19 ➵ 𝗶.𝗹.𝘆. • 𝘁𝗵𝗲 𝗿𝗼𝘀𝗲

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↺𝐴𝑡 𝑡𝘩𝑒 𝑒𝑛𝑑 𝑜𝑓 𝑡𝘩𝑒 𝑑𝑎𝑦
𝐼 𝑎𝑙𝑤𝑎𝑦𝑠 𝑠𝑒𝑒 𝑦𝑜𝑢𝑟 𝑒𝑦𝑒𝑠
𝑊𝘩𝑒𝑛 𝐼'𝑚 𝑤𝑖𝑡𝘩 𝑦𝑜𝑢
𝐼 𝑝𝑜𝑖𝑛𝑡𝑙𝑒𝑠𝑠𝑙𝑦 𝑓𝑒𝑒𝑙 𝑎𝑡 𝑒𝑎𝑠𝑒
𝐼 𝑓𝑒𝑒𝑙 𝑐𝑜𝑙𝑑 𝑜𝑛 𝑡𝘩𝑒 𝑖𝑛𝑠𝑖𝑑𝑒
𝐵𝑢𝑡 𝑦𝑜𝑢𝑟 𝑤𝑎𝑟𝑚𝑡𝘩 𝑤𝑎𝑟𝑚𝑠 𝑚𝑒 𝑢𝑝
𝐵𝑎𝑏𝑦 𝑖'𝑚 𝑓𝑎𝑙𝑙𝑖𝑛𝑔 𝑓𝑜𝑟 𝑦𝑜𝑢

Les bras de Jisung étaient l'endroit préféré de Minho.

Il ne comprenait pas comment il avait pu vivre aussi longtemps sans lui. Il n'y avait nulle part où il se sentait aussi bien que lorsqu'il le serrait dans ses bras. Il ne croyait pas qu'un jour il parviendrait à s'en lasser, à cesser de ressentir ce sentiment de confort et d'apaisement qui ne semblait l'envahir que lorsqu'il se trouvait à proximité du blond.

Le trajet avait été éprouvant, des heures de stress, de doutes et de questionnements. Il avait alterné entre des phases où il était sûr de faire le bon choix et d'autres où il regrettait plus que jamais d'avoir laissé derrière lui sa mère et Seojun.

Et à présent, il se demandait comment il avait pu ne serait-ce que penser à retourner chez lui, alors que faire un câlin à Jisung paraissait si juste, comme s'il n'était né que pour ça, comme si c'était la véritable raison de son existence. À peine sorti du train, il avait vu une tornade en rouge sauter sur lui, et la seconde d'après Jisung le serrait de toutes ses forces, comme s'il avait eu peur de le voir disparaître à tout jamais. Ce qui, compte tenu de leur passé, était probable, à la grande tristesse de Minho. Au début, il était resté quelques instants interdit, surpris par une telle démonstration d'affection, puis il avait lui-même entouré le blond de ses bras, et ils étaient restés enlacés depuis, ni l'un ni l'autre ne semblant décidé à rompre le contact. Le train était parti depuis longtemps, et les rares passants devaient leur jeter des regards intrigués, mais aucun d'entre eux n'en avait quelque chose à faire.

Minho ferma les yeux, inspirant l'odeur caractéristique de Jisung, ce mélange de shampoing et d'autre chose, qu'il aurait été bien incapable de décrire mais qu'il aurait reconnu entre mille autres odeurs. Il aurait voulu rester indéfiniment comme cela, et s'enivrer de ce parfum jusqu'à oublier le monde autour de lui. Son cœur battait tellement fort qu'il avait peur que Jisung ne l'entende, mais si c'était le cas, il n'en laissa rien paraître. Sa tête était nichée dans le creux de son cou, et il pouvait sentir sa poitrine qui se soulevait et s'abaissait à chaque respiration, ses mains qui agrippaient sa veste, son souffle régulier contre sa peau. Il était conscient que cette étreinte éveillait en lui bien plus de choses qu'elle n'aurait dû, mais il décida d'y penser plus tard. Il était trop tard pour qu'il réfléchisse à ce qu'il ressentait, ou plutôt à ce qu'il ne devait pas ressentir.  

