08. Obsession

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Dernier week-end avant la rentrée. J'hésite à envoyer l'enregistrement à Magdalena. À vrai dire, j'ai hésité pendant toute la durée des vacances.
Visiblement, entre Antoine et elle, l'un des deux ment, et je ne vois pas quel intérêt Magdalena aurait à me faire croire à moi que j'ai largué Antoine, c'est complètement illogique.
Jusqu'à preuve du contraire, et à moins d'avoir de grosses pertes de mémoire, je sais encore ce que je fais et ce que je dis, non ? Mais pourquoi Antoine lui aurait menti à elle également ?
Sur l'enregistrement, on entend clairement sa voix, elle est facilement reconnaissable. Même s'il n'y a pas d'images, on sait que c'est lui. Au début, je voulais envoyer le ficher à Mag de manière anonyme, mais je me suis ravisée. Je n'ai aucun intérêt à faire ça après tout, elle croira sans doute que c'est un coup monté contre elle, que je cherche seulement à briser son couple pour tenter de récupérer Antoine. Quoi que je dise ou que je fasse, elle le croira lui, de toute façon.
Et il y a autre chose.
Depuis le début des vacances, sous les suggestions d'Élodie, j'ai arrêté d'aller regarder son blog toutes les quarante-cinq secondes. En grande sœur expérimentée et pleine de bons conseils, elle m'a dit : « ça te fera du bien de te détacher un peu de tout ça, tu empires ta situation en l'espionnant de la sorte. »
Elle a raison, mais pourtant, c'est dur.
Ça fait deux semaines que je n'ai pas consulté son blog, et je me sens comme s'il manquait un élément à mes journées.
Je pensais que ça serait facile, que j'en tirerais des bénéfices, mais j'ai l'impression que c'est pire qu'avant.
À l'instar d'un fumeur qui aurait décidé d'arrêter la clope du jour au lendemain, je ressens une impression de manque. J'aurais dû y aller progressivement, je savais que j'aurais dû y aller progressivement...
Je n'arrête pas de penser à elle, à son visage, ses phrases, à elle avec Antoine, à elle sans Antoine, et même jusque dans mes songes, j'entends le son de sa voix. Elle m'obsède.
Qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça, pourquoi ai-je l'impression qu'elle a cette sorte d'emprise sur moi, pourquoi donc est-ce que je m'intéresse tant à sa vie...? Est-ce pour comparer mon existence à la sienne ? Qu'est-ce que cela peut bien m'apporter, dans le fond ?

Mon ordinateur est allumé devant moi, le lien de son blog inscrit dans la barre de recherches. Il me suffit de faire un geste, d'une seconde, simplement d'appuyer sur la touche entrée, et son site s'affichera devant mes yeux comme ce fut le cas de nombreuses fois avant.
Mais j'ai promis, je me le suis promis à moi-même, et j'ai promis à Élodie aussi... Et puis, si je dois apprendre quelque chose d'important, quelque chose qui la concerne elle ou Antoine, je n'ai qu'à attendre la rentrée, après tout. Les rumeurs vont bon train dans notre lycée, il suffit de s'adresser aux bonnes personnes.
Malgré tout, je ne peux pas m'en empêcher. La lutte intérieure qui m'assiège est trop intense, et quelque chose me pousse à cliquer, à appuyer sur cette fichue touche "entrée".
Après une brève seconde de chargement, la page s'affiche devant mes yeux. Je sais exactement où aller, je fais glisser mon curseur sur l'interface avec une dextérité telle qu'elle me surprend presque moi-même.
Et puis, je remonte dans les archives, je fais glisser la page pour afficher les deux semaines que j'ai manquées, et c'est là que je la repère.
Une phrase, courte et précise, un simple « c'est fini. »
Mon cœur se serre, mon corps entier se braque. Est-ce qu'elle parle d'Antoine et elle, de leur couple ?
Je retiens ma respiration et continue mon enquête.
