Rédemption:

Après une longue bataille financière et traumatisante pour Dominic et Christopher, ils ont enfin pu ramener le corps de leur meilleur ami. Ils en faisaient des cauchemars la nuit et Kelly ne put que leur conseiller d'appeler Olivier, le neurologue que Matthew allait voir en France.

Olivier ne put s'empêcher de se dire que Matthew était au courant de bien des choses sur les évènements alors qu'ils se rencontraient pour la première fois et fit tout pour ses deux nouveaux patients, les aidant du mieux qu'il pouvait.

Le plus dur avait été l'enterrement du chanteur seulement quelques jours après leur arrivée en Angleterre, là où tout avait commencé pour le groupe, le lieu de la création de Muse et dans un sens sa destruction : Teignmouth, un petit hameau au cœur du Devon et où la vie active était presque absente. Quelle stupeur pour les habitants de ce petit village de province de voir arriver la presse ainsi que les deux membres de Muse encore en vie !

Christopher s'était niché dans les bras de Kelly et Dominic tenait les papiers du discours fermement dans ses mains.

Teignmouth, Devon, England. 4 janvier 2010 ; 10 heures 01 minutes. 

Point de vue de Matthew.

Je pensais qu'après la mort, il n'y avait rien. Le vide et le néant mais me voilà bien trompé. A la fin du tunnel, je me retrouve autour de mes amis, ainsi penché entre deux mondes, je ne puis leur parler. Comment peut-on savoir comment est la mort avant d'avoir fait sa connaissance ? Ce n'est pas vraiment comme ça que je voyais ma fin. Mais, hélas, on ne change pas le passé et encore moins quand on est un fantôme.

Voilà le point où j'en suis, un simple esprit invisible et ne pouvant interagir avec les êtres chers de mon cœur, alors qu'ils pleurent tous dans cette demeure qui est celle de Dieu que j'ai tant de fois profaner dans mes paroles. Mais pour tous, c'était le seul moyen légal de m'autoriser ma dépose dans l'endroit où je rêvais de faire mes vieux jours, je l'ai entendu de la bouche de Dominic.

Ce qui me désole c'est de les voir ainsi, je peux rien y faire, bloqué comme je le suis entre deux mondes, je sais que j'ai déjà parlé de ce balancement incertain entre le monde vivant et le monde des morts mais oui, ça me terrifie.

Ne le faites pas.

Je n'ose pas imaginer la tête de mes parents, à vrai dire je n'ose même pas regarder dans leur direction, peur de la douleur et de la souffrance d'avoir perdu un de leur fils, une partie de la lumière de leur monde a tout jamais envolé...

Le risque pour vous deux, c'est que vous êtes pas assez entraînés.

Je regarde Christopher silencieux, contre Kelly. Je sais aussi qu'il discute avec Rephus, sa part d'âme toujours contrôlée par ce qu'il a enduré avec Smitherzald. Je sais aussi qu'ils se parlent et que les deux se croient fautifs de ce qu'il m'est arrivé. Mais sans eux, je n'aurais pas pu mettre un terme à ce fiasco avant que Smitherzald n'atteigne le pouvoir qu'il désirait tant. Smitherzald voulait enlever les émotions qui l'avait détruit, ces émotions qui l'avaient rendu si cruel envers le monde. Contrôler les individus qui l'avaient modelé ainsi afin qu'on ne puisse plus jamais lui faire du mal même s'il s'est éloigné graduellement de cette voie de vengeance.

S'il devait m'arriver quelque chose. Promets-moi que tu t'occuperas d'eux.

C'est promis. Même si je te connais plus que tes amis, Matt.

Je tourne mon attention vers Dominic, qui ne dit pas un mot, assis à sa place comme s'il ne se rendait pas compte de ce qu'il se passait, encore sous le choc de ce qu'il était advenu lors de cet affrontement final. Il était muet comme une carpe, regardant au loin vers ma tombe avec des yeux brillant de larmes, tenant dans ses mains des papiers.

Curieux comme je suis, je flottais vers ses papiers sans les toucher et vis qu'il y avait de l'encre absolument partout, parfois c'était mon écriture et d'autre fois celle de Dominic. Que prépare-t-il ? J'eus un sursaut lorsqu'un hurlement résonna dans la salle avant que des sanglots rejoignirent ce cri du cœur. En me tournant vers la source, toujours presque collé à mon amant, je vis ma mère qui se cachait contre mon frère, j'avais complètement oublié le prêtre faisant mon éloge aux yeux et aux oreilles de tous. La culpabilité revint rapidement serrer mes entrailles fantomatiques.

