Chapitre 2 | L'artiste.

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-Tu me suis, maintenant ?

Il demanda ça sur un ton ironique, mais regardant quand même Stefano d'un air interrogatif. Parce que oui, c'était lui qui était apparu de nulle part, derrière Matthew, le faisant un peu sursauter, il n'allait pas le cacher. Il ne se demanda même pas ce qu'il faisait là, il aurait même dû s'y attendre. Bien sûr que l'artiste qu'il était passait sa vie à arpenter la galerie d'art, jugeant à son tour de manière plus ou moins constructive les autres oeuvres de ses "confrères". Alors c'était sûr qu'avec la nouvelle exposition, il serait là.

Celui qui l'aurait moins été par contre, c'était évidemment Matthew. Mais seul lui savait pourquoi il était là, et il n'aurait pas pu lui dire que c'est parce qu'il le suspectait d'être un tueur en série et qu'il enquêtait donc à sa manière. Un peu particulière, certes, mais c'était la seule qu'il avait trouvée. Il n'était pas policier, aux dernières nouvelles.

-Tu as deviné ? lui répondit alors Stefano sur le même ton ironique.

Ils n'auraient pas pu s'empêcher de blaguer dans n'importe quelle situation, évidemment. Être sérieux demandait visiblement trop d'efforts.

-Non, plus sérieusement, j'avais juste envie de voir ce que ça donnait.

Il devait trouver une excuse, alors celle-là semblait bien. Simple, rapide, peut-être efficace. De toute façon Stefano n'aurait sûrement pas pu deviner ses réelles intentions. Il l'espérait.

-Sans même m'inviter ? sembla-t-il complètement choqué, sans exagération bien sûr.

Comment Matthew avait-il pu aller voir de l'art sans lui, la personne qui s'y connaissait le "mieux" dans son entourage ? Son ego en prenait peut-être un coup. Il n'aurait pas pu l'entendre dire qu'en effet, son art était bien meilleur que toutes ces autres choses, ces "artistes" qui ne comprenaient rien à la vie. Et encore une fois, il pensait ça parce qu'il s'y connaissait, bien sûr. Dans sa tête, il n'y avait que Stefano Valentini pour tout connaître de la vie et de l'art. Sans aucune prétention, évidemment.

Dans tous les cas, il aimait juste entendre des compliments sur ce qu'il faisait. Il en avait besoin pour continuer, après tout.

Alors cette fois, c'est Matthew qui haussa les sourcils, l'air étonné par ses propos.

-Tu disparais pendant des jours, comment je suis censé te parler ?

Là par contre, il n'avait pas tort. C'est vrai qu'il passait de plus en plus de temps seul, pour... son art, bien sûr. Il ne devait être dérangé par personne, il devait se couper du monde pour se concentrer sur ses pensées, ses idées. Et les mettre au point. Le plus méticuleusement possible. Sinon, comment dire que ce serait très fâcheux.. Pour bien des raisons. Mais seul lui les connaissait. Alors là, il ne savait même pas quoi répondre.

Il n'y avait vraiment que face à Matthew qu'il cherchait autant ses mots.

-Je prends tout de même ça pour une trahison, dit-il alors en rigolant.

Et donc, dans ces cas-là, le changement de sujet était sa seule arme, sa meilleure arme, évidemment. Comme à chaque fois. Ce qui ne sembla même pas déranger son interlocuteur. Il était habitué, à force.

-Mince, j'ai changé de camp.

Répondant toujours avec ce même air blagueur, haussant les épaules au passage. Stefano allait perdre son seul fan, c'était si terrible, comment allait-il faire ? Il allait se retrouver seul en voyant ses concurrents recevoir plus d'attention que lui, quelle triste vie. Mais comme tout le monde s'en doutait, ça n'arriverait jamais, en fait. Sur ce point là, il pouvait être tranquille.

-Et sinon, tu as un avis purement objectif sur son travail ?

Objectif bien sûr, car en tant que personne bienveillante, Stefano n'irait pas automatiquement critiquer négativement tout ce qui ne venait pas de lui. Il savait faire des critiques constructives, comme n'importe quelle personne assez mature, sans rappeler que lui, il faisait ci ou ça en comparaison..

-Je trouve que sa façon de représenter les choses est assez simpliste. S'il pense que c'est avec ça qu'il révolutionnera l'art...