Un peu plus haut, une autre phrase attire mon attention : « Il m'a quittée. Je n'arrive pas à le croire... »
J'observe la date : c'était il y a quatre jours.
Alors c'est ça. Elle parle bien d'Antoine et elle.
C'est terminé donc, ça y est ? Tout ça pour ça ? Ça valait bien la peine de me quitter pour elle !
Je voudrais exploser d'un rire nerveux et joyeux à la fois, mais je n'y parviens pas. Mon cœur s'accélère, ma salive se bloque dans le fond de ma gorge quand j'essaye de déglutir, et ma bouche devient sèche.
Je devrais me réjouir, je devrais être contente de cette nouvelle, alors pourquoi est-ce que je ne peux pas m'empêcher d'avoir mal ? Pourquoi je me sens si dévastée, si compatissante ?
Peut-être est-ce parce que je sais ce que ça fait, je connais chaque sensation qui imprègnent le corps quand on se fait larguer par Antoine Telleur en personne.
J'ai presque envie de lui dire que je suis désolée...
Ma porte s'ouvre brusquement, me tirant de mes pensées d'une manière fort désagréable. Visiblement, Élodie a oublié comment on frappait aux portes.
Surprise et inquiète de me faire prendre en flagrant délit de "trahison personnelle", je ferme la page web en vitesse et laisse l'écran afficher le bureau.
Élodie arrive jusqu'à moi en sautillant de joie, un grand sourire déformant ses lèvres.
— Eh Al, tu ne devineras jamais ce que..., commence-t-elle.
Puis, elle se stoppe. Elle aperçoit l'ordinateur, son sourire disparaît aussi vite que la façon dont elle entrée dans ma chambre. Elle va fermer la porte et, d'un air sérieux et préoccupé, me demande sur un ton à la fois affirmatif et interrogateur :
— Tu étais en train de regarder son blog, n'est-ce pas ?
J'essaye de rester impassible, mais je suis impressionnée. Comment fait-elle ? Elle a un détecteur ou quoi ?
— Bien sûr que non., je prétends.
Elle hausse un sourcil, sceptique. J'aggrave mon cas :
— Je nettoyais mon bureau.
Je ne prends conscience qu'après que cette excuse était stupide. Bon sang, mais qui fait ça ? Élodie n'est pas dupe, elle hausse un deuxième sourcil et reprend :
— Tu nettoyais ton bureau, hein ?
— Oui., je réponds sans me démonter.
— Aline.. Tu n'as aucune icône sur ton bureau.
— Parce que je viens de le nettoyer !, je prétexte.
— Aline...
Elle me lance un regard accusateur. Pendant de longues secondes, nous restons ainsi à nous fixer dans le blanc des yeux, sans mot dire. Puis, je cède :
— Bon, d'accord, je viens d'aller voir son blog ! Mais j'ai appris quelque chose, figure-toi, ça prouve bien que c'était utile !
Élodie déforme ses lèvres dans une petite grimace, et lâche son fameux "hum".
— Et quelle est donc cette nouvelle ?, questionne-t-elle avec un désintérêt prononcé.
— Ils ont rompu.
Ma grande sœur écarquille les yeux, visiblement surprise. Elle ne devait pas s'attendre à cela.
— Oh., lâche-t-elle. Eh bien, j'imagine que tout va rentrer dans l'ordre, désormais.
Je fronce les sourcils. Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris ce qu'elle voulait dire.
— Comment ça ?, j'interroge.
Élodie prend place au bord de mon lit et se penche vers moi. Elle explique :
— Puisqu'ils ont rompu, cette histoire n'a plus aucun intérêt pour toi. Tu vas pouvoir arrêter de regarder son blog à présent.
Mes yeux se perdent dans le vague. Je ne l'avais pas envisagé de cette façon.
— Aline ?, appelle ma sœur pour me sortir de mes pensées.
— Oui, oui., je fais, confuse. Bien entendu, je vais arrêter de visiter son blog...
Elle fronce les sourcils et tord sa bouche dans une grimace pleine de scepticisme.