J'ai enchaîné conneries sur conneries, en aucun cas je ne suis en aucun cas un héros... J'ai juste eu beaucoup de chance d'avoir eu Christopher comme mentor pour les armes à feu et le fait que je n'ai pas foncé dans le tas comme d'habitude, j'ai aussi eu de la chance qu'il ne nous prenne pas comme des menaces physiquement sinon nous n'aurions jamais pu sauver autant de gens.

Le prêtre finit de faire son discours et on ferme mon cercueil à tout jamais après que tout le monde m'a dit ce qu'il voulait me dire à emmener dans ma dernière demeure mais honnêtement je n'écoutais pas trop jusqu'à ce que ma mère, mon père, mon frère, Christopher, Dominic et Olivier soient devant ma tombe, tous les uns après les autres.

« T'es qu'un petit con mais qu'est-ce que je t'aime, Matt » Lança ma mère, en pleurs devant moi.

Je sentais tout son amour dans un sourire si doux.

« Tu m'as rendu fier toutes ces années à faire ce que tu aimais faire, mon fiston » fit mon père, ému et des yeux brillant de larmes.

Si je pleurais pas avec ma mère, je ne me rendis pas compte avant de passer mes mains sur mon visage mais des larmes avaient mouillé mes joues de leur passage humide.

« T'es qu'un connard, Matthew. Tu m'avais promis de pas déconner quand on a commencé. Mais tu nous manque déjà à Kells, Rephus et moi. Et les enfants surtout. »

A moitié dans son discours, Chris éclata en sanglots, prenant la main de Kelly qui étonnamment n'avait rien dit mais dans son regard, je peux voir toute sa compassion, toute notre amitié... L'étau en mon âme se raffermit.

Ce fut le tour d'Olivier, qui était celui qui me connaissait le mieux avec nos séances.

« Je sais que tu veux pas l'admettre, mais tu es un héros, Matt. J'ai aussi appris ce que c'était d'être dans ta tête. Pas de tout repos. Je te fais une promesse, j'aiderai toujours autant mon prochain comme j'ai pu t'aider »

Ravi d'avoir ravivé ta flamme pour ton travail, mon cher Olivier, tu as été un pilier sur tous les points. Je sens mes joues me faire mal. J'ai toujours aimé discuter avec toi des possibilités dans notre vie.

Mon amant se met devant ma tombe à son tour, retenant à peine ses larmes.

« Je sais pas ce qui t'a poussé à accepter ce duel contre lui mais ça fait trop mal, Matt. Je sais pas comment je vais faire... tu as été mon meilleur ami pendant de longues années mais j'ai pu profiter de ta présence pendant de longues années... je... je voudrais tellement être avec toi toute ma v-» Il explose en sanglots, se tenant la poitrine et je sais ce qu'il ressent en ce moment. J'ai cette douleur déchirante sourde qui se réveille.

« Je suis désolé, Dom !» Je m'écrie en sanglots, ne sachant qu'à peine ce que je baragouine.

Hélas, la douleur est telle que je m'en fous en ce moment, c'est tellement difficile de le savoir dans cet état de souffrance et que j'en suis la cause... A cause de ma mort prématuré.

Ça me fait encore bizarre d'être aussi proche d'eux et de parler comme si de rien n'était de la mort.

Il s'éloigne de mon cercueil et les personnes responsables de ce dernier ferment le socle. C'est à ce moment qu'ils se mettent tous à pleurer ensemble et à se prendre les uns contre les autres.

Ça me brise le cœur.

Il n'y a que Kelly qui garde un peu de contenance mais c'est à peine si elle ne voulait pas faire de même. Si même Kells s'y met, Chris va avoir tellement plus de mal plus tard.

Mon père prend la parole et invite tout le monde à suivre la voiture de funérailles jusqu'au cimetière où ce seront les proches de la famille qui vont prendre tour à tour la parole sur leur part dans ma vie. Je me rappelle les fameux papiers de Dom et fais le lien entre « l'évènement » et ces derniers.

Peu à peu, la paroisse se vide et tous montent en voiture, alors je les suis, flottant et restant proche de Dominic, il relit ces feuilles et semble se préparer mentalement. Un discours. Il va faire un discours avec nos écrits, je sens mes lèvres s'étirer dans un grand sourire. Courage mon Dom tu vas y arriver.

...

Juste devant ma tombe, il y a toutes les connaissances que je connais, personnellement ou par le biais du groupe et de notre maison de disque. Ils sont là pendant ma mise à terre et la plupart s'essuient les yeux, les larmes sûrement les empêchent de voir correctement ce qu'il se passe... ou la fameuse étiquette qui dit qu'il faut garder ces émotions pour ça, mais c'est un amas de conneries ce truc.