Quand, finalement, ils se séparèrent, la chaleur lui manqua immédiatement, et il dû se faire violence pour ne pas immédiatement ramener le brun contre lui. Il sourit, un peu crispé, ne sachant pas trop quoi dire, comment réagir. Quelles phrases étaient justifiées dans ce genre de situations ? Jisung ne semblait pas savoir plus que lui, car il dansait d'un pied sur l'autre, visiblement gêné.

-Tu as fait bon voyage ? finit-il par demander, évitant toujours le regard de Minho.

-Mhm. Un peu stressant, je dois t'avouer.

Il hocha la tête, compréhensif, puis le silence s'installa. C'était drôle, songea Minho, compte tenu du fait qu'ils s'étaient presque parlés non-stop pendant la semaine, échangeant par messages, sur les réseaux sociaux et s'appelant parfois le soir quand ils avaient le temps et que Jisung n'était pas trop fatigué par sa journée de cours. Et subitement, c'était comme s'ils n'avaient plus rien à se dire. Il savait que ce n'était pas le cas, mais quelque chose les empêchait de complètement être à l'aise l'un avec l'autre. Et il ne parvenait pas à trouver quoi.

Il décida que c'était sans importance. Après tout, ce qui comptait était d'être auprès de Jisung.

-On rentre ? proposa-il. C'est pas qu'il fait froid, mais j'aimerais autant éviter de rester sur le quai de la gare toute la nuit.

Jisung sembla se ressaisir à l'entente des paroles de Minho, et il hocha vigoureusement la tête, se retournant afin de se diriger vers l'entrée du métro. À cette heure tardive, rares étaient les personnes qui se trouvaient encore dans la gare, et alors qu'ils passaient les portiques de sécurité pour descendre au sous-sol du bâtiment, Minho laissa ses pensées dériver vers une autre gare où il s'était trouvé en pleine nuit, avec pour seule compagnie une vieille dame, son chien et un homme d'affaires qui lui avait fait penser à son père. À ce moment-là, il n'avait aucune idée de ce que serait les prochaines semaines de sa vie, s'il serait réuni avec ses amis ou si ces derniers le renieraient complètement. Il sentit un sourire s'étirer sur ses lèvres alors qu'il mesurait tout le chemin parcouru depuis. Ce n'était que deux semaines plus tôt, mais il lui semblait qu'une éternité s'était écoulé depuis, qu'il avait changé entre temps, mûri, évolué. À présent, il était heureux. À présent, il avait enfin l'impression qu'il avançait avec un but, quelque chose qui méritait qu'il reste en vie. À présent, il se sentait vivant.

Jisung n'habitait pas très loin de la gare en métro, et ils arrivèrent rapidement à son appartement, en n'ayant échangé rien de plus que des banalités, commentant l'arrivée de Noël ou le travail que Jisung devait faire pendant les vacances. Aucun n'avait évoqué la durée de la présence de Minho, ou sa raison, mais tous deux savaient qu'ils n'allaient pouvoir éviter le sujet ad vitam aeternam. Une fois au chaud dans son appartement, Minho laissa son regard vagabonder sur les murs recouverts de feuille, le canapé élimé et le bazar qui avait envahi la table basse en son absence. Un sentiment étrange lui contracta le cœur, et il réalisa, avec une petite pointe d'excitation, qu'il considérait cet endroit comme chez lui. La simplicité de sa vie ici, aussi brève fut-elle, lui avait ouvert les yeux sur ce qu'il pouvait appeler un foyer. Il savoura le bonheur d'être là à nouveau.

-Bon, c'est un peu le bordel, mais... bon retour à la maison, rit Jisung en refermant la porte derrière lui.