— Pourquoi j'ai l'impression que ça ne sera pas le cas alors ? C'est étrange, je ne te sens pas convaincue...
Une fois de plus je suis impressionnée. A-t-elle un sixième sens qui dépasse l'entendement ? Une sorte de pouvoir magique ?
— Mon intuition est très développée, tu sais., ajoute-t-elle comme si elle venait de lire dans mes pensées.
Ça en devient presque effrayant. Je me résigne :
— Non, tu as raison. Je vais forcément continuer à aller jeter un coup d'œil de temps en temps.
— Pour quelle raison ?
Je cherche une excuse en vitesse. Mon cerveau carbure à mille à l'heure, mais la seule phrase qu'il parvient à former et qui franchit le seuil de mes lèvres est :
— Euh, parce que... On ne sait jamais.
— On ne sait jamais ?, répète Élodie, incrédule.
— Ben oui, des fois qu'elle se remette avec lui..., je brode.
Élodie roule des yeux, apparemment agacée par mes prétextes.
— Et la vraie raison ?
J'hésite un instant. Mes yeux se perdent dans le vague, mon cœur s'accélère, et je finis par soupirer et lui avouer :
— Écoute, je déteste cette fille, d'accord ? Je la hais plus que tout. Si je vais voir son blog, c'est uniquement pour connaître ses malheurs et m'en réjouir. Je sais que c'est extrêmement mauvais et immature comme comportement, mais ça me fait du bien.
Après un bref instant de réflexion accompagné d'un silence tout aussi bref, Élodie lance un "hum" et ajoute :
— Tu es sûre de ça ?
Dans les tréfonds de mon esprit, j'entends mon inconscient me dire : « si tu réjouis tant que ça de son malheur, Aline, pourquoi n'es-tu pas contente qu'elle et Antoine se soient séparés ? »
Je ne sais pas comment répondre à cette question. À l'extérieur de mes pensées, je m'entends dire :
— Qu'est-ce que tu insinues ?
Élodie prend un air concentré. Une ride se forme entre ses sourcils, et elle m'explique :
— Tu dis que tu détestes cette fille, mais tu devrais plutôt ne plus t'en soucier à présent. Antoine et elle sont séparés, n'est-ce pas ? Alors tu n'as plus aucune raison de la haïr.
J'essaye de protester, elle me coupe d'un geste de la main et ajoute :
— Fais attention Aline, ce genre de sentiment est particulièrement destructeur. Et puis, d'une certaine manière, on peut dire que la haine est associée à l'amour.
Un sourire étire légèrement ses lèvres. Je m'offusque :
— Tu dis n'importe quoi !
Elle sourit davantage.
— Ah oui ?, fait-elle en se penchant un peu plus vers moi. Et si l'on globalise les choses, Aline ? Quand tu aimes une personne, tu penses constamment à elle, tu veux savoir ce qu'elle fait, où elle est, et avec qui, tu veux savoir ce qu'il se passe dans sa vie, n'est-ce pas ? Eh bien quand tu détestes une personne à un stade aussi fort que la haine, c'est pareil : tu penses tout le temps à elle, et tu veux absolument connaître la façon dont son existence se déroule, même si ce n'est pas pour les mêmes raisons. Donc, d'une certaine manière, la haine et l'amour se rapprochent en un point : le fait d'être obnubilé par l'autre d'une façon ou d'une autre. Réfléchis-y, Al, n'est-ce pas ce que tu ressens pour elle ? N'est-elle pas omniprésente dans tes pensées ?
Je ne réponds rien, je suis incapable de répondre, et les mots d'Élodie résonnent en boucle dans ma tête.
C'est improbable enfin, la haine et l'amour n'ont rien à voir ensemble, je sais très bien pourquoi je m'intéresse à la vie de cette fille, je le sais.
Je la déteste, je la hais, j'ai son visage en horreur. Elle est si exécrable, si affreuse, j'ai presque envie de la tuer...
Je ne peux pas l'aimer.

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