Puis vient le moment des discours et sincèrement je n'ai pas trop écouté, le seul que je voulais entendre c'est celui de mon amant. Il se lève lorsque son tour arrive et se dirige d'un pas presque hésitant vers l'estrade, toujours les brouillons de nos vies dans ses mains.

« Je vous remercie d'abord d'être venu si nombreux pour lui. Je suis sûr que vous avez touché son égo extraordinaire. » Plusieurs personnes rient et je ricane, le regardant lui, toute mon attention sur mon amant.

« Je ne sais pas trop si vous comprenez ce que je suis en train de faire mais il aurait aimé qu'on le fasse ensemble, on l'a écrit lors des premiers évènements avec Aymeric Smitherzald, voici donc le discours que Matthew aurait aimé vous raconter... »

Il prend une grande inspiration et je remarque qu'il n'y a plus aucun bruit...

« Nous sommes dans un monde où un individu est différent d'un autre et c'est normal, on ne vient pas tous du même endroit. Pourtant des gens souhaitent prendre le monopole du monde en enlevant peu à peu chaque valeur fondamentale d'un être vivant. On naît libre dans un vaste terrain pour nous développer et grandir, prendre de la maturité, comprendre ses erreurs, là où on ne comprend pas certaines de nos réactions. Certaines personnes vous diront que c'est complètement normal, on ne peut pas se connaître entièrement, ce serait trop facile.

Il est vrai que parfois on voudrait un bouton on et off sur nos émotions tellement on ne les comprend pas mais apparemment c'est humain de penser ainsi.

La liberté, et on en parle tellement dans nos textes que je sais pas comment vous faites pour pas comprendre ça, mais c'est si beau de pouvoir exprimer tout ce qui nous passe par la tête. » Un temps d'arrêt, avec un petit rire.

« Et ça Matthew savait le faire. Il disait exactement tout ce qu'il pensait et tout ce qu'il lui passait comme idées. C'est aussi ça Matthew, un mec chiant et perfectionniste mais vous pourrez toujours vous lâcher avec lui. »

Je croise mes bras en boudant. J'suis pas chiant. C'est pas vrai.... Bon peut-être un tout petit peu mais vraiment qu'un tout petit peu.

« Il était génial, toujours à l'écoute et d'après notre ami Olivier, parler faisait toujours du bien avec lui. Et c'était un peu comme goûter à la liberté sous forme humaine »

Dom, tu divagues là. C'est pas du tout ça.... Oh c'est vrai qu'il en profite pour parler de moi.

« La liberté, quand on l'atteint dans son intégrité, ça nous faisait rager parce qu'on a failli perdre Chris à cause d'une atteinte à sa liberté individuelle par Aymeric Smitherzald. Ce tyran qui a bien failli nous prendre tous au piège dans ses plans. On a trouvé des alliés pour lutter parce que personne ne voulait s'en charger mais nous l'avons fait, alors on nous a suivi. On s'est entraînés jusqu'à ne plus tomber et tout. On n'avait pas le droit de faire de faux pas avant d'arriver à notre but. Et malgré le sacrifice qu'on a eu de Matthew on est parvenu à nos fins. Et même si c'est dur, on a pu éviter une catastrophe... »

Il fond en larmes et je peux rien faire pour le réconforter.

« Merci Matthew. Merci beaucoup pour tout ce que tu as fait pour nous. Merci de nous avoir lancés là-dedans même si c'est dur sans toi maintenant. Je t'aime tellement »

En acceptant ma mort, ça voulait dire accepter de rester ainsi pour un bout de temps. Et ça, je l'avais pas trop compris au départ.

Puis, j'ai pu observer Dominic et Christopher continuer leur vie, se voir presque tous les jours et rester sur Devon. J'ai aussi regardé Olivier et son travail était très impressionnant avec les enfants. Ils se savaient écoutés et je n'étais pas peu fier.

Durant mes voyages, j'ai croisé un grand homme blond aux yeux bleus du nom de Ben, il m'a appris tout ce qu'il savait sur notre état et on ne peut pas dire que ça ne soit pas intéressant, ça l'était même fortement. On ne peut interagir qu'avec des personnes capables de ressentir notre monde.

Et j'ai rencontré une de ces personnes-là. Il avait le même prénom que moi et il était si jeune. Il m'a demandé plein de choses et j'ai accepté de bon cœur de lui expliquer. Il était doux et accroché au bras de son ami comme quelqu'un se cramponnant à une bouée de sauvetage.

Alors que je rentrais vers Dominic, il tenait un des plus petits Wolstenholme et lui murmura comme dans un secret, le début de cette aventure :

« Tout débuta lors de l'année 2009, trois hommes allaient être embarqués dans une histoire des plus incroyables... ».

END

DiamondCydonian