerais juste te dire qu'un cimetière n'est pas un bon endroit pour cacher un corps. Surtout pas en plein jour.

Je lui jette un regard en coin et, en voyant qu'elle est sérieuse, éclate de rire. Je serre un peu plus fort sa main et l'enjoints de me suivre. Elle soupire, mais calle tout de même son pas au mien. Il me faut quelques minutes pour me rappeler où se trouve la tombe que je cherche, et deux de plus pour m'y rendre. Elle apparaît alors devant moi et je détache mes doigts de ceux d'Océane.

Elizabeth Smith

1968 – 2015

Comme à chaque fois que je viens ici, mon cœur se serre douloureusement dans ma poitrine. Les souvenirs affluent, s'entassent dans mon crâne. Je m'agenouille pour déposer le bouquet de fleurs et retire le précédent désormais fané.

— C'était la mère de Colombe, dis-je sans me retourner, sentant qu'Océane se retient de me poser la question. Elle est morte d'un cancer du sein il y a trois ans.

Je me relève et enfonce mes mains dans les poches de mon pantalon.

— Elle était la seule famille que Colombe avait. Son autre mère les avait abandonnées quand Colombe était encore petite. Quand Elizabeth est morte, Colombe a décidé de prendre un nouveau départ. Tout ça...c'était trop difficile pour elle. Elle avait besoin de repartir à zéro.

Je soupire, une boule dans la gorge, et tressaille quand Océane dépose une main sur mon épaule. Je croise son regard, souris avec tristesse. Je me reconcentre ensuite sur la tombe. Je me rends dans ce cimetière chaque deux semaines depuis trois ans, un lien m'unit à cet endroit, à Elizabeth. Elle est le seul souvenir qu'il me reste de sa fille.

Je souffle sur une mèche de cheveux pour l'écarter de devant mes yeux.

— Colombe est partie sans me dire au revoir. Elle m'avait laissé une lettre, mais ce n'était pas assez. Des mots ne suffisent pas à réparer un cœur brisé. J'ai commencé à dérailler et j'ai fait plein de choses débiles. Je suis tombé dans une période pas très cool de ma vie où je ne faisais rien d'autre de mes journées que boire. J'étais devenu une épave humaine. J'étais incapable de faire quoi que ce soit. Mes parents m'ont payé des séances chez le psy, mais ça n'a rien donné. Ils se sont dit que j'avais peut-être besoin de solitude alors ils ont proposé de me payer un appartement. Sur le coup, ça sonnait comme une idée de merde, mais c'est ce qui m'a sauvé. Vivre seul m'a permis de me reconnecter avec moi-même.

En l'amenant ici avec moi aujourd'hui, je n'avais pas prévu de lui parler de tout ça. Le garçon que j'étais il y a trois ans, cet ivrogne au cœur brisé, me fait honte. Je le déteste du plus profond de mon être, mais je ne peux pas l'oublier ou faire mine qu'il n'a jamais existé. Impossible de le dissocier de ma personne, car, à une époque, j'étais lui et il était moi.

— Depuis Colombe, j'ai peur d'être abandonné. C'est pour ça que je me contentais de coups d'un soir. C'était rapide, sans attache, aucune chance d'être déçu ou meurtri. Mais quand j'ai rencontré Eden, elle m'a marquée. Elle me rappelait un peu Colombe. Et quand elle a disparu en me laissant ton numéro, je me suis dit que j'allais me mettre à sa recherche. Et, en la cherchant, je t'ai trouvée, toi. (Je me tourne complètement vers Océane. Ses yeux grands bleus scintillent de larmes.) Je me suis attaché à toi, peut-être même un peu trop, et tu m'as abandonné. Ce soir, au restaurant, c'était le pire jour de ma vie. J'ai cru mourir et, sur le coup, je t'ai détestée. Je t'ai détestée de me faire revivre mon pire cauchemar. Putain, t'as même pas idée de tout ce que j'ai ressenti. C'était horrible, tellement horrible.

Ses lèvres tremblent :

— Je n'étais pas au courant...de tout ça. Je suis désolée, Xavier. Je cherchais juste à nous protéger, je ne savais pas que ça allait te briser encore plus.

Je secoue la tête pour lui signifier que ce n'est pas grave.

— Mais, d'une façon ou d'une autre, j'ai réussi à retrouver mon chemin vers toi. Tu m'avais tournée le dos, mais j'ai quand même réussi à te retrouver. Tu as ensuite décidé de me redonner, de nous redonner, une seconde chance. Je te jure, j'étais comme un enfant quand tu as accepté de venir vivre avec moi, même si c'était plus par dépit que par envie au début.

Je m'enfonce une main dans les cheveux. Lui ouvrir mon cœur n'était absolument pas prévu, mais je n'arrive plus à m'arrêter. Les mots qui fourmillent dans ma tête et les phrases qui me brûlent la langue doivent être entendus.