Et évidemment, Matthew s'y attendait. Il se retint même de rire, pour ne pas le faire réagir, mais sa réaction était tellement prévisible. Il n'y avait que "le grand Stefano" pour tout faire mieux que tout le monde. Franchement ironique de sa part de dire ça, lui qui essaie de montrer sa propre vision du monde assez.. morbide. Exagérément violente, pour le coup, essayant peut-être de véhiculer un message que les gens ne comprenaient pas. En fait, il n'avait vraiment pas l'air de s'être remis de sa propre exposition. Ça devait décidément l'avoir énervé, alors maintenant, il passait sa haine de tous ces "ignorants" sur des artistes qui pouvaient être prometteurs, qui avaient un réel talent.

Mais dans le cas de Stefano, sa vision des choses à lui était aveuglée par des pensées complètement subjectives et pour le coup, légèrement délirantes. Lui-même ne semblait pas savoir ce qu'il disait, il était juste vraiment persuadé d'être un artiste. Mais encore une fois, seul lui savait tout ce qui se cachait derrière ça. Il n'était pas très réaliste et fair-play dans ses propos, et peut-être qu'il le savait, mais il n'avouerait jamais que d'autres personnes puissent être plus talentueuses que lui. Il n'y avait que lui qui savait ce que c'était, que lui qui pouvait tout comprendre. Il avait dû perdre un oeil pour se rendre compte des choses, il était le mieux placé pour en parler, c'était sûr.

Alors en effet, peut-être que tous ses problèmes psychologiques - que personne ne connaissait vraiment - étaient les remparts qui l'empêchaient de penser de façon logique. Et c'était bien ça le principal problème de cet artiste que personne ne semblait comprendre.

Et du côté de Matthew, lui il s'en fichait complètement de tout ça. L'art, en général, cette exposition, ce que les gens pourraient bien en dire. Si ça ne concernait pas Stefano, il s'en fichait. S'il fallait parler de ses oeuvres à lui par contre, il aurait été partant pour expliquer son ressenti en les voyant. En fait, lui aussi ne semblait pas avoir un avis purement objectif sur le sujet. Son affection, voire admiration envers Stefano avait atteint des niveaux ou si ce n'était pas lui, il ne voulait rien savoir.

Et pourquoi est-ce qu'il agissait autant comme son plus grand fan, d'ailleurs ? Oh, il avait évidemment ses idées. Ce qui le ramenait au même sujet de discussion qu'il se repassait en boucle depuis très longtemps, concernant ce qu'il ressentait réellement pour lui. Finalement, tout se rejoignait d'une façon assez marrante mais catastrophique. Et y penser davantage aller encore plus le fatiguer alors, il n'essaya pas de continuer la discussion qu'il avait avec lui-même.

Maintenant, il écoutait seulement Stefano dire son avis, toujours objectif bien sûr, sur les oeuvres autour d'eux. Et même s'il n'écoutait pas tellement les mots en question, il voulait juste l'entendre parler. Sans plus. Même si décidément, ça avait l'air d'être un avis assez intense sur l'art en général, comme à chaque fois qu'il divaguait sans s'en rendre compte. Et comme à chaque fois, Matthew l'écoutait sans l'interrompre. Il le laissait juste s'exprimer.

Puis il se rappela soudainement pourquoi il était venu ici, à la base. Il avait complètement oublié pendant un instant. Et en regardant son ami, il se demanda vraiment pendant une fraction de seconde comment est-ce qu'il pouvait douter de lui. Pourquoi ce serait lui ? D'accord, il avait vécu des choses traumatisantes, et Matthew pensait vraiment que ça l'avait traumatisé, il avait des problèmes d'ego avec un narcissisme visiblement très élevé, il semblait avoir de nombreux problèmes notamment avec les autres en général, mais ça n'aurait pas pu expliquer pourquoi il tuait des gens. Ou bien il lui manquait une pièce très importante du puzzle pour tout comprendre.

Parce que Stefano ne semblait pas aller si mal que ça. Ou bien il le cachait très bien. Mais surtout en présence de Matthew, il avait l'air de quelqu'un de normal, mis à part tous les problèmes évoqués juste avant. Parfois lui-même s'étonnait de la façon dont il agissait quand il était en sa présence. Il avait l'air d'être comme tout le monde, de gérer ses relations sociales, il n'y avait absolument aucun signe qui disait qu'il s'amusait à assassiner des gens pour.. son art. Ce n'était qu'une grosse coïncidence.