Minho repensa à l'endroit d'où il venait, où les habitants parlaient tout bas et où tout était sagement ordonné. Il avait grandi dans cet environnement aseptisé, où chacun prenait garde de ne pas avancer un mot plus haut que l'autre, et il aurait dû y être habitué, préférer le calme et l'organisation au désordre et à la spontanéité. Et pourtant, l'appartement de Jisung, avec ses boîtes de nouilles vides échouées sur la table, ses paroles de chansons épinglées au mur, ses vêtements jetés en vrac sur les sièges, lui paraissait dix mille fois préférable.

-J'aime bien le bordel, répondit-il tout simplement. Ça donne l'impression de cohabiter avec un être humain plutôt qu'avec un robot.

-J'espère que tu n'avais pas de doutes à ce sujet, rétorqua Jisung, un sourire narquois aux lèvres.

-Des fois, tu es tellement talentueux que je me pose la question.

Il le pensait réellement, mais il n'avait pas forcément l'intention de laisser échapper ces mots de façon aussi franche. Il se figea, mortifié, tandis que Jisung rougit violemment. Il était vrai qu'il avait un talent indéniable en tant que parolier, rappeur et chanteur, et tout le monde chantait ses louanges dès qu'il créait une nouvelle mixtape, mais Minho laissait rarement des compliments lui échapper, persuadé que Jisung était déjà au courant et n'avait pas besoin qu'on le lui dise. Il se rattrapa en lâchant un « je rigole, c'est plutôt le contraire » peu assuré, et le blond tourna son attention vers le mur comme s'il pouvait disparaître à travers.

Après quelques secondes de silence, Jisung repris d'une voix plus douce, teinté d'inquiétude :

-Minho... Est-ce que ça va ? Je veux dire, par rapport à tout à l'heure, et à tout le reste...

Le tour soudainement sérieux de la discussion fit battre le cœur de Minho un peu plus vite. Il se doutait qu'il allait falloir qu'ils en parlent, mais il ne savait pas comment faire pour exprimer ce qu'il ressentait. Plus tôt dans la soirée, il avait appelé Jisung en panique, incapable de se calmer, et lui avait tout déballé, ses doutes et ses peurs et ses inquiétudes, mais maintenant que le stress s'était estompé, il ne se sentait pas capable de décrire le fond de sa pensée. Il avait toujours eu du mal à mettre en mots ce qu'il ressentait, contrairement à Jisung qui paraissait n'avoir aucun problème à sortir tout ce qui lui passait par la tête, de la réflexion la plus stupide à la déclaration d'amour la plus sincère.

-Je crois, répondit-il honnêtement, et en prononçant ces mots il eut le sentiment qu'ils étaient vrais.

Il se sentait apaisé. Bien sûr, il avait toujours peur de rallumer son téléphone, qui ne manquerait pas d'afficher des centaines d'appels en absence de sa mère, mais sa vie chez lui paraissait distante, irréelle, comme un lointain souvenir. La réalité concrète, celle où il voulait se trouver, elle était ici, chez Jisung, avec Jisung.

-Qu'est-ce que tu vas faire... À propos de ta mère ? Et de ta fiancée ? Seojun, je crois ?

Minho soupira, et se dirigea vers le canapé, conscient que s'ils commençaient à aborder le sujet, autant qu'ils soient à l'aise. Le moment de révéler à Jisung pourquoi il l'avait abandonné était venu, et c'était une très, très longue histoire.

-Ma mère va probablement me tuer, alors j'évite d'y penser. Et Seojun... Elle n'a pas très bien pris le fait que je veuille la quitter à quelques mois du mariage, rigola Minho, mais le cœur n'y était pas. En fait, je crois qu'elle ne m'a pas pris complètement au sérieux, qu'elle pensait que je délirais. Elle m'a dit que j'étais inconscient, que je ne réfléchissais pas aux conséquences. Alors que je n'ai fait que ça, y réfléchir. C'est même la seule chose qui m'obsède depuis une semaine, je ne pense plus qu'à ça, à ce que je devrais faire, à comment je peux le faire sans que personne ne soit blessé. J'ai cherché des centaines de solutions, et je n'en ai pas trouvé. Honnêtement, je ne sais plus quoi faire.

