Chapitre 6 - Agustin

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Tout est temporaire.

À quoi bon s'attacher à des choses futiles si c'est pour qu'elles disparaissent du jour au lendemain, sans prévenir ?

Mais pourtant, lorsque je suis à côté d'Alba, je ne peux pas m'empêcher de repenser à cette époque, à quand tout était parfait dans ma vie. Elle a un accent qui me rappelle sans cesse où j'ai vécu. C'est difficile de la faire taire en plus, même avec des écouteurs, elle réussit à me parler et à me poser ses questions. Je pensais pourtant que c'était une règle tacite : si quelqu'un met ses écouteurs en communauté, alors on lui parle pas. C'est pourtant clair que je n'avais pas envie de parler, non ?

Mais Alba a toujours été comme ça, toujours bavarde, à vouloir combler les silences, quels qu'ils soient et où qu'ils soient. Elle a toujours un mot, une phrase ou une question à poser pour éviter de laisser le silence envahir l'espace autour d'elle.

J'ai quand même un peu de mal à la cerner pour l'instant, je ne sais pas si elle est heureuse ou en colère d'être ici. Je dirais un peu des deux. Mais qui ne rêverait pas de venir à Paris pour faire ses études ? Enfin, c'est ce que tout le monde dirait. Moi, je suis bien en train de tout gâcher alors je ne pense pas que je sois le mieux placé pour dire ça.

Adossé à la chaise d'un café parisien, je remets le casque sur mes oreilles et en profite pour arranger encore une mélodie avant que mon pote ne vienne me retrouver. J'ai encore séché un cours cet après-midi, mais au moins c'est un où le prof ne fait pas l'appel.

Le journalisme n'est pas franchement mon domaine de prédilection, même si c'est vrai que j'aime les mots et que j'adore écrire. Mais ce sont les chansons que je préfère écrire. Et encore aujourd'hui, je suis obligé parfois d'utiliser un traducteur pour écrire certains articles, parce qu'il y a des mots que je n'arrive à trouver qu'en espagnol. Même si ma mère m'a toujours parlé en français, je n'ai jamais été très assidu dans l'apprentissage de cette langue et j'ai toujours préféré l'espagnol. Mais lorsqu'on a déménagé en France, je n'ai pas eu d'autres choix que de m'adapter avec le français. Je sais que j'ai encore du mal parfois avec cette adaptation. Je me sens tellement éloigné de Madrid, tellement éloigné de lui.

Mon pote arrive et se pose à côté de moi.

— Tiens, c'est ce que t'as loupé avant, dit-il sans préambule en me tendant une pochette.

— Merci, mec.

Je prends la pochette et la glisse dans mon sac.

— Ouais donc tu vas pas l'ouvrir et tu vas encore moins faire le taf demandé, c'est ça ?

Zach me connaît très bien alors je hausse seulement les épaules.

— Bon, c'est pas comme si c'était la première fois, mais bon, tu pourrais venir de temps en temps quand même !

— Peut-être demain, ouais. Vas-y faut que je te fasse écouter ça, lui proposé-je en lui tendant mon casque.

Il le met sur sa tête et j'appuie sur play. J'attends que les trois minutes trente du morceau se terminent pour lui demander son avis :

— Alors t'en penses quoi ?

— C'est vraiment bon. J'adore le rythme qui s'alterne. Je pense que tu peux le mettre sur la maquette.

— Tu crois ?

— Ouais, mec. Il est vraiment bon ce son !

Je me note de l'ajouter à la maquette que je constitue pour l'envoyer dans une maison de disque, mais je me fais pas trop d'illusions non plus. Aujourd'hui, on doit être des milliers à vouloir percer dans la musique et ça m'étonnerait que ma musique soit sélectionnée, mais on sait jamais.

— Cool, merci ! Je vais l'ajouter. Et toi alors, ça va ?

— Ouais, tranquille. Mec, faut pas que tu viennes à la prochaine soirée, ils t'ont banni...

Je me redresse d'un coup et hausse les sourcils.

— Quoi ? Pourquoi ?

— Tu le sais très bien... Loris a pris cher, sérieux mec, pourquoi t'as fait ça ! Il s'éclatait, on s'éclatait ! Et d'un coup t'as vrillé, c'est quoi ton putain de problème ?

Je repense soudain au nez fracassé de ce Loris que j'avais sous le poids de mon corps et un léger frisson me parcourt. Ça ne me ressemble pas, je ne suis pas violent. Mais c'était trop, je ne pouvais pas le laisser s'amuser avec ce qu'il avait.

— Mec, c'était vraiment rien... Je comprends pas ce qui t'a pris ! ajoute Zach en buvant dans mon verre.

— Ouais je sais pas, désolé, OK ? Mais comment ça ils m'ont banni ? On peut faire ça ?

— Apparemment, ils veulent plus que tu viennes à leurs soirées.

— Fais chier, lâché-je agacé. Bon en même temps, c'est pas une grande perte, ça part toujours en couille leurs soirées.