Alors, quand il y pensait, il se demandait juste pourquoi ce serait lui, après tout ? C'était ridicule, il avait beau être un artiste grandiloquent avec une haute estime de soi, Stefano n'était pas un tueur. Pourquoi il tuerait ? Non, vraiment, ça ne tenait pas.

Donc, pourquoi est-ce qu'il avait eu ce sentiment étrange un jour ? Pourquoi il enquêtait sur lui, pourquoi il doutait de lui, dans une minuscule partie de sa tête ? Pourquoi il était là à parler avec lui alors qu'il était justement venu ici pour trouver encore plus de "preuves" ? Il se sentait un peu coupable, d'un côté. Stefano aurait été vexé de voir qu'on ne lui faisait même pas confiance. Surtout venant de la personne qui le comprenait mieux, qui était censée être là pour lui.

Il ne voulait pas le blesser, quand même. Si Matthew était paranoïaque, c'était entièrement de sa faute à lui, c'était juste parce qu'il était un idiot quand il le pouvait, peut-être parce qu'il était vraiment fatigué, en ce moment. Bref, il y avait plein de raisons pour expliquer pourquoi il agissait comme ça depuis un moment.

Mais aucune n'était juste, à part celle qui disait qu'il avait bel et bien raison.

-Tu vas de nouveau t'enfermer je ne sais où pour continuer tes travaux, du coup ?

Sauf que c'était celle qu'il mettait le plus de côté, qu'il rejetait.

-Je t'assure qu'ils sont bientôt finis, lui répondit Stefano dans un sourire.

Et ils marchaient peu à peu vers la sortie. Entre deux pensées de Matthew, ils avaient continué leur discussion, mais maintenant elle touchait à sa fin. Alors il n'y avait plus rien à faire ici. Seulement à parler des autres oeuvres, plus intéressantes aux yeux des deux. Celles que Stefano s'apprêtaient à réaliser. Celles que Matthew redoutait un peu aussi, mais comme ça, s'il ne se passait rien de louche, ça lui permettrait de confirmer que sa théorie n'avait aucun sens. Qu'il n'y avait pas de quoi s'inquiéter.

Pourquoi ce serait Stefano..? Il secoua intérieurement la tête à cette pensée. Puis il se reconcentra réellement sur lui.

-Et comme d'habitude, tu seras pressé de me les montrer, n'est-ce pas ?

Le ton qu'il prenait voulait dire que c'était une évidence, que c'était bien évidemment ce qui allait se passer. Comme d'habitude.

-Il n'y a que toi qui ne les critique pas, alors...

Et là aussi, ça sonnait comme une évidence. Bien sûr que pour Stefano, depuis le temps qu'il avait compris que Matthew était le seul à vraiment apprécier ce qu'il faisait, il allait automatiquement lui demander son avis. Il avait confiance en son jugement, dans ce cas-là.

-Tu vois, je reste encore ton fan numéro un.

Histoire de préciser, Stefano pouvait peut-être douter. Et Matthew aussi, d'ailleurs, sur bien des aspects. Mais pour l'instant, il ne pouvait pas douter sur le fait que malgré tout, il trouvait son art assez impressionnant. Il continuerait à les apprécier, à essayer d'analyser chaque détail, à faire ses grands commentaires dessus - toujour positifs, bien sûr - et à féliciter l'artiste pour oser faire ça. D'un côté, quand il y pensait d'un point de vue plus "extérieur", il se disait qu'il en faisait peut-être un peu trop, qu'il exagérait.

Son avis ne pouvait pas être neutre, bien sûr, puisqu'il était la personne la plus proche de Stefano, celui qui le connaissait le mieux. Et ses propres sentiments altéraient aussi sûrement son jugement. Il le voyait comme la personne la plus incroyable de cette ville, quand il ne faisait plus attention à ce qu'il pensait. Et ça, il essayait tant bien que mal de se persuader que ce n'était quand même pas parce qu'il l'appréciait plus que ça. Ce n'était pas ça, non, il espérait.

Et quand il le regardait, il se disait de toute façon que ce ne serait jamais réciproque.

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