Jisung hochait la tête et le regardait, ses grands yeux bruns remplis d'inquiétude. Minho sentit son cœur se serrer douloureusement quand il se rendit compte que le blond tenait à lui, qu'il s'inquiétait réellement pour lui. Il n'aimait pas être source d'appréhension chez les personnes auquel il tenait, il préférait affronter les problèmes tout seul.

-Je sais bien que ça ne résous pas tout, mais tu sais que tu peux rester chez moi autant que tu veux, finit par dire le plus jeune, un sourire encourageant aux lèvres. Il n'y a aucun problème, au contraire... Je suis sûr que même mes parents seront heureux de t'accueillir, si jamais tu veux aller chez eux.

Minho n'avait pas vraiment envie de les revoir, pas après ce qu'il avait fait subir à leur fils, mais il émit un petit « hmm » approbateur. Il faisait confiance à Jisung.

-Merci. Mais je la comprends, tu vois, elle a raison, je lui dois tellement étant donné que c'est elle qui... c'est elle qui m'a ramassé à la petite cuillère après que... Après le décès de mon père, réussit-il à articuler, les mots sortant difficilement de sa bouche.

Il n'en parlait jamais. Sa mère avait toujours refusé d'aborder le sujet avec lui, murée dans son deuil, et Minho s'était retrouvé seul, sans personne à qui déverser toutes les émotions qui s'entrechoquaient en lui. L'arrivée de Seojun avait été un miracle dans sa vie, leur relation lui avait redonné de l'espoir, l'envie de vivre. Jusqu'à ce qu'à son tour, elle devienne un poids plus qu'une source de bonheur pour lui, que la routine les envahisse et rendent leurs interactions mornes et éteintes.

-C'est à cause de ça que je ... Que je suis parti. Mon père, je veux dire.

Jisung le regardait toujours, et Minho avait peur qu'il s'énerve, qu'il lui dise de partir, qu'il regrette son choix de l'avoir laissé venir ici. Il se sentait tellement fragile et vulnérable en face de lui, parce que c'était la seule personne dont l'opinion comptait vraiment pour lui, et il ne savait pas comment il se sentirait s'il le rejetait. Mais Jisung hocha doucement la tête, l'invitant à continuer, et pas pour la première fois, Minho se prit à penser qu'il ne méritait pas de l'avoir dans sa vie. Il prit une longe inspiration, et commença à raconter les évènements de cette nuit tragique, des évènements dont il n'avait pas parlé depuis des années.

-C'était le jour ... La veille du bal de promo. Je devais dormir chez toi, mais mon père m'a appelé le jour même, m'a annoncé qu'il venait à Tokyo et que je pouvais venir avec lui dans une chambre d'hôtel qu'il avait réservé. On ne passait jamais beaucoup de temps ensemble, j'ai accepté. Le soir, il m'a emmené chez des amis à lui. Il a trop bu, et je n'ai pas réfléchi, je l'ai laissé prendre le volant.

Il déglutit péniblement, les souvenirs de cette horrible nuit se rappelant à sa mémoire, et il revit les phares de la voiture en face, le corps de son père plié dans un angle anormal, entendit presque le grincement horrible qui avait précédé le choc et l'avait tiré du sommeil.

-Minho... murmura doucement Jisung. Tu n'es pas obligé d'en parler, si...