— Et à qui la faute ? me fait remarquer mon pote à juste titre.

Mais je ne lui dirai pas pourquoi j'ai fait ça, je ne peux pas lui dire, c'est plus fort que moi. Je dois garder ça pour moi, ils ne comprendraient pas. Je passe un doigt sur mon tatouage de la rose avec ses épines et doucement je me calme. Mon pote le remarque alors je rebaisse la manche sur mon avant-bras et décide de me lever pour rentrer.

***

— Alors, cette première journée ? demande ma mère à l'attention d'Alba alors qu'on s'installe tous autour de la table.

Elle sert chaque assiette d'un burger maison avec de la salade et j'ai hâte de le dévorer pour remonter dans ma chambre.

— C'était vraiment super, déclare Alba avec une pointe de joie dans la voix. Ils m'ont fait visiter la campus et j'ai découvert qu'il y a un studio photo carrément canon dans une des salles !

— C'est chouette ça ! s'enthousiasme ma mère avec Alba.

Je ne dis rien, me contente de croquer dans mon burger et j'essaie de faire abstraction de Lucas et David qui semblent être dans une grande discussion au sujet des avions.

— Bon et toi, Agustin ? Ta journée ? m'interroge ma mère alors que j'ai la bouche pleine.

Je pose ma fourchette et lui fais un pouce en l'air, pour lui signifier que c'était bien. Mais ça ne lui suffit pas.

— Tu pourrais nous parler quand même !

— Pour quoi faire ? lâché-je d'une voix monotone.

— Pour échanger, pour parler, parce que c'est ce que fait une famille autour du dîner...

— Une famille ? Tu parles d'une famille ?

La colère a grimpé d'un coup et je lâche mes couverts sur la table dans un fracas un peu trop bruyant pour ce que je voulais. Je me lève d'un bond et monte dans ma chambre.

— Agustin ! S'il te plaît, reviens !

J'entends ma mère m'appeler au loin, mais je ne me retourne pas.

Une famille ? Tu parles !

David et Lucas sont devenus sa famille peut-être, mais pas la mienne. Ma famille a volé en éclat ce soir-là. Il y a dix ans.

Je me vautre sur mon lit, enfilant mes écouteurs pour essayer d'oublier.

— Toc, toc, s'annonce ma mère en poussant doucement la porte de ma chambre.

Je baisse le son sur mon téléphone mais n'enlève pas mes écouteurs pour autant.

— Agustin... commence-t-elle de sa voix douce. Ça ne peut pas continuer comme ça...

Je relève les yeux vers elle. Et elle plisse les lèvres.

— Oh mon chéri, il faut que tu me parles. Qu'est-ce qui va pas ? Pourquoi tu réagis comme ça ? Je te demande juste quelques minutes pour me parler... Tu sais que je suis toujours là.

— Oui, je sais que tu es là, dis-je pour lui montrer que ce n'est pas contre elle.

— Alors qu'est-ce qui t'arrive ?

Je n'ai pas envie de parler, je sais que ça la tuerait si je lui disais que cette famille recomposée me hante tous les jours. Me fait penser à ce que je n'ai pas. À ce que je n'aurais plus jamais.

— Agustin, si tu veux pas parler, je respecte ton silence. Mais il faudra bien un jour que tu parles à quelqu'un, je vois que quelque chose te ronge... C'est la présence d'Alba ?

Pourquoi réussit-elle toujours à trouver ce qui ne va pas même sans rien lui dire ? Bon, même si ce n'est pas directement à cause d'Alba, mais elle ne fait que me rappeler ce qui n'est plus.

Je hoche la tête et me retourne pour me coucher dans mon lit. J'entends Alba et Lucas monter, ils rigolent et j'envie d'un coup la facilité qu'a mon demi-frère à parler avec les autres. Cette fois, j'augmente le son au maximum et elle doit l'entendre parce qu'elle sort de ma chambre.

— Allez, repose-toi, mon chéri, bonne nuit, l'entends-je me dire en sortant.

Mais ce soir mes pensées sombres m'empêchent de dormir.

Alors que j'écoute des vidéos sur mon téléphone, j'entends ce qui ressemble à des cris. J'enlève mes écouteurs et me redresse d'un coup dans mon lit. Je tends l'oreille, mais je n'entends plus rien. Je relance la vidéo et un autre cri se fait entendre. J'appuie sur « pause » et j'attends. Plus rien.

Je me lève pour fermer la porte de ma chambre laissée ouverte par ma mère avant. J'entends une voix pousser des petits « non », mais je ne distingue pas vraiment si cela vient de Lucas ou d'Alba. Je suspends mon mouvement, comme si cela me donnait plus de capacité à entendre.

Comme les gémissements se font de plus en plus rares, je finis par fermer la porte et m'adosser contre.

Parce que mon cauchemar à moi, je le vis au quotidien, et personne ne m'aide.

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