Celui qu'on appelait elle

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Elle était celle trop pleine d'énergie, celle qui lançait la première blague, celle qui partait dans un fou rire. Elle a toujours été là, près de moi, celle qui parlait de sa voix claire et chaleureuse, celle dont on ne faisait pas réellement attention, mais dont on appréciait la compagnie. Elle était toujours là. Elle était là, je l'ai vue, mais je ne l'ai jamais regardé.
Elle ne parlait jamais d'elle, de sa famille. Elle ne se confiait pas, n'abordait pas de sujets polémiques, ne donnait pas son avis. Elle se contentait de rire, rire de rien, rire de tout, et de faire rire avec elle, avec tout cet entrain qu'elle communiquait si bien. Mais cette soirée-là, elle ne riait pas.

Elle était là, devant moi, un verre à la main, dos tourné, à l'écart, les mots bloqués sur le bord des lèvres. Des mots si lourds rêvant de s'enfuir par tous les moyens, à l'image du démon qui la hantait et rongeait son cœur et son corps. Son corps qu'elle cachait si bien.
J'ai posé la main sur son épaule, elle s'est retournée, nos yeux se sont croisés, et enfin, j'ai compris.

Je l'ai vue des dizaines, des centaines de fois. Mais pour la première fois, je l'ai regardé lui. Lui enfermé, pris au piège, étouffé par cette enveloppe mensongère, lui qui hurle à qui le verra enfin, lui qui pleure derrière les rires. Lui qui tous les matins, après un cauchemar quotidien, prie pour s'être réveillé dans un autre corps. Lui qui exècre chaque parcelle de sa peau, de sa chair, de sa vie. Lui que personne ne voit tel qu'il est vraiment, lui qui tremble et se mure un peu plus dans son désespoir à chaque fois qu'on essaie de le forcer à être ce qu'il n'est pas, ce qu'il a essayé d'être depuis sa naissance pour correspondre à ce qu'on veut qu'il soit, mais qu'il est incapable d'être.

Pour la première fois, j'ai discerné cette terrible colère insoupçonnée envers lui-même, envers le hasard de la naissance, envers ce monde qui le refuse. Cette colère qui le consume jour après jour, l'empêche de grandir et d'avancer, cette rage si dure et si justifiée.
Pour la première fois, je l'ai regardé dans ses yeux d'homme, et jamais je ne l'avais trouvé si beau. Il était beau, tellement beau, parce-qu'il était enfin lui, sans mensonge, sans artifice, ce qu'il a toujours été, ce qu'il sera toujours quoi qu'on en dise et quoi qu'on fasse.

Il m'a sourit, le premier véritable sourire de sa part depuis que j'ai rencontré. Pas le masque contraint qu'il portait habituellement. Un sourire vrai sur son vrai visage. Nos mains se sont trouvées, une décharge électrique m'est remontée le long du bras. Une simple étreinte, signifiant bien plus qu'elle ne le semblait, et il était parti.

Il a laissé derrière lui ce souvenir simulacre de ce que les gens pensaient qu'il était, m'abandonnant avec son secret. Il a franchi le pas de la porte, et, plus libre qu'il ne l'avait jamais été, il a disparu pour toujours dans l'obscurité de la nuit.

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