-Ça va aller, l'assura le brun, clignant des yeux pour chasser toute trace des larmes qu'il avait peur de voir apparaître. On a eu un accident. Mon père est mort sur le coup, et moi... Je suis resté à l'hôpital pendant presque trois semaines, sans que personne ne sache si j'allais m'en sortir. Je n'avais aucun moyen de te contacter, Jisung, sinon je l'aurais fait, mais j'avais cassé mon téléphone pendant l'accident, et je ne connaissais pas ton numéro par cœur. Et après... je ne sais pas trop. Cette période-là est un peu flou. Quand je suis sorti de l'hôpital, je suis rentré directement chez moi, et le choc de l'accident, de la mort de mon père, de tout ce que ça impliquait, je me suis tout pris en pleine face. Et je me sentais incapable de retourner à Tokyo, pas si peu longtemps après l'accident. J'ai passé des mois enfermé, en dépression, à ne sortir que pour aller courir dehors le matin. Je ne parlais à personne, à aucun d'entre vous, je n'avais plus la force de rien faire. Au fond, je savais que vous attendiez des nouvelles, que j'aurais pu dire un mot, ne serait-ce qu'un seul, mais je repoussais toujours le moment à plus tard, je ne me sentais pas capable d'assumer de vous parler à nouveau, d'expliquer ce qui c'était passé. J'étais en deuil, de mon père, mais aussi de mon avenir, car je savais que sans mon père, j'allais devoir prendre sa succession à l'usine. Et quand j'ai commencé à m'en sortir, peu à peu, j'ai eu honte. Honte de ne pas vous avoir écris. Honte d'avoir disparu sans rien dire. Et je n'ai pas osé retourner vers vous, pas alors que cela faisait aussi longtemps que je vous avais laissé sans nouvelles. Je me suis dit que vous m'aviez sûrement oublié depuis, que vous étiez passé à autre chose. Je me suis résigné à l'idée de passer toute ma vie à gérer l'entreprise de mon père, à abandonner mes études, mes projets avec vous. Je n'avais pas le choix, il fallait que j'aide ma mère à tenir le coup, elle était dévastée après ça... Je n'avais plus de places dans vos vies prometteuses, pleines de plans pour le futur. J'étais condamné à rester chez moi, alors je me suis convaincu que c'était tout ce que je méritais, qu'être avec vous était trop beau pour que je puisse y prétendre après vous avoir laissé tomber pendant un an. Et j'ai continué, en m'efforçant de vous oublier, d'oublier à quel point j'aimais vivre à vos côtés, parce que sinon je savais que je ne pourrais pas supporter de rester chez moi, entre ma mère et la fabrique, et qu'il fallait que je le fasse. Et tout ça jusqu'à la lettre du lycée, pour la réunion. Je.... Je suis tellement désolé.

Il se tut, attendant anxieusement la réponse de Jisung, persuadé qu'il allait le renvoyer d'où il venait. Mais Jisung se contenta de se rapprocher de lui et de lui faire un câlin, et Minho sentit les larmes lui monter aux yeux. Il avait été horrible avec Jisung, il ne méritait pas qu'on soit aussi gentil avec lui. Il serra un peu plus fort le blond dans ses bras, refoulant les larmes. Il trouvait qu'il était un peu trop sensible ces derniers temps.

Quand Jisung se détacha de lui, ce fut pour lui dire, l'air plus grave que jamais :

-Minho, je ne veux pas que tu te sentes mal pour quelque chose qui s'est passé il y a aussi longtemps. Ça n'a été facile pour personne, c'est sûr, mais c'est passé maintenant, et on va tous bien. Je n'imaginais pas... Je n'imaginais pas à quel point c'était horrible pour toi. Je veux dire, je ne saurais même pas comment réagir si je perdais mon père... Je suis désolé pour ce qui t'es arrivé. Mais je suis content que tu aies pris la décision de partir si être chez toi ne te rendait pas heureux. Ta mère et Seojun, si elles tiennent vraiment à toi, te laisseront vivre. Tu leur as déjà donné bien assez de ta vie comme ça, tu ne trouves pas ?