— Donc je préfère que tu saches dans quoi tu t'embarques en mêlant ta vie à la mienne, que tu connaisses mon passé en entier. J'ai aimé Colombe, je l'aime encore et je continuerai à l'aimer. Je ne sais pas si le délire des âmes sœurs existe vraiment, mais je suis sûre qu'elle était la mienne. (Elle recule un peu la tête et je me dépêche de rectifier le tir.) Mais ça ne veut pas dire que je ne peux pas t'aimer comme tu le mérites, Océane. Je suis du genre à croire qu'une personne peut avoir plusieurs « vrais amours ». T'en es la preuve.

Est-ce que lui faire une telle déclaration dans un cimetière était vraiment une bonne idée ? Ça manque un peu de romantisme, non ?

Les larmes inondent les joues rougies par le vent d'Océane. Elle tente de parler, mais les mots s'emmêlent sur sa langue et ses phrases ne veulent rien dire. Elle bredouille trop, marmonne, murmure parfois. Elle finit par secouer la tête, agacée d'être incapable de formuler sa pensée, puis enroule ses bras autour de mon cou. Sans prévenir, elle écrase sa bouche sur la mienne, elles se heurtent comme une vague avec un rocher. Nos lèvres s'entrouvrent d'un commun accord. Un feu d'artifices s'allume dans le creux de mon ventre, faisant vriller chacune de mes cellules. Les neurones de mon cerveau ont, quant à eux, complètement arrêtées de fonctionner.

Ce baiser n'a rien de tendre. Il est brusque, fiévreux, empressé. Comme elle ne peut pas parler, Océane me communique ses pensées par ses lèvres. Et je crois que je préfère ce moyen de communication. En grognant, j'enroule un bras autour de sa taille pour l'attirer plus près de moi, poitrine contre torse, ses cuisses effleurent les miennes tout comme nos chaussures. Océane gémit et l'une de ses mains s'enfonce dans ma tignasse tandis que sa bouche dévore la mienne. Nous sommes toutefois obligés de nous détacher l'un de l'autre quand mon portable se met à sonner dans la poche arrière de mon jean.

Avec un grognement, je me sépare à regret d'elle et extirpe mon portable pour rejeter l'appel, mais suspends mon geste en voyant que c'est le numéro d'Eden qui s'affiche. Océane me demande ce qui se passe et je hausse des épaules. Après avoir appuyé sur le bon bouton, je colle l'appareil à mon oreille.

— Est-ce qu'Océane est avec Céleste ? explose soudain la voix d'Eden.

Je fronce des sourcils :

— Euh...non. Océane est avec moi.

J'entends Eden étouffer un juron, puis une porte s'ouvrir et se fermer avec brusquerie.

— Est-ce qu'elle lui a parlé ? Par message ou de vive voix ? m'interroge-t-elle, sa voix rauque d'inquiétude et de panique.

Océane me redemande ce qui se passe, et je mets Eden en haut-parleur. On entend la respiration de la jeune femme ainsi que des portes s'ouvrir à toutes volées. À chaque fois, elle lâche un juron en espagnol. Elle en marmonne un autre en français, puis revient à l'anglais.

— Xavier ? J'aimerais bien avoir une réponse. Est-ce qu'Océane a parlé à ma sœur aujourd'hui ?

J'interroge ma copine du regard. Elle me prend le téléphone des mains et l'approche de sa bouche.

— Salut, Eden, c'est Océane. J'ai parlé à Céleste cette après-midi, mais sinon, rien. Pourquoi ? Il y a quelque chose qui ne va ? Est-ce qu'elle va bien ?

— Justement, je ne sais pas ! s'exclame Eden. Impossible de mettre la main sur elle. Céleste n'est nulle part. Et elle n'a pas l'habitude de sortir sans me prévenir. Elle m'a aussi laissé un message cette après-midi, mais, depuis, plus rien. Je me disais qu'elle était peut-être avec toi parce que vous vous êtes un peu rapprochées, mais j'ai dû me tromper. Je suis désolée pour le dérangement, je vais y aller et...

— Non ! Non, attends, la coupe Océane en reculant d'un pas et en croisant mon regard. On peut t'aider à chercher, si tu veux. Elle est sûrement à l'école de danse, tu es allée vérifier ?

Eden répond que non et nous lui proposons d'y aller à sa place. Elle nous remercie et Océane coupe l'appel avant de me rendre mon téléphone. Je me frotte le front avec deux doigts en soupirant.

— Elle est peut-être juste allée au centre-commercial, supposé-je tandis que nous nous rendons dans la voiture. Je suis sûr qu'il n'y a aucun besoin de s'inquiéter.

Océane hoche la tête, le regard perdu dans le vague et la lèvre inférieure coincée entre ses dents, mais je vois bien qu'elle ne croit pas un mot de ce que je viens de dire.

Et, d'un côté, moi aussi, je n'y crois pas. 

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