Minho hocha la tête, ne se faisant pas confiance pour parler sans que sa voix ne tremble. Il était vrai que Jisung lui avait dit qu'il serait là quelle que soit sa décision finale. Même s'il était resté chez lui, il ne lui aurait pas tourné le dos. Et c'était cela la différence avec Seojun et sa mère. Elles tenaient à lui, mais comme si elles voulaient le posséder. Il n'était bon pour elles que lorsqu'il obéissait à leurs demandes. Jisung, au contraire, ne demandait jamais rien de lui, il se contentait d'être là et de supporter ses choix, quels qu'ils soient. Il le conseillait, il l'aidait à prendre des décisions, sans l'influencer par rapport à ce qu'il désirait lui. Et Minho était tellement peu habitué à ce qu'on lui laisse le choix que quand il réalisa à quel point Jisung était désintéressé, qu'il tenait à lui plutôt qu'à ce qu'il pouvait lui apporter, il sentit les larmes s'amonceler à nouveau sous ses yeux, avant que Jisung ne les essuie doucement, dans un geste si tendre que Minho frissonna.

-Ne pleure pas, s'il te plaît, murmura-il, un sourire attendri aux lèvres. Je déteste te voir pleurer.

La lumière chaude du plafonnier éclairait les traits de Jisung, mettant en valeur ses joues rondes et ses yeux brillants, ses lèvres en forme de cœur et ses longs cils. Il était magnifique. Il n'avait jamais cessé de l'être. Minho le regardait, s'accrochant au moindre détail de son visage, comme s'il voulait en faire son portrait. Il était bien trop mauvais en dessin pour le réussir, mais ô comme il aurait aimé pouvoir reproduire le visage de Jisung sur un carnet de croquis, figer sa beauté dans un instant comme celui-ci, avec la douceur dans ses pupilles et la tendresse dans son sourire. Il lui faisait beaucoup trop d'effets. Minho avait l'impression que son cœur allait sortir de sa poitrine à tout moment tant il battait fort.

Puis le blond tourna son attention vers la télé, et la pile de DVD qui gisait à côté, empilés les uns sur les autres sans aucune organisation particulière. Le moment était déjà rompu, et il cligna des yeux, comme s'il venait de sortir d'un rêve. Était-il le seul à avoir ressenti ça ?

-Euh... Tu veux regarder un truc ? hasarda Jisung, complètement ignorant des pensées du brun.

-Maintenant ? s'étonna Minho, jetant un œil à son téléphone.

Il était près de deux heures et demi du matin.

-Oh pardon, tu es peut-être fatigué, je n'y avais pas pensé, mais évidemment que tu l'es, je vais te préparer le canapé pour que tu dormes et –

-Jisung, l'interrompit-il. C'est bon. Je ne suis pas fatigué. Je pensais juste que toi, tu l'étais.

Il avait laissé échapper de nombreux bâillements pendant le trajet, et Minho n'était pas dupe. Il savait que Jisung avait beau agir comme un enfant de la nuit rebelle, qui compose des textes profonds à des heures impossibles et se ramène en cours avec des cernes énormes, il s'endormait généralement avant vingt-deux heures.

-Pas du tout, protesta le blond, et il se leva pour farfouiller parmi les DVD, observant chacun d'eux avec attention. On peut regarder un Ghibli, qu'est-ce que tu en penses ?

Minho haussa les sourcils. Ce nom ramenait en lui des souvenirs. Jisung adorait ces films, et ils les avaient tous montré à Minho quand ils avaient commencé à sortir ensemble, pendant de longues soirées pelotonnés sous la couette l'un contre l'autre, se partageant un paquet de popcorn et des mugs de chocolat chaud. Il ne se rappelait pas la moitié d'entre eux, mais il se souvenait qu'il aimait bien les regarder, ils étaient doux comme une couverture dans laquelle on se blottit.

-Ça me va, répondit-il en réajustant sa position dans le canapé, attendant que Jisung le rejoigne.

-Lequel tu veux ? Kiki la petite sorcière ? Le voyage de Chihiro ? Arrietty ? Oh, ça fait tellement longtemps que je n'ai pas regardé celui-là !

-M'en fiche. Choisis. Tu es l'expert, après tout.

-Hmmmm...

Jisung passa un temps fou devant les DVD, les inspectant comme s'ils les voyaient pour la première fois. Il finit par se décider pour Ponyo, et alluma la télé pour préparer. Quelques minutes plus tard, il réintégra le canapé, alors que le générique de début défilait à l'écran, une petite chanson joyeuse dont il murmurait les paroles presqu'inconsciemment, les yeux fixés sur l'écran. Minho, lui, regardait Jisung. Il avait proposé de regarder un film innocemment, mais il devinait que derrière, il souhaitait que Minho se change les idées, et il lui en était reconnaissant. Il poussa un petit soupir, soulagé cette fois, et se cala avec les coussins, plongeant dans le film.

Une heure et demie plus tard, il commençait doucement à sortir de la torpeur qui l'avait envahi au milieu du film et se tourna vers Jisung, prêt à lui demander ce qu'il en avait pensé. Mais le blond s'était endormi, la bouche légèrement entrouverte, sa poitrine se soulevant et s'abaissant à un rythme régulier. Minho sourit à la vue de Jisung. Il avait vraiment une tête de bébé quand il dormait. Il s'apprêtait à se lever pour le ramener dans son lit, quand sa tête glissa doucement le long de l'oreiller pour reposer contre son épaule. Minho ouvrit de grands yeux sous le coup de la surprise. Jisung émit un « hmm » de contentement, visiblement appréciatif de l'oreiller improvisé qu'il venait de se trouver, et se pelotonna encore plus contre Minho. Le brun retint sa respiration de peur de le déranger, puis finit par expirer, en s'efforçant de faire le moins de mouvements possible. Les cheveux de Jisung chatouillaient son cou, de longues mèches blondes dont les racines noires commençaient à repousser. Minho leva la main, pris d'une impulsion subite, et commença à lui caresser la tête, passant ses doigts dans ses cheveux. Jisung soupira, sa respiration moins égale.  Minho stoppa, puis repris de plus belle quand il vit qu'il ne se réveillait pas. Il avait des cheveux doux. Il était adorable. Minho l'aimait tellement fort.

Il se figea à la pensée qui venait de traverser son esprit. Il ne l'avait encore jamais formulé clairement, mais la réalisation venait de le heurter avec la force d'un train. Après réflexion, il se demandait comment il avait fait pour ne pas s'en rendre compte plus tôt. Après tout, ce n'est pas comme s'il était étranger à ce sentiment. Jisung était la seule personne qui l'apaisait, qui le faisait se sentir bien, chez lui, qui tenait à lui sans rien demander en retour.

Il laissa retomber sa main sur ses genoux, et son regard se perdit dans les feuilles et les photos accrochées au mur. Autant de petites parties de Jisung éparpillés, ses amis et sa famille et ses chansons et ses cours et ses chanteurs préférés. Autant d'aspects d'une seule et même personne. Et Minho aimait tous ces aspects.

Il baissa son regard vers le jeune homme endormi, et fut pris d'une telle vague d'affection qu'il crut que son cœur allait éclater. Il avait cru pouvoir oublier Jisung. Il avait cru qu'il réussirait à vivre sans lui. Il n'avait jamais eu aussi tort.

Il avait été amoureux de Jisung. Et maintenant, il lui semblait qu'il venait de retrouver un endroit familier, dangereux mais tellement agréable. Se l'avouer était si évident. Il était encore amoureux de Jisung. N'avait-il jamais cessé de l'être, en cinq ans ?

-Je ne te laisserais plus jamais, murmura-il doucement au blond, qui ne bougea pas. Je te promets.

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